En
Union européenne, il y les « grands référendums », et
les « petits référendums ». La différence entre les
deux, c'est que les « grands référendums » défrayent
la chronique, et que tous européens professionnels (Jean-Claude
Juncker, Donald Tusk, Martin Schultz – rayez les trois mentions
inutiles) sont unanimes à les condamner. Exemple : le référendum
grec de juillet 2015, dont l'annonce même de la tenue avait généré
un vent de panique continental.
Des
« petites référendums », on parle moins. Ils se
tiennent dans un
silence feutré, et
l'on évite
d'en trop
commenter les résultats. Exemple :
le référendum danois de décembre 2015,
qui avait permis aux électeurs du
pays de se prononcer à 53 % en
défaveur d'un surcroît d'intégration
européenne.
L'année
2015 a donc eu son grand et son petit référendum, tous deux
négatifs quelles qu'en en aient été les suites. En 2016, il en
sera de même. Le « grand référendum », celui sur le
Brexit, affole déjà le commentariat de toute l'Union, bien qu'il ne
soit prévu que pour le 24 juin. Le « petit référendum »,
lui, vient d'avoir lieu aux Pays-Bas. S'il n'a pas mobilisé les
foules, son résultat est évidemment négatif, avec 61 % des
voix pour « non ».
***
Si
le
référendum de
2015 au Danemark portait sur une question considérée
comme « technique »,
relative à la coopération policière au sein de l'UE, celui
de
2016 aux
Pays-Bas portait quant
à lui sur
un sujet dit « anecdotique ». Il
s'agissait pour les Bataves de se prononcer
sur l'accord d'association entre l'Union européenne et l'Ukraine.
Celui-ci - ou plutôt son abandon - avait certes déclenché la
révolte ukrainienne du Maïdan en 2013. Mais
le départ du président pro-Russe Viktor
Ianoukovitch et
son remplacement par le délicieusement europhile Petro Porochenko avaient
finalement abouti à la signature de l'accord en 2014. Comme
pour tout accord de libre-échange, réputé naturellement bon dans
cette
Europe de la libre circulation de tout et de toute chose, la
mise en application semblait
ne devoir être que pure formalité.
A
l'exception des Pays-Bas, dont
le parlement
l'a pourtant voté,
l'accord UE-Ukraine a été ratifié
par tous les pays de l'Union. Il
est d'ailleurs en
vigueur depuis le 1er janvier 2015. Toutefois,
une récente
spécificité de la
loi néerlandaise fait que dans ce pays, l'approbation
parlementaire n'est
plus
définitive. En effet, depuis
juillet 2015, les citoyens ont
le droit d'initier des référendums consultatifs a
posteriori sur
des textes déjà votés. Pour y parvenir, il faut réunir 300 000
signatures, chose que
sont largement
parvenu à faire le collectif eurosceptique GeenPeil
et
le site populaire GeenStijl en
récoltant près
de
428
000
en six
semaines à
peine.
Pour
être valide, la consultation doit ensuite donner lieu à une
participation supérieure à 30 %. Cette
fois-ci, ça
passe mais c'est juste (32%).
Pas
si mal pourtant,
pour
une première.
Quant
à la victoire du « non »,
elle était largement prévisible.
En effet, il
était évident que ce référendum se transformerait assez
vite en vote symbolique sur la
légitimité de l'intégration communautaire. Au
demeurant, les principaux initiateurs ne s'en sont
pas cachés. « Ce
traité avec l'Ukraine ne m’intéresse pas tellement »,
expliquait par exemple
le rédacteur en chef de GeenStijl,
Bart Nijman, dans une interview. Pour
lui, ce qui comptait
avant tout, c'était
de remettre en route la démocratie dans
le pays. Jean-Claude
Juncker quant à
lui, jamais
avare de coups
de panique ni de déclarations intempestives,
avait affirmé en janvier dernier qu'un « non »
hollandais ouvrirait la voie à une « crise
à l'échelle continentale ».
Il confirmait par
là même
qu'il s'agissait bien d'un votre sur l'Europe.
Dans
ce cadre, les partisans du « oui »
ont beaucoup misé sur l'abstention, et on peut dire qu'ils n'y ont
pas trop mal réussi. Autrement, ils n'avait
aucune chance. En effet, les pays du
Benelux (dont les Pays-Bas), sont
parmi les
plus eurosceptiques de l'Union
européenne, plus encore que la France et l'Italie, comme
l'indique un récent sondage Elabe/Atlantico.
Seuls 25 % d'entre eux
disent
considérer l'appartenance à l'UE comme ayant plus d'avantages que
d'inconvénients. C'est assez singulier
d'ailleurs, tant ces
petits pays extravertis et commerçants ont
été, à l'origine, en pointe dans
la mise sur pieds de l'Europe telle qu'elle est : une Europe du marché. Parmi ceux que la
mythologie communautaire
surnomme
les « Pères fondateurs », on
trouve quatre
représentants du Benelux dont deux Néerlandais, l'homme d'affaires
Johan
Willem Beyen et l'ancien président de la Commission Sicco
Mansholt.
