dimanche 12 février 2012

Micro-trottoir 2012 : Yann aime sa région...et Eva Joly !



Cet entretien a été réalisé dans le cadre du micro-trottoir 2012 de l’arène nue. Vous pouvez en consulter ici la rapide description, ainsi que les dix premiers volets (un, deux, trois, quatre, cinq, six, sept, huit, neuf, dix). Je remercie vivement Yann, mon interlocuteur.

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Yann a 35 ans. Il est contractuel dans l'éducation nationale, après avoir été 10 ans médiateur du patrimoine, là encore en vacation. Il habite Lorient (Bretagne), où il est impliqué dans les travaux  du conseil municipal.

Vous comptez accorder votre suffrage à Eva Joly lors du premier tour de l'élection présidentielle. Quelles sont vos principales motivations ?

Je regarde les programmes des candidats sous trois angles : le retour à un esprit de justice sociale et territoriale, la reterritorialisation de l'économie, et l'articulation entre un renforcement de l'Europe politique, que la crise de l'euro impose, et la proximité citoyenne d'un niveau pertinent pour agir : les régions.

Certains candidats (JL Mélenchon, N. Sarkozy, M. Le Pen) propagent le mythe selon lequel l'Etat peut tout. C'est un mythe agité par ceux qui flattent les élans nostalgiques des électeurs qui regardent dans le rétroviseur. Au final, ces attitudes renforcent la défiance envers le politique, car dans les faits chacun voit bien qu'on ne fera pas l'avenir avec les recettes d'hier et que l'Etat est dans l'incapacité d'assurer l'égalité des citoyens.  Nos gouvernements sont toujours prompts à s'inspirer du voisin allemand. Ils oublient que ce pays s'appuie sur un dialogue social fort, une confiance dans les Länders, une habitude de penser en réseau autour des "régions" et des PME.

En clair, pour moi le prochain Président ne devra pas être dans l'action personnelle et directe. Il devra libérer le dialogue social et démocratique à tous les niveaux, et laisser les régions, périmètre d'action de demain, gérer ce qui leur est propre et leurs atouts. Qui mieux que la région Bretagne s'impliquera dans une véritable politique maritime, dans la protection de l'eau, dans l'utilisation de ses atouts énergétiques ?

Vous êtes donc pour une décentralisation bien plus poussée. En quoi la candidate écologiste vous semble-t-elle la mieux à même de porter ce projet ?

Eva Joly a bien compris cet enjeu moderne, en déclarant publiquement à plusieurs reprise qu'elle inclut l'autonomie politique des régions dans son projet de VI° République sur le modèle du Pays de Galle ou des Länders allemands. Je crois que Mme Joly est la mieux à même de défendre cette vision, du fait de son parcours personnel. Elle connait très bien la France, mais n'a pas été formatée par les grands corps de notre administration. Elle est celle qui peut le mieux dire que le siècle des identités uniques est terminé, que chacun d'entre nous porte des identités plurielles.
Parmi les identités portées par chacun, l'identité régionale à une place importante, en plus de l'identité française, européenne ou d'un pays d'origine. Mme Joly défend la place des langues régionales dans les politiques publiques comme une richesse supplémentaire. Elle est donc une candidate de gauche, écologiste, et inscrite dans la modernité du XXI° siècle d'une démocratie renouvelée.
François Hollande est aussi un candidat de gauche, qui s'est prononcé en faveur de la défense des langues régionales dans son programme, et qui est favorable à davantage de décentralisation. Pourquoi Joly plutôt qu'Hollande ?

Certes, une victoire finale d’Hollande serait déjà une bonne nouvelle pour tous ceux qui comme moi ont le sentiment d'avoir subi le détricotage de leurs droits sociaux depuis 2002, c'est à dire depuis que la droite gouverne. Effectivement, l’une des mesures du programme d’Hollande concerne les langues régionales. Toutefois, cette mesure ne s'accompagne pas des réformes constitutionnelles qui la rendent possible. Pour l'heure, cela s'apparente aux déclarations non appliquées de Mitterrand en 1981.

Quant à la décentralisation vue par François Hollande, il reste beaucoup d'ambiguïtés, notamment parce que le vocable à la mode au PS est le « renforcement des territoires », concept vague, qui permet de conserver toutes les couches d’un mille-feuille administratif indigeste, de la commune à l'Europe, en passant par les intercommunalités, les pays, les départements, les régions et la kyrielle de syndicats mixtes qui les accompagnent.

