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vendredi 23 mars 2012

Opération du RAID : et vous, auriez-vous fait mieux ?




« La critique est aisée mais l’art est difficile »…surtout en période électorale. Les policiers du RAID, qui auraient pourtant bien mérité un peu de repos, sont en train d’en faire l’amère expérience.

Ils n’ont pas pris Mohamed Merah vivant : l’homme, qui avait annoncé vouloir mourir « les armes à la main » est mort… les armes à la main : quelle considérable surprise !
Un jeune homme fanatisé, désireux de recevoir la mort, et justement cerné par une unité de police lourdement armée, est parvenu à se faire tirer dessus : quel épilogue inattendu !

Depuis, le groupe Recherche assistance intervention dissuasion de la Police nationale subit quelques mises en cause. Certaines, fort maladroites, sont le fait de politiques en campagne ne bénéficiant pas forcément de la même aptitude au sang froid que les policiers du RAID, et que l’usage intempestif du réseau social Twitter conduit parfois à écrire plus rapidement qu’ils ne pensent :



Depuis lors, Jean-Jacques Urvoas s’est heureusement excusé. Malgré tout, on aurait préféré qu’il s’abstienne, lui et tous ceux qui se sont brutalement découvert, au cours des dernières 72 heures, une aptitude nouvelle pour l’interpellation de suspects surarmés et atteints de troubles graves de la personnalité.

Par chance, François Hollande n’est pas tombé dans le piège de la critique facile. A bon escient et avec la dignité qui convient, il a salué « le courage et la détermination du RAID » et exprimé sa « solidarité avec les policiers blessés ». C’est bien le moins….

Viennent ensuite les critiques des « experts », ces maîtres à penser de notre époque, qui sont légitimes parce qu’ils sont « des spécialistes ». Ainsi relaie-t-on tant et plus les propos tenus par Christian Prouteau, fondateur du Groupe d’intervention de la gendarmerie nationale (GIGN), pour lequel l’opération du RAID aurait été « menée sans schéma tactique précis ». « Comment se fait-il que la meilleure unité de la police ne réussisse pas à arrêter un homme tout seul ? » chipote-t-il, avant d’ajouter : « cela peut paraître présomptueux, mais, en soixante-quatre opérations menées par le GIGN sous mon commandement, il n'y a pas eu un mort ».

Oui, cela peut paraître présomptueux, mais pas seulement : cela est également inutile, gratuit, et mesquin. Surtout, cela n’exprime rien d’autre que la rancœur d’un gendarme face au choix qui a été fait par l’exécutif de privilégier une intervention policière et non militaire – ce qui était somme toute logique : Toulouse est située en zone Police.

La guéguerre des polices n’est pas chose nouvelle, et on préfèrerait qu’elle ait lieu loin de nos yeux et de nos oreilles, car les considérations d’ordre technique ont davantage leur place entre les quatre murs d’un bureau de la place Beauvau que dans les colonnes de nos journaux : fallait-il utiliser des gaz lacrymogène pour invalider Mohamed Merah ? Fallait-il lui tendre un piège et le capturer lorsqu’il sortirait de chez lui ? Cela se discute sans doute, mais entre professionnels. Que monsieur Prouteau aille donc présenter ses doléances à Claude Guéant, patron de la Police mais également de la Gendarmerie, puisque celle-ci a été rattachée au Ministère de l’Intérieur en 2009.

En attendant, le « tueur présumé » est mort, et c’est regrettable, parce qu’on ne pourra pas l’interroger. Mais il a, avant cela, blessé plusieurs hommes du RAID. Fallait-il que ces derniers, non contents d’avoir jonglé pendant plus de 30 heures entre des donneurs d’ordres en campagne électorale et un fou dangereux, se fassent tuer ? Est-ce là tout ce que la Patrie reconnaissante a à leur offrir désormais : le reproche de n’avoir pas encore pris assez de risques pour satisfaire l’inextinguible goût du sang que réveille immanquablement les faits divers les plus sordides ?

Las, notre époque n’a décidément pas le goût de l’épopée. Notre modernité « techno » et avide de « transparence » est la pleine et entière réalisation de ce que le philosophe Nietzsche annonçait. Nous voilà rendus dans la ville de la « Vache multicolore », cette contrée où règne le grand n’importe quoi, où chacun est spécialiste en tout, où tout individu est qualifié pour juger les autres, et où, bien sûr, tout le monde estime avoir « le droit de savoir ».

Mauvais temps pour ceux qui osent risquer leur vie: ils auront toujours un « expert » sur le dos. Ou un « citoyen conscientisé ». Ou un juge, un censeur, une bonne âme volontaire pour faire « toute la lumière », une fois que les armes se sont tues, sur « l’échec de l’opération ».

Nous est-il si dur, à nous, simples spectateurs, de reconnaître que, très vraisemblablement, nous n’aurions pas osé pénétrer dans l’appartement où était retranché Mohamed Merah ? Est-il si compliqué d’admettre que trente heures d’une attente pleine d’angoisse eussent été, pour la plupart d’entre nous, tout simplement insupportables ?

Est-il si difficile d’admettre que les policiers du RAID ont tout simplement été, à Toulouse, ce que la plupart d’entre nous n’auront jamais - et c’est tant mieux - l’occasion d’être : des héros ?

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jeudi 22 mars 2012

Protectionnisme européen : le débat au Parlement, c'est maintenant.



L’association « Manifeste pour un débat sur le libre-échange » est un groupe d’universitaires et d’économistes persuadés que l’un des enjeux essentiels de la campagne présidentielle de 2012 concerne la place et la stratégie de la France par rapport à la mondialisation.

En juin 2011, estimant à environ 50% le nombre des chômeurs français induits par le phénomène de la concurrence déloyale, ils ont commandé à l’IFOP un sondage d’opinion relatif au protectionnisme. Les résultats en sont édifiants. Selon cette enquête, 80% des Français sont favorables à un protectionnisme aux frontières de l’Europe, qui soit susceptible de protéger les travailleurs de l'Union des différences sociales (coût du travail notamment) et écologiques pouvant exister entre le Vieux Continent et les pays dits "émergents".

