mardi 29 mars 2016

« La Turquie a peu à gagner à contrôler ses frontières », entretien avec Aurélien Denizeau





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Auteur de l’article « La Turquie entre stabilité et fragilité » paru dans le numéro de printemps 2016 de Politique étrangère (1/2016),  Aurélien Denizeau, doctorant en histoire et sciences politiques à l’INALCO. On peut lire ici une analyse qu'il fait de la situation intérieure turque.  
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L'accord signé entre l'Union européenne le 18 mars prévoit d'appliquer le principe du « un pour un ». La Turquie devra réadmettre sur son territoire tout migrant arrivé en Grèce en situation irrégulière. En échange, l'Union européenne s'engage à accueillir un réfugié syrien, en provenance de Turquie, et à le réinstaller dans un des 28 pays membres. Indépendamment du jugement « moral » que l'on peut avoir sur cet accord et des problèmes soulevés par les juristes, cela vous semble-t-il praticable ? La Turquie jouera-t-elle le jeu ?

Une chose est sûre à propos de cet accord : il est très fragile. En théorie absolue, cet espèce de compromis, censé protéger les frontières européennes tout en déchargeant un peu la Turquie de ses réfugiés pourrait fonctionner. Mais sa mise en application pratique me semble beaucoup plus difficile. Il est probable qu’on observera, à court terme, une baisse des arrivées vers l’Union Européenne, car la Turquie renforcera le contrôle de ses frontières. Elle en est parfaitement capable quand elle s’en donne les moyens. 

Le problème est que la Turquie n’a pas forcément beaucoup à gagner à maintenir ce contrôle des frontières. À long terme, il serait plus rentable pour elle de laisser partir les migrants, quitte à réadmettre ensuite ceux qui se sont seront fait attraper – en échange de l’accueil par les Européens d’un réfugié. Elle jouera peut-être le jeu, mais en tout cas, ses intérêts ne l’y poussent pas forcément.

Il faut ajouter que l’Union Européenne aura aussi du mal à remplir sa part du contrat : il est probable que d’interminables négociations auront lieu au sujet de la répartition des réfugiés venant de Turquie. Les Turcs le savent et c’est pourquoi ils sont tout aussi méfiants que les Européens sur l’efficacité de cet accord.  

Critiqué en Europe, l'accord l'est aussi en Turquie. Pourquoi ?

La plupart des Turcs – y compris parmi les partisans du président Erdoğan – considèrent aujourd’hui que l’accueil de plus de 2 millions de réfugiés syriens par leur pays a été une grave erreur, avec des conséquences lourdes pour le pays. En termes économiques, tout d’abord, la présence de cette population syrienne coûte cher à l’État. Elle peut profiter à certains patrons peu scrupuleux, mais les travailleurs turcs craignent qu’elle favorise le dumping social. Les conséquences sécuritaires de la présence des réfugiés ne sont pas négligeables non plus. Victimes d’incivilités quotidiennes, les populations du sud du pays et des grandes villes développent un sentiment d’hostilité envers les Syriens, associés à la délinquance, à la mendicité ou bien encore à un conservatisme religieux qui choque les Turcs les plus progressistes. N’oublions pas, par ailleurs, qu’au moins deux des attentats qui ont frappé la Turquie ces derniers mois impliquaient des terroristes entrés sur le territoire comme réfugiés...

Beaucoup de Turcs, aujourd’hui, estiment que leur pays n’a pas à retenir les migrants qui veulent partir vers l’Europe. Pour eux, l’argent que verse l’Union Européenne – et dont ils n’ont pas encore vu la couleur – est une compensation très insuffisante. Ils acceptent mal d’être payés (même 10 milliards) pour garder sur leur sol des gens dont les Européens ne veulent pas : c’est assez comparable au ressentiment des Français vis-à-vis du Royaume-Uni au sujet de la « jungle de Calais ». 

Certains observateurs considèrent que ces négociation de l'UE avec Erdoğan sur la question migratoire favorisent la dérive autoritaire du régime turc, puisque l'UE, qui ne pense plus qu'à obtenir la coopération d'Ankara, a renoncé à émettre quelque critique que ce soit lorsque les libertés (celle de la presse notamment) sont bafouées dans le pays. Qu'en pensez-vous ?

C’est une critique qui a été partagée par une partie de l’opposition turque, en effet. Il est certain que l’accord a forcé une partie des dirigeants européens à modérer leurs exigences envers Ankara. Toutefois, je crois qu’il faut nuancer cette approche.

D’une part, les partisans du gouvernement turc accusent au contraire l’Union Européenne de conditionner l’application de l’accord au respect de la liberté de la presse et des droits de l’homme. Pour eux, c’est une nouvelle occasion pour Bruxelles de s’ingérer dans leurs affaires. 

D’autre part, le triomphe électoral récent de l’AKP, le parti au pouvoir, a considérablement consolidé sa position. Théoriquement, le parti d’Erdoğan contrôle tous les leviers du pouvoir jusqu’à 2019, si ce n’est plus. Il est donc bien moins sensible aux critiques éventuellement exprimées par l’Union Européenne. Du reste, ajoutons que ces critiques sont parfois mal perçues par une frange de l’opposition turque, encore très souverainiste, et qui admet mal que des puissances étrangères s’immiscent dans les débats intérieurs turcs.

L'accord prévoit l'ouverture des négociations sur le chapitre 33, consacré à la politique budgétaire, dans le cadre de la candidature turque à l’adhésion à l’UE. Ankara demandait au départ l'ouverture de cinq chapitres. Pourquoi cette demande ? Existe-t-il un véritable projet turc d'adhésion à l'Union européenne à long terme ?

Il faut bien voir que pour l’AKP, le projet européen a toujours été avant tout utilitaire. Dans un premier temps, il a permis au parti de se maintenir au pouvoir, en reprenant ce projet qui était alors assez consensuel et en évitant ainsi une confrontation avec l’establishment militaire et judiciaire. Dans un deuxième temps, il a été utilisé par l’AKP pour ôter aux militaires tous leurs relais d’influence – sous prétexte d’alignement sur les normes démocratiques exigées par Bruxelles. 

Le regard turc sur l’Union Européenne a changé ces 15 dernières années. Le pays est devenu une puissance émergente, sa croissance est encore bonne, il a développé une diplomatie multidirectionnelle (malgré les ratés qu’elle rencontre depuis 2011). Parallèlement, les Turcs sont devenus de plus en plus eurosceptiques. La crise qui a frappé l’UE, et plus spécialement leur vieux rival grec, renforce bien sûr ce sentiment. 

