mercredi 31 octobre 2012

La "Une" du Point et ses très grosses ficelles


Le Point roule-t-il pour Jean-François Copé ? On peut se poser la question lorsqu’on regarde sa dernière « Une ».

Si vous avez été absent du Landerneau facebooko-tweetesque au cours des 24 dernières heures et si vous n’avez pas de kiosque dans votre immédiat voisinage, la voici à nouveau :




Peut-être êtes-vous trop âgé. Peut-être n’avez-vous pas eu droit, au collège, à l’apprentissage de cette discipline merveilleuse que l’on nomme « analyse autonome de documents ». Si vous souffrez d’une telle disgrâce, nous allons vous aider à décrypter l’image.

C’est un « islam sans gêne » que désire nous montrer Le Point. Comment s’y prend-il ?
  • Il présente une femme en burqa. Tiens, c’est étrange. C’est encore si répandu que cela ? Pourtant, la loi n° 2010-1192 du 11 octobre 2010 interdit la « dissimulation du visage dans l’espace public ». Or c’est ce vêtement particulier, se souvient-on, que visait principalement ladite loi. Certes, certaines femmes contreviennent à la loi. On ne s’est d’ailleurs pas privé de le déplorer (ICI). Mais enfin, est-ce là le visage – ou plutôt l’absence de visage – que présente majoritairement l’islam en France à l’heure qu’il est ?
  • De cette femme en burqa, on ne voit que les yeux. Or voilà : ils sont bleus. Simple hasard ? Certainement pas. Le Point a voulu signifier ceci : l’islam déferle sur le pays comme la misère sur le monde. C’est une vague, un raz-de-marée, un tsunami. La preuve ? Les femmes « de souche » - comme d’aucuns disent maintenant sans s’embarrasser de guillemets – se convertissent en masse. Regardez celle-là ! Si ça se trouve, sous le voile, elle est blonde comme les blés ! Il ne manque plus, finalement, qu’une légende catastrophiste dans le genre : « ils prennent nos femmes ».
  • La femme voilée semble s’en prendre avec vigueur…à une autre femme. Gendarme, celle-ci :
    • traduction n°1 : voyez, ils s’en prennent aux forces de l’ordre, lequel ordre est bafoué partout, tout le temps, par « eux » : enfer et damnation !
    • traduction n°2 : femme en burqa ou fliquette, c’est à vous de choisir. Soit vous aimez « nos » femmes – libérées, autonomes, assumées, officiers de cavalerie, chefs d’entreprises où, ici, gendarmes – soit c’est la burqa. Alors, que choisissez-vous ?
          • On aime aussi la légende, en bas à gauche de la photo : hôpitaux, cantines, piscines, jupe, programmes scolaires, veaux, vaches, cochons (ah non, pas cochon) : vous voyez bien « qu’ils » sont partout. Et pour faire complètement Copé-style, on aurait pu ajouter à cette liste "sucettes" ou "pains au chocolat"
          • Mention spéciale, enfin, à l’alléchante étude annoncée tout en bas. Rien à voir avec le dossier sur l’islam : c’est plutôt un bonus. Car Le Point propose à ses lecteurs un « spécial placements : comment réduire son impôt sur le revenu ». Et la semaine prochaine, ce sera quoi ? « Spécial exil fiscal : comment gruger le fisc » ?
          On ne niera pas que le voile intégral, ça existe. Pour autant cette "Une" est loin de présenter une image honnête de ce qu'est l'islam majoritaire, en France, au mois de novembre 2012. En revanche, elle donne une assez bonne idée de ce qu’est devenue la droite dite « de gouvernement » et la presse qui l'accompagne. D’accord avec le Front national sur les musulmans, mais reaganienne sur l’économie. Bref, xénophobe et libérale. Une remarquable synthèse du pire.

          lundi 29 octobre 2012

          François Lenglet m'a fait un choc...de compétitivité.

           
           
          François Lenglet avait-il envie de se marrer un peu dimanche soir sur France 2 ? Entendait-il faire parvenir un message subliminal au peuple de France ? Etait-il spécialement relâché - limite négligent - en cette fin de week-end ? Avait-il perdu un pari idiot avec contre belle-mère ? Toujours est-il qu’il en a lâché un bien bonne, à l’occasion du jité de 20 heures.
           
          Alors qu’il parlait, comme tout le monde ces jours-ci, du fameux rapport Gallois et du « choc », pardon du « pacte », pardon de la « stratégie », pardon de la « trajectoire de compétitivité » supposée nécessaire à un retour de la croissance, l’homme a en effet affirmé : « ce qui explique l'incapacité de la France à retrouver la croissance, c'est son incapacité à retrouver sa compétitivité (…) du temps du franc, notre ancienne monnaie, tout cela se réglait avec une dévaluation. C'était évidemment un choc de compétitivité qui permettait de baisser ses prix ».
           