Quelques mois plus tard, la même équipe a financé un sondage du même ordre, mais étendu à plusieurs pays d’Europe. La présentation de cette enquête - qui montrait que 2/3 des Italiens, Espagnols et Allemands souhaitent la réinstauration de droits de douane aux frontières de l’Europe – avait été accompagnée, en septembre 2011, d’un colloque auquel participaient plusieurs présidentiables, et dont vous pouvez consulter un compte-rendu ici.

Aujourd’hui, « Manifeste pour un débat sur le libre-échange » s’associe avec le « Forum démocratique » pour promouvoir une « Initiative citoyenne pour un protectionnisme européen » (ICE). L’objet ? Organiser un vaste appel à pétition dans neuf pays de l’Union, afin d’obtenir que soit enfin débattue au Parlement de Strasbourg la question du protectionnisme européen.

Cette initiative est soutenue par de nombreux économistes, dont Jacques Sapir, Hervé Juvin, Jean-Luc Gréau, Philippe Murer, Jean-Claude Werrebrouck, Bernard Cassen ou encore Gérard Lafay.

L’ICE possède d’ores et déjà un site, à consulter ICI.
Par ailleurs, il n’est pas interdit de commencer d’ores et déjà à signer (CLICK)


Lire  et relire :
"La démondialisation", atour du livre de Jacques Sapir  CLICK
Un entretien avec Hervé Juvin  CLACK
Inflation allemande, terreur atavique ou erreur historique ?  CLOCK

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mardi 20 mars 2012

« L’immigration n’est ni une chance, ni une menace mais une question politique »

Entretien avec Laurent Bouvet
- Deuxième partie -
(voir la première partie : CLICK)

Laurent Bouvet est politologue
Il vient de publier "Le Sens du peuple", Gallimard, 2012
Consulter son blog

Vous expliquez comment la gauche antitotalitaire, parce qu’elle peine à se défaire du souvenir de l’URSS et se méfie donc tout à la fois du peuple (en tant que masse) et de l’Etat, a favorisé le modèle individualiste et multiculturaliste. N’y a-t-elle pas été largement aidée par une autre gauche, « l’anticolonialiste », qui se défie de l’Etat par internationalisme, et voit des « néo-colonisés » partout ?

Oui tout à fait. C’est d’ailleurs en grande partie la « même » gauche. L’anticolonialisme et l’antitotalitarisme ont de nombreuses caractéristiques communes – au-delà de la gauche d’ailleurs bien évidemment. Mais ce que vous dites est très juste : l’existence d’un sentiment de culpabilité à l’égard du passé colonial du pays a contribué à construire et à renforcer le multiculturalisme normatif dont je parlais plus haut.

On en retrouve la trace non seulement dans l’idée, légitime, qu’il y a une attention particulière, au regard de l’Histoire, à porter à des populations dont les droits ont été niés par exemple mais encore dans celle, moins évidente, que l’immigrant notamment, s’il vient d’un ancien pays colonisé, serait nécessairement plus légitime que l’habitant du pays d’accueil. Qu’il y aurait un dû à payer par les sociétés colonisatrices d’antan, même si c’est au détriment de leurs propres populations. Cette forme de culpabilité actualisée a pu conduire certains à défendre, coûte que coûte, des prescriptions normatives du type « l’immigration est une chance pour la France », et ainsi de justifier, par exemple, au moment même où la crise économique sévissait, des pratiques de concurrence sur les emplois à bas salaire entre résidents et immigrants. Ce qui n’a pas été neutre dans la montée en puissance des mouvements néopopulistes dont le Front national en France est l’exemple-type.

Outre qu’il s’agit d’un comportement, à gauche, d’auxiliaire d’une « flexibilisation » par le bas du marché du travail et d’un patronat parfois sans scrupules en la matière, on peut estimer que politiquement ce n’est pas d’une grande habileté. Cela installe l’idée d’un faux débat entre l’immigration-chance et l’immigration-menace.

Un faux débat qui relaie néanmoins une question que tout le monde se pose : doit-on redouter ou se réjouir de l’immigration ?

L’immigration n’est ni une chance, ni une menace. Elle n’est qu’une question politique, économique, sociale, culturelle… qui se pose à toute grande société ouverte. Et doit être traitée comme telle, en fonction des intérêts du pays, de la zone (l’Europe en l’occurrence pour la France), et non de manière idéologique. Hélas, à gauche, on trouve en la matière encore beaucoup d’idéologie sur ce sujet. Beaucoup d’impensés et de tabous, dont le seul résultat tangible n’a pas été d’améliorer le sort de ceux que la gauche prétend défendre et aider mais plutôt de renforcer leur stigmatisation – notamment en aidant à croître les idées du Front national – et, au sein de ces populations, certaines parties radicalisées, peu enclines à l’intégration et au vivre ensemble.

Ce qui est valable ici pour l’immigration vaut bien entendu avant tout pour l’islam compte tenu des crispations suscitées ces dernières années autour de cette religion. En bref, il me semble que l’attitude excessivement multiculturaliste d’une partie de la gauche a favorisé davantage que combattu l’influence parallèle du Front national et des extrémistes musulmans dans notre pays. Si la gauche revient au pouvoir en 2012, il faudra sortir de cette impasse et des faux débats qui y ont conduit.

Lorsque vous parlez du populisme, vous affirmez que beaucoup de populisme nous éloigne de la démocratie, mais qu’un peu nous en rapproche… peut-il y exister un « bon » populisme ?

