Depuis l’intronisation de Marine le Pen à sa tête, on a beaucoup glosé sur la métamorphose populiste et antilibérale du Front national. Sa nouvelle patronne a d’ailleurs tout fait pour qu’on y croie, vilipendant tout à la fois l’Europe des marchés, le « mondialisme » financier et la caste des « élites », dont elle-même, la gosse de riche, l’avocate, serait parvenue à s’extraire, sans que l’on sache trop par quel improbable retournement du sort.
Ainsi Marine le Pen se présente-t-elle volontiers comme l’incarnation de l’ire du peuple, ainsi qu’elle le fit le 19 février, dans son discours de clôture de la convention présidentielle du FN à Lille : « Halte aux imposteurs ! Vive la saine révolte populaire que j’incarne ! » rugit-elle, au point qu’on crut un moment que la terre (qui ne ment pas) allait s’ouvrir et que, de ses entrailles fiévreuses, allaient surgir terrils, corons, et La Maheude de Germinal.
Les références « de gauche » furent de la fête, y compris le souvenir de la Commune de Paris, invité d’honneur de la harangue lilloise. Elles jouxtèrent avec plus ou moins d’à-propos les références « de droite ». L’espace d’un meeting, Emmanuel Todd, le général de Gaulle et Jésus se côtoyèrent sans trop se gêner, pour le plus grand bonheur des amateurs d’histoire, de littérature classique, d’iconographie christique et de mayonnaise idéologique.
L’exhortation du peuple, elle, est récurrente. Rien d’étonnant à cela si l’on en croit Pierre-André Taguieff. Dans son dernier opus sur Le nouveau national-populisme [1], le chercheur rappelle que l’appel au peuple, présenté comme une entité purificatrice et rédemptrice, est une constante dans le discours des leaders populistes d'Europe.
Pourtant, la candidate frontiste à beau mettre en scène ce « sinistrisme » cher à Nicolas Lebourg, un élément nouveau l’éloigne désormais de la position « ni droite, ni gauche » : l’entrée en campagne de Nicolas Sarkozy. En effet, il n’aura échappé à personne que lui-même et ses exécuteurs de basses œuvres ont durci leur discours, dans le but de complaire à la droite de leur électorat. Capter les voix du FN comme en 2007, tel est, pour la seconde fois, l’objectif du Président-candidat.
Dès lors, nous voici face à ce paradoxe : ce n’est plus l’UMP qui craint d’être dépassé sur sa droite par le Front national, mais précisément…l’inverse ! Ainsi, François Hollande fut-il le grand épargné du discours de Lille. Tout juste fut-il moqué en tant que « préposé au recouvrement des créances bancaires », au même titre que Sarkozy, parce qu’il faut bien continuer - même mollement - à faire vivre le spectre de « l’UMPS ».
Mais c’est le Président sortant que Marine le Pen a attaqué avec la plus grande férocité. Sans aller jusqu’à plagier son père, pour lequel Nicolas Sarkozy « est un peu comme la pute qui devient chaisière à l’église », la fille s’est insurgée contre le candidat « de la France morte », ce « candidat des puissants devenu candidat du peuple » et n’ayant à offrir que « l’ultime marque de mépris d’une présidence ratée ». Brandissant un bristol vermillon, elle a ensuite appelé ses ouailles à décerner un « carton rouge » à Sarkozy, filant une métaphore footballistique un tantinet incongrue, entre la mémoire de Louis X le Hutin et les hypothèses économiques de Jacques Sapir.
On comprend bien l’objectif poursuivi par la leader frontiste lorsqu’elle prend le chef de l’Etat pour cible principale. En recul dans les sondages, pas question pour elle de permettre qu’on « siphonne » son électorat comme en 2007. Et l’on imagine aisément l’argument opposable à toute critique potentielle de cette stratégie : c’est le sortant qui a servi la soupe au « libéralisme mondialisé », c’est donc sur le sortant qu’il faut faire feu en priorité.
Celle que Jean-Luc Mélenchon désigne comme sa principale adversaire dans la quête du vote populaire, choisit donc pour sa part de se présenter comme rivale-en-chef du candidat UMP. Ce faisant, elle rend très ostensible cet ancrage à la « droite de la droite » qu’elle semblait pourtant vouloir faire oublier. Or cela ne va pas sans poser « un problème stratégique au FN » note Abel Mestre dans Le Monde : « lui qui veut être perçu comme une force d’alternance risque de se faire aspirer dans ce qui ressemblera fort à une primaire à droite ».
Une primaire à droite ? Certainement. Contre Sarkozy, sans aucun doute, mais également contre François Bayrou qui, lui aussi, - quoique dans un tout autre registre- brigue le rôle de porte-voix de la doxa « antisystème » et de pourfendeur du bipartisme institutionnel.
Alors, candidate du « ni droite – ni gauche », Marine Le Pen ? De moins en moins crédible. Même si, comme d’autres, elle essaye d’ancrer dans l’esprit de ses électeurs que la latéralisation gauche/droite est dépassée, et que seul compte désormais le clivage « nationaux/mondialistes », il y a peu de chances pour que le FN parvienne, dans les deux mois qui nous séparent du premier tour, à dissimuler ce qu’il est vraiment : un parti néo-populiste…de droite.
