dimanche 12 avril 2015

Filikí Etería n°4 – La Grèce vue de Grèce : revue de presse


- Billet invité -
Cristobalacci El Massaliote

 
Comme les semaines précédentes, Cristobalacci El Massaliote a épluché la presse grecque et fait le point pour L'Arène nue. Au programme, les négociations avec l'Union européenne, les réparations allemandes, la visite, évidemment, de Tsipras en Russie, et.... les festivités !
 
 
 
- L'ingrat !
- Il n'a pas respecté l'argent que les contribuables romains ont donné pour sa crucifixion !
 
 
 
Loin des journalistes passionnés par « pulsions d’inceste et pulsion de mort chez les crypto-pétainistes » et enivrés par le poids de la motion de Karine Berger au congrès du PS, il existe une presse capable de préparer les fêtes de Pâques tout en regardant vers Moscou, Bruxelles ou Pékin : il s’agit de la presse grecque.

1/ les relations avec l'UE. Poursuite des réformes, menaces migratoires et peur de la sortie de la zone euro.

a/ Poursuite des réformes et négociation de la dette

La réunion de l’Euro Working Group du 8 et 9 avril a particulièrement inquiété la presse grecque. Les déclarations du porte-parole de la Commission européenne, Alexander Winterstein qui venait d’affirmer « c’est maintenant à la Grèce de faire un pas puisque les partenaires européens ont fait suffisamment de concessions », avait un peu tendu les esprits. Avghi, journal proche de Syriza parlait même « d’optimisme réservé », alors qu’Ethnos prévoyait une réunion extraordinaire de l’Eurogroupe avant la réunion prévue le 24 avril à Riga. Selon Ta Néa du 9 avril, les créanciers continueraient à faire pression sur Athènes pour que son gouvernement adopte des réformes sur la sécurité sociale, le marché du travail, les licenciements et les privatisations.

b/ Menaces migratoires

Le 8 avril, plusieurs journaux (Ethnos, Ta Nea, Kathimerini, Avghi, Eleftheros Typos) commentaient le tollé provoqué par les déclarations faites la veille par le ministre grec de la défense, M. Kammenos, au cours d’une interview accordée au Times (« Si l’Europe continue à intimider la Grèce, le pays ne sera pas en mesure de contrôler ses frontières et ne pourra empêcher les djihadistes d’entrer en Europe »). Les partis de l’opposition (Nouvelle Démocratie, le PASOK et ces 3%, La Rivière) ont d’ailleurs unanimement condamné ces déclarations en les qualifiant de « dangereuses » et d’«irresponsables». De son côté, le Premier ministre grec lors de son entretien avec le commissaire européen aux migrations et affaires intérieures, M. Avramopoulos, a évoqué la nécessité de réviser le règlement européen encadrant le droit d’asile (règlement Dublin II).

c/ craintes sur la sortie de la zone euro

L’éditorialiste Georges Kapopoulos, dans l’Ethnos du 6 avril avançait que le problème de Berlin (donc de l’Europe) n’était pas tellement lié à la question de son positionnement face à des gouvernements « qui s’écartent de la politique d’austérité rigoureuse » (aujourd’hui la Grèce et certainement demain l’Espagne) mais dépendait davantage du cas français, touché par une déstabilisation sociale et politique risquant de s’aggraver en cas de «  conflit frontal non seulement avec l’austérité budgétaire et l’Europe allemande, mais également avec la dynamique même de l’intégration européenne ».

En même temps le président de la République hellénique, M. Pavlopoulos, recevait le chef de la délégation de l’UE en Grèce, M. Panos Karvounis. pour lui réaffirmer la volonté de maintien de la Grèce dans l’eurozone (« l’avenir de la Grèce se trouve dans l’UE et la zone euro »).

d/ Allemagne : la question des réparations fait son chemin

Dans son édition du 8 avril Ta Néa titrait « La Gauche et les Verts ouvrent une fenêtre aux réparations allemandes », et notait que, malgré l’impossibilité d’un débat officiellement clos avec le gouvernement allemand la question des réparations allemandes continuait de cheminer. Alors que les partis de la coalition gouvernementale allemande (chrétiens-démocrates et socio-démocrates) continuent de refuser toute discussion sur cette question, Manuel Sarrazin, spécialiste des questions européennes chez Die Grünen, et Annette Groth, députée Die Linke et présidente du groupe parlementaire d’amitié Grèce-Allemagne, trouvent recevable l'idée d'un remboursement du prêt forcé que la banque de Grèce a dû octroyer sous la contrainte à l'Allemagne nazie en 1942.

2/ La « sécurité énergétique » au cœur des relations avec les pays voisins

Les journaux Kathimérini et To Vima relèvent que le ministre des Affaires étrangères, M. Kotzias, s’est rendu à Budapest pour participer à une réunion à cinq avec ses homologues hongrois, serbe, turc et celui de l’ARYM (Ancienne République Yougoslave de Macédoine), axée sur le thème de la «sécurité énergétique» et du tracé du gazoduc « Turkish Stream ».

