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mardi 31 mars 2015

Podemos peut-il conquérir l'Espagne ?





Ce texte est la traduction d'un article de Omar G. Encarnación, professeur de sciences politiques, paru dans la revue Foreign Affairs au début du mois de février. Il n'est donc pas immédiatement à jour. Il ne tient notamment pas compte des élections ayant eu lieu en Andalousie dimanche 21 mars.  Il demeure un bon texte pour appréhender le phénomène Podemos. 

Après les élections grecques du 25 janvier qui ont porté au pouvoir Syriza, un parti de gauche radicale anti-establishment et anti-austérité, les projecteurs sont désormais braqués sur le parti espagnol Podemos, une organisation sœur de Syriza située dans un pays européen de bien plus grande importance, qui connaîtra bientôt ses propres élections législatives. Les liens entre Syriza et Podemos ont été clairement affichés le 30 Janvier 2015 lors d'un rassemblement massif sur la Plaza del sol à Madrid, où certains, dans la foule, n'ont pas hésité à brandir des drapeaux grecs. Cette manifestation, appelée « marche du changement » par ses organisateurs, a été présentée par les médias espagnols comme le coup d'envoi de l'année électorale 2015, qui risque de ne ressembler à rien de ce qu'a connu le pays depuis la fin de la dictature de Franco en 1977. Cette année-là, l'Espagne avait organisé ses premières élections libres depuis la fin de la guerre civile en 1939, au milieu d'une vague de terrorisme imputable aux séparatistes basques et de mutineries de militaires mécontents.

Ayant rassemblé quelque 100 000 personnes selon la police (Podemos a annoncé quant à lui 300 000 participants), cette démonstration atteste du charisme du chef de file du parti, Pablo Iglesias Turrión le sémillant professeur de 36 ans enseignant à l'université Complutense de Madrid. Iglesias, dont le nom rappelle celui de Pablo Iglesias Posse, fondateur du parti socialiste espagnol (PSOE), est actuellement le politicien le plus populaire d'Espagne, et son parti a le vent en poupe. Un sondage réalisé par le Centre d'études sociologiques en novembre dernier a produit une véritable onde de choc dans la classe politique ibérique, en révélant que Podemos pourrait arriver devant le Parti populaire (PP) conservateur et devant le PSOE social-démocrate aux prochaines élections. Les médias internationaux en ont pris bonne note. Après avoir vu ce qui s'était produit en Grèce, nombre d'observateurs ont prévenu que Podemos pourrait représenter une menace plus grande encore pour la zone euro, compte tenu de la taille de l'économie espagnole (elle est six fois plus importante que celle de la Grèce, et il s'agit de la quatrième plus grosse économie de l'Union européenne).

Mais si la similitude entre Podemos et Syriza semble a priori évidente, Podemos est loin d'être une copie conforme de Syriza et, plus important encore, l'Espagne n'est pas la Grèce. La couverture internationale du phénomène Podemos ignore la tendance croissante à la modération du programme du parti. Et les comparaisons du cas espagnol et du cas grec font l'impasse sur les spécificités du système électoral hellène, qui, fait peu commun, attribue un bonus de 50 députés supplémentaires au parti arrivé en tête du scrutin législatif. En outre, les situations économiques de l'Espagne et de la Grèce sont fondamentalement différentes. L'Espagne émerge de la crise économique en bien meilleure forme que la Grèce, et les partis traditionnels espagnols, contrairement à leurs homologues grecs, sont sévèrement affaiblis sans être détruits. Ce qui ne veut pas dire qu'il faille sous-estimer Podemos. Celui-ci a bouleversé la vie politique espagnole comme rien ne l'avait fait depuis les années 1970, et il s'apprête à faire des prochaines élections générales les plus imprévisibles depuis des décennies.


Un phénomène maison

Podemos (une reprise en espagnol du slogan Obamesque, « We can ») a été lancé en janvier 2014, à l'occasion des élections européennes. Le programme du parti (appelé Manifeste pour les européennes), prévoyait alors la nationalisation des secteurs économiques clés, un revenu de subsistance garanti par l’État, une semaine de travail de 35 heures, l'âge de la retraite obligatoire à 60 ans, une loi empêchant les entreprises rentables de licencier leurs salariés et un audit citoyen de la dette publique.

