mardi 27 novembre 2012

« Il faut qu’on organise la faillite des banques » entretien avec Jean-Luc Gréau

Jean-Luc Gréau est économiste et ancien conseiller du MEDEF. 
Il publie ce mois-ci La Grande Récession, chez Gallimard.
 
Cet entretien est initialement paru dans le magazine Ragemag
 
 
Dans votre dernier livre, La Grande Récession, vous évoquez une « nouvelle politique industrielle », en critiquant la faiblesse capitalistique des entreprises françaises et en appelant de vos vœux le maintien des filières de production. Tout cela rejoint le récent rapport Gallois. Êtes-vous satisfait des conclusions que le gouvernement a tirées de ce rapport
 
Le rapport Gallois est intéressant en tant que tel mais le gouvernement n’en a tiré aucune conclusion, pour une raison simple : les mesures annoncées étaient prêtes avant même la remise du rapport au Premier ministre.
 
Ce rapport a surtout permis d’ouvrir une fenêtre médiatique pour préparer l’opinion à l’annonce des mesures dites « de compétitivité », qui consistent à soutenir les entreprises à hauteur de 20 milliards d’euros, financés par une réduction des dépenses publiques et par une augmentation de la TVA. Pourtant, ce rapport, réalisé par une personnalité incontestée, notamment par ses pairs dans l’industrie, aurait sans doute permis d’ouvrir un vrai débat. Encore eût-il fallu prendre davantage le temps de la réflexion avant d’annoncer des mesures.
 
Le diagnostic posé par Louis Gallois est globalement juste. Il a même soulevé un point qui a peu ou pas été relevé, celui de la parité de la monnaie, et appelé à une « politique monétaire extérieure au service de la croissance ». De fait, l’ancien patron d’EADS est bien placé pour le savoir. En 2008, lorsque l’euro a atteint la parité de 1,40 dollars, il a été contraint à un plan de restructuration de l’entreprise – Power8 – qui a supprimé des milliers d’emplois qualifiés en France, en Espagne et au Royaume-Uni. En effet, avec cette parité, Airbus ne pouvait que perdre de l’argent lors de ses exportations dans la zone dollar. D’ailleurs, même avec la parité actuelle de 1 € = 1,30 $ les gains réalisés restent faibles comparé à Boeing, son principal concurrent.
 
Le rapport Gallois préconisait un « choc de compétitivité » misant sur une politique de l’offre. Dans quelle mesure est-il efficace de favoriser l’offre si cette offre ne trouve pas de débouchés faute de demande ?
 
C’est toute la difficulté. Il existe un problème de compétitivité en France, mais il existe aussi, dans le même temps, un problème de demande. Or les solutions aux deux types de problèmes ne sont pas compatibles.
 
Les pays du Sud de l’Europe, qui ont, plus encore que nous, ces difficultés-là, réduisent désormais leurs salaires, non pas seulement dans la fonction publique mais aussi dans le secteur privé. C’est vrai en Grèce, en Espagne, au Portugal, en Irlande, où les rémunérations ont chuté de 15 à 30% depuis le début de la crise.Ceci leur permet évidemment d’être plus compétitifs, et de mieux garantir leurs exportations, mais au prix d’une dépression supplémentaire de la demande intérieure. Ces pays sont en train de s’enfoncer dans une spirale récessive dont on imagine mal l’issue.
 
Pour réconcilier les « keynésiens », désireux de favoriser la demande, et les partisans d’une politique de l’offre, existe-t-il une troisième voie qui serait la dévaluation ?
 
La dévaluation est davantage qu’une solution : elle est le préalable à toute solution. Mais on l’a écartée dès 2010 lorsqu’on a démarré les plans de sauvetage de la Grèce. Les raisons en sont obscures : on affirmait alors vouloir protéger l’euro, sans comprendre qu’il ne pouvait se maintenir qu’avec une parité moins forte, de l’ordre de 1 € = 1 $.
 
La Banque centrale européenne (BCE) refuse toute idée d’action sur la parité monétaire, alors même que l’euro est la monnaie la plus surévaluée au monde, après le yen japonais.
 
Ce refus est-il dicté par la fameuse « peur de l’inflation » ?
 
Ça, c’est l’argument des illettrés ! Nous n’avons plus d’inflation en Europe depuis le milieu des années 1980. La France a été le dernier pays du continent à surmonter la grande vague d’inflation des années 1970. Depuis 1986, soit bien avant l’entrée en vigueur de l’euro, notre inflation oscille entre 2 et 2,5% par an.
 
C’est important de le noter car d’aucuns abusent de l’argument inflationniste. L’ancien ministre de l’économie, François Baroin, a en le front de dire récemment qu’une dévaluation entrainerait un retour à l’inflation d’avant la monnaie unique. Or cette inflation était déjà contenue !
 