L'expérience historique du XXe siècle a permis de comprendre que le populisme soulève au moins autant de problèmes qu'il prétend en résoudre. Pourtant cela n'a suffit ni à l'éteindre ni à le disqualifier comme mode de protestation politique dans le cadre démocratique. La radicalité de son propos central, contre tout ce qui fait la subtilité démocratique, ne pouvant jamais briser le lien étroit qui l'attache à la démocratie elle-même. Car le peuple de la démocratie est le même peuple que celui du populisme. Ce qui fait que pour le comprendre, ce à quoi l'époque contemporaine nous oblige, et, si nécessaire, le combattre, ce à quoi les événements peuvent nous contraindre, il ne faut pas le rejeter comme la pathologie de la démocratie, définitive et odieuse, dont il prend si souvent la forme mais plutôt lui restituer son caractère dialectique.

Le populisme est en effet le mal démocratique dans les deux sens du terme : il l'affaiblit en la menaçant mais il l'alarme aussi sur ses insuffisances et ses dérives. Cela ne veut pas nécessairement dire qu'il y aurait un bon et un mauvais populisme, encore moins parce qu'on pourrait qualifier le premier de gauche alors que le second serait de droite voire d'extrême-droite. Cela signifie plutôt qu'il faut en accepter l'incontournable présence dans la politique démocratique, qu'il faut même sans doute l'encourager comme composante d'une critique indispensable de l'ordre démocratique, tout en en reconnaissant les limites et en refusant fermement leur dépassement. Cette responsabilité lourde autant qu'inévitable est celle du peuple tout entier. C'est d'abord et avant tout pour cela que la gauche doit se remettre à l'écouter et à mieux le représenter, qu'elle doit en retrouver le sens.

Après que François Hollande a prononcé le discours - considéré comme fondateur - du Bourget, le pensez-vous sur la bonne voie pour retrouver « le sens du peuple », et reconquérir cet électorat naturel de la gauche ?

Le discours du Bourget représente incontestablement un moment-clef de la campagne de François Hollande, et même, sans doute, au-delà, en ce qu’il a remis en cause un certain nombre des évolutions et des présupposés des 30 dernières années au PS et à gauche. Est-ce qu’il sera suffisant pour assurer la reconquête des catégories populaires ? Je n’en sais rien. On ne modifie pas ainsi en quelques mois de campagne des années d’évolution. Le candidat du PS lui-même est le produit de toutes ces années. Il a été formé et je dirais forgé dans le creuset du socialisme français des 30 dernières années dont tout ce dont nous venons de parler est une composante essentielle. Mais dans le contexte institutionnel français, une campagne présidentielle est en même temps un moment très privilégié pour faire « bouger les lignes » comme l’a dit un autre candidat de la gauche. Espérons qu’il en soit ainsi.

Au-delà, ma préoccupation n’est pas celle de la victoire de la gauche qui me semble assez imparable compte tenu de l’état de la droite et surtout de la qualité très faible de son leader après ses 5 années de présidence – une présidence ratée pendant laquelle Nicolas Sarkozy a divisé et affaibli le pays. Ce qui me paraît plus important, ce sont les conditions de l’exercice du pouvoir que rendra possible la victoire. Sur quel socle sociologique la gauche au pouvoir va-t-elle s’appuyer ? Est-ce qu’il sera suffisamment large et profond pour lui permettre de durer et surtout d’agir dans la durée ?

C’est là que l’idée de « sens du peuple » (l’expression est du grand historien Michelet) prend tout son sens. Eprouver le sens du peuple, ce n’est pas seulement mobiliser les catégories populaires, celles qui ont été longtemps oubliées par la gauche, pour gagner une élection, c’est donner à tout le peuple, celui des citoyens, celui de l’égalité sociale et celui de la reconnaissance commune, dans une conception ouverte et moderne de la nation, la perspective de sa pleine et entière expression. C’est donner au peuple, collectivement, ensemble, toute sa place. Bien au-delà des désirs, besoins et identités individuelles. C’est la tâche historique de la gauche, en France et ailleurs, tout particulièrement en des temps difficiles comme ceux que nous traversons.


Retrouvez les entretiens de l'arène nue
Entretien avec Bernard Conte sur l'économie, l'Europe   CLICK
Entretien avec Catherine Kintzler sur la laïcité   CLACK
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Recension du livre "Plaidoyer pour une gauche populaire"   CLECK
La "Gauche populaire", késako ?   CLYCK
Première partie de l'entretien avec Laurent Bouvet  CLONCK
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Violence du racisme, indécence de " l'antiracisme "




Hier soir, une marche a réuni des milliers de personnes dans les rues de Paris. Des milliers d’anonymes émus, choqués, inquiets, après le meurtre spectaculaire de trois militaires, de trois enfants et d’un professeur, bref, de sept Français, abattus en plein jour dans les rues de Toulouse et de Montauban, sans doute parce qu’ils étaient un peu trop juifs, un peu trop musulmans, un peu trop arabes.

Cette marche était silencieuse, car c’est le moins que l’on puisse faire quand il n’y a pas de mot. Pas de mot pour exprimer la condamnation, bien sûr. Mais pas de mot non plus pour exprimer l’effarement face à cette énigme : qui est cet homme casqué qui tue de sang froid d’autres humains en pleine rue ? Qui est ce semblable si dissemblable ?

Le silence, donc, parce que parfois, il s’impose. Question de tact. Question de dignité. D’ailleurs, les candidats à l’élection présidentielle ont interrompu leur campagne l’espace de 48 heures, et annulé leurs diverses activités.

Il en est d’autres, en revanche, qui n’ont rien annulé du tout. Quelques petites célébrités, quelques affamés de micros, quelques avides de caméras. Eux n’ont pas jugé bon de garder le silence, non. Cependant que d’autres marchaient vers la Bastille sans un mot, le jury des « Y’a bon awards 2012 » a préféré mener jusqu’au bout sa sinistre entreprise de lynchage symbolique au milieu du tapage boboïde du Cabaret Sauvage.

