jeudi 18 décembre 2014

Michel Sapin nie être un Fraggle Rock, l'aile gauche du PS sceptique.



Le ministre des finances Michel Sapin

En dépit de nombreuses allégations, le ministre des Finances Michel Sapin continue à nier tout lien avec les Fraggle Rock et dénonce une entreprise de déstabilisation. A mots couverts, il invoque l'action de la mafia albanaise dans cette ténébreuse affaire.

L'aile gauche du parti socialiste demeure sceptique. L'un de ses représentants, qui a préféré garder l'anonymat, affirme avoir de nombreux indices témoignant que Sapin est un Fraggle. 

Des indices ? On se demande bien lesquels....


Comment l'Europe devient un nouvel empire allemand....






« Non à l’Europe allemande ! ». Cette courte phrase fit un temps office de formule magique Outre-Rhin, de mantra que psalmodièrent tour à tour, comme pour éloigner le mauvais œil, Wolfgang Schäuble, l’ancien président de la République fédérale Richard von Weizsäcker ou le sociologue Ulrich Beck dans un ouvrage court et vigoureux

Pour éloigner le mauvais œil ou… pour tenter de nier cette évidence : l’Union européenne est en train de se muer quasi-empire allemand. Un empire soft, évidemment. Ou un « empire nonimpérial » selon la formule un jour employée par l’ancienPrésident de la commission européenne José Manuel Barroso. Car les arts marchands ont remplacé l’art martial et le rang hiérarchique ne se conquiert plus par les armes. Il est directement indexé sur les succès – ou les infortunes – économiques.

Or les succès sont germaniques. En dépit des faiblesses qu’on commence à lui reconnaître et qui ne peuvent manquer d’inquiéter (1) (extrême dépendance d’une économie exportatrice aux variations de la demande mondiale, insuffisance des investissements publics qui augurent mal de l’avenir), l’économie allemande, avec l’aide d’un euro taillé tout spécialement selon ses besoins, est devenue si supérieure qu’elle exerce sur ses voisins une authentique fascination. Dès lors, le modèle austéritaire allemand s’impose partout. Et l’on ne jure, pour tenter de faire repartir l’économie européenne, que sur une sorte de « malthusianisme comptable » qui consiste à ambitionner la baisse continue d’à peu près tout (le taux d’endettement, les déficits, les salaires…). Or, si la recette est adaptée à une nation de vieux épargnants soucieuse de consolider ses excédents de maintenir une inflation faible, elle s’avère mortifère pour la plupart des « partenaires » européens de l’Allemagne.

Malgré tout, lesdits « partenaires » persistent dans une rigueur mimétique qui en dit long sur l’ascendant psychologique exercé par Berlin et sur la servilité du reste de l’Europe. Par ailleurs, non contents de singer benoitement le grand voisin, nombre de pays européens consentent également à payer l’impôt habituellement prélevé par les empires sur leurs populations pacifiées. Ils le payent en argent : il n’y a qu’à voir les excédents commerciaux engrangés par Berlin sur ses voisins pour s’en convaincre. Et ils le payent en hommes. Car l’Allemagne, qui s’était déjà spécialisé dans l’usage à son profit de la main d’œuvre à bas coûts des pays de son hinterland d’Europe de l’Est, importe également, désormais, des travailleurs d’Europe du Sud fuyant la crise, qui aident à pallier le déficit démographique germanique.

Il faut dire qu’en bâtissant cet entrelacs d’institutions techniques que constitue l’Union européenne, on a offert à l’Allemagne un redoutable accélérateur de puissance. Au gré des différentes étapes que constituèrent la réunification, la création de la monnaie unique puis la crise de l’eurozone, la République fédérale a lentement étendu son pouvoir sur l’Europe institutionnelle, au cours d’un processus où l’on peine à faire la part des choix volontaires et du simple enchaînement déterministe des causes et des effets.

Quoiqu’il en soit, au terme de ce que Tony Corn, un rien provocateur, appelle un « Anschluss aimable et doux »  les intérêts de l’Union européenne et ceux de l’Allemagne se trouvent désormais superposés. Ce pays domine d’une tête le Parlement européen dont le Président, son directeur de cabinet et le secrétaire général sont allemands. Tout comme le président de la Banque européenne d’investissement (BEI) et le directeur général du Mécanisme européen sont allemands (MES). Ailleurs, ce sont des représentants de la zone d’influence immédiate de l’Allemagne qui ont été imposés par Angela Merkel : le polonais germanophone Donald Tusk à la présidence du Conseil et le luxembourgeois Jean-Claude Juncker à la tête de la Commission européenne. La France, elle, a dû se contorsionner pour réussir à fourguer Pierre Moscovici à la Commission. Encore est-il flanqué de deux supérieurs hiérarchiques respectivement originaires d’Europe de l’Est (Vladis Dombrovskis, Lettonie) ou du Nord (Jyrki Katainen, Finlande)….

Economie de restrictions tous azimuts qui semble partie pour engendrer une longue et sévère période déflationniste, crise politique profonde liée à l’enserrement des souverainetés nationales dans un écheveau institutionnel sur lequel l’Etat le plus puissant a réalisé une OPA, l’Union européenne s’est muée en véritable trou noir économique et démocratique. Il ne lui reste plus, pour parfaire le tableau, qu’à devenir un trou noir géopolitique.