En réalité, je pense que nos élites sont surtout sous l’emprise du discours né dans les années 1980, qui consiste à considérer qu’une monnaie forte est – à l’inverse même de ce qu’on constate – un facteur de compétitivité, dans la mesure où elle oblige les entreprises à des efforts constants de productivité et de qualité. Or ce raisonnement n’est juste que dans certaines limites : pour gagner véritablement en productivité, encore faut-il se trouver dans un contexte économique favorable.
 
Imaginons que l’on fasse finalement le choix de dévaluer. Comment cela se passerait-il techniquement ?
 
Il faudrait déjà que les Américains et les Européens s’entendent. Or les Américains ne veulent pas entendre parler, pour l’heure, d’une réévaluation du dollar par rapport à l’euro. Ils viennent de connaître une période difficile, ils ont supprimé près de 9 millions d’emplois après la crise de 2008. Ils ont commencé à reprendre le dessus à partir de 2009 et 2010. Mais il faut bien voir que cette relative bonne tenue de l’économie américaine tient à la sous-évaluation du dollar par rapport au yen et à l’euro.
 
D’ailleurs, la plupart des entreprises européennes et japonaises ne peuvent désormais vendre en zone dollar qu’en produisant sur place. Par exemple, Airbus a ouvert une usine d’assemblage en Alabama.
 
En somme, une monnaie surévaluée induit directement des délocalisations ?
 
Bien sûr. Je ne suis pas opposé à ce qu’on produise là où l’on vend, bien au contraire. Mais le fait, par exemple, que des constructeurs automobiles allemands comme BMW ou Volkswagen aient choisi de livrer leur clientèle américaine à partir de leurs unités de production installées sur place est la preuve même qu’il y a un problème de parité monétaire.
 
Vous faites partie de ceux qui ont affirmé que l’euro n’était pas viable. Pourtant, depuis le début de cette crise, on constate que le système finit toujours par s’adapter. Par exemple, la Grèce n’a toujours pas quitté l’union monétaire.
 
Je voudrais que ceux qui parlent avec tant de désinvolture du maintien des pays en détresse dans l’eurozone partagent, ne serait-ce que quelques semaines, le sort de leurs populations. Voyez comme la misère frappe l’Espagne, un pays encore très prospère il y a cinq ans !
 
L’euro, de toute façon, a cessé d’être un outil économique. Il est devenu un objet sacral. On en a fait le symbole de l’unité européenne. C’est avant tout l’aspect politique et symbolique de cette monnaie qui l’emporte sur toute rationalité économique. Au contraire, la raison économique aurait dû nous conduire à envisager son démembrement dès 2010.
 
En attendant, le prix à payer pour se maintenir dans l’euro est l’augmentation continue de la masse des dettes. Pas seulement celles de la Grèce, de l’Espagne ou du Portugal, mais aussi celle de l’Allemagne, qui prête et garantit désormais les emprunts des pays du Sud.
 
Comment peut-on envisager l’issue de cette crise de la dette ?
 
Par la faillite des débiteurs ! Nous aurions dû organiser la banqueroute partielle de la Grèce, de Chypre, de l’Irlande ou du Portugal. On ne l’a pas fait pour une seule raison : on a voulu sauver les banques.
 
Il faut tout de même rappeler que l’essentiel des créances sur les États sont détenues par les banques et compagnies d’assurance européennes. Or toute dévaluation, tout défaut de paiement partiel des États ferait immédiatement fondre les créances que possèdent les banques. Elles subiraient alors de grosses pertes, et pourraient même se trouver en cessation de paiement. C’est là le grand problème caché de la zone euro.
 
Mais si les banques s’effondrent, c’est toute l’économie qui s’effondre !
 
C’est un argument imparable. C’est pourquoi je me suis risqué, dans La Grande Récession, à envisager une solution. Je pense qu’il faut qu’on organise la faillite des banques et que l’on tente en parallèle, dans l’urgence, de construire un nouveau système bancaire.
 
Il faudrait alors séparer strictement les activités classiques et sans risque de dépôt, qui ne génèrent jamais de pertes, et celles, à risque, de crédit. Il n’y a aucune raison que le patrimoine déposé par les particuliers à la banque soit mis en danger par les autres activités de ladite banque.
 
Dans votre livre, vous mettez en cause la « titrisation ». De quoi s’agit-il ?
 
C’est ma préoccupation. Il s’agit d’une procédure qui s’est développée à très vaste échelle depuis trente ans. Il s’agit, pour un prêteur, de se débarrasser du risque inhérent à l’activité de crédit en « revendant » le risque sur le marché, à une compagnie d’assurance ou à un fond de placement. Ce qui ne manque pas d’entrainer une déresponsabilisation totale des prêteurs. En principe, le métier de banquier consiste à prendre un risque après l’avoir évalué, puis de l’assumer. Pas de le revendre.
 
