vendredi 8 avril 2016

Référendum : les Pays-Bas disent (encore !) non à l'Europe.






En Union européenne, il y les « grands référendums », et les « petits référendums ». La différence entre les deux, c'est que les « grands référendums » défrayent la chronique, et que tous européens professionnels (Jean-Claude Juncker, Donald Tusk, Martin Schultz – rayez les trois mentions inutiles) sont unanimes à les condamner. Exemple : le référendum grec de juillet 2015, dont l'annonce même de la tenue avait généré un vent de panique continental.

Des « petites référendums », on parle moins. Ils se tiennent dans un silence feutré, et l'on évite d'en trop commenter les résultats. Exemple : le référendum danois de décembre 2015, qui avait permis aux électeurs du pays de se prononcer à 53 % en défaveur d'un surcroît d'intégration européenne. 

L'année 2015 a donc eu son grand et son petit référendum, tous deux négatifs quelles qu'en en aient été les suites. En 2016, il en sera de même. Le « grand référendum », celui sur le Brexit, affole déjà le commentariat de toute l'Union, bien qu'il ne soit prévu que pour le 24 juin. Le « petit référendum », lui, vient d'avoir lieu aux Pays-Bas. S'il n'a pas mobilisé les foules, son résultat est évidemment négatif, avec 61 % des voix pour « non ».

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Si le référendum de 2015 au Danemark portait sur une question considérée comme « technique », relative à la coopération policière au sein de l'UE, celui de 2016 aux Pays-Bas portait quant à lui sur un sujet dit « anecdotique ». Il s'agissait pour les Bataves de se prononcer sur l'accord d'association entre l'Union européenne et l'Ukraine. Celui-ci - ou plutôt son abandon - avait certes déclenché la révolte ukrainienne du Maïdan en 2013. Mais le départ du président pro-Russe Viktor Ianoukovitch et son remplacement par le délicieusement europhile Petro Porochenko avaient finalement abouti à la signature de l'accord en 2014. Comme pour tout accord de libre-échange, réputé naturellement bon dans cette Europe de la libre circulation de tout et de toute chose, la mise en application semblait ne devoir être que pure formalité.

A l'exception des Pays-Bas, dont le parlement l'a pourtant voté, l'accord UE-Ukraine a été ratifié par tous les pays de l'Union. Il est d'ailleurs en vigueur depuis le 1er janvier 2015. Toutefois, une récente spécificité de la loi néerlandaise fait que dans ce pays, l'approbation parlementaire n'est plus définitive. En effet, depuis juillet 2015, les citoyens ont le droit d'initier des référendums consultatifs a posteriori sur des textes déjà votés. Pour y parvenir, il faut réunir 300 000 signatures, chose que sont largement parvenu à faire le collectif eurosceptique GeenPeil et le site populaire GeenStijl en récoltant près de 428 000 en six semaines à peine. Pour être valide, la consultation doit ensuite donner lieu à une participation supérieure à 30 %. Cette fois-ci, ça passe mais c'est juste (32%). Pas si mal pourtant, pour une première.

Quant à la victoire du « non », elle était largement prévisible. En effet, il était évident que ce référendum se transformerait assez vite en vote symbolique sur la légitimité de l'intégration communautaire. Au demeurant, les principaux initiateurs ne s'en sont pas cachés. « Ce traité avec l'Ukraine ne m’intéresse pas tellement », expliquait par exemple le rédacteur en chef de GeenStijl, Bart Nijman, dans une interview. Pour lui, ce qui comptait avant tout, c'était de remettre en route la démocratie dans le pays. Jean-Claude Juncker quant à lui, jamais avare de coups de panique ni de déclarations intempestives, avait affirmé en janvier dernier qu'un « non » hollandais ouvrirait la voie à une « crise à l'échelle continentale ». Il confirmait par même qu'il s'agissait bien d'un votre sur l'Europe.

Dans ce cadre, les partisans du « oui » ont beaucoup misé sur l'abstention, et on peut dire qu'ils n'y ont pas trop mal réussi. Autrement, ils n'avait aucune chance. En effet, les pays du Benelux (dont les Pays-Bas), sont parmi les plus eurosceptiques de l'Union européenne, plus encore que la France et l'Italie, comme l'indique un récent sondage Elabe/Atlantico. Seuls 25 % d'entre eux disent considérer l'appartenance à l'UE comme ayant plus d'avantages que d'inconvénients. C'est assez singulier d'ailleurs, tant ces petits pays extravertis et commerçants ont été, à l'origine, en pointe dans la mise sur pieds de l'Europe telle qu'elle est : une Europe du marché. Parmi ceux que la mythologie communautaire surnomme les « Pères fondateurs », on trouve quatre représentants du Benelux dont deux Néerlandais, l'homme d'affaires Johan Willem Beyen et l'ancien président de la Commission Sicco Mansholt.