Les « Y’a bon awards », c’est un petit symposium dégoûtant organisé depuis quatre ans sous la houlette des Indivisibles, l’officine qui s'autoproclame « antiraciste », qui a pour égérie Rokhaya Diallo et qui prétend lutter contre « les préjugés ethno-raciaux et en premier lieu, celui qui nie ou dévalorise l’identité française des Français non-Blancs ».

Au cours de la cérémonie des «Y’a bon awards », cette bande de joyeux drilles décerne des trophées de xénophobie à des personnalités qu’elle juge racistes, en vertu du pouvoir qu’elle s’autoconfère. Pour ce faire, un « jury » sorti de nulle part établit une liste de « racistes », et leur impute des fautes plus ou moins graves : pour les Indivisibles comme pour tous les lyncheurs, « Y’a bon les listes ».

Lundi 19 mars 2012, donc, alors que toute la France s’offrait une pause, les militants de la « France non-Blanche » désignaient leur poignée de victimes expiatoires, à l’issue « d’une soirée où l’humour avait toute sa place » et « sous les rires du public », parce que décidément, c’était vraiment le soir idéal pour se marrer entre potes.

Parmi les « racistes » d’hier soir figuraient donc l’écrivain Richard Millet, la sénatrice PRG Françoise Laborde, le patron de l’Express Christophe Barbier, ou encore…Caroline Fourest. Cette dernière était jugée coupable d’avoir dénoncé « les associations qui demandent des gymnases pour organiser des tournois de basket réservés aux femmes voilées ». C’est vrai, on avait oublié : la pratique du sport dans des lieux non-mixtes est le nec plus ultra de l’antiracisme, et la stricte séparation des hommes et des femmes représente une grande avancée des valeurs universelles. Merci aux Indivisibles pour ce rappel nécessaire.

A la fin du prospectus présentant leur petite sauterie, les amuseurs publics de la diversité stipulent, feignant la surprise : « pourtant invités, aucun des lauréats n’a répondu aux Indivisibles, ni n’est venu chercher son trophée ».

Permettons-nous ici une hypothèse : hier soir à 20h00, peut-être ces « lauréats » étaient-ils quelque part entre la place de la République et celle de la Bastille, en train de participer…à une marche silencieuse ?

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samedi 17 mars 2012

"La gauche sans le peuple ne saurait être la gauche"

Entretien avec Laurent Bouvet
- Première partie -

Laurent Bouvet est politologue
Il vient de publier "Le Sens du peuple", Gallimard, 2012
Consulter son blog

Votre tout dernier ouvrage, Le sens du peuple, a pour objet de montrer comment le peuple est devenu un « problème » pour la gauche française. N’y a-t-il pas là un paradoxe. En ayant perdu le peuple de vue, la gauche n’a-t-elle pas perdu aussi sa raison d’être ?

Il y a un courant de pensée à gauche qui refuse l’existence même du peuple comme sujet politique, et plus largement dans les partis de gauche une présence importante de militants et d’élus convaincus par cette thèse. C’est, grossièrement, en France, le cas de ce que l’on a appelé la deuxième gauche. Cet ensemble né du tournant des années 1960-70 dans le PSU et le syndicalisme notamment qui a intégré en grande partie le PS à partir de 1974 et dont la grande figure politique a été Michel Rocard.

Tout comme Pierre Rosanvallon, cette deuxième gauche souhaiterait donc que le peuple demeure « introuvable » sous peine de devenir dangereux ?...

En effet, le meilleur théoricien – et en partie acteur – de cette gauche-là est incontestablement Pierre Rosanvallon. Son « peuple introuvable » est d’abord un constat qu’il fait comme historien : où est le peuple en politique ? Comment peut-on en observer et en comprendre les figures et les représentations ? Est-ce qu’il ne se limite pas à des fictions ? Etc. Mais c’est aussi une prescription à laquelle il aboutit : non seulement le peuple n’existe pas mais il ne doit pas exister. Toute forme de prise au sérieux du peuple en politique représente un danger pour la démocratie.

Cette perspective qui s’inscrit dans un monde post-totalitaire, marqué par les expériences tragiques de manipulation et d’instrumentalisation du peuple – dans sa réduction à la race et à la classe à travers les totalitarismes nazi et communiste – a une vertu heuristique mais constitue aussi un angle mort politiquement.

Sa vertu tient à ce qu’elle confirme que la démocratie et le populisme – ces usages dangereux du peuple – sont les deux faces d’une même médaille. Et que la politique moderne, celle de l’âge de la démocratie de masse, se tient sans cesse sur le fil entre injonction populaire et tentation populiste. Le peuple est toujours déjà présent, comme source de légitimité démocratique mais en même temps comme danger mortel pour la démocratie. Les Grecs avec leur demos avaient d’ailleurs, il y a 25 siècles, déjà parfaitement perçu cette dualité !

Malheureusement, cette conception, celle de la deuxième gauche, donc, dans le cadre politique français, a aussi eu un défaut. Pour le dire d’un mot, elle passe à côté du rôle essentiel du peuple « tout entier », aussi bien démocratique que social et national, dans la politique moderne.

Ah oui, les fameux « trois peuples » - démocratique, social et national – que vous décrivez et liez dans votre livre…

…et dont il convient de n’oublier aucun. Hélas, certains penseurs et responsables ont oublié que la France n’était pas qu’une société d’individus, de groupes plus ou moins constitués selon leurs intérêts ou leurs identités particulières mais aussi, et sans doute avant tout, un peuple avec son histoire, sa lecture propre même si grandement conflictuelle, de l’évolution du monde, son droit politique spécifique (exceptionnel peut-on dire) dont la République résume le sens, etc.

Ceci a contribué à accroître les effets de la transformation libérale de la société française au cours de ces 30-40 dernières années, qu’il s’agisse de l’économie de marché et de ses effets, ou de la réduction de l’émancipation à une affaire juridique concernant d’abord et avant tout l’individu. Le sens du collectif, du commun, du vivre ensemble se sont dilués. Et une partie de la gauche, sous l’impulsion et la conduite de la deuxième gauche, a évolué dans cette direction, au prix d’oublis et de contresens historiques, notamment sur la construction européenne, qui s’avèrent aujourd’hui tragiques.