Autre élément : la banque qui revend ainsi les prêts qu’elle a elle-même accordés, le fait en contrepartie de cash. Qu’elle réinvestit immédiatement. Sur le marché hypothécaire américain, par exemple… On a là un mécanisme continu d’augmentation de la masse des crédits, ce qui est l’un des éléments de base de la constitution des « bulles ».
 
Revenons à l’Europe. Vous mettez en cause la politique monétaire du continent. Pourtant, on constate un ralentissement de l’activité économique partout, y compris dans les pays dits émergents. La crise actuelle n’est-elle pas davantage mondiale qu’européenne ?
 
C’est vrai. La Chine, l’Inde ou le Brésil on vu ralentir sensiblement leur activité économique. On s’est même demandé si la Chine n’était pas déjà entrée en récession.
 
Les États-Unis gardent la tête hors de l’eau avec un taux de croissance de 2%, mais ils ralentissent également. Ils sont d’ailleurs mis en danger par la mauvaise situation européenne et par le ralentissement en Asie. Prenons l’exemple d’une entreprise américaine comme Caterpillar, numéro 1 mondial dans le domaine du matériel de BTP. Cette entreprise possède 18 usines en Chine, à partir desquelles elle dessert le marché chinois. Mais si l’investissement chinois ralentit, les profits de Caterpillar ne peuvent que ralentir du même coup.
 
En fait, c’est la logique même de la mondialisation qui est en cause dans cette crise généralisée.
 
Vous êtes donc favorable à ce qu’on a appelé « la démondialisation » ?
 
Je n’aime guère le terme car il fait penser à une copie inversée de la mondialisation. Je pense qu’il faut à présent inventer tout autre chose. Il faut notamment constituer de vastes sous-ensembles économiques régionaux, en Asie, en Europe, en Amérique, en Afrique. Au sein de ces ensembles de taille intermédiaire, les pays membres pourraient libéraliser les échanges intérieurs. Dans le même temps, les importateurs désireux de vendre dans chaque zone devraient s’y installer et produire sur place, contribuant ainsi à la création de richesse dans la zone même.
 
J’imagine qu’une monnaie unique ne serait pas indispensable au sein de ces zones ?
 
En effet. Il serait préférable que ces zones mettent en place des mécanismes tels que notre ancien système monétaire européen (SME). Cela permettrait de conserver des monnaies nationales adaptées aux différents pays, mais qui auraient, les unes par rapport aux autres, une relative stabilité. Car à l’inverse de la monnaie unique, qui est totalement rigide, une construction de type SME permet des ajustements concertés et de la souplesse.
 
Êtes-vous favorable à un protectionnisme européen ?
 
Oui, bien sûr. Mais il devient de plus en plus difficile d’argumenter en faveur de cette idée, tant l’Europe de Bruxelles est absolument libre-échangiste. Elle ne cesse de désarmer les États-membres au lieu d’aider à les protéger, obligeant les entreprises et les différentes populations à se livrer entre elles une concurrence de chaque instant.
 
Les précédents entretiens de l'arène nue :
Entretien avec Catherine Kintzler sur la laïcité CLACK
Entretien avec Jean-Paul Brighelli sur l'école, l'éduction CLOCK
Entretien avec Hervé Juvin sur l'économie, l'Europe CLOUCK
Entretien avec Laurent Bouvet sur "la gauche et le peuple" 1/2 puis 2/2
Entretien avec Sylvain Crépon sur le Front national CLYCK
Entretien avec Eric Dupin sur les législatives 2012 CLICK
Entretien avec Jean-Loup Amselle sur les "identités" CLAICK
Entretien avec Gaël Brustier sur la "droitisation" CLONCK
Entretien avec Jacques Sapir sur l'Europe et l'euro  1/1 puis 2/2
 

vendredi 23 novembre 2012

Compétitivité : ils vont nous faire le coup de l’Espagne !

 


« Ils » nous ont copieusement rebattu les oreilles avec le « modèle allemand », supposé mille fois meilleur que le français, car tout est toujours meilleur que le modèle français, étriqué, rabougri et archaïque – forcément archaïque.
 
Le « modèle allemand », on en a eu partout et tout le temps, de midi à minuit et de la cave au grenier. Ah ! La bonne vieille modération salariale germanique, permise par cette si « raisonnable » discipline rhénane dont les salariés français devraient prendre de la graine, eux qui sont « cramponné à leurs avantages acquis », comme disent des « spécialistes » désintéressés, qui ne défendent jamais, pour ce qui les concerne, aucun avantage !
 
Jusque là, le modèle espagnol, lui, faisait plutôt figure de repoussoir. Pendant la campagne présidentielle, Nicolas Sarkozy - n’osant tout de même pas exhumer la menace des chars russes sur les Champs-Élysées - prédisait même, la miné dégoûtée, un « scénario à l’espagnole » si la gauche l’emportait.
 
