vendredi 21 août 2015

Démission de Tsipras, élections anticipées : se débarrasser de l'aile gauche






Rapide tentative d'explication des raisons de la démission d'Alexis Tsipras intervenue hier et des élections qu se tiendront le 20 septembre.  

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Tsipras n'a plus de majorité. Tout ce qui est voté à la Vouli actuellement l'est avec les voix de l'opposition. L'issue (des élections anticipées) était donc prévisible.

Concernant le timing, Tsipras choisit d'aller vite. Il est probable qu'il décide de faire cela maintenant car :

1/ L'idée d'un congrès de Syriza était dans l'air. Le comité centraldu parti l'avait votée fin juillet, et ce congrèsdevait se tenir en septembre. Là, avec une campagne électorale qui démarre, ça va être plus compliqué. Peut-il Tsipras veut-il faire passer le congrès à la trappe....

2/ Une partie de l'aile gauche de Syriza - la Plateforme de gauche - va a priori faire cavalier seul et présenter quelqu'un. D'ores et déjà, vingt-cinq (*) d'entre eux viennent de faire sécession au Parlement grec et de former un nouveau groupe parlementaire. Ce groupe, Unité populaire, est conduit par Panagiotis Lafazanis, ancien ministre de l'environnement et de l'énergie. Il assume clairement l'idée d'une sortie grecque de la zone euro. La liste des parlementaires membre d'Unité populaire laisse apparaître que ni Yanis Varoufakis ni Zoé Konstantopoulou ne participeront à l'aventure. En conséquence ce groupe est pour l'instant privé de leader médiatique. En outre, il lui faudrait du temps pour parvienir à conduire des discussions avec d’autres partis éventuellement prêts à s'allier à eux (Antarsya, EPAM, plan B....). Bref, pour créer une nouvelle formation capable de présenter une alternative crédible, il faut du temps. Tsipras semble bien décidé à ne pas leur laisser ce temps-là;

3/ Le Bundestag allemand vient de voter le troisième plan "d'aide" à la Grèce. Ce vote est intervenu mercredi, Tsipras a annoncé sa démission jeudi. A vrai dire, la Grèce vient de recevoir une tranche d'aide du nouveau programme a été versée hier par l'UE. Donc sur le front des échéances à rembourser, Tsipras est tranquille pour un moment. 
Un échéancier a circulé hier sur les réseaux sociaux faisant apparaître qu'avec les 13 milliards reçus, la Grèce aurait la paix jusqu'en juillet 2016. Cela semble optimiste. La Grèce vient de rembourser 3,4milliards à la BCE, mais également 7 milliards d'un prêt relais accordé en juillet. Il ne lui reste donc plus que 3 milliards sur les 13 reçus ce qui, quand même, laisse à Tsipras un peu de temps pour tenter (un peu) de gouverner s'il est reconduit...

4/ Toujours sur le timing, Tsipras demeure auréolé du prestige du Premier ministre qui a résisté pendant des mois mois à l'Union européenne, chose inédite à ce jour. Par ailleurs, il n'a pas encore à subir les effets du troisième mémorandum, qui seront, il n'y a pas à en douter, catastrophiques. En conséquence, Tsipras espère être reconduit - ce qui sera probablement le cas - avec une nouvelle majorité qui accepte d'appliquer le mémorandum. Hier, dans une allocution télévisée, il s'est présenté comme une voie médiane entre la Plateforme de gauche et les "vieux partis". Il est donc évident qu'il cherche désormais à se débarrasser rapidement de son aile gauche. 


* MAJ à 13h30 : les députés d'Unité populaire sont désormais 29 et non plus 25



8 commentaires:

  1. e ne sais pas si c'est le cinéma qui lui a donné cette faculté là - il avouait récemment à un interlocuteur n'avoir eu qu'une « approche cinématographique de Marx » (?)- mais Tsipras semble avoir le goût des travelling avant brutaux.
    Ne voilà-t-il pas qu'il vient de réussir en six mois ce que la gauche française à mis trente ans à seulement entamer, à savoir se débarrasser de son aile turbulente ?
    Il risque même de devancer les souhaits inavouables de son modèle de l'ouest : fusionner avec quelques éléments à sa droite de ces « vieux partis » afin de former une alternative-républicaine-de-gouvernement crédible aux yeux des maîtres.
    Sinon, rien à dire. Le coup (d'état) est presque parfait et tout le monde sait qu'en la matière la rapidité d'action crée le succès.
    L'antédiluvienne Aube Dorée n'intéressera encore que les déchets jetés à la voirie, alors que ceux en voie de recyclage, les « classe moyennes » (plus de 500 € de revenus par mois ?), en seront encore à pleurer après les promesses européennes des années 2000 perdues, comme les nôtres votent inlassablement le retour des années 80 heureuses.
    Et puis, tout le monde n'aura pas la rigueur de Zoé Kostantopoulou pour ne pas trouver des circonstances atténuantes à cette très médiatique et mâle frimousse.
    Il sera quand même intéressant de voir dans quelle mesure « l'auréole » de l'ange aura été écornée en l'espace de deux mois.
    LG

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  2. Je reste dubitative. Que les mensonges se soient succédé depuis des mois ne relèvent pas du cataclysme tant cette pratique est devenue académique dans la sphère politico-médiatique. Si la survie de toute un peuple n'était pas en jeu, ceci n'aurait pas vraiment d'importance. Courageux ou velléitaire Alexis Tsipras ? In fine quel rôle se réserve Varoufakis ?