En plus de son programme progressiste, Podemos est également connu pour ses diatribes contre la mondialisation et contre la tyrannie des marchés. « Certains disent que l'Espagne est une marque, qui peut être emballée et vendue. Que ceux qui souhaitent transformer notre culture en marchandise aillent au Diable : nous sommes un pays de citoyens, nous somme des rêveurs comme Don Quichotte, mais nous prenons nos rêves très au sérieux », avait harangué Iglesias à Madrid. Ces saillies qui jouent sur la fibre émotionnelle sont au cœur de la stratégie de communication du parti. « A quand remonte la dernière fois où vous avez voté avec espoir ? », tel était le slogan de Podemos à l'occasion des élections européennes.

En raison de son positionnement politique et de son goût pour une rhétorique de gauche exaltée, Podemos a non seulement été comparé au Syriza grec, mais aussi aux mouvements populistes de gauche radicale qui ont fleuri en l'Amérique latine, en particulier à la « Révolution bolivarienne » de l'ancien président vénézuélien Hugo Chávez. Une comparaison qui n'est pas sans fondement. Juan Carlos Monedero, le numéro deux de Podemos, a été conseiller de Chávez entre 2005 et 2010. Les méthodes de communication et les techniques de mobilisation de la formation empruntent à la stratégie de Chávez, notamment l'usage intensif des nouveaux médias. Comme Chávez avait l'émission « Aló Presidente », Iglesias a sa propre émission de web-téléLa Tuerka (pour signifier qu'il faut serrer la vis), qu'il utilise pour attaquer « la casta « (la caste), autrement dit le bipartisme qui domine la politique espagnole depuis la transition post-Franco. Les affidés de Podemos forment une sorte de maillage de groupes militants appelés « les cercles Podemos » qui évoquent les cercles bolivariens de Chávez.

En dépit de ces influences, Podemos reste cependant un phénomène spécifique. Son émergence est généralement attribuée au mouvement des Indignés, qui a secoué l'Espagne pendant l'été 2011 en réaction à une crise économique accompagnée d'une montée en flèche du chômage (près de 25% de la population active) et sur fond d'importants scandales de corruption ayant impliqué les principaux partis politiques, les plus grandes banques et même la famille royale espagnole. Exigeant que la classe politique et les milieux d'affaires, rendent des comptes, le mouvement des Indignés avait fait les gros titres de la presse nationale et internationale, non seulement en raison de ses modes opératoires tels que l'occupation des places publiques à Madrid et à Barcelone, mais aussi en raison de son contexte d’apparition, au cœur vague mondiale des mouvements « Occupy ».

C'est cette filiation qui distinguent Podemos tout à la fois Syriza et des mouvements bolivariens. Contrairement à ces derniers, Podemos affiche un attachement sans faille aux principes démocratiques. Quant à Syriza, cela signifie « Coalition de la gauche radicale ». Il s'agit en fait d'une organisation qui chapeaute des formations de gauche préexistantes, notamment des sociaux-démocrates, des socialistes, des trotskystes et des eurocommunistes. Au contraire, Podemos se définit comme un mouvement « post-idéologique » ne se situant ni à gauche ni à droite mais du côté « du peuple ». Pour coller avec cette rhétorique, les modalités de prise de décision au sein parti privilégient l'horizontalité via des « conseils de citoyens ». Beaucoup de sympathisants sont des gens qui n'ont jamais appartenu à un parti politique, ou qui s'étaient détournés de la politique par frustration ou dégoût.

Comparaison n'est pas raison

L'actualité économique espagnole a été terrible ces derniers temps, ce qui devrait aider à Podemos dans le cadre des élections générales de Novembre 2015. Toutefois, aucun économiste sérieux ne saurait confondre la situation en Espagne et celle de la Grèce. Une reprise, quoique bien faible, est amorcée en Espagne. Ceci permet au gouvernement en place de prétendre que la situation s'améliore et qu'un changement de cap serait imprudent. Selon l'Institut national de la statistique, la croissance espagnole a été de 1,4% en 2014, ce qui met fin à un tunnel de cinq ans de croissance négative ou nulle. Le gouvernement voit les perspectives de croissance pour 2015 en rose, puisqu'il les estime à 3%.