Pourtant, depuis quelques semaines, par un de ces extraordinaires retournements de situation dont on croyait seuls capables l’UMP déliquescente et les films de James Bond, on sent advenir le moment où « ils » vont nous faire le coup de l’Espagne.
 
Les médias ont tranquillement préparé le terrain, notamment avant l'ouverture du sommet européen des 22 et 23 novembre sur le budget de l'Union, sommet qui vient d'ailleurs d'échouer pour cause « d'égoïsmes nationaux », comme il convient de les nommer sottement. Avant le sommet, donc, on nous annonçait cette incroyable nouvelle : « l'Espagne a intégré le club des pays les plus riches de la zone euro ».
 
Et oui : alors qu’ils sont aux prises avec une crise effroyable, alors même que Mariano Rajoy se tâte tant est plus pour savoir s’il va solliciter auprès de ses partenaires un plan de sauvetage du pays, les malheureux ibères risquent fort de devenir prochainement « contributeurs nets » au budget de l’Europe. C'est-à-dire d’avoir à cotiser plus qu’ils ne recevront d’aides. Quel honneur ! Une belle victoire remportée sur la Roumanie !
 
Mais ce qui fait le plus gloser, par ces temps très marqués par la thématique de la compétitivité, ce sont les performances de l’industrie espagnole, dont on nous chante les louanges de manière un peu trop récurrente pour que ça ne finisse pas devenir suspect. « L’Espagne défie la France », nous dit-on. Elle gagne des point à l’export, son déficit commercial se réduit, et nos propres entreprises délocalisent chez elles, comme Renault, qui s’apprête à y créer 1 300 nouveaux emplois.
 
Certes, mais à quel prix ? Natixis répond ainsi : « L’Espagne commence à regagner de la compétitivité, à la fois par le freinage des salaires et par les gains de productivité, ce qui redresse aussi fortement la profitabilité des entreprises ».
 
Surtout par le « freinage » - la baisse, c'était too much ? - des salaires, si l'on en croit les chiffres : - 9,8 % pour les coûts salariaux unitaires dans l’industrie entre 2008 et 2012 contre + 5,3 % dans la « France archaïque et irréformable ». Ne fait-ce pas rêver ? Si l’on y ajoute la baisse des salaires dans le secteur public, on peut même envisager que nos voisins finissent un jour par payer pour bosser. Ce qui serait une victoire substantielle sur Grèce et sur la Slovénie !
 
La prochaine étape consistera à emboîter le pas au Point, organe de presse toujours en pointe lorsqu'il s'agit du progrès social, et à nous répéter sans cesse que la France (archaïque, crispée, moisie : rayez la mention inutile) est plombée par le « boulet du coût du travail ».
 
Et peu importe que le gouvernement ait déjà décidé d'alléger celui-ci en via un crédit d'impôt de 20 milliards pour les entreprises, dans la foulée du rapport Gallois. Dans cette Europe pleine de joie et de bonté, on n'en fait jamais assez pour se débarrasser du « boulet ». Ni pour s'aligner sans cesse vers le bas. Mettons-nous donc au niveau de l'Espagne rapidement, puis un jour peut-être, si on est ambitieux, rattrapons la Bulgarie.
 
Lire et relire:
François Lenglet m'a fait un choc...de compétitivité  CLICK
La "Une" du Point et ses très grosses ficelles  CLACK
L'Europe, du baratin de Monnet au baragouin sur la monnaie  CLOCK
 
 

mercredi 21 novembre 2012

Hollande et le mariage gay : la carte et le territoire.





Sur le « mariage gay » - pour ceux qui sont contre - ou « mariage pour tous » - pour ceux qui sont pour - on aurait aimé pouvoir continuer à n’avoir pas d’avis.

Il arrive, sur certains sujets, qu’on ne sache pas trancher, soit qu’on ait manqué à son devoir de s’informer, soit qu’on ne soit pas parvenu à se passionner, soit qu’on ait été en vacances prolongées sur la planète Mars et qu’on ait loupé un épisode. Or, quand on n’a pas d’avis, on devrait pouvoir bénéficier du droit imprescriptible à la boucler.

Ainsi, on poursuivrait volontiers une flânerie intellectuelle paresseuse entre trois ou quatre demi-poncifs sans ressentir l’urgence de se faire une idée précise, ceci jusqu’à ce que la loi soit votée. S’autoriser à être spontanément « plutôt contre », parce qu’on ne sait pas où toutes ces novelletés sociétales nous mènent, ma pauv’ Lucette. Trouver un tantinet étrange que d’aucuns se battent pour cette vieille lune qu’est le mariage, et le fassent au nom du « progrès ». Puis devenir, finalement, « plutôt pour » parce que les arguments susdits ne suffisent pas à s’auto-convaincre, et que, faute de pouvoir dire franchement « non », on finit par dire vaguement « oui ». Ce « oui » qu’on ne prononcera jamais devant monsieur le maire parce qu’on n’a pas l’intention de convoler, ni maintenant, ni plus tard, ni jamais. Tout en étant bien conscient que cette liberté de ne point épouser est le strict corolaire du droit d’épouser si on le souhaite. Un droit de « ne pas » que d’autres n’ont pas.