          Un peu comme si Lenglet convenait, malgré ses airs de ne pas y toucher, que c'était plus facile avant. Car il y avait ce qu’on appelle – et ce n’est pas un hasard – la « dévaluation compétitive ». Vous savez, cet instrument de politique monétaire qu’on utilisait entre l’époque des dinosaures et l’ère de Neandertal, juste avant qu’on ne décide, pour des raisons aussi opaques qu’irrationnelles, de se débarrasser de notre devise nationale, dont on se demande bien ce qu’elle avait fait de mal, peuchère.
           
          Du coup, Lenglet nous a quasiment fait du Jacques Sapir low calory à une heure de grande écoute, prenant le risque inconsidéré de foudroyer sur place la ménagère et de faire s’étouffer papy avec un bretzel.
           
          Car Sapir, finalement, dit à peu près la même chose lorsqu’il évalue ici les effets comparés d’une dévaluation monétaire et d’une diminution du coût du travail par un transfert des cotisations sociales. On parle bien, dans un cas comme dans l’autre, des effets, sur la compétitivité-prix d’une diminution du coût du travail, soit par une réduction des « charges », soit par une diminution modique et contrôlée de la valeur de la monnaie. 
           
          Un peu comme le sous-entendait aussi, quoique pour évacuer avec pudibonderie ce scénario apparemment pornographique et réclamer en lieu et place une « dévaluation fiscale », un quarteron d’économistes s’exprimant dans Le Monde du 24 octobre : CLICK.
           
          Lenglet est comme iceux : c’est un type « raisonnable ». De plus, il est peu probable que sa belle-mère, quelque pari qu’elle ait gagné, soit allée jusqu’à exiger de lui un suicide social et professionnel à l’antenne.
           
          S’il sait donc parfaitement, comme le quarteron susmentionné et d’ailleurs comme tout le monde, qu’il faudra bien finir par dévaluer quelque chose, il rappelle immédiatement, de peur sans doute d’être changé en citrouille, que ce « quelque chose » ne saurait être la monnaie. Et de préciser, toujours au sujet de la dévaluation : « avec l'euro, c'est fini. Dans l'union monétaire, il faut travailler les coûts et la productivité, et on dirait que tous les gouvernements refusent de voir cela ».
           
          A moins qu'ils le voient parfaitement, mais qu'ils ne sachent...pas faire. Parce que ce n'est pas forcément...faisable.
           
          En tout cas, dimanche avec Lenglet, on n’est pas passé loin d’un hymne à la dévaluation monétaire. Donc d’un incident diplomatique avec l’Allemagne. Donc d’une fuite massive des capitaux vers le Turkménistan, d’une guerre mondiale, d’un tsunami ou pire, de la diffusion sur les ondes d’un clip de Mylène Farmer.
           
          Un indice qu’il pourrait peut-être bientôt, en dépit de l’ossification généralisée de la pensée économique, se passer malgré tout, un de ces jours, un truc vraiment drôle ?
           
          Lire et relire sur l'arène nue:
          Philanthropie : la BCE au chevet des banques commerciales CLOUCK
          Toi aussi, fais toi tutoyer la la BCE et occis la méchante inflation CLUCK
          L'Europe : du baratin de Monnet au baragouin sur la Monnaie CLECK
          Entretien avec Jacques Sapir sur l'Europe, la crise, la BCE 1/2 puis 2/2
          Pacte budgétaire européen : LOLons avec Elisabeth Guigou CLONCK
          Budget 2013 : V comme Viviane Reding  CLACK
           
           

          mercredi 24 octobre 2012

          Des chiffres et des lettres : nouveau combat "féministe"

           



          Après les mots, voici les chiffres. C'est Maître Capello qui aurait été fier de nos « féministes » 2.0 !

          On se souvient du combat homérique mené en 2011 par le collectif Osez le féminisme contre la présence du très dégradant vocable « Mademoiselle » dans notre langue archéo-française et androcentrée. Par chance, elles avaient vu bondir à leur secours la téméraire présentatrice de télévision Roselyne Bachelot, du temps que celle-ci était encore ministre de Nicolas Sarkozy. Grâce à leur brillante réussite, tout un tas de jouvencelles bénéficient aujourd'hui de l'immense privilège de se voir appeler « les filles » dans la cour du lycée, tandis que leurs camarades mâles ont toujours droit à « messieurs ». On sent qu'on a fait là un grand progrès.

          En 2012, les néo-connes1 reviennent et elles ne sont toujours pas contentes. Cette fois-ci, en lieu et place d'OLF, elles ont dépêché le collectif La Barbe, dont les militantes ont pour habitude de revêtir des barbes postiches pour protester contre la malnutrition dans le monde, l'écrasement du salariat par les capitalistes, l'Europe libérale de Maastricht au TSCG, le sexisme insupportable de la Sécurité sociale - laquelle prend quand même en charge nos frais de santé, mais ça doit leur paraître véniel.
           
