vendredi 28 juin 2013

La Chinallemagne, ou comment les Allemands - l’air de rien - lâchent l’Europe






Ces temps derniers, entre la Chine et l’Allemagne, c’est « chabadabada », « love-love » et « bisous doux ». Les bisbilles entre l’empire du Milieu et l’Union européenne sur les questions commerciales se poursuivent, mais les Chinois prennent grand soin de ménager les Allemands.

La fâcherie commerciale Chine / UE sur la question du photovoltaïque vient de connaître un énième rebondissement. Pékin vient en effet d’annoncer sa décision d’appliquer une taxe antidumping, à compter de ce jour, à un produit chimique en provenance de nos contrées : le toluidine. La taxe douanière imposée sur ce produit sera de 36,9%, pour toutes les entreprises européennes. Toutes… sauf une. Lanxess, un producteur allemand, bénéficiera quant à lui d’une taxounette sur mesure : 19,6%. Raison invoquée ? Aucune.

La Chine préserve l’Allemagne. Juste retour d’ascenseur, puisque l’Allemagne soigne la Chine. On se souvient de son opposition à la décision de Bruxelles de taxer les panneaux solaires chinois, décision qualifiée de « grave erreur » par le ministre allemand de l’Economie, Philipp Rösler.

Pourquoi donc tant d’amour ?

D’abord, parce que « qui se ressemble s’assemble », comme diraient nos grand-mères. Selon Jean-Michel Quatrepoint, qui l’explique dans Mourir pour le yuan, les deux pays ont de nombreux points communs : des modèles économiques ressemblants, faits d’un mercantilisme agressif misant tout sur les exportations et sur l’accumulation d’excédents, visant notamment à palier une tendance rapide au vieillissement des deux populations.

Au-delà des ressemblances, il y existe une complémentarité entre les deux pays, une quasi « symbiose », comme l’expliquent ici Hans Kundnani et Jonas Parello-Plesner. La Chine en plein développement est friande de machines-outils allemandes pour ses usines, et de grosses berlines pour ses nouvelles classes moyennes. Quant à l’Allemagne, elle cherche avec énergie… des débouchés hors d’Europe.

A cet égard, les chiffres sont cruels. Guillaume Duval le rappelle ici : « l’excédent commercial allemand était de 170 milliards en 2007, réalisés aux trois quarts en zone euro. En 2012, cet excédent était toujours de 180 milliards, mais réalisés aux trois quarts hors zone euro ». Et Jean-Michel Quatrepoint de rajouter : « L’Allemagne n’espère plus rien tirer de l’Europe, où elle a déjà fait le plein. Elle y a pris toutes les parts de marché qu’il y avait à prendre, et cherche à se réorienter désormais hors de la zone euro ».

Hors de la zone euro ? Mince ! Nous qui pensions benoitement qu’Angela Merkel, reine d’Europe en titre, faisait tout pour sauver ladite zone en mettant abondamment la main au portefeuille. On nous aurait menti ?

Hors de la zone euro, pourtant. En Chine, donc, pays que l’ex-actuelle-future chancelière visite souvent, et longtemps. Aux Etats-Unis, également. Rappelons-le, l’Allemagne est, avec l’Angleterre, l’un des pays à promouvoir avec le plus d’ardeur le futur partenariat commercial transatlantique, le TTIP.

Un tantinet suspicieux, Hans Kundnani et Jonas Parello-Plesner osent donc cette observation : « il y a un danger pour que l’Allemagne se serve de cette relation bilatérale étroite [avec la Chine] afin de défendre ses propres intérêts économiques plutôt que les intérêts stratégique européens ».

L’Allemagne en mode « cavalier seul », délaissant « l’Europe-c’est-la-paix » et l’immarcescible « couple franco-allemand » dans le seul but de booster son commerce ? Comme c’est trivial et comme c’est pessimiste !