Bref, on adorerait pouvoir tergiverser en paix, jusqu’à ce que d’autres finissent par décider, parce qu’ils ont été élus pour ça, et que c’est tout l’intérêt de la démocratie représentative.

Mais pour que cela soit possible encore faudrait-il que ceux qui sont chargé de décider…décident. Non qu’ils affirment, puis qu’ils infirment. Non qu’ils promettent, puis se démettent. Ni qu’ils s’adonnent à l’art facile de la synthèse molle. Car s’ils avancent, puis qu’ils reculent, comment veux-tu… ?

Hier, pourtant, à l’occasion du congrès des maires de France, le président a flanché. Trois jours à peine après que des manifestations ont eu lieu pour protester contre le projet de loi sur le « mariage pour tous », Hollande a concédé aux édiles qu’ils pourraient s’arranger avec ladite loi en fonction de…leurs états d’âme. « La loi s’applique pour tous dans le respect de la liberté de conscience », a-t-il déclaré, inaugurant le principe saugrenu du « droit des maires à disposer d’eux-mêmes ».

Célèbre pour son habilité dans le domaine du « mi-chèvre / mi-choux » et cherchant manifestement à ne fâcher personne, François Hollande semble avoir oublié que, lorsqu’il célèbre un mariage, le maire n’agit pas en tant que personne privée dont il faudrait ménager la « sensibilité ». Ni même en tant que patron autonome de sa petite baronnie perso. Il agit au nom de ces « fonctions spéciales qui lui sont attribuées par la loi », ainsi que le stipule le code général des collectivités territoriales. Et c’est en tant que représentant, non de lui-même mais de l’Etat, que l’article L2122-32 dudit code fait de lui un « officier d’état-civil ».

Certes, on pourra objecter que dans la vie de tous les jours, la délégation est possible et même fréquente. Ne serait-ce que parce que certaines villes sont grandes et que le maire ne peut marier à la chaine. Du coup, le président a cru habile d’ajouter : « les possibilités de délégation [d’un maire à ses adjoints] existent et peuvent être élargies ». Mais ce n’est pas parce qu’une chose existe qu’on doit en faire une règle. Depuis quand un simple fait est-il habilité à devenir une norme ?

En outre, c’est une étrange façon de préfigurer l’entrée en vigueur d’une nouvelle loi que de convenir dès avant son adoption qu’elle pourra être appliquée en mode dégradé. Cela implique d’une part que certains pourront appliquer la loi à la carte, cependant que d’autres – les administrés – se la verront appliquer différemment en fonction du territoire dans lequel ils résident. La légalité façon « La carte et le territoire », comme dirait Michel Houellebecq, ou l’égalité devant la loi à géométrie semi-variable, en fonction du lieu et du bon vouloir : vive la décentralisation.

Sur « mariage pour tous », on n’a toujours pas tranché. Quant à l’unicité de la loi sur le territoire de la République, on croyait l’avoir fait. Mais c’était avant de savoir qu’il existait une possibilité d’objection de conscience pour les lois qui nous déplaisent, et dont on va s’empresser de dresser une liste exhaustive, afin de pouvoir déterminer « en conscience » desquelles on s’exemptera.


dimanche 18 novembre 2012

Protectionnisme : Pascal Lamy bientôt journaliste au Monde ?

 

Le Monde a-t-il décidé de sous-traiter ses éditoriaux à Pascal Lamy ? On le dirait, tant celui du 12 novembre, portant sur les limites du « made in France » semble avoir été écrit par, pour, en l’honneur et à la gloire du directeur général de l’Organisation mondialedu commerce (OMC).

Critiquant Arnaud Montebourg et son appétence pour les marinières et autres robots ménagers de conception tricolore, le quotidien relayait ainsi les inquiétudes du responsable mondial de la concurrence pure et parfaite. Car Pascal Lamy ne s’en cache pas : il est soucieux. Visant l’ancien chantre de la démondialisation désormais ministre du redressement productif, il l’expliquait dimanche dernier sur TV5 : il n’aimerait pas qu’on glisse du « patriotisme économique » – concept déjà tout crasseux – au « protectionnisme économique » et au cortège d’idées puantes qui l’accompagnent, tel de l’abominable « repli sur soi ».