Vous pointez du doigt la tentation multiculturaliste, et cette attitude qui a consisté, pour une gauche déconnectée des classes populaires, à fabriquer un « peuple de substitution » par agrégation de diverses minorités. De quoi s’agit-il ?

Cette tentation s’inscrit, en partie, dans l’évolution décrite précédemment. Elle est le résultat de la réponse apportée par une partie de la gauche française (mais pas seulement) au grand tournant identitaire qui a frappé les sociétés occidentales dans les années 1960-70 également. Lorsque des aspirations individualistes, post-matérialistes ou post-industrielles ont peu à peu remplacé les grands combats idéologiques des XIXe et XXe siècles et les luttes politiques et sociales qui en découlaient. Ainsi, par exemple, ce que l’on a appelé un temps les « nouveaux mouvements sociaux » (de libération, d’émancipation ou de reconnaissance identitaire) des années 1960-70 ont-ils parfaitement illustré ces nouvelles aspirations : noirs américains, féministes, homosexuels, immigrés, régionalistes, fondamentalistes religieux...

Les revendications qui ont émergé et sont encore, pour une part, actives, ont trouvé naturellement leur place et leur justification dans des sociétés qui étaient largement bloquées et discriminatoires à l’égard de ce que l’on a appelé alors les « minorités ».

Je ne comprends pas où est le problème ? Ces catégories (immigrés, jeunes, femmes…) ne vous semblent-elles pas légitimes lorsqu’elles revendiquent leur droit à l’égalité ?

Si : il y a, bien évidemment, une totale légitimité de ces revendications. Qu’il s’agisse de celle des femmes à l’égalité de droits avec les hommes, de la dépénalisation puis de l’égalité de droits pour les homosexuels ou encore de la lutte contre toutes les formes de discrimination à raison de l’origine ethno-raciale notamment. Et la gauche, porteuse historiquement, de la défense du principe d’égalité, ne saurait laisser de côté ces revendications. Pas plus qu’elle ne saurait ignorer le « fait du multiculturalisme » qui est au cœur des grandes sociétés ouvertes, occidentales notamment, aujourd’hui.

Simplement, il y a une différence considérable entre l’acceptation d’un fait social ou la poursuite d’un idéal de lutte aux côtés des plus faibles dans la société, et la conversion à une forme de multiculturalisme normatif devenu peu à peu l’alpha et l’oméga des propositions politiques de la gauche. Comme si celle-ci, contrainte par une « grande transformation » (à rebours), libérale, des décennies récentes, avait abandonné son rôle historique d’émancipation collective et toute perspective populaire ; au profit précisément d’un « peuple de substitution », de « damnés de la terre » de remplacement que seraient désormais les membres des minorités identitaires et culturelles. Comme si l’adieu à la classe ouvrière, pour le meilleur et pour le pire, avait conduit à l’abandon de toute conception d’ensemble de ce que peut-être le peuple pour ne favoriser que des parties très spécifiques de celui-ci et au final participer à l’individualisation généralisée de nos sociétés.

Une sorte de « tronçonnage » du peuple en catégories dont les revendications, nécessairement particularistes, favoriseraient l’individualisme, en somme ?

Oui, et même pis. C’est comme si cette évolution d’un peuple à l’autre avait conduit à une forme de rejet voire de mépris pour les composantes du « peuple de gauche » (même si je n’aime pas beaucoup cette expression) traditionnel. Ce que certains auteurs, je pense notamment à Gaël Brustier et Jean-Philippe Huelin, ou encore à Christophe Guilluy, ont nommé et décrit comme de la « prolophobie ». Au-delà de la profondeur de ce mouvement d’ensemble des sociétés contemporaines, perceptibles dans l’ensemble des politiques publiques : économique et sociale bien sûr mais encore scolaire, culturelle, « de la ville »… on peut en observer l’émergence dans les représentations médiatiques et artistiques. Ainsi, au cinéma, est-on passé de la figure mythifiée de l’ouvrier incarnée par Jean Gabin par exemple, dans « La Bête humaine » au temps du Front populaire, à celle, dégradée et abjecte (raciste, sexiste, homophobe… le « beauf » dans toute sa splendeur), du « Dupont-Lajoie » d’Yves Boisset, incarnée par Jean Carmet. Ce parcours de Gabin à Carmet si j’ose dire, est exactement ce qui est en jeu dans l’histoire de la gauche, française ici, tout au long du XXe siècle et jusqu’à aujourd’hui.

Cette « prolophobie » que vous pointez du doigt est-elle vraiment l’apanage de la gauche ?

Disons que l’impuissance politique face aux bouleversements de l’économie mondiale ayant en quelque sorte conduit à une réduction générale de l’ambition de la gauche : incapable de proposer à tous de poursuivre le mouvement d’émancipation, elle ne l’aurait plus proposé qu’à quelques-uns, choisis en fonction de leur statut particulier dans la société, et en le faisant désormais d’abord passer par une extension du droit individuel, de la reconnaissance de ce que chacun est pour lui-même plutôt que de ce qu’il voudrait être avec les autres.

Le statut de l’égalité, et les conséquences sociales de celle-ci, ne pouvaient qu’être fortement ébranlés. Car outre qu’une partie des nouveaux droits ainsi revendiqués et accordés ne peuvent être que dérogatoires, le sens commun lui-même s’affadit. La compréhension commune de ce qu’est une société, sans même parler d’un peuple désormais, se dissout. Dans ces conditions, la fameuse société de marché n’a aucun mal à s’imposer avec son cortège d’inégalités et de spectaculaire.

Or, pour le dire d’un mot, la gauche sans le peuple ne saurait être la gauche. Elle perd son sens même, son âme… et aussi, accessoirement, les élections et le combat pour l’hégémonie cher à Gramsci....(à suivre).

