Ils étaient quatre, réunis en cette matinée du 14 septembre 2011 dans une salle de travail de l’Assemblée nationale. Quatre hommes politique de tous horizons, réunis à l’appel de l’association « Manifeste pour un débat sur le libre-échange » afin d’examiner les ressorts de cette crise économique et financière qui n’en finit plus de secouer l’Europe.
Aux côtés du radical François Loos, ancien ministre, figuraient trois candidats à l’élection présidentielle de 2012 que rien, a priori, ne devait conduire à se rapprocher. Et pour cause : venus d’horizons différents, ils ont également adopté des stratégies fort dissemblables. L’un, Arnaud Montebourg, est membre d’un grand parti, où il essaye de faire entendre sa petite musique démondialisatrice, en se portant candidat aux primaires. L’autre, Jean-Pierre Chevènement, a quitté ce même Parti socialiste il y a fort longtemps. Il envisage aujourd’hui une « candidature pédagogique », dans le but de « faire bouger les lignes ». Le troisième, Nicolas Dupont-Aignan, tourna le dos à l’UMP en 2007, pour ne pas écorner ses convictions gaullistes. Il portera en 2012 les couleurs de son mouvement, Debout la République.
Le colloque débute par une mise en bouche : quelques exposés d’économistes tels Jean-Claude Werrebrouck, Jean-Luc Gréau, ou Hervé Juvin. Ils commentent un sondage IFOP réalisé à la demande de l’association organisatrice. Cette enquête, d’abord menée dans l’hexagone au mois de juin et relayée par Marianne2 révélait que 80% des Français étaient favorables à un protectionnisme européen. Depuis lors, le sondage s'est poursuivi dans d’autres pays d’Europe : Allemagne, Espagne, Italie et Royaume-Uni. Il offre un verdict inattendu, exposé ici par Bertrand Rothé, et par Laurent Pinsolle.
Ce sondage traduit les inquiétudes de très nombreux européens quant aux effets de la mondialisation marchande. Mais lorsqu’interviennent à leur tour les trois présidentiables, c’est d’abord sur le terrain de la globalisation financière qu’ils se placent. En effet, cependant que les marchés s’affolent et que tous les regards convergent vers la Grèce, un diagnostic s’impose : nous traversons actuellement une crise de la dette, qui est également une crise de l’euro. Car cette monnaie dramatiquement surévaluée ruine notre compétitivité, affecte nos exportations et favorise les délocalisations. Sur ce point, Chevènement met en garde : « pas plus que l’arbre ne doit cacher la forêt, la question de la Grèce ne doit occulter le problème de l’euro ».
Arnaud Montebourg l’a rappelé jeudi 15 septembre à l’occasion du premier débat des primaires socialistes : il considère que « l’euro peut encore être sauvé ». Pour y parvenir, il se prononce pour une « monétisation de la dette » : Montebourg est favorable au rachat, par la Banque Centrale Européenne, de titres de dette des pays en grande difficulté, une monétisation massive ayant notamment pour effet de dissuader la spéculation.
Mais il semble désormais bien difficile d’aller au-delà des rachats de dette espagnole et italienne réalisés cet été par la BCE. Les allemands y sont globalement défavorables, et le seuil de tolérance de certains de leurs responsables semble désormais atteint. En témoigne la récente démission du chef économiste allemand de la Banque centrale, Jürgen Stark. Déjà en février, un autre allemand, Axel Weber, avait décidé de renoncer au remplacement de Jean-Claude Trichet, pour lequel il était pressenti.
Quant aux autres mécanismes de solidarité européenne, ils ne soulèvent pas davantage d’enthousiasme. Concernant les Eurobonds, Jacques Sapir est formel : « cette idée est désormais dépassée. L’émission de titres de dettes englobant les pays à risques et les pays réputés sains aurait un taux d’intérêt prohibitif ». Par ailleurs, les « plans d’aide » à la péninsule hellène suscitent nombre de tensions, comme vient d’en témoigner la cacophonie émise par les ministres des finances de l’Eurogroupe réunis en conclave à Wroclaw (Pologne).
Faute de solution, la monnaie européenne serait-elle vouée à disparaître, alors que se murmure l’hypothèse d’une sortie de la Grèce, qui ne manquerait pas d’entraîner à sa suite d’autres pays en quête d’oxygène, tels le Portugal, l’Irlande ou l’Espagne ?
Jean-Pierre Chevènement et Nicolas Dupont-Aignan l’entendent d’une autre oreille. Et voir ces deux-là, qualifiés depuis toujours « d’eurosceptiques », avancer des solutions fort raisonnables dans le but de sauver la devise européenne, ne manque pas de piment. Car ces « souverainistes » s’attachent à faire preuve avant tout de réalisme politique. Si la création de l’euro fut à leurs yeux une erreur, celui-ci existe bel et bien. Il serait donc très incertain de prôner l’abandon de ce que d’aucuns considèrent comme la réalisation majeure de l’Union européenne.
L’un et l’autre se rejoignent donc pour défendre la mutation de l’euro en monnaie commune. Cette proposition est défendue de longue date par Dupont-Aignan. Mais Chevènement l’avait reléguée au statut de « plan B » dans son ouvrage La France est-elle finie ? Face aux tensions générées par l’idée de monétisation et à l’imminence d’un défaut de la Grèce, le « Ché » semble désormais rejoindre le gaulliste. Les deux hommes paraissent sur la même ligne, et proposent non pas d’abandonner l’euro, mais de l’adapter. Il conviendrait d’en en faire ce que le sénateur de Belfort appelle « un toit européen commun », autrement dit « une devise européenne constituée d'un panier de monnaies nationales qui pourraient fluctuer dans certaines marges négociées ». Et Nicolas Dupont-Aignan d’ajouter non sans audace qu’une telle mue de l’euro, loin de conduire à des sorties intempestives de l’eurozone permettrait à des pays non membres…d’y entrer !
Réunis aux côtés d’économistes de toutes obédiences, Montebourg, Chevènement et Dupont-Aignan, tous trois candidats à l’élection suprême, mettent de côté leurs divergences le temps d’un colloque, et parviennent à faire surgir des points d’accord inattendus. Quand d’autres, au sein d’une même famille politique, et parfois d’un même parti, s’invectivent pour des vétilles, il serait regrettable qu’ils ne soient pas entendus.
A l’heure où fleurissent des rumeurs concernant le rachat d’une partie de la dette italienne par l’Empire du Milieu, et alors que le secrétaire au Trésor américain tance les membres de l’Eurogroupe à Wroclaw, il serait saumâtre que, pour ne pas avoir à écouter la supplique de la « conjuration des hétérodoxes », nous préférions nous abandonner au bon vouloir de la « Chinamérique ».
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Qui prend les sondages au sérieux n'est pas sérieux
RépondreSupprimerLes Européens méritent une majuscule comme les Français
Revenons le plus possible, pas totalement, au troc, aux relations d'échanges non taxées
Consommer, consommer, consommer n'est pas la solution. Fabriquons durable et pas volontairement fragile.
Oui à la décroissance du train de vie suicidaire des uns et à la croissance du train de vie mortel des autres.