Le gouvernement turc en a bien conscience et l’entrée dans l’UE n’est plus une priorité pour lui. L’adhésion, à long terme, n’est plus qu’une option. En revanche, il continue de demander l’ouverture de nouveaux chapitres de négociations car il estime que celles-ci peuvent avoir des conséquences positives (en termes de réformes économiques notamment) pour le pays. Du reste, l’idée est aussi de mettre les Européens au pied du mur, pour ne pas avoir à porter la responsabilité d’un échec des négociations. 

Concernant la levée de l'obligation de détenir un visa pour les citoyens turcs se rendant en Europe, avancée à juin 2016 à titre de contrepartie, le politiste Christophe Bouillaud explique dans un post de blog qu'elle doit être considérée à l'aune de la mise en place d’un pouvoir dictatorial en Turquie. « Quelle meilleure façon de se débarrasser de tous ces jeunes et moins jeunes empêcheurs de sultaner en rond que de leur permettre de partir tous vers cette belle Union européenne dont ils partagent les valeurs libérales et occidentales ? », s'interroge-t-il. Est-ce de cela qu'il s'agit, ou voyez-vous d'autre explications à cette exigence turque ?

Il est très difficile de répondre avec certitude à cette question : il est possible que les dirigeants turcs aient eu cette idée derrière la tête, mais rien ne l’indique de manière tangible. Et puis, je ne suis pas certain qu’ils aient intérêt à une telle politique. S’il est bien un domaine dans lequel l’AKP a connu de grandes réussites, c’est dans le développement économique du pays. Le gouvernement turc ne peut pas se permettre une « fuite des cerveaux » telle qu’a connu l’Iran, par exemple (et ce même si les « cerveaux » en question ont des velléités d’opposition).

Plus simplement, je pense qu’il s’agit ici de répondre à une réelle attente des Turcs : comme dans tout pays émergent, une classe moyenne se constitue, qui a soif de voyages et de tourisme. Après avoir développé le marché du tourisme intérieur, cette classe moyenne est de plus en plus attirée par les pays européens. Or, les démarches d’obtention de visas sont encore très difficiles pour les Turcs, qui souhaiteraient les voir supprimées – d’autant que beaucoup d’Européens, notamment les Français, peuvent aller en Turquie sans visa, ce qui crée un sentiment d’injustice. 



samedi 26 mars 2016

Revue de presse de L'arène nue du 21 au 27 mars







Quelques articles qu'on pourra lire / vidéos que l'on pourra écouter pour faire le tour de l'actualité européenne de la semaine. 
Les passages les plus alléchants sont mis en exergue. C'est pour faire saliver : miam, miam, miam.

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1 / Attentats de Bruxelles : la faillite de l'Union européenne ? Pierre Vermeren, Figarovox, 25 mars 2016. 


"On ne peut qu'être étonné par l'incroyable naïveté et impréparation des dirigeants européens. Il est vrai que la petite bourgeoisie libérale qui dirige l'Europe a des valeurs et une vision du monde aux antipodes de celles des gens qu'elle combat. Quand l'Europe était dirigée par des humanistes, des croyants, des officiers, des soldats ayant côtoyé la mort, des révolutionnaires, des chefs de guerre, des combattants de la liberté, des dissidents ou des écrivains, souvent pétris d'Histoire et habités par son caractère tragique, sans oublier la conscience de leur finitude, la guerre était une affaire sérieuse et les relations internationales un champ de bataille. Les juristes, les fonctionnaires et les technocrates qui nous dirigent, professionnels de la politique et du droit administratif et qui n'ont fréquenté que les capitales internationales et leurs dirigeants dans de grands hôtels, qui ne lisent pas et n'ont jamais fait la guerre sont-ils aptes à combattre l’État islamique, et discuter avec l'Arabie Saoudite, Erdogan, Bachar El-Assad ?".   

= => C'est ouf de dingue, non ? La suite ! 

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2 / An attack on European legitimacy, Politico.eu, 23 mars 2016.

" The referendum in which British voters will decide to leave or stay in Europe takes place in three months’ time. The French and German ruling parties fare poorly at every regional election, before major national ones take place next year. Europe has been a source of discontent, frustration, anger sometimes. Sitting governments already had trouble managing those fears. What if Europe, on top of the above, also becomes a source of fear? What if its different security services appear — rightly or wrongly, this is not what matters here — as hapless and unable to coordinate with each other ? ". 

= => C'est ça, c'est ça, encore la faute à l'Europe ! La suite. 


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3 / Brexit : règlements de comptes chez les tories, Le Monde, 21 mars 2016.


"La démission surprise, vendredi 18 mars au soir, du ministre du travail, Iain Duncan Smith, ancien leader du parti (2001-2003) et figure de proue des pro-« Brexit », exacerbe, au pire moment, les tensions que tentait d’apaiser le premier ministre, David Cameron (…). M. Duncan Smith, qui se veut l’architecte et le théoricien d’une réforme globale des aides sociales, dit avoir démissionné pour protester contre une coupe de 1,3 milliard de livres (1,65 milliard d’euros) dans le budget consacré aux allocations servies aux handicapés. Non seulement, il met en cause cet aspect de la politique d’austérité, mais il la rapproche des cadeaux fiscaux accordés, dans le même budget, aux contribuables aisés, ainsi que de la protection dont bénéficient les revenus des retraités, clientèle électorale classique des « tories »".

= => La suite c'est par là.

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4 / What the anti-Brexit camp feared most: a terrorist attack, Politico.eu, 23 mars 2016


"The Remain camp could try to use the Brussels attacks — once a respectful period has passed — to explain why Britain’s security is enhanced by being in the EU. They could point out that the U.K. isn’t actually in Schengen; that it benefits from international anti-terrorist cooperation; and there are huge distractions, complications and uncertainties involved in unpicking the existing deals".
= => So what


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5 / Deux vidéos sur le thème de la création monétaire par les Banques centrales - Patrick Artus



** Pourquoi la prochaine crise financière sera pire 
=> CLICK

** L'engrenage infernal du Quantitative easing
 => CLACK



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6 / La démocratie en Turquie, victime collatérale des négociations avec l'UE, The conversation, 15 mars 2016

"Dans ce contexte inquiétant et flagrant de recul de la démocratie en Turquie, le silence relatif de l’Union européenne est difficilement compréhensible. Une négociation immorale a lieu en ce moment sur la gestion des flux de réfugiés, réduisant les êtres humains à de banales statistiques. Tout à sa volonté de gérer sur le court terme un problème qui a pourtant des causes sociopolitiques profondes, dont l’Europe est en partie responsable sur le plan historique, mais aussi du fait de son incapacité à apporter des solutions pendant des mois à l’afflux exponentiel des migrants à ses portes, l’UE préfère fermer les yeux face aux violations répétées des droits de l’Homme, à l’affaiblissement de la démocratie et à l’instauration du culte de la personnalité en Turquie.À dire vrai, les dirigeants turcs doivent bien s’amuser de cette paralysie des pays européens qui, depuis quarante ans, mettent sur la table la question des droits de l’Homme pour mieux refuser l’adhésion de la Turquie, mais semblent soudainement l’oublier dès qu’il s’agit de maintenir éloignés de l’Europe des migrants et de leur trouver un « entrepôt » de stockage".