[1] Pierre-André Taguieff, Le nouveau national-populisme, CNRS Editions, janvier 2012
Lire et relire:
Marine Le Pen à l'école de la République CLICK
Pierre-André Taguieff revisite le populisme CLACK
Sarkozy : la France d'en bas ou la France dans l'eau ? CLOCK
Populisme : est-ce que Mélenchon = Le Pen CLUCK
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Bientôt, il ne restera plus que François Pays-Bas, comme candidat du système : ça va être d'un triste !
RépondreSupprimer(François Pays-Bas : ce n'est pas son nom, c'est son programme…)
@ Didier :
RépondreSupprimerMais non, il reste aussi Eva Joly !
Bonjour je me permets de vous faire découvrir une BD créée pour se moquer de la campagne de Sarkozy. Un nouvel épisode tous les 2 jours. Merci
RépondreSupprimerhttp://www.jeune-garde87.org/2012/02/15/exclu-jeune-garde-87-nicolas-sarkozy-candidat-a-lelection-presidentielle/
Il y a une faute d'orthographe dans votre dernier paragraphe.
RépondreSupprimer5 questions concrètes :
- croyez-vous vraiment aux sondages des instituts "officiels" ?
- pourquoi les grands médias ne font-ils pas de sondages auprès de leurs lecteurs ?
- êtes-vous favorable à la proportionnelle intégrale aux législatives, marque de démocratie authentique, comme M. Mitterrand (qui était de gauche) l'avait instaurée en 1986. ?
- pensez-vous que les journalistes représentent l'opinion publique ?
- si Mme Le Pen arrive en tête du 1er tour, direz-vous que 30% des Français sont de répugnants fascistes, au crâne rasé, antisémites et xénophobes ? ...ou allez-vous vraiment analyser les faits qui font que ?
Merci.
Ceux qui ont donnés le pouvoir à Staline n'étaient sans nul doute pas tous de mauvais bougres, mais cela n'a pas empeché le goulag. Et ont peut dire, sans leur faire injure, aux "30%" d'électeurs pour Mme Le Pen qu'ils fréquentent des gens rasés de près certes, mais dangereux.
Supprimer@anonyme :
Supprimer1) je n'ai traité personne de fasciste, ni dans ce texte, ni dans aucun autre. J'ai dit que MLP était "de droite". c'est grave, docteur ?
2) pour les autres questions, désolée, mais je ne réponds pas aux interrogatoires.
Il y a toujours la faute d'orthographe et le 22 avril à 20 h 01, vous aurez une question... gageons que vous y répondrez : on a hâte de vous lire.
SupprimerIl n'y a plus de faute d'ortographe, et je salue votre talent d'inspecteur des travaux finis. Continuez.
Supprimer@ anonyme
SupprimerA vous lire ,sans faute, anonymement au soir du 22.04.2012.
On a hâte de vous lire, sans rire !
Il ne s'agit pas de s'opposer à la droite, ces notions sont vides de sens. Marine Le Pen tente de s'emparer électoralement du bassin parisien en attirant les classes moyennes précarisées. Elle a intérêt à frapper sur Sarkozy puisque Hollande représente nettement les Girondins. Nous avons un combat de deux droites, l'UMP et le PS qui représentent respectivement assez bien les classes moyennes jacobines et girondines. A partir du moment où Le Pen fait de très bons scoresdans les classes populaires du bassin parisien, son jeu normal est de tenter de prendre à Sarkozy les classes moyennes précarisées.
RépondreSupprimerQui s'empare électoralement du centre de la France tient le pouvoir.
Jard.
J’ai pris la peine de visionner les 56 minutes du discours de Lille de MLP. Je n’y ai relevé que deux expressions traditionnellement classées à droite. Le discours commence et se termine par les paroles du Chant du Départ, paroles adoubées par Robespierre bien qu’écrites par le girondin Marie-Joseph Chénier. La référence à la Commune de Paris est une agréable surprise, référence de gauche par excellence que la «gôche» abandonne. Je n’ai pas vu de signes probants qui puissent faire penser qu’elle s’enferre à droite. N’aimant ni la «com» ni le sport je n’ai guère apprécié le coup du carton rouge en effet «un tantinet incongru, entre la mémoire de Louis X le Hutin et les hypothèses économiques de Jacques Sapir». Quant à savoir si le sport est de droite ou de gauche...
RépondreSupprimerEn revanche il est reproché à MLP de faire une campagne d’extrême gauche. Ce reproche exprimé par Sarkozy a été repris dans le billet suivant par le hollandais Woland.
Il ne faut jamais enterrer trop un Le Pen. Ils sont malins et souvent redoutables en fin de campagne.
RépondreSupprimerQuel cirque ses élections ! ça fait tellement longtemps que la majorité des francais ont compris que les voix des lepen vont toujours à la droite !dans ma région comme partout en france jusqu'a plus DE SOIXANTE DIX pour cent de gens ne vont plus voter surtout au premier tour
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