D'autres indicateurs montrent que l'Espagne est en bien meilleure santé économique que la Grèce, ce qui explique pourquoi, contrairement à ce qui se passe pour cette dernière, il n'y a pas d'inquiétude réelle en Europe quant à la capacité de l'Espagne à rembourser ses créanciers. Le bilan de la crise économique est bien plus grave à Athènes qu'à Madrid. Le PIB hellène s'est contracté de 25% contre 7% pour l'Espagne. Par conséquent, le plan de sauvetage de la Grèce a été de bien plus grande ampleur. Il a coûté 240 milliards d'euros, contre 42 milliards pour sauver les banques ibériques en déroute. Contrairement à la Grèce, l'Espagne a subi un « ajustement structurel » important, en particulier de son marché du travail. La dette espagnole est nettement inférieure (environ 100% du PIB nominal contre 175% pour la Grèce). Et l'Espagne ne souffre pas des niveaux grecs de corruption et d'évasion fiscale. L'indice « de perception de la corruption » de Transparancy International (qui classe les pays du plus au moins corrompu), évalue l'Espagne à 40, cependant que la Grèce se trouve en sandwich entre la Chine et le Swaziland, à 80...

Le plus important peut-être est que l'establishment politique espagnol est affaibli mais pas détruit. C'est l'un des éléments clés qui séparent les deux pays. Dès lors, la principale difficulté qui se pose à Podemos est que tout nouvel arrivé dans la vie politique espagnole se heurte au monopole que le PSOE et du PP exercent sur la vie du pays depuis qu'il est devenu démocratique en 1977. En effet, ces deux formations dominent le paysage politique comme peu d'autres partis dans les démocraties de l'Europe occidentale d'après-guerre, se relayant aux commandes epuis 1982. Bien que la crise économique de 2011 ait accéléré la défaite du PSOE, le gouvernement espagnol n'a pas implosé et les partis traditionnels n'ont pas disparu comme c'est le cas en Grèce.

En raison de leur pérennité électorale, ces partis traditionnels peuvent, en théorie, empêcher Podemos de gouverner même en cas de victoire en décidant de former un gouvernement de « grande coalition » gauche-droite. Ce scénario est peu probable, mais pas totalement exclu. Tous deux s'affrontent souvent sur les questions sociétales comme les relations Église-Etat, l'avortement et les droits des homosexuels, mais sont pratiquement similaires sur les questions économiques, ce qui a d'ailleurs facilité une différenciation de Podemos sur ce point.

Pour l'heure, le PP et le PSOE ont déclaré la guerre à Podemos, espérant paralyser le mouvement avant qu'il ne puisse commencer à peser sérieusement. Le PP a consacré la conclusion de sa récente convention nationale à attaquer Podemos, un fait notable si on considère que ce dernier n'est pas représenté au sein du Parlement actuel. Dans le but de discréditer ses leaders, les députés du PP ont demandé une enquête sur les activités de conseil de Modenero en Amérique latine, en particulier sur les 450 000 € qu'il aurait touché des gouvernements du Bolivie, d'Équateur, du Nicaragua et du Venezuela. Mais les attaques les plus virulentes sont venues du PSOE, dont la quasi-hégémonie sur la gauche espagnole est directement menacée par Podemos. Le plus éminent des hommes politiques de l'ère post-franquiste, l'ancien Premier ministre PSOE Felipe González, qui est crédité d'avoir en son temps consolidé la démocratie espagnole et la modernisé l'économie, a qualifié les militants de Podemos « d'utopistes régressifs ». L'actuel patron du PSOE, Pedro Sánchez a fait valoir que Podemos « conduirait l'Espagne sur la voie d'un retour à la Grande dépression de 1929 ».

Les défis à relever

Podemos est confronté à de nombreux défis sur la route qui mène aux élections générales de Novembre, le principal étant la nécessité de s'implanter au-delà d'un électorat composé de jeunes, de personnes à bas salaires du secteur des services, de chômeurs et de l'intelligentsia. 