= => Par ailleurs, sur la question de la crise migratoire, une note intéressante de l'OCDE à consulter ici. 

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7 / Déchéance de l'Union européenne, blog de Christophe Bouillaud, 21 mars 2016. 

" De même, les dirigeants européens pour prix payé à la Turquie de gardien de nos frontières (en dehors de 3, puis 6 milliards d’euros promis) sont prêts à rouvrir les négociations d’adhésion de ce pays sur un « chapitre », un seul il est vrai alors que les Turcs en voulaient cinq, chapitre peu décisif en plus. Cette réouverture parait cependant d’autant plus risible que, s’il existe un motif  à la crise des réfugiés, c’est bien l’angoisse montante dans l’opinion publique européenne à l’égard des musulmans. Tous ces damnés de la terre qui se pressent aux portes de l’Union ont en effet un défaut en dehors même de leur détresse : ils sont musulmans pour la plupart, et c’est pour cela que le refus de leur arrivée est aussi marquée chez certains Européens – dont un chef de gouvernement comme V. Orban ou R. Fico. Quelle bonne idée du coup de rouvrir les négociations d’adhésion avec un pays de 80 millions d’âmes, dont il semble bien aux dernières nouvelles que la plupart d’entre elles soient promises au paradis (ou à l’enfer?) d’Allah. Laisser ouverte la promesse d’adhésion à l’Union européenne à un pays  comme la Turquie est de fait une hypocrisie qui n’honore personne. Cela n’aura jamais lieu" . 

= = > Pour découvrir cet excellent blog c'est là

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8 / Cash Investigation sur les travailleurs détachés (émission de télévision, France2). 


" Avec la directive "détachement des travailleurs", l’Europe a inventé la délocalisation près de chez soi. Un travailleur détaché, c’est un Européen qui vient exercer son métier en France. Les conditions ? Le patron doit lui payer un salaire français et prévoir de quoi le nourrir et le loger. L’avantage ? Les cotisations sociales sont payées dans le pays d’origine. En France, c’est 38% en moyenne de cotisations patronales, alors qu’en Roumanie, c’est 27%, au Portugal 23%, et en Pologne tout juste 18%... Ce "dumping social" est une aubaine totalement légale pour les employeurs. Aujourd’hui, on compte officiellement 230 000 travailleurs détachés en France, 30 fois plus qu’il y a quinze ans. Et certains patrons n’hésitent pas à frauder ce système déjà avantageux : ils imposent des salaires au rabais et des horaires de forçat à cette main-d’œuvre docile, qui n’est parfois même pas déclarée. La perte sèche de cotisations pour le système de protection sociale est estimée à 400 millions d’euros. "Cash Investigation" dévoile les méthodes des entreprises pour casser le prix du travail ".

= => Voir le replay



vendredi 18 mars 2016

La revue de presse de L'arène nue - du 12 au 19 mars 2016





Quelques articles qu'on pourra lire / vidéos que l'on pourra écouter pour faire le tour de l'actualité européenne de la semaine. 
Les passages les plus alléchants sont mis en exergue. C'est pour faire saliver : miam, miam, miam. 

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1/ Le mauvais procès instruit contre le code du travail - Alain Supiot, Alter-écoPlus. 


" Le droit du travail est dénoncé dans tous les pays européens comme le seul obstacle à la réalisation du droit au travail. A l’image du président Mao guidant le Grand Bond en avant, la classe dirigeante pense être l’agent historique d’un monde nouveau, dont l’avènement inéluctable exige de la population le sacrifice de toutes les sécurités acquises. Cette fuite en avant est éperdue chez les gouvernants des pays de la zone euro. S’étant privés de tous les autres instruments de politique publique susceptibles de peser sur l’activité économique, ils s’agrippent au seul levier qui leur reste : celui de la déréglementation du droit du travail. Agrippement d’autant plus frénétique qu’ils sont désormais placés sous la menace des sanctions prévues par les traités, mais aussi et surtout de la perte de confiance des marchés financiers. La Commission et la Banque centrale européenne les pressent de procéder aux « nécessaires réformes structurelles », nom de code de la « réduction du coût du travail » et de la « lutte contre les rigidités du marché du travail »."

= = > Pour lire la suite, c'est ici

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2/ Loi travail : pourquoi cette réforme ? France culture, 15 mars 2016. 

"Quand un pays ne respecte pas les critères de Maastricht, notamment un déficit inférieur à 3% du PIB, il peut avoir à payer une amende. La France est dans ce cas depuis 2009. On appelle ça : "procédure pour déficit excessif". En 2012, 15 pays étaient comme nous, en 2016, nous ne sommes plus que cinq avec le Portugal, l'Italie, la Bulgarie, et la Croatie. (...). Le pacte de responsabilité et la loi Macron étaient des réponses à des recommandations faites précédemment [par la Commission européenne]. C'est ce qui nous a permis d'obtenir deux fois des délais. Restait, toujours pendante, la réforme du marché du travail. Or en mai dernier, le Conseil européen, c'est à dire les chefs d'Etat européens (ce n'est pas la Commission qui décide), a recommandé une nouvelle fois à la France de mener cette réforme structurelle".

= = > Pour écouter l'émission, c'est au bout de ce click


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3/ De Gaulle / Monnet, le duel du siècle -  L'observatoire de l'Europe, article probablement un peu daté mais utile rappelle historique. 