Et comme c’est évident, en même temps…


12 commentaires:

  1. Tokyo années 30, Pékin aujourd'hui, un petit glissement mais toujours la même ambition, les Mercedes ont remplacé les panzers, demeure le fond. Et ce n'est surtout pas la parpaillote prussienne qui changera cela.

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  2. L'Union européenne me fait irrésistiblement penser à une équipe de football dans laquelle les règles seraient communes mais où chacun des joueurs pourraient jouer contre tous les autres. Evidemment, je ne donne pas très cher à l'équipe pour pouvoir gagner une partie, mais on reconnaîtra que le jeu est original et qu'il n'est pas impossible qu'un joueur puisse se distinguer des autres.
    En ce sens, l'Allemagne est très intéressante, car non seulement elle dispose du meilleur joueur de l'équipe, mais en plus, celui-ci ne manque pas de mettre des buts contre son camp - ce qui accroît son palmarès.

    Sur le fond, on se posera la question : à quoi sert de construire une équipe pour un sport collectif quand le jeu est avant tout individuel ? C'est la question fondamentale de l'Union. Ceux qui auront des réponses pertinentes sont priés d'envoyer ces dernières à Monsieur Hollande, présidence de la République, Paris.

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  3. De toute mon expérience "européenne" hors de mon pays natal, la France, je retiens qu'il n'y a encore que les français à avoir cru et à croire au projet européen en tant que projet politique, les autres et surtout l'Allemagne c'est une grosse rigolade. Passons sur l'échec du projet humaniste et social, le plus pénible est ce concert de bonnes âmes "hors-de-l'Europe-point-de-salut-pour-faire-le-poids à l'international"

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  4. L'air de rien, l'air de rien, euh, quand même c'est pas très discret.
    @Leonard : belle métaphore, je sens que je la ressortirai à l'occasion.

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  5. les intérêts stratégiques européens, ça n'existe que pour les naïfs. En revanche, il ne faudrait pas se réjouir trop vite en pensant que l'allemagne va laisser l'europe s'effondrer. il est possible qu'ils ne lâchent l'europe qu'une fois assurés d'en avoir le contrôle.

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  6. Dimanche 30 juin 2013 :

    Quel est le budget des grands Etats dans le monde ?
    Le budget du Danemark est de 57,5 % du PIB.
    Le budget de la France est de 56,5 % du PIB.
    Le budget de la Finlande est de 56,2 % du PIB.
    Le budget du Royaume-Uni est de 45,5 % du PIB.
    Le budget de l’Allemagne est de 44,7 % du PIB.
    Le budget des Etats-Unis est de 39,4 % du PIB.

    http://www.lesechos.fr/economie-politique/france/actu/0202716743936-niveau-des-prelevements-et-des-depenses-publiques-la-france-dans-les-15-premiers-sur-187-pays-559983.php

    Quel est le futur budget de l'Union Européenne ?

    Pour la période 2007-2013, le budget de l'Union Européenne était au niveau ridicule de 1,10 % du PIB de l'Union Européenne.

    Pour la période 2014-2020, les bisounours fédéralistes voulaient que le budget de l'Union Européenne augmente. Le samedi 19 novembre 2011, les bisounours fédéralistes ont demandé que le budget passe à 1,11 % du PIB, soit 1083,3 milliards d'euros.

    Mais neuf pays - Autriche, Danemark, Allemagne, Finlande, France, Italie, Pays-Bas, Suède et Royaume-Uni -, ont rejeté cette proposition jugée trop élevée dans un contexte de rigueur généralisée.

    http://www.20minutes.fr/economie/826126-budget-2012-europe-impose-rigueur

    Résultat : pour la période 2014-2020, le budget de l'Union Européenne sera en baisse !

    Pour la période 2014-2020, le budget de l'Union Européenne baissera au niveau minable de 1 % du PIB de l'Union Européenne, soit 960 milliards d'euros !