Ce funeste défi, elle semble en passe de relever en se brouillant avec de larges parties du monde. C’est déjà le cas à l’Est : la gestion erratique des relations avec la Russie contribue déjà à convaincre ce pays, déjà bien installé dans des cénacles tels que l’Organisation de coopération de Shanghai ou l’Apec, que sa vocation est asiatique plus qu’Européenne. Et cela se fera d’autant plus facilement que le dynamisme de l’Asie est autrement plus engageant que la progressive fossilisation de l’Europe. Mais ce pourrait finir par être également le cas à l’Ouest. Car les Etats-Unis, qui ont renoué avec la croissance, ne peuvent manquer de pâtir, à terme de la stagnation européenne. Les Américains ont d’ailleurs été les premiers à s’alarmer, dès 2013, des excédents commerciaux allemands. Ils n’ont de cesse, depuis, de demander à la République fédérale de relancer sa demande intérieure. En vain.

Les responsables politiques français, eux, se montrent sans cesse plus empressés d’avaliser cet état des choses, enfermant l’Hexagone dans le rôle humiliant de « poltron décisif » (Lordon) ou de de « poule mouillée de l’Allemagne » (Steve Ohana). C’est en Allemagne – et non à Bruxelles – qu’on se rend pour défendre les choix économiques français, pour obtenir des indulgences sur le projet de budget français bref, pour faire allégeance. Le très europhile Jean Quatremer s’en désole en ces termes : "en ignorant Bruxelles, Paris reconnait tout simplement que la réalité du pouvoir est désormais à Berlin. Une étrange capitulation qui n'est pas sans risque pou l'avenir de l'Europe". 

Pour l'avenir de l'Europe et... pour celui de la France. Car le jugement de l'Histoire, on l'a parfois vu, peut être assez dur pour les capitulations. 

(1) On pense notamment au livre de l’économiste Marcel Fratzscher, Die Deutschland illusion (Allemagne, l’illusion), paru il y a quelques semaines. 


vendredi 5 décembre 2014

Entretien sur le site Philitt





Voici un entretien réalisé avec le site PHILITT et dont je reproduis ici le début.

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PHILITT : Les instances européennes ont plusieurs fois dénigré la démocratie. Qu’est-ce que cela nous dit de la nature du pouvoir supra-national ?
Coralie Delaume : Au lieu de dire que les instances européennes « dénigrent » la démocratie, sans doute est-il plus juste d’exprimer les choses ainsi : la manière dont est organisée l’Europe institutionnelle est contraire aux principes de la démocratie. Pour plusieurs raisons. La première relève d’une logique enfantine : si « démocratie » signifie « pouvoir du peuple », alors on ne peut avoir une démocratie que si on a un peuple. Ce qui n’est pas du tout le cas en Europe aujourd’hui. Il n’y a pas un peuple européen mais 28…. D’ailleurs, lesdits peuples ont bien conscience du caractère étrange de notre Union européenne. Ils ne se sentent absolument pas représentés par le Parlement de Strasbourg par exemple. Les taux d’abstention relevés lors du dernier scrutin européen en témoignent, plus encore que le bon score des partis dits « eurosceptiques ». Il faut dire que l’Assemblée de Strasbourg est un curieux ersatz. Outre le fait qu’elle ne représente personne, elle ne dispose même pas, à l’inverse des Parlements véritables, de l’initiative des lois européennes.
Il y a ensuite les autres institutions. La Banque centrale européenne, par exemple, est une banque de type fédéral, mais dont la particularité est de n’être adossée à aucun État fédéral. Elle échappe donc à tout contrôle démocratique puisqu’elle n’est pas aux ordres du politique. Son président Mario Draghi conduit de manière autonome la politique monétaire de la zone euro, en fonction d’objectifs qu’il se fixe à lui-même. Pour tout ce qui concerne la monnaie, ce ne sont donc pas des élus qui décident, c’est un banquier…
De la Commission européenne, il est dit dans les traités qu’elle représente « l’intérêt général européen ». Quel est-il ? Si l’on appartient au club des joies simples et que l’on se réfère aux canons de la philosophie rousseauiste, on aura bien du mal à répondre. Car l’intérêt général, en principe, c’est celui d’un peuple. Et c’est la délibération démocratique qui permet de le formuler, cette délibération ayant généralement lieu dans une Assemblée. Non dans une structure technique comme la Commission qui demeure, qu’on le veuille ou non, une grosse administration.  Quand il n’y a ni peuple ni délibération, l’intérêt général, on peut le chercher longtemps !
Quant à la Cour de justice de l’Union, elle s’occupe d’émettre du droit jurisprudentiel, qu’elle invente tranquillement dans son coin, sans que les citoyens la dérangent beaucoup. Puis les États membres doivent appliquer ce droit. Or, quelle est la légitimité de ce droit, qui n’émane pas d’un législateur (d’une Assemblée représentative) mais, là encore, d’une administration supranationale ?
Il y a donc un problème démocratique évident au sein de l’Union européenne. Un très gros problème, même, dont je m’étonne qu’il n’affole pas davantage les responsables politiques nationaux !



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