           
          Après que leurs éminentes consœurs d'OLF ont torpillé un mot, leur-e-s successeur-e-s de La Barbe ont décidé quant à elles de dégommer deux chiffres : le 1 et le 2 qui débutent nos numéros de Sécu. On peu lire leur déclaration de guerre ici, sous la plume d'une dénommée Chris Blache, dont les talents « d' ex-conseillère d'Eva Joly » ont abouti, au soir du 22 avril, au résultat que l'on sait.

          Dans les colonnes de Libération, cette « activiste » explique en effet : « l'attribution des chiffres 1 ou 2 dans le numéro de la Sécurité sociale impose, dès la naissance, une hiérarchie explicite : en tête, le masculin, en éternel second, le féminin. Cet héritage installe avant même nos premiers pas dans la vie, d’un côté la confiance, de l’autre le doute ».

          A titre personnel, ce qui m'installe dans le doute, c'est surtout de me dire que la personne qui écrit ça est sincèrement persuadée de parler en mon nom, puisque je suis étiquetée « 2 » à la Sécu. Et moi qui ai toujours cru que c'était un privilège, vu que « 2 » est l'unique nombre premier qui soit également pair. Ça m'installe même dans l'angoisse, à vrai dire. Et aussi un peu dans la honte. Surtout quand je lis ce qui suit.

          Car la militante poursuit : « élaboré en 1934 et mis en place en 1941 à des fins militaires par la Société nationale des statistiques – devenue l’Insee en 1946 – ce numéro de matricule est né asexué, ou plus exactement, masculin ». Oh punaise ! Voilà que déboulent les années 1930/40, ces fameuses « heures les plus sombres de notre histoire ». Avec ça, si le numéro d'Insee n'est pas au moins un peu pétainiste, je ne m'y connais guère...

          Il est donc temps, selon Chris Blache, de mettre un terme à cette discrimination d'un autre âge, puisque « nos modes de vie ont remarquablement évolué », en particulier la configuration des ménages. « Solo, homo, en couple, avec ou sans enfants, les individus se marient ou non, se pacsent, divorcent », ce qui prouve bien finalement, qu'il n'y a plus ni hommes ni femmes2.
           
          Aujourd'hui, donc, non seulement « on ne naît pas femme », comme disait Simone de Beauvoir, mais on ne le devient pas non plus. Pas plus d'ailleurs qu'on ne devient homme. Nos identités dépassent largement ces « diktats ». Et ouais. Du coup, Chris Blache et La Barbe proposent qu'on supprime enfin les classifications3. Et de rappeler qu'étant toutes et tous en transition, nous sommes finalement « tous des 3 ».

          Quant à mon camarade blogueur Alexis M. (CLICK) il propose pour sa part un nouveau motif de mobilisation car il s'insurge : « les femmes sont XX et les hommes XY. Les femmes viennent donc avant les hommes en biologie. C'est un scandale ! Nous sommes tous des ZZ ! ». Un peu comme « zozo » ou comme « double zéro »...

          1 À ne pas confondre avec les néo-cons, qui eux-aussi ressemblent beaucoup aux anciens du même nom.
          2 Si, si, ça le prouve. Cherchez pas.
          3 Perso, je propose qu'on abolisse aussi le groupe sanguin, car ça discrimine vachement, surtout les ultra-minoritaires du groupe « B négatif ». Et tant pis pour les transfusés.

          Lire et relire :
          Avec Eva Joly, nous sommes toutes des norvégiennes ménopausées  CLICK
          "Féminisme" con : infidèles castreuses  CLACK
          Valérie Pécresse ou le féminisme à visage humain  CLOCK
          Féminisme : les mots et les images  CLOCK
          Bruxelles voit la science en rose pour les filles  CLOUCK

          jeudi 18 octobre 2012

          Budget 2013 : V comme Viviane Reding

           
           
           
           
           
          Les voilà, ils débarquent ! Qui ça ? Les envoyés de Bruxelles ! Au début de la semaine, ils venaient jeter un œil amical et désintéressé aux orientations budgétaires françaises retenues dans le cadre du projet de loi de finance pour 2013. Plus exactement, ils venaient s’enquérir de « la prise en compte des orientations budgétaires européennes » par le PLF. Dans ce cadre, ils étaient accueillis en guest stars à l’Assemblée nationale, avec un mélange de respect et de crainte, comme on accueille les vainqueurs quand on a soi-même capitulé.
           
          À leur tête, Viviane Reding, commissaire européen à la Justice, à la Citoyenneté et aux Droits fondamentaux – fermez le ban – qu’on avait davantage l’habitude d’entendre nous tancer sur notre gestion du « problème Rom », et qui vient de se découvrir, en tant que vice-présidente de la Commission, un talent inopiné pour les finances publiques.
           