La France a l'habitude de faire monter en puissance des nouveaux niveaux (intercommunalités et régions aujourd'hui) sans supprimer les anciens. La rationalisation de la dépense publique locale comme la clarté du système pour les citoyens impose de supprimer des couches, comme le conseil général, institution désuète. Sur ce point, je fais plus confiance aux Verts, dont le parti - je n’en suis pas membre - est organisé sur la base des régions, et non des départements. Dans un discours de Mme Joly prononcé cet été à l'Université de Régions et Peuples Solidaires, elle a employé l’expression de « fédéralisme différencié » : il s’agit d'adapter les réformes des collectivités aux souhaits et aux réalités locales. C'est je crois la posture adaptée au temps, car on ne peut envisager de chausser toutes les pointures avec le même chausse-pieds.

Par ailleurs, des parlementaires Verts, François de Rugy en tête, ont été les premiers, à gauche, à prendre des initiatives en vue de la réunification de la Bretagne et en vue du retour de Nantes en Bretagne. C’est un dossier auquel je suis sensible non pas par nostalgie historique, mais parce que je crois que les régions ont besoin d'être identifiables clairement. Une Bretagne entière, c'est une Bretagne « projet », en phase avec le vécu économique de notre région maritime, et c'est un espace perçu comme cohérent par le citoyen et qui favorise donc la participation civique aux débats régionaux.

Vous parlez assez peu d’écologie

Justement, si. Je crois qu'Eva Joly représente le rassemblement de ceux qui préparent la reterritorialisation de l'économie et le dossier de l'énergie en est la preuve. Mieux vaut se mettre tout de suite à utiliser les atouts énergétiques de nos régions (soleil, marée, vents, etc) que de continuer à faire vivre le gouffre financier du nucléaire qui ne produit des emplois que dans des lieux très ciblés. L'accident nucléaire au Japon, il y a près d'un an, comme le récent rapport de la Cour des comptes sur le nucléaire montrent l'urgence à lancer un vaste de plan de recherche et de soutien à toutes les alternatives au nucléaire. Mieux vaut des petites unités de productions qui créent de l'emploi partout avec les énergies naturelles qu'un EPR potentiellement dangereux qui concentre l'emploi en un point.

Eva Joly semble en mauvaise posture dans les sondages. En êtes vous inquiet ? Comment l'expliquez-vous ?

Elle représente des courants de pensée écologistes, fédéralistes qui ont toujours plus de facilité avec les scrutins de liste.

Eva Joly porte l'analyse de ceux qui disent que la crise écologique ne se résoudra que par la mobilisation de la société dans son ensemble, que la crise du politique se résoudra par la facilitation de l'implication citoyenne et la responsabilisation des échelons régionaux et locaux, et qu'en matière social la norme doit reposer sur les remontées du dialogue des acteurs. Bref, c'est une candidature qui porte la complexité des enjeux, pas une candidature qui dit "je suis celui/celle qui résoudra tout à la tête d'un Etat fort".

Or la mécanique politique et médiatique de la présidentielle favorise beaucoup les candidats tribuns, se posant comme la solution individuelle aux problèmes collectifs. C'est d'ailleurs une situation qu'on ne retrouve qu'à la présidentielle. Aux élections locales et régionales ou aux élections européennes, élections d'équipe où le collectif a une valeur centrale, les différents courants que je retrouve derrière Mme Joly s'en sortent nettement mieux.

Pour autant, si la faiblesse du score d'Eva Joly dans les sondages me désole, elle ne m'inquiète pas. L'élection qui fera le prochain gouvernement, ce n'est pas la présidentielle. Ce sont les législatives.

Lire et relire :
Micro-trottoir 2012 de l'arène nue : la règle du jeu  CLICK
Micro-trottoir 2012 : Marcella, plutôt de gauche mais très circonspecte  CLACK
Micro-trottoir 2012 : Pour Jérôme, aucun doute, c'est Mélenchon   CLOCK
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Micro-trottoir 2012 : Louis-Alexandre croit en Corinne Lepage  CLNCK
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6 commentaires:

  1. encore cette vieille lune du "federalisme"
    comme quoi Eva Joly ne connait pas du tout la France.
    ou plutôt elle ne comprend absolument pas ce pays et ses habitants.
    rien de plus étranger à la France que le federalisme, celui ci ne lui a toujours apporté que division et discorde.
    pas pour rien que tant la monarchie que la république aient poussé à la centralisation.