3/ La Russie

a/ La question du gaz russe

Pour Ethnos, la Grèce ambitionne de devenir la nouvelle porte d’entrée du gaz naturel russe à destination de l’U.E. Le ministre grec de l’énergie Panagiotis Lafazanis s’est d’ailleurs entretenu avec son homologue russe Alexandre Novak ainsi qu’avec le DG de Gazprom, Alexei Miller. Le ministre grec s’est prononcé en faveur du gazoduc « Turkish Stream », projet qui vise à remplacer celui du « South Stream », abandonné par la Russie en réponse aux sanctions de l'Union européenne contre elle.

Les questions posées par la partie grecque à l’occasion du voyage de M. Lafazanis à Moscou ont porté sur plusieurs sujets : réduction du prix d’achat de gaz naturel acheminé en Grèce, ouverture de négociations pour un nouveau contrat 2016-2019, participations des entreprises russes à l’appel d’offres international sur des recherches sismiques et l’exploitation des gisements d’hydrocarbures dans les secteurs maritimes de la mer Ionienne et au Sud de la Crète.

Après sa rencontre du 8 avril avec Vladimir Poutine, Alexis Tsipras a déclaré que les discussions avaient porté sur la création d’un « gazoduc grec » sur le territoire grec, car il est favorable au projet mais refuse l’appellation « Turkish Stream » pour la partie grecque de pipeline. Il a également rappelé que la Grèce continuerait à respecter les règles de l’UE, avant d’ajouter qu’un tel projet pourrait également améliorer les relations entre la Grèce et la Turquie.

b/ la possibilité d’une aide financière russe ?

Alors que le 8 avril Ta Nea avançait que la Grèce n’envisageait pas de demander d'aide financière à la Russie, Ethnos reprenait des informations publiées dans la presse russe selon lesquelles la Russie était en train d’examiner l’octroi d’un prêt à la Grèce. Celui-ci pourrait être lié à la réduction du prix du gaz, au rachat des chemins de fer grecs TRAINOSE par des intérêts russes ou à une opération autour du port de Thessalonique.

Lors de son déplacement à Moscou, A. Tsipras a déclaré qu’il ne se trouvait pas en Russie pour demander une aide financière en soulignant : « la Grèce n'est pas une mendiante qui va de pays en pays pour leur demander de régler ses problèmes économiques et une crise économique qui ne concerne pas seulement la Grèce mais l’ensemble de l’Europe et qui doit être résolue dans le cadre de l’UE ».

c/ La rencontre Tripras-Poutine et ses conséquences

Au cours de la conférence de presse qui a suivi l’entretien du 8 avril, V. Poutine et A. Tsipras ont affiché leur volonté de renforcer la coopération dans les domaines de l’énergie, du commerce, du tourisme et de la culture. Alors que le président russe semblait s’intéresser particulièrement aux programmes de privatisations grecs dans les secteurs des transports et des infrastructures, Alexis Tsipras s’est prononcé pour la construction d’une nouvelle architecture de sécurité en Europe intégrant la Russie. Le premier ministre grec a ainsi déclaré : « la Grèce est un pays souverain et a le droit d’exercer une politique étrangère multidimensionnelle et de mettre en valeur sa position géopolitique » avant de préciser : « nous respectons nos engagements auprès des organismes internationaux auxquels nous participons, mais nous entendons utiliser toutes les opportunités au niveau international » (Kathimerini, Le Journal des Rédacteurs et Eleftheros Typos, le 09 avril).

Alexis Tsipras a défendu la souveraineté de la Grèce lorsqu’elle souhaite coopérer avec des pays hors UE comme le font les autres membres de l’UE, avant d’ajouter que ces coopérations seraient également bénéfiques pour l’ensemble de l’Europe (Kathimerini, Ethnos, Ta Nea, Avghi).

Le Journal des Rédacteurs du 9 avril résumait en parlant à sa Une de « réchauffement des relations gréco-russes» avant d’énumérer les trois importants accords concernant, l’énergie (gazoduc), les investissements (intérêt russe à investir en Grèce) et les produits agricoles grecs (création d’entreprises communes gréco-russes).

d/ L’Europe de Lisbonne à Vladivostok ?

Lors de sa visite à Moscou, Alexis Tsipras a déclaré : « l'objectif de cette visite est de prendre un nouveau départ dans les relations entre nos deux pays, dans la recherche de la paix et de la sécurité en Europe ». Lorsqu’un journaliste lui a demandé si son pays se tournerait vers la Russie dans le cas où les partenaires européens décideraient de «faire sortir la Grèce du navire», le premier ministre grec a répondu que dans ce navire tous les membres étaient passagers et que la Grèce ne devait pas être considérée comme un passager clandestin ni comme une «colonie de la dette». Alexis Tsipras a précisé : «si on commence à faire sortir un passager du navire, alors le navire risque de se renverser» (Kathimerini, Ethnos, Ta Nea, Avghi, Eleftheros Typos).