    Je dis bien : 1 % du PIB !

    http://www.lepoint.fr/economie/ue-le-budget-2014-2020-approuve-par-les-dirigeants-europeens-28-06-2013-1686778_28.php

    Conclusion : l'Union Européenne accueillera de plus en plus de pays très pauvres, et elle aura un budget de plus en plus faible !

    L'Union Européenne n'est qu'un gigantesque château de cartes.

    Et le vent qui se lève va le faire s'effondrer.

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  7. Excellent,et commentaires fort stimulants pour l'esprit.
    Nous sommes dans une seringue, et le futur s'annonce "intéressant"!...

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  8. "En 2012, cet excédent était toujours de 180 milliards, mais réalisés aux trois quarts hors zone euro"

    Hors de la zone euro? Mince! Nous qui pensions benoîtement que l'euro fort.. pardon, cher, plombait les économies européennes en augmentant le coût de leurs produits. On nous aurait menti ?

    "La Chine en plein développement est friande de machines-outils allemandes pour ses usines, et de grosses berlines pour ses nouvelles classes moyennes."

    La Chine? Mince! Nous qui pensions benoîtement que la manipulation du yuan (et l'euro fort) rendait les produits européens inattractifs dans ce pays. On nous aurait menti ?

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    1. Non, on ne vous a pas menti. L'euro est un drame pour bien des pays.
      Sauf que là, on parle de l'Allemagne. Or, l'euro étant - ayant toujours été - un mark dupliqué, elle ne subit évidemment pas les avanies que subissent les autres pays de la zone.
      L'euro est FAIT pour l'Allemagne. Et aussi, un peu, pour les Pays-Bas. Il est même légèrement sous-évalué pour ces pays-là.
      Et puis, depuis la chute du mur, le coût des produits allemands n'est plus vraiment un problème. Elle traite le problème de la compétitivité/coûts en délocalisant une bonne partie de sa production à l'Est. Pour ne conserver que le montage.

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    2. Une monnaie forte est un inconvénient pour tout pays exportateur, celà va sans dire, et donc Allemagne comprise. Si elle exporte autant, c'est que l'une des premières choses qui vient à l'esprit quand on évoque les produits industriels allemands, c'est le mot "qualité". Dupont-Aignan veut revenir au franc et le dévaluer pour faciliter nos exportations, mais celà ne garantit en rien une augmentation de celles-ci si la qualité de nos produits ne suit pas.

      Quant à au franc, le jour où la France aura une industrie aussi compétitive que l'allemande, ce que NDA appelle lui-même de ses voeux, il se réappréciera automatiquement comme toute monnaie très recherchée.

      Un dernier point: un retour au franc ne nécessitera pas de dévaluation; il se dépréciera de lui-même. Mais là, je crains pour le pouvoir d'achat des foyers les plus modestes. Nous avions déjà eu un échange là-dessus (et nous étions même d'accord, je crois..)

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    3. Oui, une monnaie forte est un inconvénient, mais toutes les économies son affublées d'un taux d'inflation structurel, et celui de l'Allemagne a toujours été faible.
      Par ailleurs, l'Allemagne a longtemps contraint ses salaires par une politique de modération drastique,sur laquelle ils sont un peu en train de revenir, justement parce que c'est la crise partout et qu'ils ont besoin que leur demande intérieure prennent le relai du manque à gagner / exportations.
      Enfin je vous le répète, l'Allemagne délocalise la confection de ses produits dans les pays de l'Est à faible coût du travail, pour ne conserver chez elle que l'assemblage. Nous, nous n'avons pas d'Hinterland.

      Après, je ne nie pas que les Allemands aient aussi de gros atouts en termes de compétitivité hors coûts, que nous n'avons pas forcément. D'où notre sensibilité supérieure à la surévaluation de la monnaie.

      Enfin, concernant NDA, je ne sais que vous dire. Je ne suis pas encartée chez lui, et je le suis au final assez peu.

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  9. Nous pourrions faire ce que font les Allemands que nous le ferions.

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