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lundi 12 mars 2012

François Duprat : itinéraire d'un néo-fasciste au coeur du Front



« Pourquoi François Duprat ? » : c’est la question qu’on serait tenté de poser à Nicolas Lebourg et à Joseph Beauregard. Après avoir  consacré à ce leader d’extrême droite un documentaire remarqué, ils lui vouent à présent une biographie dense et rythmée, la toute première sur Duprat.

C’est que, pour les deux auteurs, Duprat n’est autre que « l’homme qui inventa le Front national » et qui, par sa très forte emprise idéologique sur le jeune parti, en fut de fait le numéro deux, avant d’être assassiné dans des circonstances troubles en 1978.

Découvrir Duprat, c’est donc s’offrir l’occasion de comprendre ce que fut l’influence de la pensée « national-révolutionnaire » dans les premières années d’existence du FN, et ce qu’elle demeure. On découvre notamment que le « sinistrisme », très présent dans le discours frontiste aujourd’hui, n’est pas nouveau à l’extrême-droite. L’usage d’un champ lexical semblant marqué à gauche était une habitude chez Duprat, l’intellectuel néo-fasciste n’hésitant pas à conspuer « le capitalisme » et à glorifier « le Peuple », dans des termes que ses biographes nous aident à décrypter.

De même, on découvre comment Duprat structura le discours du Front national, imposant à un Jean-Marie Le Pen dubitatif, un usage tactique du racisme, savamment combiné avec les peurs économiques de l’époque. Il inventa notamment la formule bien connue « un million de chômeurs, c’est un million d’immigrés en trop ».

Mais, outre qu’il éclaire sur l’héritage doctrinal du FN, François Duprat est également une fresque historique, presque un roman, parfois. Le lecteur s’y trouve transporté au cœur des années 1960-70, de cette vie politique violente et romantique qui voyait s’affronter, barres de fer à la main, les « gauchistes » et les « fascistes », et où « l’intellectuel engagé» n’hésitait pas à faire le coup de main sitôt que l’occasion de présentait.

Au fil de cette biographie, on croisera quantité de personnages énigmatiques, jonglant avec l’action directe, l’écriture sous pseudonyme, et la collaboration avec les services de renseignement. Outre Duprat, en rencontre ainsi quelques figures connues, jeunes chiens fous désormais assagis, tels Alain Madelin ou Gérard Longuet, ou intellectuels prolifiques de la droite radicale, comme Dominique Venner.

On se remémore également ces groupuscules qui ne cessèrent d’être dissous pour mieux renaître de leurs cendres : Jeune Nation, le Parti nationaliste, Occident, Ordre Nouveau. Jusqu’à ce que François Duprat - qui fut de chacun d’eux - décide de troquer les bagarres de rue contre l’action politique, envisage la prise du pouvoir par les urnes, et se convertisse à la « tactique légaliste » comme « pièce de la stratégie révolutionnaire ».

Duprat fut ainsi moteur dans la création du FN, ce parti qui a longtemps étonné par sa faculté à agréger des frères ennemis (monarchistes, catholiques traditionnalistes, néofascistes), et dont on prend conscience des contradictions qu’il porte depuis ses origines.

Entre « nationaux » et « nationalistes », entre bourgeois réactionnaires et étudiants révolutionnaires, des compromis furent à trouver, et d’irréfragables inimitiés à surmonter. Mais Duprat était habile à concilier l’inconciliable. Ainsi, du discours sur l’immigration, on apprend que l’idéologue « ajuste son argumentaire (…) à chaque composante de l’extrême droite : aux nationalistes européens, l’argument de la préservation de la race ; aux nationalistes-révolutionnaires, l’inclinaison sociale ; aux nationaux-populistes, l’argumentaire anticommuniste ».

François Duprat, enfin, est une recherche méticuleuse et patiente : quatre années d’étude, un nombre record d’entretiens et de rencontres, en font un travail solide et précis. Surtout, chose trop rare quand il s’agit de l’extrême-droite, ce livre ne cède jamais à la facilité du jugement moral. Tout en lui donnant les clés, il laisse au lecteur l’entière responsabilité de se forger une opinion. Lebourg et Beauregard le précisent d’ailleurs d’emblée : « n’en déplaise aux extrémistes de droite, Duprat n’est pas un martyr de la liberté mais un fasciste et un antisémite convaincu. N’en déplaise aux extrémistes de gauche et antifascistes, Duprat n’est pas la Bête immonde, mais un homme qui aimait passionnément les livres et les sucreries ».

Puis d’ajouter : «  l’homme qui se dessine n’est ni un diable, ni un saint ». Sans doute mérite-t-il, ne serait-ce que pour cela, d’être (re)découvert.

Lire et consulter :
Nicolas Lebourg - Joseph Beauregard, François Duprat, Denoël impacts, 2012
Blog collectif  : Fragments sur les Temps Présents - Marges politiques et Radicalités sociales

Lire et relire sur l'arène nue:
Pierre André Taguieff revisite le polulisme   CLICK
Recension de "Le Bloc" de Jérôme Leroy   CLACK
L'extrême droite n'existe plus ?   CLOCK
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samedi 10 mars 2012

Micro-trottoir 2012 : Jean s'abstiendra



Cet entretien est le dernier du micro-trottoir 2012 de l’arène nue, dont vous pouvez en consulter ici la rapide description, ainsi que les seize précédents volets (un, deux, trois, quatre, cinq, six, sept, huit, neuf, dix, onze, douze, treize, quatorze, quinze, seize). Je remercie vivement Jean, mon interlocuteur.

***

Jean a 38 ans. Il est fonctionnaire et vit en région parisienne. Il a parfois voté par le passé, mais est fermement décidé à s’abstenir cette fois-ci.

Vous ne voterez pas à l’élection présidentielle des 22 avril et 6 mai. Pourquoi ?