Gagner ce pari implique de conquérir le vote des ouvriers et de la classe moyenne, mais ici, l'offre politique est déjà plurielle. Une compétition existe entre les diverses organisations de gauche dont le PSOE, Izquierda Unida, une confédération de partis socialement progressistes qui comprend les verts et les communistes, et la Gauche républicaine de Catalogne, un parti régionaliste et anti-monarchique de gauche. Enfin, Podemos n'a pas le monopole du renouveau sur la scène politique. D'autres formations ont intégré le paysage comme Ciudadanos, un parti conservateur catalan entré dans le jeu national en 2015, qui espère capitaliser sur les scandales qui frappent le PP et redynamiser le centre-droit.

Un problème plus délicat pour Podemos est de surmonter un manque d'expérience certain. Son identité post-idéologique apparaît comme un signe de naïveté, et constitue un handicap potentiel dans un pays où les clivages idéologiques sont très marqués. Il est par ailleurs difficile d'appréhender la manière dont l'accent mis par le parti sur la démocratie interne - qu'il considère comme une vertu ne souffrant pas de compromis - pourrait se traduire lors d'une campagne nationale et plus encore au gouvernement. Podemos doit encore à se prononcer clairement sur toutes les problématiques nationales, en particulier sur les question non-économiques comme l'épineuse question du séparatisme régional. Il s'est prononcé en faveur de l'autodétermination de la Catalogne, une région qui a connu une poussée du sentiment nationaliste au cours des dernières années, mais n'a pas encore précisé comment il envisage de concilier l'autodétermination avec la Constitution espagnole (qui n'autorise pas la partition du territoire national), ni s'il serait prêt à ouvrir l'autodétermination à d'autres régions espagnoles, ce qui, en théorie, pourraient conduire à la dissolution de la nation.

Peut-être converti au réalisme, Podemos a commencé à s'exprimer et à agir davantage comme un parti et moins comme un mouvement. Ses dirigeants ont promis que s'il devenait une force parlementaire, ses élus participeraient avec les autres partis au travail législatif. Podemos a également commencé à montrer que la période du radicalisme était terminée et à envoyer le signal de l'émergence d'une organisation plus pragmatique. Selon Diego Muro, politiste à l'Institut de hautes études internationales de Barcelone, Podemos est au milieu d'un « processus de dé-radicalisation car il vise à devenir un parti attrape-tout ».

Pour essayer d'apparaître moins menaçant aux yeux de la classe moyenne, Podemos a quelque peu relooké son programme économique. Rédigé d'après les conseils de l'économiste Juan Torres López et du politologue Vicenç Navarro, le nouveau programme n'envisage plus la sortie de l'Espagne de la zone euro. A la place, il indique qu'il conviendra de rechercher plus de souplesse dans la négociation avec les créanciers du pays, autrement dit la même position ou presque que celle du PSOE. Disparus également les éléments les plus controversés du Manifeste électoral des élections européennes, tels que le revenu de base universel et l'audit citoyen de la dette publique, le premier étant jugé trop coûteux et le second impraticable. Au lieu de cela, le nouveau programme met l'accent sur une augmentation du salaire minimum et la garantie qu'il n'y aurait pas nouvelles coupes dans les dépenses sociales, ce qui est commun aux partis progressistes.

Pour Podemos, faire face aux défis contradictoires du progressisme et de l'éligibilité relève d'une délicate gymnastique. Le parti ne peut pas édulcorer son discours à l'excès sans détruire l'alchimie qui le rend si spécial. En cas d'autres glissements vers le centre, Podemos court le risque d'être perçu comme cela-même qu'il méprise le plus: un parti politique ordinaire.


samedi 28 mars 2015

La Grèce en route vers la « double monnaie » ?






Olivier Delorme, historien et spécialiste de la Grèce, vient de repérer une information intéressante sur le site grec To Pontiki. Des responsables européens auraient récemment évoqué, en cas d'échec des négociations entre la Grèce et l'Eurogroupe sur le sujet des réformes et d'impossibilité pour Athènes de faire face à ses dépenses courantes, de mettre en place provisoirement une « double monnaie ».

Idée farfelue ?