Mais le temps a passé, et tout le monde a oublié ces Romulus et Remus du Marché commun. Ce que personne n'a oublié en revanche, c'est le référendum sur le Traité constitutionnel européen de 2005. A la question « êtes-vous pour contre l'approbation par les Pays-Bas du traité établissant une Constitution pour l'Europe ? », plus de 61 % des électeurs avaient répondu par la négative. On peut difficilement faire plus clair. Par la suite, tout comme en France, les parlementaires du pays avaient décidé de s’asseoir sur le résultat et de ratifier le traité de Lisbonne. On ne peut pas faire plus clair non plus, en termes de mépris de la souveraineté populaire.

Depuis, les difficultés sont allées en s'amoncelant. Les difficultés économiques d'abord, dont la crise grecque a été un moment crucial. Plusieurs pays d'Europe du Nord s'étaient prononcés, à l'été 2015, pour un « Grexit », une sortie de la Grèce de la zone euro. Les Pays-Bas en faisaient partie, aux côtés de la Finlande, des Baltes et de l'Allemagne. Ils ne voulaient à aucun prix d'une restructuration de la dette grecque. Or cette question, si elle a été mise sous le tapis depuis lors, ne tardera pas à refaire surface. Le Fonds monétaire international demeure attaché à cette restructuration. Il est même prêt, pour forcer la main à ceux qui n'en veulent pas et si l'on en croit les récentes révélations de Wikileaks, à conduire volontairement la Grèce au bord du défaut de paiement en juillet prochain. Le problème est donc très loin d'être réglé. La Grèce étant insolvable, il reviendra même très bientôt sur le devant de la scène.

Il y a également la question migratoire, qui crispe tout l'Europe, et les Pays-Bas pas moins que les autres. C'est justement le premier ministre néerlandais Mark Rutte, parce qu'il assure la présidence tournante de l'UE, qui est à l'origine, avec Angela Merkel, de l'accord UE-Turquie du 18 mars dernier. Un accord dont il est plus que douteux qu'il permette de régler la question, en plus des problèmes juridiques qu'il pose.


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Bref, le « oui » ne pouvait que perdre. Au mois de juin, les Britanniques auront la charge de suivre cette règle ou d'être l'exception qui la confirme, mais il en va désormais des « petits référendums » européens comme des « grands » : c'est non, c'est vraiment non, c'est encore et toujours non. Cela prouve d'ailleurs que l'Union est un projet internationaliste assez bien abouti. Simplement, c'est une Internationale du « non ».

En attendant, il est bien difficile de prévoir ce que les pouvoirs publics néerlandais feront d'un tel résultat, mélange d'abstention importante et de refus. Le gouvernement du pays a assuré que si le référendum était valide, il serait « tenu compte » du résultat. Voilà qui est tout à fait précis !
Le plus probable, l'accord d'association UE-Ukraine sur lequel portait le scrutin étant déjà en vigueur et le vote n'étant que consultatif, est que l'on arguera de la forte abstention pour s’asseoir sur le résultat, au prix de minuscules aménagements négociés avec Bruxelles, et en assurant la main sur le cœur que « le message des électeurs a bien été entendu ».

Jusqu'à la prochaine fois. Après tout, 300 000 signatures sont bien vites obtenues....


Article initialement publié sur Figarovox


2 commentaires:

  1. Heureusement qu'il y a votre blog, celui de Jacques Sapir et celui d'Olivier Berruyer ; sinon, on se sentirait un peu seul... Merci.

    Si vous voulez vous amuser un peu, écoutez donc les chroniques (intitulées La Semaine de l'Europe, sur la première chaîne de radio belge) de la pseudo-journaliste Anne Blanpain : de la pure propagande avec un esprit d'analyse digne de celui d'un journaliste sportif..

    Ce 8 avril, en écho au referendum hollandais, elle en arrivait à espérer une directive de la Commission qui régirait le droit d'organiser des référendums ! Ce chef d'oeuvre n'est pas encore en ligne, mais d'autres monuments sont à visiter ici
    https://www.rtbf.be/video/recherche?pattern=anne+blanpain

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  2. @Coralie Delaume,
    si, le Soir, grand quotidien belge-bruxellois francophone ultra-bobo, en a parlé, mais dans un entrefilet, noyé avec les faits divers :-)...
    C'est bizarre que les partisans européistes ne reculent devant rien pour arriver à leurs fins, y compris brandir les cadavres de leurs compatriotes morts dans le crash de l'avion Malaysia Airlines... C'est abject!
    Mais à quelque chose, malheur est bon: ceux qui nous vantent les mérites de l'Europe "démocratique" en seront pour leur frais: l'objet du référendum, à savoir, la ratification de l'accord de libre-échange UE-Ukraine est DEJA mis en application! Une nième preuve du déni de démocratie que représente l'UE...

    CVT

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