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  3. Quelle était l'alternative ? Varoufakis en personne n'envisageait pas une sortie de l'Euro :

    ” Je crois que cela n’a jamais été envisagé, ni par Tsipras, ni par moi.
    Ce que j’ai essayé de mettre en place, après que Dijsselbloem [le
    président de l'Eurogroupe], dès le 30 janvier, a menacé de fermer nos
    banques si nous n’appliquions pas le mémorandum, çela a été une série de
    solutions d’urgence pour créer de la liquidité si ce scénario devait se
    produire. Le but était de survivre quelques semaines à l’intérieur de
    la zone euro malgré les banques fermées, jusqu’à ce que l’on arrive à un
    accord.”

    http://tempsreel.nouvelobs.com/la-crise-grecque/20150820.OBS4482/yanis-varoufakis-nous-avons-trahi-la-grande-majorite-du-peuple-grec.html

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  4. En réponse aux commentaires ci-dessus :
    "Anonyme" (1) : la classe moyenne a des revenus un peu supérieurs à ce que vous dites. Le SMIC est à 580 euros et un salaire moyen est plutôt aux alentours des 1000 euros. A signaler aussi que le coût de la vie n'est pas le même qu'en France. C'est là où il devrait y avoir comparaison. Ce qui a été insoutenable pour les Grecs c'est de voir leurs revenus diminuer d'un coup, sans crier gare il y a quelques années sous les gouvernements précédents. Imaginez en France, vos salaires diminuant de 20 à 40 % d'un mois à l'autre avec le même contrat, dans la même boîte. Le memorandum 3 ne prévoit pas de diminution de salaires. C'est un point très important pour les Grecs.
    A Nadine : Varoufakis, c'est ce que je pense, la joue perso. Je ne pense pas qu'il va revenir dans un quelconque ministère ou autre. A noter aussi qu'il n'a jamais été SYRIZA. C'est un franc tireur.
    A Anonyme (2) : Tout à fait d'accord. Un des points forts de cette campagne qui s'annonce sera la sortie ou non de l'euro. On connaît la position de Tsipras qui n'y est pas favorable et une majorité des Grecs le suit sur cette ligne. La plateforme de gauche et le nouveau parti qui vient d'être créé sont minoritaires sur cette lignes. Ce qui a changé c'est que jusqu'ici aucun parti hormis Aube Dorée et le KKE n'évoquait une sortie.
    de l'euro.

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    1. Merci pour ces précisions, lesquelles répondent à mon point d'interrogation. Mais -autre interrogation- cela change-t-il grand chose sur le fond ?
      La vérité de vos chiffres nous parlent-elles de toutes les solidarités qu'ils dissimulent, dans un pays malmené dont la passivité globale apparente (et sur laquelle beaucoup s'interrogeaient) reposait précisément sur le filet de protection de ces solidarités familiales ? Différentiel de niveau de vie avec le nôtre ou pas, combien de gens sont réellement soutenus à bout de bras par ces revenus ?
      Le choc de leur amputation dont vous parlez serait d'ailleurs beaucoup plus mal supporté en France parce que l'individualisme et la dislocation des générations y sont à mon avis plus prégnants.
      Quant aux promesses du mémorandum 3... Elles ne valent que ce que jadis valaient les promesses des traités indiens, qui y ont beaucoup cru eux aussi ! Je me permets de reproduire ici ce qu'en pense J. Sapir dans son dernier billet de RussEurope :
      « Si on récapitule, le « plan » organise une chute des revenus et de la demande intérieure des ménages, n’organise nullement des transferts d’investissements au profit de la Grèce, et va favoriser en réalité la structure de corruption et de collusion qu’avait dénoncée en son temps le Ministre des finances Yanis Varoufakis. Le tout dans un pays qui a connu déjà cinq années de dépression économique, où le chômage est au-dessus de 28% et où les investissements productifs se sont effondrés. On peut, peut-être, faire pire mais, sauf à faire exploser une bombe nucléaire au-dessus d’Athènes, cela risque d’être difficile. »
      Je campe sur l'idée que Tsipras prend ses marques avant la débâcle car il n'a maintenant guère d'autre choix.
      LG

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    2. A Lizagrèce. Pas de baisse des salaires dans Memorandum3, mais les salaires sont déjà au plancher : SMIC à 580euros=niveau du RSA en France! et quid du niveau des pensions, du taux de suicide et du chômage des jeunes? Les années à venir préparées par Tsipras risquent d'être encore plus terribles pour le Peuple grec...

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  5. Tsipras est passé à son tour de l'autre côté du miroir.

    Il a quitté le monde réel, là où les choses sont ce qu'elles sont et où les mots ont un sens, là où une dette insoutenable est insoutenable, où une souffrance insupportable est insupportable, où un traitement inefficace par l'austérité est inefficace...

    Il a rejoint ce monde bienheureux de nos élites européennes, là où les choses sont ce qu'ont dit qu'elles sont, où un poison est nommé remède, où un long étranglement est nommé sauvetage, où la force du plus fort est raison...

    Héraut d'un peuple victime devenu héros d'une bande de bourreaux...

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  6. """ni Yanis Varoufakis ni Zoé Konstantopoulou ne participeront à l'aventure"""

    La liste n'est pas figée... Konstantopoulou a vertement critiqué Tsipras pour avoir prévenu les créanciers de sa démission avant même toute consultation politique intérieure (détail révélateur de ce Tsipras a revêtu les habits du /bon dirigant européen/...). Elle a aujourd'hui rencontré Lafazanis, rencontre qui apparemment s'est déroulée en de bons termes.

    Pendant ce temps, le gouvernement Tsipras a décidé de traiter Konstantopoulou de "dictateur"...

    http://greece.greekreporter.com/2015/08/22/greek-parliament-president-konstantopoulou-meets-with-panagiotis-lafazanis/

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