Ce créatif individu, répondant au doux patronyme de Thomas Meyer, avait expliqué ceci : le gouvernement hellène étant sur le point de se trouver à court d'argent pour payer les traitement des fonctionnaires et les retraites - et faute de disposer d'une banque centrale nationale pouvant émettre des euros - il pourrait être amené à imprimer des reconnaissances de dette ou « IoU » («I owe you» ). Peu à peu, ces IoU se multiplieraient et finiraient par devenir une monnaie en tant que telle, que l'ont pourrait baptiser « Geuro ». Ce « Geuro » cohabiterait avec « l'euro-sans-G », l'un n'étant utilisé qu'en interne, l'autre pour les échanges commerciaux entre pays. Le « Geuro » pourrait - et même devrait - être sensiblement dévalué par rapport au « sans-G», ce qui ne manquerait pas de rendre à l'économie grecque sa compétitivité, notamment parce que le coût du travail s'en trouverait abaissé. La Grèce finirait ainsi par être remise sur pieds et, selon Thomas Meyer, par réintégrer l'euro-sans-G.

Sauf que.... sauf qu'on voit mal pourquoi elle ferait ça, la Grèce. Pourquoi renoncerait-elle à une santé économique tout juste retrouvée ? Pourquoi retourner en enfer alors qu'on vient juste d'en revenir ?

C'est absurde, et il est certain que le voyage vers la « double monnaie » serait un aller simple. C'est pourquoi d'autres économistes proposent de transformer l'euro en monnaie commune - et non plus unique – de manière définitive. Et non pas seulement pour la Grèce mais pour tout le monde !

C'est ce qu'envisageait encore récemment Jean-Michel Naulot ici, sur L'arène nue. Il conviendrait, disait-il « de tester la mise en place d’un système de monnaie commune : conserver l’euro pour les transactions extérieures et permettre des ajustements réguliers pour l’euro-drachme. Les dirigeants européens auraient-ils oublié que de 1999 à 2002 les pays de la zone euro ont déjà vécu avec ce système ? Les monnaies nationales étaient utilisées pour les transactions internes, l’euro pour les transactions externes. La seule différence, c’est qu’à l’époque les parités nationales étaient figées, non ajustables ». Ici, on le voit, la seconde monnaie, celle qui n'est utilisée qu'en interne, est nommée « euro-drachme ». Mais si on décide de l'appeler « Geuro ».... ça marche aussi.

Idée farfelue ?
Pas forcément. En tout cas pas aux yeux de Harold James, professeur à Princeton, qui écrivait dans La Tribune en....2011 : « la dualité monétaire, qui a déjà existé au XIXème siècle, permettrait à des pays comme la Grèce de regagner en compétitivité ». Et le bougre de rappeler: «il est possible que les deux monnaies ne convergent pas et soient amenées à coexister durant une longue période. Ce n'est pas une idée nouvelle. Lors des discussions sur l'union monétaire au début des années 1990, on avait envisagé que la monnaie commune ne soit pas une monnaie unique. Il y a vingt ans, cette éventualité ne constituait pas une construction théorique limitée à des discussions marginales. C'était une véritable alternative historique ».

Et oui, l'idée fut discutée. Très sérieusement même. Elle fut notamment défendu au début des année 1990 par l'Angleterre de John Major, lequel avait proposé de donner à cette monnaie commune le nom de « hard ecu ».


John Major propose le "hard ecu"


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Bref, les « responsables européens » cités par le site grec To Pontiki n'ont certainement inventé ni le fil à couper le beurre, ni l'eau chaude. En revanche, ils nous proposent de réinventer la roue. C'est déjà pas si mal.  



Filikí Etería – La Grèce vue de Grèce : revue de presse




- Billet invité -
Cristobalacci El Massaliote


Cependant que la Grèce se prépare à présenter à Bruxelles, lundi, une liste de réformes supposées amadouer ses créanciers et les conduire à débloquer une tranche d'aide au profit du pays, Cristobalacci El Massaliote revient, comme la semaine dernière, sur l'actualité du pays. Cette revue de presse a été réalisée à partir de la presse grecque de la semaine


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Loin de Paris et de ses journalistes spécialistes de tout, de rien et surtout des clichés sur Syriza, il existe un pays où la presse traite de sujets aussi sérieux que l’Europe, la crise, la lutte contre la corruption et la "liste Lagarde". Ce pays se nomme la Grèce.