          Cette fois, celle qui le fait pourtant si bien, n’a vilipendé personne. Au contraire, elle a vivement flatté notre douce France, car rien ne marche mieux que la carotte, même quand on préfère manier le bâton. Reding a donc salué un « projet de loi de finance ambitieux » et dit qu’elle mesurait « l’effort qui est demandé au peuple français ». Avec quoi l’a-t-elle mesuré ? Avec sa réglette graduée spéciale « efforts demandés aux peuples » ? L’histoire ne le dit pas.
           
          Mais elle était avenante, la commissaire. Mémère était venue avec plein de su-sucres à distribuer sans compter. Elle a même réussi à faire croire à Pierre Moscovici, qui, jappant d’orgueil, l’a répété partout, que « la voix de la France pèse dans le débat ». Quel débat, déjà ? On ne sait pas trop. Dans l’immédiat, l’heure est aux babillages auto-satisfaits.
           
          Cette présence bruxelloise au sein du palais Bourbon n’est pas une conséquence de l’adoption par le Parlement du traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance (TSCG). Elle est une anticipation de son entrée en vigueur : on est des types sérieux, en France. On prend de l’avance.
           
          Le TSCG, vous savez ? Ce traité dont on nous a dit et redit qu’il n’aurait aucune conséquence réelle et qu’il n’ajouterait rien aux instruments de torture préexistant tels le « six pack » (plait-il ?), le « two pack » (comment ?) et autres joyeusetés déjà votées et dont chaque citoyen a été dûment informé du contenu et des conséquences, n’est-ce pas ? Car nous sommes tout de en même en démocratie, palsambleu !
           
          Le TSCG, donc, qui ne sert à rien. Tout le monde l’a dit : ce texte inapplicable demeurera inappliqué. Un peu, comme l’affirme ici Emmanuel Todd, comme si l’on avait voté « la diminution de la distance entre la Terre et la Lune ou l’inversion du cours de la Seine ». Du coup, on se dit au passage que ça commence bien : prétendre maîtriser les dépenses publiques en faisant siéger le Parlement pour des prunes, c’est le top niveau de l’efficience budgétaire !
           
          Le TSCG, ainsi, qui ne sert à rien. Et au nom de ce « rien », les députés et sénateurs français ont accepté de se départir d’une large part leurs pouvoirs en matière budgétaire. Comme s’ils en avaient le droit. Comme s’ils ne représentaient qu’eux-mêmes. Comme si la démocratie et les prérogatives budgétaires n’étaient pas intimement liées et comme s’il n’était pas inscrit, au cœur même de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen (article 14) : « les citoyens ont le droit de constater, par eux-mêmes ou par leurs représentants, la nécessité de la contribution publique, de la consentir librement, d’en suivre l’emploi, et d’en déterminer la quotité, l’assiette, le recouvrement et la durée ».
           
          Le TSCG, toujours lui, qui ne sert à rien. On espère que ceux qui ont martelé cela ne se sont pas trompés et qu’il restera lettre morte. En attendant, ce texte est au minimum symbolique. Donc éminemment politique, tant il est vrai que la politique est faite de symboles, et cela depuis que Cro-Magnon a zigouillé Neandertal.
           
          La venue de Viviane Reding à l’Assemblée nationale non plus, ne servait à rien. La brave n’a pas fait modifier une traître ligne de PLF 2013, qu’elle a trouvé fort à son goût. Mais, la commissaire l’a dit elle-même, cette visite était « très spéciale ». En effet, elle était symbolique, donc éminemment politique.
           
          Politique comme le fut aussi – un peu – le fait que les débats entre responsables européens et députés français se soient déroulés dans les sous-sols de l’Assemblée : on ne deale jamais mieux que dans les caves. Politique, comme le fut aussi – beaucoup – le fait que les députés désireux de questionner l’équipe bruxelloise n’aient obtenu que deux minutes de temps de parole : tout ce qui se conçoit mal s’énonce hâtivement.
           
          S’adressant, ravie, aux représentants de la nation, Viviane Reding a en tout cas espéré que sa visite serait « suivie d’autres expériences ». De Folamour à Frankenstein, nul doute qu’elle a d’abominables idées plein la tête. Puis de citer le père fondateur : « Jean Monnet disait : ”les hommes n’acceptent le changement que dans la nécessité et ils ne voient la nécessité que dans la crise” ». Là-dessus donnons raison à Monnet aussi bien qu’à Reding. La crise, en effet, est drôlement installée. Et de menus changements, il risque d’y en avoir. Mais pas forcément ceux que vous espérez, madame la commissaire. Alors accrochez-vous : d’après la météo, ça va secouer.
           