Mais
le temps a passé, et tout le monde a oublié ces Romulus et Remus du Marché commun.
Ce que personne n'a oublié en revanche, c'est le référendum
sur le Traité constitutionnel européen de 2005. A la question « êtes-vous
pour contre l'approbation par les Pays-Bas du traité établissant
une Constitution pour l'Europe ? »,
plus
de 61 % des électeurs avaient répondu par la négative. On
peut difficilement faire plus clair. Par
la suite,
tout comme en France, les parlementaires du pays avaient décidé de
s’asseoir sur le
résultat et de ratifier le traité de Lisbonne. On ne peut pas faire
plus clair non plus, en termes de mépris de la souveraineté
populaire.
Depuis,
les difficultés sont allées en
s'amoncelant.
Les
difficultés économiques d'abord,
dont la crise grecque a été un
moment crucial.
Plusieurs pays d'Europe du Nord s'étaient prononcés, à l'été
2015, pour un « Grexit », une sortie de la Grèce de la
zone euro. Les Pays-Bas en faisaient partie, aux côtés de la
Finlande, des Baltes et de l'Allemagne. Ils
ne voulaient à aucun prix d'une restructuration de la dette grecque.
Or cette question, si elle a été mise sous le tapis depuis
lors, ne tardera pas à refaire surface. Le Fonds monétaire
international demeure attaché
à cette restructuration. Il
est même
prêt,
pour forcer la main à ceux qui n'en veulent pas et si l'on en croit
les
récentes
révélations de
Wikileaks,
à conduire volontairement la Grèce au bord du défaut de paiement en juillet prochain.
Le problème est donc très loin d'être réglé. La Grèce étant
insolvable, il reviendra même très bientôt
sur
le devant de la scène.
Il
y a également la question migratoire, qui crispe tout l'Europe, et
les Pays-Bas pas moins que les autres. C'est justement le premier
ministre néerlandais Mark
Rutte, parce
qu'il
assure la présidence tournante de l'UE, qui est à l'origine, avec
Angela Merkel, de l'accord UE-Turquie du 18 mars dernier. Un
accord dont
il est plus que douteux qu'il permette de régler la
question,
en plus des problèmes juridiques qu'il pose.
***
Bref,
le
« oui » ne pouvait que
perdre.
Au
mois de juin, les
Britanniques auront la charge de suivre cette
règle ou d'être l'exception qui la confirme, mais il en va
désormais
des « petits référendums » européens comme des
« grands » : c'est non, c'est vraiment non, c'est
encore et toujours non. Cela
prouve d'ailleurs que l'Union est un projet internationaliste assez
bien abouti. Simplement, c'est une Internationale du « non ».
En
attendant, il est bien difficile de prévoir ce que les pouvoirs
publics néerlandais
feront d'un tel résultat, mélange d'abstention importante
et de refus. Le
gouvernement du pays a assuré que si le référendum était
valide, il serait « tenu
compte »
du résultat. Voilà
qui est tout à fait précis !
Le
plus probable, l'accord d'association
UE-Ukraine
sur lequel portait le
scrutin
étant déjà en vigueur
et
le vote
n'étant que consultatif, est
que l'on arguera de la forte abstention pour s’asseoir sur le
résultat, au
prix de minuscules aménagements négociés avec Bruxelles, et en
assurant la main sur le cœur que
« le message des électeurs a bien été entendu ».
Jusqu'à la
prochaine fois. Après
tout, 300
000 signatures sont bien
vites obtenues....
Article initialement publié sur Figarovox.
Heureusement qu'il y a votre blog, celui de Jacques Sapir et celui d'Olivier Berruyer ; sinon, on se sentirait un peu seul... Merci.
RépondreSupprimerSi vous voulez vous amuser un peu, écoutez donc les chroniques (intitulées La Semaine de l'Europe, sur la première chaîne de radio belge) de la pseudo-journaliste Anne Blanpain : de la pure propagande avec un esprit d'analyse digne de celui d'un journaliste sportif..
Ce 8 avril, en écho au referendum hollandais, elle en arrivait à espérer une directive de la Commission qui régirait le droit d'organiser des référendums ! Ce chef d'oeuvre n'est pas encore en ligne, mais d'autres monuments sont à visiter ici
https://www.rtbf.be/video/recherche?pattern=anne+blanpain
@Coralie Delaume,
RépondreSupprimersi, le Soir, grand quotidien belge-bruxellois francophone ultra-bobo, en a parlé, mais dans un entrefilet, noyé avec les faits divers :-)...
C'est bizarre que les partisans européistes ne reculent devant rien pour arriver à leurs fins, y compris brandir les cadavres de leurs compatriotes morts dans le crash de l'avion Malaysia Airlines... C'est abject!
Mais à quelque chose, malheur est bon: ceux qui nous vantent les mérites de l'Europe "démocratique" en seront pour leur frais: l'objet du référendum, à savoir, la ratification de l'accord de libre-échange UE-Ukraine est DEJA mis en application! Une nième preuve du déni de démocratie que représente l'UE...
CVT