4/ La Chine

En reprenant des sources officielles chinoises, Kathimerini du 7 avril révélait qu’au cours de la récente visite en Chine du vice-premier ministre grec, M. Dragassakis, avait permis d’élaborer un plan d’action de coopération bilatérale dans plusieurs domaines : ports, construction navale, transport et logistique. Selon les mêmes sources Pékin aurait réitéré sa volonté de soutenir la Grèce pour faire face à la crise de la dette et souligné que la Chine continuerait à suivre l'évolution du marché des obligations grecques.

5/ Affaires intérieures

a/ Le gouvernement Syriza-ANEL toujours aussi populaire

Selon un Sondage Public Issue (26 mars au 2 avril, 1004 personnes), le pourcentage des citoyens qui approuvent l’action gouvernementale dans la négociation avec les créanciers a atteint 63%, soit cinq points de plus par rapport à mars 2015. M. Tsipras est considéré comme le plus apte pour le poste de Premier Ministre, avec 62% d’avis positifs, contre M. Samaras qui réunit 20%.

La côte de confiance du ministre des finances, M. Varoufakis (55%), est légèrement en baisse par rapport au mois dernier (59%).

La cote de popularité des hommes politiques s’établit ainsi : M. Tsipras obtient 78% (contre 79% en mars), M. Kammenos 46% (contre 51%), M. Théodorakis 45% (contre 47%), M. Koutsoumbas 35% (contre 40%), M. Samaras 28% (sans changement), M. Vénizélos 19% (contre 21%) et M. Michaloliakos 9% (contre 10%).

b/ On a rattrapé Vicky !!

Plusieurs journaux (Ta Nea, Ethnos, Avghi) ont commenté la livraison à la police de Vicky Stamati, qui s’était échappée la semaine dernière de l'hôpital psychiatrique où elle était détenue (on en a parlé la semaine dernière ici). Mme Stamati qui est l’épouse de l’ancien ministre de la défense Akis Tsohatzopoulos et condamnée en même temps que son époux à la prison ferme pour corruption, a fait savoir par le biais de son avocat qu’elle était prête à déposer devant la justice. Elle aurait affirmé vouloir révéler tout ce qu’elle savait sur l’affaire de blanchiment d’argent dans laquelle elle serait impliquée.

c/ Ce sont les Pâques Orthodoxes.

Actuellement la Grèce est arrêtée pour les fêtes de Pâques (une semaine après les Pâques catholiques). Après avoir partagé tsourekia (brioche), koulouria (pâtisserie) et maghiritsa (soupe d’abats d’agneau), les familles grecques se rassemblent autour de l’agneau grillé. Lors de cette fête, la plus importante dans le calendrier orthodoxe, les grecs peuvent sentir comment la joie printanière vient à bout de la nuit de la souffrance… O Laos anesti : le peuple est debout !


4 commentaires:

  1. Bonjour,

    Je comprends que, vous aussi, la motion Karine Berger (souffle de l'utopie, puissance du réel) vous fasse tourner la tête...

    Sinon, rien à voir, mais le futur magazine Ruptures a lancé une campagne de financement participatif, pour l'aider à bien se... lancer. Il s'agira d'un journal "progressiste et iconoclaste", et eurosceptique si j'ai bien tout compris.

    Antoine.

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    1. Bonjour,

      Oui, j'ai bien compris pour la campagne de financement mais pardonnez moi : je préfère en premier me financer moi-même. Donc si vous voulez donner à L'arène nue (pour contribuer à l'achat de livres et de presse essentiellement), cliquez sur le bouton prévu à cet effet) ! ;-)

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  2. O laos anesti signifie: le peuple ressuscité .

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  3. Deux semaines.

    Vous avez bien lu : deux semaines.

    Mercredi 15 avril 2015 :

    La Grèce « a de l’argent pour deux semaines. »

    Le temps presse pour la Grèce : le gouvernement a jusqu'au 20 avril pour présenter aux autres membres de la zone euro la liste des réformes qu'il entend mener, un dossier sur lequel Grecs et Européens ont déjà étalé leurs désaccords à trois reprises. Mais où en est le pays à moins d'une semaine de cette échéance décisive ? Kostas Botopoulos, président de l'autorité grecque des marchés financiers, était l'invité d'Europe 1 mercredi matin. Et il n'a pas caché la situation difficile du pays.

    Des caisses vides dans « deux semaines ».

    « Le gouvernement lui-même a admis qu’il y a de l’argent dans les caisses pour deux semaines, jusque début mai. Après, il y aura des problèmes pour honorer nos obligations intérieures et extérieures », a reconnu le président de l'autorité grecque des marchés financiers.

    http://www.europe1.fr/economie/la-grece-a-de-l-argent-pour-deux-semaines-2428349

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