           
          Lire et relire sur l'arène nue:
          Référendum sur l'Europe : et si on faisait comme Ayrault a dit ? CLICK
          Et si on testait les talents de la CPI sur les dirigeants de l'Europe CLICK
          Philanthropie : la BCE au chevet des banques commerciales CLOUCK
          Toi aussi, fais toi tutoyer la la BCE et occis la méchante inflation CLUCK
          L'Europe : du baratin de Monnet au baragouin sur la Monnaie CLECK
          Entretien avec Jacques Sapir sur l'Europe, la crise, la BCE 1/2 puis 2/2
          Pacte budgétaire européen : LOLons avec Elisabeth Guigou  CLONCK

           

          dimanche 14 octobre 2012

          "Français de" : l'AFP cite ses souches

           
          
                      Ci dessus : des "Français de" avec leur souche
          
           
          On ne sera pas étonné que le journal Libération ait été pionnier : quand il s’agit, au nom du « progressisme », de déconstruire quelque vieux scrupules républicains traînant encore ça et là, l’organe de presse favori de la « gauche d’agrément » n’est jamais en reste.
           
          Il était donc normal que Libé, ainsi qu’il le fit le 27 septembre dernier, utilise le premier l’expression « Français de souche », sans guillemets. Non pas au nom d’une quelconque « lepénisation des esprits » : à l’inverse de Nicolas Demorand et de ses amis, nous nous efforçons de ne pas inventer des fascistes là où il n’y en a point. Simplement par négligence. Et aussi parce que, si une vieille habitude interdit à la plupart d’entre nous d’user de cette tournure de phrase insidieuse, c’est forcément, pour Libération, le fruit d’un « archaïsme ».
           
          Le problème, avec les modes, c’est qu’elles sont comme les gaz innervants et les nuages radioactifs : une fois qu’elles sont à l’air libre, elles se répandent. Quinze jours plus tard, c’est donc au tour de l’Agence France Presse de citer ses souches, au détour d’une dépêche reprise en chœur un peu partout, sans que quiconque y trouve à redire.
           
          Commentant un tout jeune rapport de l’Insee sur les discriminations en France, l’AFP annonce en effet : « les descendants d’immigrés d’Afrique sont trois fois plus au chômage que les Français de souche, un écart largement dû au niveau de diplôme, à l’origine sociale et au lieu de vie mais dont une part reste “inexpliquée”, selon un rapport de l’Insee rendu public mercredi ». Puis, plus loin : « au contraire, les filles d’origine tunisienne ou marocaine décrochent davantage le baccalauréat que les Françaises de souche ». Pan ! En plein sur le nez des « archéos » qui croient encore que la « souche » n’existe pas, dans une nation politique qui ne reconnaît que des citoyens.
           
          Pan, donc. Mais si vous êtes déjà morts, réveillez-vous. Car on n’en est qu’à l’incipit : la crise cardiaque, c’est pour ce qui suit.
           
          Car il faut se pencher plus avant sur ledit rapport de l’Insee pour bien appréhender le problème. « De quoi ce rapport est-il le nom ? », comme s’interrogerait sans doute le vaste troupeau des plagiaires d’Alain Badiou ?
           
          Ce rapport, intitulé Immigrés et descendants d’immigrés en France (édition 2012) et rendu public mercredi 10 octobre, a pour but d’étudier les discriminations ressenties ou déclarées par les Français nés de parents immigrés vivant dans notre beau pays. Il présente d’ailleurs un relatif intérêt et peut être consulté ici.
           
          Pourtant, un élément dérange quand on isole et lit la seule partie francilienne du document. On ouvre alors des yeux ronds en tombant sur ceci : « Les descendants de natifs de départements d’outre-mer sont les plus nombreux à déclarer avoir subi des discriminations au cours des cinq dernières années ». Tiens donc : les Français originaires de Guadeloupe, de Martinique ou de la Réunion sont donc des enfants d’immigrés. On en apprend tous les jours.
           
          Certes, l’Insee d’Île-de-France – qui n’est pas folle, la guêpe – sent bien que l’affaire est tendancieuse et que le ver est dans le fruit. Aussi, pour désamorcer toute colère putative en provenance de la guilde des ennemis de « la souche », on nous explique : « la notion de migration s’entend ici au sens large de mouvement géographique de population, ce qui inclut les déplacements des natifs de Dom vers la métropole ». En d’autres termes, quand un Français de Pointe-à-Pitre fait sa valise pour se rendre puis s’installer à Trifouillis-les-trois-noix, il émigre. Vous suivez ? Non ? C’est normal….
           