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  2. @Saul :
    Accordons lui, pour cette fois, de n'y être pour rien. ici, c'est un électeur qui parle :-)
    (Remarquez, sur RTL tout à l'heure, elle a affirmé être fédéraliste...)

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  3. Décentralisons, c'est l'universelle solution !
    Territorialisons, c'est la vraie révolution !

    Enfin, nous aurons une nation dont les provinces n'auront que faire de leur voisin ... La Bretagne subit une sécheresse ? Faudra pas compter sur les normands pour leur acheminer de l'eau !

    Et ce ne sont pas les supplications d'Eva Joly présidente qui y changeront quoi que ce soit !

    Et puis, il faut miser sur nos atouts régionaux : la Lorraine devrait un peu se concentrer sur l'énergie marréemotrice plutôt que d'entretenir la nostalgie de ses mines !

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  4. Voici une note de synthèse sur le rapport Energie 2050 :

    http://www.strategie.gouv.fr/content/energies-2050-note-de-synthese-263-fevrier-2012

    On y lit, page 8, que l'augmentation des prix dans les scénarios de sortie du nucléaire étudiés aurait l'effet suivant :
    "Au contraire, les modèles indiquent que l’effet prix sera de plus grande ampleur sur l’ensemble de
    l’économie nationale, avec un nombre important de
    pertes d'emplois dans les options de réduction de la part
    du nucléaire, compris entre 100 000 et 200 000."

    Autrement dit, moins 200 000 emplois, dont une fraction plus ou moins proportionnelle en Bretagne.

    Le rapport de la Cour des comptes a indiqué que le nucléaire n'était pas un "gouffre financier".

    Enfin, sur l'emploi correspondant en Bretagne :
    http://fr.wikipedia.org/wiki/Affaire_de_Plogoff

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  5. @singe vert et @ saul:
    Vous avez raison. Grace à la france une et indivisible, les habitants du Mirail à Toulouse, de la Courneuve, de la cité des 4000, etc, vivent l'égalité au quotidien.
    Vous avez raison : grace à la france une et indivisible, les habitants du centre bretagne et de la creuse bénéficient d'un service hospitalier de point à proximité immédiate.
    Vous avez raison, grace à la france une et indivisible, la presse parle souvent des vrai sujet politique en région et ne se contente pas du bruit en bas de ese bureaux parisien.
    Vous avez raison, grace à la france une et indivisible, les talents artistiques en région sont reconnus.
    Grace a la france une et indivisible, 75% des politiques publiques culturelles sont concentrées en ile de france, etc....

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    1. me semble pas que ceux des cités parisiennes soient plus égaux que ceux du Mirail à Toulouse.
      et curieusement la décentralisation semble avoir accentué les inégalités sociales.
      me semble pas que la décentralisation (qui date de 30 ans tout de même...c'est pas rien non plus) aient amélioré l'égalité médicalo-hospitalière entre les régions...au contraire depuis que c'est la France (majuscule please) désunie et divisible, on parle désormais de "deserts medicaux", on ferme des hostos, on regroupe....
      ne parlons pas des baronnies et seigneuries locales qui ont pullulés, plaçant les citoyens sous une férule ressemblant plus à la feodalité (on dit clientélisme aujourd'hui) qu'à une plus grande démocratie...
      on va pas parler de l'inégalité de l'accés au services publics.
      ah c'est pas sous la France une et indivisible qu'il y aurait eu des villages auxquels on aurait fermé le bureau de poste...
      par exemple.
      me semble pas que sous la France une et indivisible, les artistes régionaux étaient discriminés plus qu'aujourd'hui. me semble même au contraire que la plupart des acteurs, chanteurs et artistes en tout genre étaient des provinciaux en grande majorité...
      etc etc
      Quant à la presse, vivant en province, la presse quotidienne régionale parle des sujets politiques locaux, qui sont aussi des bruits en bas de leurs bureaux. mais ces bruits sont provinciaux, c'est la seule différence. et de ce que je me souvienne, ça a toujours été le cas.
      après c'est sur, le national a la première place. mais c'est qu'on se sent un peu concernés aussi...ça s'appelle et concrétise le sentiment d'appartenance commune, ou la conscience nationale (oh le vilain mot !) si vous voulez

      la centralisation, c'est ce qui a assuré le développement et la grandeur de ce pays

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