L’ami Lamy s’inquiète et il a bien raison car c’est effroyable ce qui se passe ma pauv’ Lucette. Pensez-donc : l’opinion publique est favorable au protectionnisme. Pas qu’en France d’ailleurs : dans plusieurs pays d’Europe. Surtout, le « protectionnisme économique », tout réactionnaire que puisse le trouver Lamy, est utilisé à peu près partout dans le monde, des pays qui mettent en œuvre des barrières douanières à ceux qui usent des paramètres constitutifs de leur structure économique.

L’opinion publique made in France est favorable au protectionnisme. Ça, on le sait depuis que l’association Manifeste pour un débat sur le libre-échange a commandé un sondage sur ce thème à l’Ifop, en mai 2011. Il en ressortait ceci : 65 % des personnes interrogées se montrent favorables à l’augmentation des taxes douanières, et 80 % souhaitent que ces taxes soient mises en œuvre aux frontières de l’Europe.

Du coup, trois mois plus tard, l’association s’offrait un second sondage, étendu cette fois à d’autres pays du continent. Conclusion : 61 % des Allemands, 60 % des Italiens, et 67 % des Espagnols s’avouaient désireux de voir se réaliser les pires cauchemars de Pascal Lamy. Ça en fait, des frileux, des moisis, des pleutres et des « repliés sur soi ». Heureusement pour lui, le big boss de l’OMC possède une forte capacité à s’émanciper du réel et à s’autopersuader. Toujours sur TV5, il déclarait sans ciller : « les positions d’Arnaud Montebourg sont extrêmement minoritaires au niveau de l’Union européenne ». La phrase est imbécile mais on applaudira l’aplomb.

Quoiqu’il en soit, être contre le protectionnisme, c’est un peu comme être défavorable au vent qui souffle et à la pluie qui mouille. Car celui-ci est utilisé partout. Notamment par ces pays que l’on dit émergents, mais qui commencent à être bigrement émergés.

Le protectionnisme, ce n’est plus seulement le Buy American act existant aux States. Ce sont les mesures d’autoprotection prises par l’Argentine, grande championne du domaine, comme le montre un rapport du Global Trade Alert (GTA) de novembre 2011. Ce sont les taxes appliquées par le Brésil sur les véhicules importés et fabriqués hors Mercosur. Ce sont les mesures à une époque par l’Inde pour protéger son industrie textile. C’est le panel des trucs et astuces imaginés par la Russie, par l’Indonésie, par l’Afrique du Sud ou par la Chine, comme expliqué dans un pensum attristé de la Commission européenne.

On comprend le dépit de monsieur Lamy. Pourtant, il y a pire. Il y a toutes ces petites iniquités qui tiennent à la divergence des structures économiques nationales, et qui, biaisant la concurrence, équivalent à un protectionnisme de fait et garanti 100% sans taxes douanières. Ce qui revient à dire avec Frédéric Lordon que « pour que le non-protectionnisme ait un sens, il faudrait ajouter aux règles du libre-échange l’hypothèse de parfaite identité structurelle des systèmes socioproductifs mis en concurrence ». En d’autre termes, il faudrait que tout s’équivaille : le coût du travail, les régimes de protection sociale, les normes environnementales, les régimes fiscaux, les longitudes, les latitudes, le niveau de la mer et l’âge du capitaine.

Lorsqu’un pays pratique un dumping environnemental sauvage, c’est donc du protectionnisme. Lorsque la Chine arrime artificiellement sa monnaie au dollar pour l’empêcher de s’évaluer, c’est du dumping monétaire donc protectionnisme. Lorsque l’Allemagne, forte d’une tradition de concertation propre au capitalisme rhénan, parvient à geler longuement ses salaires sans heurts, c’est du dumping salarial donc du protectionnisme. Si bien que, paradoxalement, pour pallier ces divergences et pour établir le caractère « libre et non faussé » de la concurrence, il faudrait mettre en œuvre…des droits de douane. Il existe « toutes sortes d’hétérogénéités, de différences et d’inégalités entre lesquelles il faudra nécessairement passer des compromis – en d’autres termes envisager de corriger des distorsions par des distorsions contraires et compensatrices », indique Lordon.

De tout cela, Lamy n’a cure. Les divergences et distorsions, qu’elles concernent les niveaux de salaires ou la variété des modèles sociaux, ne sont pas de son ressort. Il le dit et le répète : c’est à l’Organisation mondiale du travail (OIT) de s’y coller.

Ah bon ? Gendarmer le commerce planétaire, ce n’est plus le travail de Pascal Lamy ? Voilà donc qui va lui laisser du temps pour planter des choux, prendre des leçons de poney, jouer aux dés, ou pour rédiger des éditos vigilants et conscientisés dans Le Monde. Agrémentés de tous les qualificatifs qui conviennent lorsqu’on parle de régulation économique et qui raviront les amateurs d’allitérations : « ringard », « rétrograde », « régressif » et, bien sûr, « réactionnaire ».
 