          Certains diront qu’on chinoise et que cette façon de classer les habitants des Dom dans la même catégorie que les migrants est habituelle dans les études relatives aux discriminations, dès lors qu’on suppose qu’ils en subissent dans les mêmes proportions que les immigrés. Certes, les « sciences » jargonnent et on peut en partie le leur pardonner. D’une part parce que pour appréhender le réel, on n’a pas d’autre choix que de le saucissonner grossièrement : pour étudier, on catégorise.
           
          D’autre part, les sciences ont quelques droits exorbitants parce qu’elles ne font pas de politique. Ce qui n’est pas le cas de ceux, qu’ils soient de simples maladroits ou d’authentiques malveillants, qui utilisent, pour leur faire dire des sottises, les résultats de certaines études. Dès lors, ont aurait pu espérer que l’Insee francilienne fasse œuvre de prudence avant de livrer le fruit de ses investigations au grand public. Ce que la maison mère a d’ailleurs fait quant à elle, puisque l’étude d’envergure nationale ne retient pas du tout les éléments liés aux natifs des Dom.
           
          Surtout, l’AFP – qui gagnerait quant à elle à faire un chouïa plus de politique – n’était en rien contrainte d’en rajouter trois louches en nous pondant un « Français de souche » - sans guillemets - qui n’apparaît nulle part, ni dans le texte de l’Insee d’Île-de-France, ni, a fortiori, dans l’étude nationale.
           
          Finalement, il faudra un jour qu’on s’interroge un brin sur cette drôle d’habitude qui consiste, pour ne pas dire des choses qui fâchent, à proférer, en lieu et place, des âneries. Par exemple, lorsque l’on désire parler d’un « Français noir » et affirmer qu’il est discriminé comme tel, pourquoi ne pas simplement dire qu’il est noir ? C’est pornographique, d’être noir ? Il ne semble pas. Alors pourquoi inventer d’hypothétiques et lointains « lien avec l’immigration » ? Pour pouvoir faire de la statistique ethnique sans pour autant l’avouer tout à fait ? Au risque de produire un discours sans cesse plus confus et spécieux ? Le réel est déjà fort complexe. Et si on n’en rajoutait pas ?
           
           

          samedi 13 octobre 2012

          Fusion ratée EADS/BAE : les allemands sont-ils très très méchants ?

           

           
          Si la fusion entre les avionneurs franco-allemand EADS et britannique BAE avait eu lieu, on aurait eu un joli jouet. Une bonne grosse boite industrielle 100% européenne, capable de mettre la pile à l’américain Boeing, c’est sûr, ça aurait eu de la gueule. On peut même imaginer qu’à coup de « rationalisation » - comme on dit – ça aurait fini par créer quelques emplois, nonobstant la contraction des budgets de la Défense, en Europe comme aux Etats-Unis.
           
          Las, cette affaire a tourné court, et l’Union devra se contenter, à titre de lot de consolation, d’un prix Nobel de la Paix dont on ne doute pas qu’il sera aussi utile à l’édification de l’espèce humaine que celui obtenu en son temps par l’élégant Barack Obama.
           
          L’affaire a capoté, donc. Elle s’est heurtée à un « nein » allemand, comme aime à le répéter la presse écrite, que le simple fait de publier les quatre lettres N-E-I-N semble faire beaucoup rigoler, sans qu’on sache trop pourquoi. L’Allemagne a eu peur, semble-t-il. Peur que les activités d’aéronautique civile se concentrent à Toulouse, comme c’était prévu. Peur que la partie militaire ne revienne à l’Angleterre, et que dans cette affaire, l’Allemagne soit le dindon de la farce. Angela Merkel a donc fait capoter le truc : un peu logique non, présenté comme ça ?
           
          Ce qui est mignon, du coup, c’est d’entendre ceux-là même, habituellement si prompts à traquer le « germanophobe » qui sommeille en chaque européen depuis l’Anschluss de 1938, conspuer la chancelière avec la dernière énergie. Le journal LeMonde, pour ne citer que lui, se désolait vendredi matin de l’égoïsme allemand. Lui qui croyait la veille – voir l’édition de jeudi 11 – que la fusion achopperait sur l'étatisme archaïque et atavique qui gangrène la France, se trouva trouvé fort dépourvu lorsque le « nein » fut venu.
           
          Et de pleurnicher. Quoi, l’Allemagne refuserait de brader des emplois industriels en pleine tempête économique mondiale ? Qui plus est à un an d’élections majeures ? Si c’est pas là la preuve de ignominieuse « double duplicité chez Angela Merkel » ! Et le quotidien de dénoncer, sans blague, le « provincialisme » de nos cousins germains (on ne parle plus de « nationalisme » allemand depuis 1945 car ça fout la trouille à tout le monde).
           
          Il y en a donc qui, dans les meilleures rédactions de France, découvrent en 2012 qu’un pays, même membre de l’UE, défend généralement ses intérêts de nation d’abord, et fait passer l’Europe après. Incroyable : l’Allemagne n’est donc pas un pays masochiste !
           