La première raison est plutôt conjoncturelle : aucun des programmes proposés par les candidats déclarés ne correspond pleinement à ma vision du monde et à ce que je pourrais penser juste, efficace ou cohérent.

La seconde est plus de principe : je ne suis pas sûr de croire à la réalité et à la légitimité de la démocratie. Le principe selon lequel l’avis de citoyens, plus ou moins éclairés et de toute façon largement incompétents pour juger de problématiques aussi larges et complexes que celles de la conduite d’un pays, est pertinent et prend force de vérité parce qu’il est collectif me paraît absurde et mensonger. Bien évidemment, je me compte parmi ces « incompétents ».

De plus, recourir à cet avis tous les cinq et bloquer ainsi toute action ou initiative du gouvernement me semble particulièrement handicapant et nuisible à toute vision de long terme.

Votre première raison me surprend. Les candidats en lice sont nombreux. A défaut du candidat idéal, beaucoup d’électeurs optent pour « le moindre mal »…

Oui, mais cela n’en reste pas moins un « mal ». Et aucun candidat ne représente un « bien » suffisamment grand pour valoir la caution que mon vote apporterait au système électif moderne que je réfute.

Permettez-moi d’insister : qui pourrait être, malgré tout, ce « moindre mal » ?

En fait, j’accorde une importance particulière à plusieurs points : la restauration de la souveraineté de la France dans les domaines économiques, financiers et internationaux ; la volonté de remettre l’économie au service des hommes ; la préservation de valeurs traditionnelles structurantes telle que la famille, la culture et la tradition … une sorte de restauration ou, disons le mot, de réaction. Je ne suis pas sûr que Nicolas Dupont-Aignan ou Marine Le Pen, qui semblent porter un discours en ce sens, apprécieraient cette définition !

Venons-en à votre seconde raison de vous abstenir : vous ne souhaitez pas cautionner le système électif moderne. Vous n’êtes donc démocrate ?

Non, vraiment pas. Je considère que la démocratie moderne, pratiquée à large échelle et donc non comparable à la démocratie de la cité grecque, est un système absurde, mensonger et paralysant.

Absurde car fonder la légitimité du pouvoir sur le simple consentement et l’« intelligence » collective d’individus réputés éclairés me paraît tout aussi idéologique ou fabuleux – et en tout cas pas plus démontré par la raison – que de s’appuyer sur une révélation divine ou sur la tradition ancestrale.

Mensonger car faire croire au peuple qu’il a la capacité de comprendre, voire simplement de savoir, et donc de déterminer son bien commun et qu’il maîtrise sa destinée est un leurre qui ne fait que masquer le rôle dominant et exclusif d’une autre élite, bourgeoise et non plus aristocratique, et d’autres puissances (technocratiques, a-nationales et / ou économiques). Des exemples récents, du projet de Constitution européenne à la genèse et à la gestion de la crise actuelle, renforce cette appréciation.

Paralysant car les élections présidentielles et législatives désormais renouvelées tous les cinq ans, interfèrent avec le fonctionnement de l’Etat et nuisent, en cas d’alternance réputée souhaitable, à la continuité et à la cohérence de son action au long terme.

Vous ne croyez pas à l’intelligence collective du peuple. Par quoi faudrait-il remplacer la démocratie ?

Sans doute par ce qu’elle a remplacé : une monarchie de droit divin.

J’ai bien conscience de la quasi-folie qu’une telle idée peut avoir et du peu de réalisme d’une telle proposition après deux siècles et à notre époque. Je n’ai pas non plus d’illusion sur la perfection d’un tel système. Les Mémoires du cardinal de Retz illustrent bien les jeux de pouvoirs, les intrigues et le cynisme dont cette époque n’était pas moins marquée que notre XXIème siècle. Ils montrent également, cependant, que l’implication du peuple dans la vie politique et son influence sur le gouvernement étaient loin d’être nulles.

J’adhère ainsi à la vision historique de Jacques Bainville qui démontre comment une monarchie héréditaire, légitimité – et limitée – par la foi et des lois fondamentales finalement très contraignantes a permis la construction progressive d’un pays à la fois unifié et respectueux des espaces de liberté « de proximité », ces corps intermédiaires dont la campagne actuelle déplore l’affaiblissement et le remplacement par les « communautés ».

Malgré tout - vous le dites vous même - cela est bien utopique. Une monarchie de droit divin afort peu de chance d'advenir. Ne pensez-vous pas plus judicieux de faire avec le réel tel qu'il est, puisque le vote vous donne une occasion de l'infléchir ?

Je n’avais pas entendu qu’un candidat quelconque proposât une réelle inflexion ! Choisir un « moindre mal » comme nous l’évoquions tout à l’heure reviendrait à adhérer au système électif en reconnaissant implicitement par le fait de me déplacer sa capacité à faire évoluer la France dans le bon sens.

Quelle est l’offre de ce qui est devenu un « marché électoral » ?
Un binôme PS / UMP, symboles de cette bourgeoisie parvenue et auto-reproduite qui ne diffèrent que par l’inflexion hypocrite de leurs discours respectifs vers une droite et une gauche plus sincères et donc extrêmes dont ils briguent les seuls suffrages.

Une gauche plus radicale, du Front de gauche à Lutte ouvrière en passant par le NPA, dont je ne méconnais pas la préoccupation sociale mais au matérialisme athée et révolutionnaire desquels je ne saurais souscrire.

Un MoDem porteur d’un certain bon sens et d’une volonté d’efficacité et de cohésion mais dont je ne peux accepter le libéralisme honteux et l’européanisme béat.

Un FN assez tentant je l’avoue mais dont le caractère composite ne m’inspire qu’une confiance limitée.

Un DLR également tentant mais dont la portée est si faible que déroger à mon principe de non-soutien aux élections n’aurait pas d’intérêt.

Donc, non vraiment, pas d’espoir. Un peu d’espérance encore tout de même !