"Il fut le plus constant des anti-gaullistes en même temps que le plus farouche adversaire de l’indépendance nationale. Mieux : c’est parce qu’il ne croyait plus aux nations et faisait de leur extinction un gage de progrès, qu’il s’opposa avec acharnement à l’homme du 18 juin, pour qui la souveraineté des Etats était une condition absolue et non négociable de la démocratie. A l’heure où les petits-fils politiques de Jean Monnet semblent victorieux - au point d’avoir converti à leur eschatologie fédéraliste ceux-là même dont la raison d’être commandait, encore et toujours, de garder à la France ses mains libres - il n’est pas inutile de rappeler ce que fut le duel engagé, dès 1943, entre Monnet et De Gaulle autour de la grande querelle de la Nation. Car s’il est du droit de chacun de changer de camp, il n’est de celui de personne de faire mentir l’Histoire au point de présenter la construction européenne d’aujourd’hui comme la fille de celle voulue par le général de Gaulle."

= = > Pour ne rien rater de cette fresque magistrale, c'est là. 
= = > Et pour ceux qui ne craignent rien ni personne, la biographie de Jean Monnet d'Eric Roussel est une référence. Mille pages d'ennui chimiquement pur. Une expérience à faire au moins une fois dans sa vie.  

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4/ Percée de la droite radicale : l'Europe bientôt ingouvernable ? Fabien Escalona, Slate, 14/03/2016

" Si ces succès se confirment, l’Allemagne pourrait donc abriter à l’avenir une importante force de droite radicale, poursuivant en quelque sorte sa «normalisation» en Europe du Nord et du Centre. Depuis les années 1970, de nombreux pays sont devenus des terres d’accueil de cette famille, selon des voies spécifiques à chaque histoire politique: montée en puissance de groupes d’extrême-droite auparavant marginaux (comme en France ou en Suède), création de nouveaux partis (comme aux Pays-Bas ou au Royaume-Uni), mutation d’un parti libéral/anti-fiscalité (comme en Autriche ou en Norvège).Le pouvoir de nuisance de cette force politique pourrait être d’autant plus fort que le mode de scrutin à la proportionnelle lui assurerait une forte représentation parlementaire. Dans deux länder sur trois (le Bade-Wurtemberg et la Saxe-Anhalt), aucune formule «classique» de gouvernement n’est en mesure de réunir une majorité absolue des sièges.  Certains se demandent d’ailleurs s’il ne s’agit pas d’une répétition de ce qui se produira lors des prochaines élections générales en 2017. "

= => Vous êtes à deux pas du bonheur de lire la suite ! 
= => Et sinon, un autre papier sur les élections allemandes de la semaine dernière, celui de la taulière

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5/ Le discours anti-TTIP domine la campagne américaine, Euractiv, 11 mars 2016 

"C’est dans l’industrie manufacturière américaine que le libre-échange est accusé d’avoir causé le plus de dégâts. Depuis 1994, le nombre de salariés du secteur, souvent des emplois peu qualifiés, a fondu de près de 30%. « Il y a beaucoup de gens qui n’ont pas profité de la mondialisation et qui montrent dans cette élection à quel point ils sont en colère », poursuit M. Alden. L’opacité des négociations commerciales contribue également à alimenter la méfiance. « L’époque où (…) on sortait avec un accord et que les gens disaient ok, ça me va » est révolue. Les gens veulent être impliqués, ils veulent de la transparence », a admis mercredi la commissaire européenne au Commerce Cecilia Malmström, de passage à Washington.Si ce changement de cap se confirmait, les Européens, déjà confrontés au scepticisme de leur population, et les États signataires du TPP auront en principe fort à faire avec le prochain pensionnaire de la Maison Blanche".

= = > Et hop ! 
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6/ La nuit ou Angela Merkel a perdu l'Europe, Le Monde, 16 mars 2016
(NB : ils exagèrent un peu, Le Monde. Comme tous les gens qui découvrent la lune tard, ils en font trop).

"Les discussions se terminent vers 3 h 30 du matin. Lundi 7 mars, la surprise est totale en Europe. Diplomates, chefs d’Etat – à commencer par François Hollande – et fonctionnaires du Conseil et de la Commission se réveillent avec cette proposition totalement inattendue de renvoi des Syriens en Turquie, s’éloignant considérablement du plan sur lequel ils travaillent depuis des jours. Dimanche, les ambassadeurs avaient même l’impression d’être proches d’un accord. Ankara était supposé s’engager à reprendre tous les migrants économiques parvenus en Grèce. Les projets de conclusions commençaient à circuler, pendant que Mme Merkel et M. Davutoglu étaient en train de les réécrire. Pour faire bonne figure, l’entourage de Donald Tusk qualifie la proposition germano-turc de « très ambitieuse ». En réalité, le président du Conseil européen est humilié (...). Les institutions européennes, Angela Merkel les a court-circuitées depuis plusieurs mois en traitant directement avec Ankara." 

= = > Pour découvrir la germanophobie du Monde dans toute son ampleur, c'est ici


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7/ L'Europe ou la fin de la démocratie : l'exemple grec, Olivier Delorme, Les carrefours de la pensée 2016, université du Maine.


Ecouter la vidéo ici => Click
** Les autres vidéos sont également intéressantes, notamment celle de la juriste Anne-Marie Le Pourhiet sur la post-démocratie, et celle du philosophe Henri Pena-Ruiz sur la démocratie et la souveraineté populaire.
**  Et ici : une longue étude de l'OCDE sur la pauvreté et les inégalités en Grèce.


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8/ La BCE prête à sortir sa "monnaie hélicoptère", Romaric Godin, La Tribune, 18 mars 2016

"La dernière difficulté est celle de la justification « politique » de cette création monétaire. En contournant les banques, la BCE contournerait également les gouvernements élus. Elle ferait en réalité un plan de relance sans l'accord des Etats. La banque centrale indépendante serait-elle alors toujours dans son rôle ? N'est-ce pas aux représentants des citoyens de déterminer quelles dépenses relèvent ou non de l'intérêt général ? N'est-ce pas au Conseil européen ou au parlement de construire un plan pour l'ensemble de l'Europe ?"

= => Pour en savoir plus sur ce folklore monétariste, appuyez sur le mulot

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9/ En Slovaquie, la gauche va gouverner avec un parti d'extrême-droite, Le Monde, 18 mars 2016.


Entre 2006 et 2010, Robert Fico avait brisé un tabou en s’associant déjà avec la droite extrême. Mais à l’époque, son audace lui avait valu une humiliante exclusion du Parti socialiste européen. La Slovaquie présente désormais la particularité d’avoir deux partis d’extrême droite au Parlement.