          Faites gaffe, tout de même, les petits gars du Monde à ne pas cogner trop fort. Parce que bon, « double duplicité », « provincialisme politique» et « impérialisme industriel », ça fait quand même beaucoup. A ce rythme-là, la germanophobie n’est plus très loin….
           
           
          Lire et relire
          Dr Angela et Mrs Merkel, Janus allemand  CLICK
          Industrie de défense : les mirages du Rafale cher  CLACK
          Roms versus riverains : Marseille, la guerre des pauvres CLOCK
          "Féminisme" con: infidèles castreuses  CLOUCK
           
           
           

          jeudi 11 octobre 2012

          De quoi le manque absolu d’imagination est-il le nom ?

           
           


          J’ai beau n’avoir pas ouvert le bouquin, j’imagine qu’il était drôlement bien, si j’en crois le torrent d’autrui qui s’empresse d’en plagier le titre. Le truc, c’est que je ne risque plus de lire « De quoi Sarkozy est-il le nom ? » publié par Alain Badiou en 2007. Et pour cause : ses émules ont eu ma peau.

          De fait, « De quoi machin-chose est-il le nom » est devenu le poncif le plus vendeur sur le marché du titre à la noix. Il est vrai que ça se met à toutes les sauces, et qu’on n’a guère besoin de se fouler.

          Vous voulez savoir de quoi un match OM-PSG est le nom ? Cliquez ici.
          De quoi le Conseil constitutionnel est le nom ? Cliquez encore.
          De quoi le bouton « like » de Facebook est le nom ? Cliquez toujours.
          De quoi Mélenchon, Jonathan Littell, Mohamed Merah, et le Racing Club de Strasbourg son le nom ? Cliquez à en crever !

          Si ce n’était pas devenu si redondant que c’en est presque drôle, on pourrait décliner à l’infini et s’interroger, la mine inspirée : de quoi la grue qui surplombe l’immeuble qui jouxte le mien est-elle le nom ? De quoi les traces de doigt dégueulasses laissées par mon petit frère sur mon écran tactile sont-elles le nom ? De quoi le fait que Doliprane soit plus efficace codéiné est-il le nom ? De quoi le léger retard du bus 68 qui m’a fait rater le début de ma réunion est-il le nom ?

          Bref, on n’en peut plus. Et l’on en vient bien légitiment à se demander : « de quoi le manque absolu d’imagination est-il le nom ? ».

          Faute de pouvoir répondre à cette question essentielle, nous nous contenterons pour l’heure de proposer quelques variantes aux intituleurs compulsifs mais en manque d’inspiration. Pour commencer, que pensez-vous de ces quatre-là :
          Europe :« TSCG : de quoi le oui est-il le non ? »
          Arts de la table : « condiments : de quoi l’ail est-il l’oignon ? »
          Musique : « Beatles : la rétrospective, ou de quoi John est-il Lenon ? »
                           « Gainsbourg : la rétrospective, ou de quoi Incest est-il Lemon ? »
           
           

          lundi 1 octobre 2012

          Roms versus riverains : Marseille, la guerre des pauvres

           
           



          Pour qualifier l’évacuation forcée, par des habitants de Marseille, d’un campement de Roms dans la soirée de jeudi (25/09), tout l’attirail de l’infamie a été mis à contribution. De la « ratonnade » aux « milices », les ennemis de la nuance et autres handicapés du discours tempéré n’y seront pas allés de main morte. On a même parlé de « pogrom ».

          Les partis politiques se sont bien sûr saisis de l’affaire. Europe Ecologie – Les Verts à dénoncé le « mépris des règles élémentaires de la justice et de notre vivre ensemble ». Ah ! Le « vivrensemble » ! Cette douce idée qui consiste à faire se serrer les malheureux les uns contre les autres et à exiger qu’ils le fassent dans le calme, dans la quiétude, et dans le strict respect de « nos valeurs » !

          Quant au Parti de Gauche, capable aussi, parfois, de décevoir comme les autres, il a exprimé sans aller au-delà « sa consternation devant la propagation de la violence raciste ». Parce que cette affaire, nous dit-on, relève du racisme. C’est bien naturel : lorsqu’il se passe un truc moche sur cette triste planète, il y a toujours anguille sous roche et facho sous le boisseau.

          Le PG a certes dû se gratter un peu la tête devant l’incongruité que constitue le surgissement d’une milice fasciste emmenée par un « issu de la diversité » prénommé Rachid. Car jusque-là, quand on parlait des Roms, c’était facile. La bête immonde s’incarnait à merveille dans la personne de Manuel Valls, ce « nouveau Sarkozy » dont on sait qu’il était lui-même un « nouveau Pétain » : CQFD.  Évidemment, quand la meute fascistoïde est constituée d’Arabes des quartiers Nord de la cité phocéenne, ça jette un froid. Mais enfin, les « heures les plus sombres de notre histoire » ont déjà fait beaucoup d’usage. On n’est plus à un accommodement prêt.