Cet article a été publié initialement dans Ragemag
 
Lire ou relire :
  • Chinallemagne : mourir pour le yuan ou pour l'euro ? CLICK
  • Trois présidentiables au chevet de l'euro CLICK
  • Lorsque Jacques Sapir propose la démondialisation CLACK
 

vendredi 9 novembre 2012

Audace de l'Ayraultisme : deux rapports par semaine, pas moins.

 
 


A force d’entendre parler tous les jours de « rapport », moi, ça m’émoustille. Déjà, avec le « rapport Gallois » : je frétillais doucettement. Mais avec le « rapport Jospin », je suis sur des charbons ardents. Ce doit être l’audace de l’Ayraultisme : deux rapports par semaine, pas moins.
 
D’ailleurs, les rapports, c’est tellement bon qu’on devrait en faire une fête. Après tout, il existe des « journées mondiales enfaveur de l’émail dentaire », des « journées européennes pour l’optimisation du pansage du crin de poney », des « journées nationales de lutte contre la varicelle asymptomatique ». Pourquoi ne pas créer une « journée de la remise officielle du rapport lénifiant rédigé par une commission ad hoc » ?
 
En début de semaine – je le rappelle pour ceux qui étaient ponctuellement morts, qui faisaient un stage « jungle » à Manaus ou qui écopaient aux States le reliquat de la tempête Sandy – nous était dévoilé le rapport Gallois relatif à la compétitivité. Aussitôt, Arnaud Montebourg, n’écoutant que son désir de faire vivre l’imprimerie  Made in France proposait cette chose insolite : « j’ai suggéré au Premier ministre d’en faire un livre de poche pas cher pour que tous les Français puissent le lire ».
 
Las, le ministre oublie que ce rapport est en ligne sur le ouèbe, qu’il appartient à la Documentation française d’archiver les rapports publics et que ceux-ci sont généralement disponibles au bout de ce lien : CLICK.
 
C’est à présent au tour du rapport Jospin d’être livré aux quolibets faciles d’une opinion publique ingrate et à la vindicte imbécile de commentateurs acerbes. 131 pages et 35 propositions, c’est ce que propose Lionel Jospin pour tâcher de « rénover la vie publique », qu’il connait si bien pour l’avoir définitivement quitté en 2002, comme chacun sait.
 
Interdiction du cumul des mandats, introduction d’une dose de proportionnelle aux législatives, réforme des parrainages pour l’élection présidentielle, le « Grand Retiré » et sa commission impeccablement paritaire - tellement plus sexy qu’une banale commission ou mission d’information parlementaire avec plein d’élus du peuple dedans – y sont vraiment allés forts en matière de propositions…qu’on n’attendait pas du tout. On demeure toutefois surpris que l’ancien Premier ministre n’ait pas proposé l’abolition du suffrage universel direct, lui qui en fut, en 2002, un très grave accidenté, à cause notamment de la candidature dissidente de Christiane Taubira, car c’est toujours à cause des autres.
 
On ignore à cette heure si Montebourg proposera de mettre bout à bout tous ces rapports, qui pourraient, à bien y réfléchir, constituer un recueil fort dense. On pourrait même publier le total en collection Pléiade, vu qu’ils ont justement une rubrique « textes sacrés ».
 
A titre personnel, je me réjouis de cette perspective, et je pense que cet ouvrage sera du meilleur effet dans ma bibliothèque, entre La France peut s’en sortir ! de Jean Arthuis et Michel Sapin, et l’émouvant La lettre perdue, le bouquin intimiste de l’abbé Hirsch.
 
Lire et relire :
Si tu avances et tu cumules... CLICK
"Choc de compétitivité" : vous voyez le rapport ? CLACK
François Lenglet m'a fait un choc...de compétitivité  CLOCK
 

dimanche 4 novembre 2012

"Choc de compétitivité" : vous voyez le rapport ?

 

Quand on aperçoit Louis Gallois, on ne se dit pas d’emblée qu’avec lui on va se marrer. Et pourtant, « l’affaire » – car c’en devient une – du rapport que celui-ci doit rendre public le 5 novembre commence à prendre des airs de quasi-comédie. Featuring François Hollande, Jean-Marc Ayrault et un certain nombre de ministres du gouvernement, ce vaudeville mérite d’être considéré dans son ensemble, des prolégomènes annonçant l’incipit à l’épilogue préfigurant la postface. Explications.

D’abord, la préhistoire. Le rapport sur la compétitivité commandé à l’ancien patron d’EADS et de la SNCF, loin d’être le premier dans son genre, est l’héritier d’un nombre conséquent de vénérables ancêtres. On se rappellera notamment – même si ça ne nous rajeunit pas – le rapport Malinvaud remis à Jospin en 1998. A l’époque, quoi que n’ayant eu à subir ni la fronde des « pigeons » ni la lettre au père Noël des patrons de l’Afep, la gauche « sérieuse, responsable et gestionnaire » s’interrogeait déjà sur le coût du travail. Dans ce cadre, le rapport Malinvaud proposait une diminution des charges patronales sur les bas salaires compensable par un « élargissement de l’assiette des cotisations à la valeur ajoutée », ce qui fleurait un peu le « choc de compétitivité » avant l’heure.
 