= => Pour jouir d'une description plus détaillée de cette délicieuse particularité,



jeudi 17 mars 2016

Pour aider - concrètement - la Grèce





Ceux qui s’intéressent à l'Europe en général et à la Grèce en particulier connaissent forcément le blogueur grec francophone Panagiotis Grigoriou. Il tient en effet de longue date un blog Greek crisisqui permet de suivre de très près l'actualité grecque, un peu comme si on y était. Il vit pour une part des dons de ses lecteurs, car à Athènes, nous le savons, le travail manque. 

Ethnologue et historien, Panagiotis Grigoriou est également l'auteur d'un livre, La Grèce fantôme, paru en 2013 chez Fayard. Mais de ça non plus, on ne vit pas. 

En 2015, Panagiotis et sa compagne Chryssoula Boukouvala, navigatrice, ont initié «Greece Terra Incognita», un concept de voyage sur mesure, responsable et solidaire dans la Grèce d’aujourd’hui. Ils proposent notamment des périples en voilier, qui permettent de découvrir la Grèce telle qu'elle est vraiment devenue. Car Panagiotis est doté, entre autre, d'un solide franc-parler. A ses touristes, c'est sûr, il ne dissimulera rien de l'état du pays. Alors, pour ceux qui seraient tentés par une visite du pays sans œillères, et avec des accompagnateurs francophones, il y a la possibilité de se rendre ici : greece-terra-incognita.com

Mais il y a la question du financement. Lancer une PME, c'est une aventure, la lancer dans la Grèce de 2016, c'est une aventure au carré, voire au cube. Or la réussite de cette entreprise est très probablement la dernière chance, pour Panagiotis et son amie, de pouvoir demeurer en Grèce. Si ça ne fonctionne pas, comme beaucoup de leurs compatriotes.... ils devront se résoudre à partir. C'est pourquoi ils lancent aujourd'hui une opération de crowdfunding, qui doit permettre à "Greece  Terra Incognita" d'aborder dans de bonnes conditions la saison touristique 2016. 

Et donc, pour participer, et bien, c'est ici  (onglet "don" à gauche de l'écran, dans le bandeau en bleu plus foncé ) : http://neotope.fr/

[ Et si vous ne pouvez pas aider financièrement, vous pouvez toujours partager ! ]



Extrême droite : la fin de l'exception allemande





Certains disaient l'Allemagne immunisée pour toujours. Son histoire le lui avait appris: l'extrême-droite, c'est dangereux. Conscientisés, responsables et vigilants, les Allemands demeureraient à jamais hermétiques à toute tentation «populiste». D'autant, il faut bien le dire, que le «modèle allemand» surpasse de loin tous les autres. Notamment le modèle français, qui allie incurie économique, légèreté budgétaire et tendance funeste à «faire le jeu» du Front national. «Vive l'Allemagne!» piaffait en 2013 Alain Minc. Il expliquait, dans un essai éponyme, que notre voisin germain était désormais «le pays le plus démocratique et le plus sain d'Europe». C'était visionnaire. La preuve, c'était encore vrai en 2014, et encore un peu en 2015. Et début 2016, qu'en est-il?

Début 2016, dans l'Allemagne de «l'après Cologne» et après les scrutins régionaux qui se sont tenus dimanche dans trois Länder (Bade-Wurtemberg, Rhénanie-Palatinat, Saxe-Anhalt), on peut désormais constater que l'exception allemande n'en est plus une. D'une part, la très large domination des deux grands partis européistes (CDU et SPD) qui constituent l'actuelle coalition au pouvoir à Berlin, est entamée, tout comme ont pu être battus en brèche le bipartisme français (avec la montée du Front national), l'espagnol (avec l'entrée en scène des partis alternatifs Ciudadanos et Podemos), et quelques autres.

D'autre part, le pays a bel et bien, désormais, son parti de «droite radicale», le parti AfD (Alternative pour l'Allemagne). Car c'est lui le grand vainqueur des élections de ce week-end, cependant que les formations de la Große Koalition, le parti socialiste SPD d'une part, la CDU d'Angela Merkel d'autre part, ont subi de cuisants revers. Contrairement à ce qu'elle espérait, la CDU a échoué à conquérir la Rhénanie-Palatinat et à reconquérir l'un de ses bastions historiques, le Bade-Wurtemberg, déjà perdu en 2011. Le SPD quant à lui, a conquis un Land (Rhénanie-Palatinat) mais fait des scores dérisoires dans les deux autres (respectivement 13% et 10%).

L'AfD, elle, fait des scores à deux chiffres partout: respectivement 12%, 15% et jusqu'à 24% en Saxe-Anhalt. C'est une prouesse pour un parti vieux d'à peine trois ans - il a été fondé en février 2013. Ça l'est d'autant plus que ce parti était encore miné, il y a peu, par des dissensions internes entre deux tendances rivales, une aile «libérale» en pointe sur les questions économiques et plaidant pour la sortie de l'euro, et une aile plus «conservatrice», essentiellement anti-immigration. Aujourd'hui, il semble que la seconde l'ait clairement emporté, avec le remplacement, à la tête du parti, de l'économiste Bernd Lucke par Frauke Petry. Celle-ci avait fait du bruit dans le Landerneau au mois de janvier en suggérant que, pour lutter contre l'afflux de migrants à la frontière germano-autrichienne, les policiers allemands pourraient éventuellement.... tirer sur les réfugiés.

Plein d'espoir, certains commentateurs avaient alors émis l'hypothèse que Petry ne se relèverait pas d'une telle bourde. Et que le parti en pâtirait par ricochet. La dirigeante de l'AfD est d'ailleurs présentée parfois comme un boulet au pied de sa formation en raison de la volatilité de ses convictions. Dans un long article sur l'AfD paru dans le Spiegel Online, elle est décrite comme particulièrement instable: «Petry est une habituée des revirements politiques. En tant que jeune femme d'affaires, elle était en faveur des quotas de femmes, elle est maintenant opposée à l'idée. Chimiste de formation, elle a pu fonder sa propre entreprise grâce aux subventions de l'État, même si elle dit à présent que l'État doit se tenir à distance du monde des affaires. Mère de quatre enfants, Petry a d'abord cherché à faire de la défense de la famille la base de sa carrière politique. Elle affirmait que les mères allemandes devaient avoir beaucoup d'enfants. Mais depuis qu'elle a quitté son mari pour son camarade de parti Marcus Pretzell , la politique familiale est devenu un sujet tabou pour elle».