          Des racistes donc, des factieux, des quasi-nazis, ce Rachid et ses deux frères handicapés vivant dans une cité HLM en cours de démolition. N’allons pas au-delà. Puisque leur geste est laid – qui contestera qu’il l’est ? – ne cherchons pas à le comprendre. Après tout, comprendre, n’est-ce pas déjà pardonner ?

          Étrangement, l’idée n’est pas venue à l’esprit des « redresseurs de tous les torts » qu’il s’agissait d’un épisode banal de cette concurrence entre pauvres qui ne manquera pas de se généraliser, sous l’effet d’une crise destinée à durer. Et cette bataille des miséreux est le plus beau cadeau qui puisse se faire au vaste panel des puissants. Elle leur offre une occasion inespérée de s’indigner à peu de frais sur le mode « les classes dangereuses, quelle bande de brutes ». Dans le même temps, ils se frottent les mains in petto en songeant combien il est devenu aisé de diviser pour régner.
          On conspue donc les sous-prolétaires marseillais, avec leur barre d’immeuble qu’on détruit pour cause de « rénovation urbaine », et eux qui font du sentiment et s’accrochent, les maroufles. Ils n’ont jamais tant ressemblé, ces gueux, à cette « putréfaction passive des couches les plus basses de la vieille société » comme disaient Marx et Engels pour définir le « Lumpenproletariat ». Regardez donc comme ils sont vils, eux qui se font justice eux même, et prennent l’initiative malheureuse de « décider de [leurs] règles et de les appliquer en toute autonomie ». Un jour, si l’on n’y prend garde, ils pourraient bien finir par exiger plus d’équité…
          Pour l’heure, ils n’ont rien exigé du tout, sentant bien que la voix au chapitre ne leur serait pas accordée. Ils ont chassé de leur triste lopin, sans ménagement et sans aménité, quelques plus misérables qu’eux. On s’en prend toujours, d’abord, à ce qui gêne immédiatement. Surtout quand la proie est facile.

          Las, ils s’en sont pris à des Roms sans s’apercevoir qu’ils commettaient un crime de lèse-victime en s’attaquant aux damnés de l’Union européenne. Depuis Bruxelles, on entendra sans doute tonitruer la très outragée Viviane Reding, commissaire « à la Justice, aux Droits fondamentaux et à la Citoyenneté » – et peut être aussi à la Gentillesse universelle, à la Concorde dans la béatitude et aux Bonbons sucrés. Malheureusement, elle aura un peu raison : ce n’est pas joyeux, ce qui s’est passé.

          Ce n’est pas joyeux parce que voir des pauvres bousculer d’encore plus pauvres n’est jamais un beau spectacle. Mais les riverains de Marseille, posés là pour l’éternité, et les Roms de passage, errants de toujours, ne sont au bout du compte que les deux faces d’une même médaille. Ils payent tous au prix fort le coût humain de la mondialisation, comme l’explique si bien Zygmunt Bauman. Ils sont, chacun dans leur genre, les oubliés de « l’inégalité de déplacement », les laissés-pour-compte de « la nouvelle hiérarchie de la mobilité », cette grande injustice du siècle.

          Cependant qu’en haut, l’élite baguenaude autour de globe, sillonne la Californie, bronze à Maurice et enquille les séminaires entre Shanghai et Montréal, en bas, les glocalisés de tout poil, sédentaires contraints et nomades obligés, se font face en chiens de faïence.  Les premiers, rivés à leur coin de terre, « doivent subir passivement tous les bouleversements que connaît la localité dont ils ne peuvent partir ». Ils en chassent donc les seconds, ces « vagabonds » qui, toujours selon Bauman, « bougent parce qu’on les y a poussés (…) déracinés d’un lieu qui n’offrait plus de promesses ».

          Ainsi, les premiers, emmurés dans une immobilité qu’ils n’ont plus d’autre choix que de chérir et de défendre, rejettent les seconds dans une errance perpétuelle, qu’ils n’ont plus d’autre choix que de revendiquer comme si c’était un art de vivre. Tout cela pour le plus grand bonheur d’une bourgeoisie trop heureuse de pouvoir se draper dans  une  indignation commode, prouvant, comme le supputait Marx, combien le sous-prolétariat lui est un utile supplétif.
          Pendant ce temps, « les marchés » reprennent confiance, la bourse clôture en hausse, et les créanciers de notre beau pays se satisfont des « réformes de structure » qui devraient nous permettre d’honorer notre dette. Ils sont heureux : ils ont gagné un temps précieux. Tant que les pauvres s’entre-déchirent, ils ne s’occupent de réclamer ni l’égalité, ni la justice.