On évoquera également le rapport Camdessus, de 2004, intitulé Vers une nouvelle croissance pour la France, qui prônait, quant à lui, non un « choc », mais un « sursaut ». Enfin, en 2008, le rapport Attali suggérait de « libérer » la croissance française, dont nous savons tous qu’elle est prisonnière de l’archaïsme hexagonal, de la frilosité des gouvernants et des rigidités d’un modèle social mal adapté à un monde qui bouge. On le voit, la commande de rapports relève pour partie du réflexe conditionné, ce qui tend à overbooker un peu La documentation Française, chargée de publier ces textes et de les archiver.
 
Reste ensuite à déterminer que faire du kilogramme de papier livré par « l’expert ». Car un bon rapport est un rapport qu’on escamote, tout en affirmant doctement qu’on l’étudie, voire qu’on s’en inspire. Avant même d’être officiellement rendu public, le rapport Gallois a déjà eu droit à tout ça. Il est même déjà mort plusieurs fois pour mieux ressusciter, évoquant tout à la fois le phénix, le serpent de mer et celui qui se mord la queue.

Ainsi la semaine dernière a-t-elle été ponctuée de fuites relatives au mystérieux document, accompagnées de commentaires gouvernementaux subséquents et souvent flous, si ce n’est contradictoires. On a commencé par enterrer le texte quoique pas tout à fait, avant que de l’exhumer quoique pas entièrement.

S’exprimant le premier, Michel Sapin affirmait ainsi : « le rapport Gallois est un élément, et qui sera extrêmement sérieux (…) mais ce n’est pas le seul point de vue qui compte ». Immédiatement, le ministre du Travail était partiellement contredit par celui de l’Économie. Et Pierre Moscovici d’assurer : « ce rapport n’est pas enterré, nous l’attendons », tout en tempérant : « en même temps, c’est un rapport ». Dans la foulée, Jean-Marc Ayrault jurait ne pas vouloir faire fi du document dont « beaucoup de choses [seraient] reprises ». Puis François Hollande fermait le bal en proposant une motion de synthèse : certes que le gouvernement travaillera « sur la base des propositions du rapport de M. Gallois ». Pour autant, celui-ci n’engage « que son auteur ». Que le premier qui a compris lève le doigt…
 
Reste désormais à savoir si on aura un « choc », des « pistes», un « pacte », un roc, un pic, un cap ou une péninsule. Car on est passé tour à tour de l’idée d’un « choc de compétitivité » à celle d’une « trajectoire de compétitivité » puis à celle d’une « stratégie de compétitivité ». On attend désormais l’inévitable « contrat de compétitivité » qui devrait précéder un souhaitable « accord de compétitivité », lequel semble une bonne alternative au « programme de compétitivité » sans pour autant se substituer au « plan de compétitivité ». Et vice-versa.

On en viendrait presque à souhaiter sa sortie, au dit rapport, quoiqu’il puisse raconter. Au moins la discussion sur le fond des propositions permettrait-t-elle de chasser un temps l’écume communicationnelle qui accompagne les fuites et les rumeurs. Louis Gallois préconise-t-il vraiment un transfert de cotisations sociales de 30 milliards d’euros ? Veut-il ouvrir les professions réglementées, des taxis aux notaires en passant par les huissiers ? Souhaite-t-il torpiller les 35 heures ? Désire-t-il manger tout crus les petits enfants, cambrioler les grand-mères et égorger des chatons ? Le suspense est à peine tenable…
 
Le hic, c’est que l’épilogue a beau être prévu pour le lundi 5 novembre, l’affaire n’est pas près de prendre fin pour autant. Car il faudra aussi compter avec les conclusions du Haut Conseil de financement de la protection sociale, énième instance superfétatoire et méconnue qui réfléchit aux même choses que Gallois, mais en parallèle de Gallois. Sauf que le Haut Conseil, lui, est autorisé à dégoupiller deux fois : d’abord il pause un diagnostic, sous forme de rapport. Et ce n’est qu’en janvier 2013, qu’il formulera des propositions à l’occasion… d’un rapport.
 
De quoi contribuer de manière tangible à déforestation de l’Amazonie. Mais cela n’aura pas été vain. Car s’il restait à découvrir une ressource à la fois non-rare et parfaitement renouvelable, la voilà mise à jour : la « concertation ». Au point qu’on pourrait presque envisager de faire passer la production de rapports en mode industriel. Une fois de plus, le schmilblick risque de connaître une spectaculaire avancée…
 
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