Les sautes d'humeur idéologiques de la leader et ses dérapages verbaux peuvent-ils suffire à détourner les électeurs d'Alternative pour l'Allemagne? Le triple scrutin de dimanche témoigne qu'il n'en est rien. Mais celui du dimanche 6 mars permettait déjà de s'en douter. Lors d'élections communales dans l'État régional de Hesse, en effet, le parti était devenu la troisième force politique du Land - le second, même, dans certaines communes - obtenant 13% au total et 10% à Francfort.
A Francfort... la ville où siège la Banque centrale européenne. Peut-être n'y a-t-il pas, dans ces succès de la droite radicale allemande, que la question migratoire et le rejet du parti pris par Angela Merkel - qui a d'ailleurs changé d'avis depuis comme en témoigne l'accord UE-Turquie du 7 mars dont elle est l'une des principales instigatrices - d'ouvrir sans limite les portes de l'Allemagne aux réfugiés provenant de pays en guerre. Il est possible que la question économique ait également joué un rôle. La question de la politique conduite par la BCE notamment.

On sait l'opinion allemande très attachée à la stabilité monétaire et très hostile à l'usage de la planche à billets. Or la semaine dernière, la BCE a frappé un grand coup pour tenter, une fois de plus, de faire repartir une économie européenne atone. Elle a abaissé simultanément ses trois taux directeurs, faisant même descendre le principal d'entre eux à zéro, et annoncé qu'elle augmenterait en avril le montant de son Quantitative easing. L'affaire a provoqué un tollé dans la presse allemande. Le Handelsblatt a fait figurer sur sa Une une image représentant Mario Draghi en train d'allumer un cigare avec un billet de 100 € en flammes. D'autres ont renchéri en parlant d'un «choc» et d'une «dépossession des épargnants».

Bref, de quoi mettre l'électeur allemand attaché à son épargne dans un état de stress maximal. Car comme l'explique ici l'économiste Alexandre Mirlicourtois «l'Allemagne, pays vieillissant vit aujourd'hui les vicissitudes d'un créancier dans un environnement de rendements en berne et de prix d'actifs de plus en plus instables. Le pays, qui n'a de cesse de provisionner pour ses retraites, voit sa rente de plus en plus menacée». Et sa croissance fléchir avec la panne du commerce mondial qui nuit à ses exportations.

Évidemment, les choses sont pires à l'Est. On est en train de s'apercevoir, au fur et à mesure qu'historiens et économistes recommencent à s'intéresser au sujet, que la réunification allemande, présentée comme un coup de maître d'Helmut Kohl et un processus indolore voire joyeux, a peut-être fait plus ne dégâts qu'on ne l'avait cru. Dans un livre novateur et audacieux intitulé Le second Anschluss - l'annexion de la RDA (éditions Delga, 2015), l'économiste italien Vladimiro Giacche démontre l'ampleur de la secousse subie par les Allemands de l'Est à l'époque. Une secousse qui explique sans doute pour une part l'angoisse identitaire profonde qui travaille aujourd'hui les habitants de ce «Mezzogiorno du centre de l'Europe». Si elle semble désormais abonnée aux bons scores un peu partout, l'AfD est tout de même devenue dimanche la seconde force politique de Saxe-Anhalt, un Land de l'Est. Quand à la ville de Dresde, elle est la fois le bastion du mouvement anti-islam Pegida , et la ville natale de Frauke Petry. Un tel hasard peut-il vraiment en être un ?

Et l'Allemagne, Monsieur Minc, est-elle encore, sera-t-elle demain et restera-t-elle toujours «le pays le plus démocratique et le plus sain d'Europe» ?


Cet article est initialement paru dans le Figarovox

jeudi 10 mars 2016

La revue de presse de L'arène nue - du 7 au 12 mars 2016







Quelques articles qu'on pourra lire / vidéos que l'on pourra écouter pour faire le tour de l'actualité européenne de la semaine. 
Les passages les plus alléchants sont mis en exergue. C'est pour faire saliver : miam. 

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1/ "Pour que l'Europe soit sauvée, il faut lever le tabou sur les nations" - Wolfgang Streeck, Le Monde, 2 mars 2016 (article de la semaine précédente donc, mais à lire) 

"Après les polémiques obligées sur le traitement de faveur que réclament éternellement les Britanniques, alors que toutes les nations européennes rêvent depuis belle lurette d’en réclamer autant, on est passé à la procédure bruxelloise classique : la négociation d’un bon vieux communiqué grâce auquel tous les gouvernements concernés ainsi que l’eurocratie peuvent croire et faire croire qu’ils ont eu gain de cause. L’établissement de tels textes, où de grands thèmes se trouvent émiettés en petits détails technocratiques incompréhensibles pour le profane, est désormais un art développé à la perfection par Bruxelles ; peut-être son seul art et, en tout cas, de loin le plus marquant. Le problème, qui n’a pourtant jamais gêné les responsables politiques européens, c’est que, régulièrement, l’accord ainsi atteint perd sa substance au bout de quelques mois et exige alors une nouvelle révision collective, une nouvelle pseudo-solution. Mais en attendant, on a obtenu le calme, et tant qu’au round suivant nul ne se souvient du dernier, le travail sur ce qu’on ose appeler l’idée européenne peut tranquillement se poursuivre. "

= => Pour lire la suite, c'est ici


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2/ "L'Allemagne a la croissance qui flanche", Alexandre Milicourtois, Xerfi canal, 8 mars 2016

" L’Allemagne, pays vieillissant vit aujourd’hui les vicissitudes d’un créancier dans un environnement de rendements en berne et de prix d’actifs de plus en plus instables. Bref, le pays, qui n’a de cesse de provisionner pour ses retraites, voit sa rente de plus en plus menacée (…) Créancière du reste du monde, l’Allemagne est de fait exposée aux risques des autres. Risque financier d’abord : les banques allemandes ont subi de lourdes pertes sur les marchés américains lors de la crise des subprimes ou sur le marché immobilier espagnol, qui se complique maintenant d’un risque juridictionnel, lié aux procédures engagée par les clients. Risque de croissance aussi avec la panne du commerce mondial. Jusqu’en 2014, l’Allemagne avait été servie par l’histoire. L’émergence synchrone de grandes économies en voie d’industrialisation rapide très demandeuses de biens d’équipements comme la Chine ou le Brésil et l’ouverture de vastes marchés à la consommation avides du made in Germany comme la Russie poussaient les exports. Et peu importe la panne de la zone euro, car le jeu s’était déplacé ailleurs. Oui mais le jeu est cassé. Le Brésil et la Russie ont décroché et la Chine a brutalement atterri. La concurrence s’est aussi durcie avec les industriels japonais qui ont profité de la baisse du yen et les entreprises du Sud de l’Europe devenues plus compétitives avec l’écrasement de leurs coûts de production ". 