Lire et relire :
Micro-trottoir 2012 de l'arène nue : la règle du jeu CLICK
Micro-trottoir 2012 : Marcella, plutôt de gauche mais très circonspecte CLACK
Micro-trottoir 2012 : Pour Jérôme, aucun doute, c'est Mélenchon
CLOCK
Micro-trottoir 2012 : Pour Dominique, ce sera sans doute Philippe Poutou CLOUCK
Micro-trottoir 2012 : A 26 ans, Didier milite pour Villepin CLUCK
Micro-trottoir 2012 : Pour Stéphane, un seul choix possible : Marine Le Pen CLECK
Micro-trottoir 2012 : Anne penche pour Chevènement CLYCK
Micro-trottoir 2012 : Jacques est convaincu par Boutin CLONCK
Micro-trottoir 2012 : Chloé conquise et acquise à Hollande CLBCK
Micro-trottoir 2012 : Pierre, 20 ans, préfère Morin CLGCK
Micro-trottoir 2012 : Louis-Alexandre croit en Corinne Lepage CLNCK
Micro-trottoir 2012 : Yann aime sa région et...Eva Joly CLVCK
Micro-trottoir 2012 : Bastien choisit à nouveau Bayrou CLJCK
Micro-trottoir 2012 : Woland opte pour Nihous  CLPCK
Micro-trottoir 2012 : Olivier choisira Nathalie Arthaud  CLONCK
Micro-trottoir 2012 : Maxime est 100% Dupont-Aignan   CLARCK 
Micro-trottoir 2012 : Bisounours ou Zorro ? Monique choisit Sarko  CLPCK

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jeudi 8 mars 2012

Sarkozy : un sale gosse en pré-retraite



Nicolas Sarkozy est un enfant gâté, cela n’a échappé à personne. Celui qui se pique d’avoir un « bon job et une belle femme » - en plus d’une belle montre - a toujours eu un petit côté « c’est moi qui pisse le plus loin, troulala, troulalère ». A l’école maternelle, il devait sans doute faire les plus beaux pâtés de sable et, en cours préparatoire, il fut sûrement le premier à pouvoir brandir fièrement le dernier-techno-stylo-à-la-mode-qui-efface-aussi-vite-qu’il-écrit.

Cette propension à la « présidentialité de bac à sable » le rend donc inutilement fanfaron, mais pas seulement. Elle a aussi une contrepartie gênante : tout comme sa rivale Marine Le Pen, le président-candidat a « des tendances scrogneugneu ».

Scrogneugneu, il peut feindre de l’être lorsque cela le sert. On se souvient de son débat de l’entre-deux tours face à Ségolène Royal en 2007. Celui dont on se demandait quelle tactique choisirait pour affronter une femme, avait opté pour le scénario suivant: interpréter le petit garçon injustement tancé par la très sévère matrone du Poitou. Ce jeu l’avait manifestement servi, si l’on en juge par le résultat du scrutin.

Scrogneugneu, Sarkozy peut également l’être à fort mauvais escient. Les téléspectateurs de l’émission de France2 Des Paroles et des Actes ont pu le constater mardi soir. Le sortant s’y est en effet répandu en excuses pour nombre de ses fautes de goût. Le Fouquet’s ? Il n’avait pas réalisé que cela ferait mauvais genre, et voulait juste festoyer entre potes. L’escapade sur yacht de Vincent Bolloré ? Il ne savait pas que cela choquerait. On ne le lui avait pas dit. Il voulait simplement faire plaisir à un vieil ami. Bref, il n’avait pas eu le temps d’apprendre à « faire le président ». Un jeune homme de bonne volonté mais un peu candide, piégé par une bande de copains tapageurs, en somme….

Pour autant, même si Nicolas Sarkozy sait désormais faire ses lacets tout seul, se moucher proprement et se comporter - parfois - en chef de l’Etat, il n’en demeure pas moins un gosse capricieux. La preuve ? Cette déclaration faite ce matin-même au micro de Jean-Jacques Bourdin sur BFMTV « je changerai complètement de vie, vous n’entendrez plus parler de moi si je suis battu ». En d’autres termes, « Sarko » mettrait fin à sa vie politique en cas d’échec le 6 mai.

Entendant cela, on ne peut s’empêcher de sourire, et de penser… à Pépé Soupalognon y Crouton, l’insupportable adolescent d’Astérix en Hispanie, qui poussait le caprice jusqu’à menacer : « si tu ne me donnes pas ce que je veux, j’arrête de respirer ». Le président de la République pratique lui aussi le chantage affectif : « si vous ne me réélisez pas, je tape du pied, je me roule par terre, puis j’arrête tout »….nananère ! 

On se demande quel effet ces enfantillages et autres gamineries peuvent avoir sur un corps électoral épuisé par la crise, et tenaillé par la peur du lendemain. L’égocentrisme d’un homme qui mène une campagne présidentielle comme on brigue un mandat de délégué de classe, et qui semble « faire le job » davantage pour lui-même que pour son pays, pourrait finir rapidement par se retourner contre lui. Faire vibrer la « corde sensible » des Français n’efface pas cinq ans de bilan.

En tout état de cause, bien qu’il ait prétendu ne viser personne en particulier, la sortie de Dominique de Villepin ce matin, arrive à point nommé. « On n’a pas besoin d’une demi-portion à la tête de l’Etat » a affirmé le candidat de République Solidaire.

Merci donc au « petit Nicolas » de bien vouloir ranger sa chambre en quittant le palais de l’Elysée. Puisse-t-il parvenir à se construire une nouvelle vie pleine de fraises Tagada et de séjours à Eurodisney 

Pour ce qui nous concerne, nous ne bouderons pas…notre plaisir. Troulala, troulalère…..


Lire et relire :
Entre Bisounours et Zorro, Monique choisit Sarko  CLICK
Sarkozy : France d'en bas ou France dans l'eau ?   CLACK
Même bêtement, le changement c'est maintenant   CLOCK

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