= => Pour mater la vidéo, c'est là. 

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3/ "L'Allemagne redécouvre l'extrême-droite" Le Point, 9 mars 2016. 

" Est-ce la fin de l'exception allemande ? Alors que les partis d'extrême droite ont pignon sur rue dans la plupart des pays européens, l'Allemagne se distinguait jusqu'à ce jour par l'absence d'une force politique bien implantée à la droite de la droite démocratique. Les petites formations d'extrême droite se contentaient de faire des poussées de fièvre aux régionales avant de disparaître à nouveau. Jamais un parti d'extrême droite n'a passé la porte du Bundestag, le Parlement allemand. Le tabou moral imposé par la catastrophe nazie, la bonne santé économique du pays faisaient rempart aux populistes et aux démagogues. Mais l'afflux de réfugiés et les craintes qu'il a fait naître sont-ils en train de faire sauter ce verrou ? "

= => Vous êtes à un click de la suite, qui est ici
==> Pour aller plus loin : un long (et bon) article (en anglais) sur le parti AfD est disponible sur le Spiegel Online, là. 

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4/ La recette du miracle allemand ? Un marché du travail moins flexible qu'en France, Guillaume Duval, Alternatives économiques (c'est une reprise, mais qui s'insère idéalement dans le débat sur la "loi travail") 


"Entre la France et l’Allemagne, il n’y a pas photo : les salariés allemands restent sensiblement mieux protégés contre les licenciements que leurs homologues français. Un constat qui peut sembler contre-intuitif : les réformes menées au début des années 2000 par le chancelier social-démocrate Gerhard Schröder sont en effet souvent accusées d’avoir libéralisé à l'excès le marché du travail allemand.  Ces réformes ont en effet entraîné un développement spectaculaire de la précarité outre-Rhin. Multipliant le nombre des personnes qui ne bénéficient pas de ces protections réservées aux seuls salariés en CDI. Mais les différentes formes d’emploi précaire n’en restent pas moins sensiblement moins fréquentes en Allemagne que chez nous, où elles sont de longue date très répandues : en 2014, l’emploi précaire touchait ainsi selon Eurostat 16 % des salariés français, contre 13,1 % des Allemands". 

= => La suite se trouve là.

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5/ Will Italian banks spark another financial crisis ? Global Risk Insights, 7 mars 2016

"Some have compared the risk of an escalating financial crisis in Italy to the seemingly perennial debt crisis in Greece that has ravaged European markets and tested European unity several times since 2008 as investors and EU members alike feared uncontrollable contagion. This has resulted in the multiple EU bail outs granted since then.However, judging by the numbers it is clear that the financial risks posed by Italy are not comparable to Greece – they are far worse.While Greece holds the top spot in the EU for the worst debt-to-GDP ratio, Italy comes in second place with a debt-to-GDP ratio greater than 132% according to Eurostat. So what makes Italy so much worse?  While Greece has more than once brought the global financial markets to the brink, it is only the 44th largest economy in the world.  Italy represents the 8th largest economy in the world.A deteriorating financial crisis in Italy could risk repercussions across the EU exponentially greater than those spurred by Greece" .  

= => Yes, yes, I know it's in English, fuck yeah !


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6/ Interview de Marcel Gauchet sur France Inter pour la sortie de son nouveau livre, 11 mars 2016.

- Et si toutes les nations européennes se mettaient à se comporter comme les Anglais ?
- Marcel Gauchet : et bien ce serait un progrès (...) et c'est comme ça que ça va se passer. Je pense que l’épisode de la négociation avec les Britanniques est le premier acte d'une série de remaniements qui vont profondément modifier la physionomie de la construction européenne. C'est d'ailleurs ce que nous pouvons souhaiter de mieux, plutôt qu'une sortie brutale qui aurait une allure de catastrophe.

= => La suite de l'interview est ici . 


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7/ Interview de Jean-Pierre Chevènement sur l'accord UE-Turquie sur les migrants, RFI, 11 mars 2016. 

"Madame Merkel a annoncé qu'elle allait accueillir un million de réfugiés en faisait fi du principe de Dublin qui prévoit que c'est dans le pays d'enregistrement que l'asile doit être accordé, donc c'est tout le système européen qui a été déséquilibré. Ce n'est pas sans conséquences, et même sans conséquences fâcheuses. Nous sommes à la veille d'élections allemandes dans les Länder du Sud-Ouest et de la Saxe-Anhalt, donc Mme Merkel fait aujourd'hui le contraire de ce qu'elle avait annoncé puisqu'elle vient de conclure directement avec le Premier ministre turc un accord de réadmission (…) nous avons été placés devant le fait accompli. "

= => Pour aller plus loin tout en ménageant sa monture, c'est là. 
= => Un article paru sur L'arène nue et qui rejoint ce point de vue ici



mercredi 9 mars 2016

Crise des migrants : unilatéralisme allemand ?




Du sommet UE-Turquie du 7 mars, il se dit que la plupart des propositions significatives - dont la légalité est d'ailleurs contestée par plusieurs juristes, en particulier le renvoi vers la Turquie de Syriens entrés dans Schengen via des réseaux de passeurs - ont été faites par Angela Merkel et par le Premier ministre Néerlandais Mark Rutte. Certains vont même jusqu'à considérer que la rupture entre la France et l'Allemagne sur le sujet est « consommée », la France ayant été complètement tenue à l'écart de la préparation du somment.

Dans ce cadre, il m'a semblé utile de reproduire ici une partie d'un article de la spécialiste de l'Allemagne Anna-Marie Le Gloannec intitulé La puissance allemande : effet d'optique ou réalité structurelle ? Et paru dans Le Débat n°187. L'intégralité de cet excellent article est accessible ici.

Cet extrait figure au sein d'une partie traitant de l'unilatéralisme allemand. Il y est d'abord question de la crise grecque, de la diplomatie allemande et de la décision unilatérale de sortir du nucléaire. Vient ensuite la question migratoire.
[Les notes de bas de page ne proviennent pas de l'article mais sont des ajouts que je fais pour expliquer certains points, ou tenter de mettre à jour du fait de l'actualité récente].

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« L'annonce faire par Angela Merkel d'ouvrir la porte aux réfugiés syriens, en particulier lors d'un sommet réunissant, le 27 août 2015, la chancelière allemande, le chancelier autrichien et le Premier ministre serbe (...) était également unilatérale, et elle a eu des incidences non négligeables sur les pays voisins, méridionaux, limitrophes ou non.

Certes, l'annonce d'Angela Merkel n'était pas tout à fait imprévisible. Elle se situait à la confluence de trois logiques. Premièrement, l'Allemagne est devenue un pays d'immigration. Selon les statistiques de l'OCDE, 400 000 immigrants s'y installaient durablement en 2012 et faisaient de l'Allemagne le deuxième pays d'immigration derrière les États-Unis, qui attiraient alors un million d'individus. Il s'agit d'une évolution récente car en 2009, elle ne détenait que la huitième place. En 2012 cependant, il s'agissait essentiellement d'une migration intra-européenne, les immigrants venant de pays de l'Est et du Sud du continent. La chancelière avait enregistré ses évolutions. Alors que son parti avait longtemps refusé la perspective ou la réalité des flux migratoires, Angela Merkel déclarait en octobre 2014 que l'Allemagne était bien un pays d'immigration.

Deuxièmement, alors que la Libye s'installait dans le chaos et que la Syrie s'enfonçait dans une terrible guerre civile, Berlin restait dans l'expectative, refusant d'envisager toute intervention ou toute frappe militaire. En revanche, elle ouvrait sa porte aux migrants. Cette politique n'était pas sans rappeler le début des années 1990et l'éclatement de la fédération yougoslave. L’Allemagne réunifiée avait cru réinventer une politique étrangère - une certaine hubris régnait alors à Bonn -, notamment dans les rangs des partis conservateurs. Elle poussait à la reconnaissance des Républiques qui pensaient à s'émanciper du joug de Slobodan Milosevic, sans pour autant avoir les moyens ou la volonté de les défendre. En revanche, ce fut l'Allemagne qui accueillit le plus grand nombre de réfugiés (350 000), c'est à dire le double de ce que l'ensemble des pays de l'Union européenne acceptèrent sur leur territoire.

Enfin, en ouvrant ses portes aux réfugiés, le gouvernement allemand prenait tout simplement en compte les dysfonctionnements, voire la faillite des règlements dits « de Dublin ». Selon Dublin II (2003) et III (2013), notamment, un demandeur d'asile dépose sa demande dans le premier État partie prenante du dispositif sur le territoire duquel il pénètre, en clair, le plus souvent, l'Italie ou la Grèce, voire la Bulgarie. De fait, comme il s'agit d’États dont les capacités de réception des demandeurs d'asile et de traitement des demandes sont relativement limitées1, à la fois en raison de faibles moyens financiers ou en personnel, et de l'afflux considérable d'immigrés, en particulier depuis le début de la décennie et des révoltes arabes, comme aussi les demandeurs d'asiles préfèrent des pays réputés plus prospères comme destination finale et ne peuvent ni ne veulent s'y faire enregistrer, le règlement de Dublin III n'est pas ou mal appliqué2.

Devant l'afflux croissant de demandeurs d'asile venus de Syrie – mais aussi d’Érythrée ou d'Afghanistan, par exemple, et de migrants dits économiques fuyant la pauvreté des Balkans en particulier -, la chancelière suspendit, implicitement, l'application du règlement en autorisant l'examen des demandes d'asile en Allemagne qui, depuis la première convention de Dublin (1990) consécutive à la création de l'espace Schengen et les premier accords de réadmission, c'est-à-dire le renvoi d'individus ayant illégalement passé les frontières, était théoriquement à l’abri de flux migratoires non désirés, protégée par une barrière d’États dits « sûrs ». Angela Merkel inversait ainsi la politique officielle des années 1990 et 2000. Elle suscitait cependant l'espoir de demandeurs d'asile, dont le départ de Syrie ou d'Irak s'accélérait, précipité par ce que dans les années 1950 et 1960 les Allemands avaient appelé « Torschlusspanik », la peur que la brèche (alors entre les deux Allemagne) ne se referme. Enfin, au lieu de soulager les premiers pays d'accueil, la décision de la chancelière a pour effet pervers de faire porter le poids du transit, des contrôles -ou non – et de la réception de dizaines de milliers de personnes à des pays pauvres, comme la Croatie, ou en tout cas hostiles, comme la Hongrie, tout en se coordonnant avec sa voisine autrichienne3. Elle démontrait aussi que l'Allemagne n'a pas pensé tous les aspects de sa politique, pas plus en Allemagne que hors de ses frontières. L'office fédéral chargé des migrants et réfugiés n'a ni les ressources en personnel ni les ressources financières pour traiter de nombreuses nouvelles demandes, sans parler des anciennes. Elle démontrait enfin la fragmentation d'une Europe théoriquement unie par Schengen et Dublin, alors que les espaces nationaux déterminent les stratégies migratoires. Effet pervers ? Peut-être, mais dont toute l'Union et l'Europe sont responsables à force d'incohérence et d'imprévision.

Toujours est-il qu'Angela Merkel imposait à l'UE les conséquences des ses décisions et qu'elle ne craignait pas pas contradictions. Constatant l'incapacité matérielle de gérer un tel afflux de réfugiés en un temps aussi bref, prenant également en compte les contestations et critiques de l'opinion publique et des partis conservateurs ainsi que la montée de l'opposition, elle proposait, en octobre 2015, l'ouverture de nouveaux chapitres dans la saga des négociations d'adhésion, alors qu'elle n'avait jamais voulu de la Turquie dans l'Union. L'objectif est de traiter la Turquie comme un pays sûr – ce qu'elle n'est pas étant donné l'autoritarisme du régime et sa politique d'attisement des conflits - et de constituer un sas entre la Syrie et l'Europe. Autant de principes erronés....


1C'est spécialement vrai de la Grèce, tenue d'appliquer des mesure d'austérité qui détruisent peu à peu l’État grec. Il y a évidemment un lien entre les politiques économiques imposées au nom de la pérennité de l'union monétaire, qui rongent peu à peu toutes les marges de manœuvre des États, et la difficulté de certains pays à faire face à l'afflux de migrants.

2 En réalité, les accords de Dublin II prévoient une « clause de souveraineté », c'est à dire la possibilité, pour un pays qui n'est pas le pays d'entrée, d’assumer volontairement la responsabilité du traitement des demandes d'asile pour lesquels il est pas géographiquement responsable. Ceci dit, cela n'avait pas encore été joué réellement. 

3 - Ce n'est plus le cas aujourd'hui. L’Autriche a décidé, lors d'un sommet organisé le 24 février avec les pays des Balkans mais sans l'Allemagne, d'instaurer un quota de migrants accueilli quotidiennement. Le chancelier autrichien a demandé le 5 mars à l'Allemagne d'établir à son tour un quota annuel d'accueil.