Les négociations avec l’UE : une liste des réformes contre la poursuite de l’aide financière.

Alors que le week-end dernier, les journaux To Vima et Ta Néa avaient peur des conséquences d’une “perte de temps” dans l’application de l’accord du 20 février et qui auraient pu provoquer un échec ou une rétrogradation de la Grèce, il semble que la rencontre Tsipras/Merkel de lundi 23 ait rassurée les lecteurs et les électeurs grecs.

En effet, une liste de réformes, attendue notamment par l’Eurogroupe et le président de la commission européenne Jean-Claude Juncker doit être présentée ce lundi 30 mars par Athènes. Selon Ethnos (26 mars), cette liste devrait comprendre plusieurs volets (réformes fiscales, privatisations, etc.) et serait le fruit d’un accord permettant de débloquer des fonds pour la Grèce (une annonce est prévue à ce sujet pour mardi 31 mars).


Les relations Berlin-Athènes : entre doigt d’honneur, retour aux réalités et détente…

Selon Kathiremini (23 mars), les relations des ministres des finances grec (Y. Varoufakis) et allemand (W. Schäuble) seraient particulièrement tendues et auraient même atteint « un point limite ».

Il faut dire que la lettre qu’Alexis Tsipras avait adressée à Angela Merkel le 15 mars avait de quoi tendre les relations entre les deux pays. Le premier ministre grec invitait la chancelière allemande à ne « pas laisser un problème mineur de liquidité (…) se transformer en problème majeur pour la Grèce et l’Union ». Comme pour mieux clarifier sa position, Tsipras avait même fini par indiquer que s’il devait choisir entre remboursement des dettes et paiement des salaires et des retraites, il ne pourrait que choisir la seconde solution.

La rencontre du 23 mars entre Angela Merkel et Alexis Tsipras semble donc avoir rétabli la confiance et assuré une « dé-escalade de la tension » (Kathiremini). Angela Merkel a ainsi indiqué que les décisions sur la Grèce ne pouvaient être prises que par l’Eurogroupe, tout en rappelant que les réformes internes restaient du ressort du gouvernement grec.

Ou un bras de fer avec de triple biceps…

Pour autant, le gouvernement grec semble toujours vouloir poursuivre le bras de fer avec Berlin et utiliser plusieurs cartes.

1 - Les réparations de guerre

La première carte, celle des réparations allemandes sur les crimes de guerre a encore été brandie par le ministre des affaires étrangères grec, M. Kotsias dans une interview dans un journal allemand. Il a insisté en affirmant qu’une solution politique, et non seulement juridique devait être trouvée. Manolis Glézos, député SYRIZA ethéros de la résistance grecque a, quant à lui « adouci » les positions du parti en distinguant, d’une part, le peuple allemand et dirigeants allemands actuels et, d’autre part la culpabilité du IIIème Reich.

2 - Le scandale Siemens

La seconde carte, celle des éclaircissements sur le scandale Siemens (l’entreprise allemande pourrait être exclue des marchés grecs – voire européens – si les pratiques illégales et les « transactions frauduleuses prouvées » étaient finalement avérées) a été brandie par Alexis Tsipras lui même lors de sa visite à Berlin. En déclarant « nous devons éclaircir le passé (…) c’est une question d’éthique », Tsipras englobait, à la fois le dossier des réparations et celui du scandale Siemens.

Il est intéressant de remarquer que si la Chancelière a répondu que « le dossier des réparations de guerre (était) politiquement et juridiquement clos », elle a en revanche refusé d’évoquer la question du scandale Siemens, selon les deux journaux Avghi et Ethnos. Ce silence s’est installé au moment où le premier ministre grec venait de réclamer « l’aide de l’Allemagne pour faire la lumière sur le scandale Siemens » (Avghi). L’explication a peut être été apportée par Ta Néa qui croit savoir que cette question agite actuellement un patronat allemand craignant l’ouverture d’une enquête.

3 - L’industrie d’armement allemande bientôt visée ?

Selon Ethnos (26 mars), le grand perdant de la dégradation des relations entre Athènes et Berlin risque d’être l’industrie de défense allemande. En effet, d’autres pays, comme les Etats-Unis, la Russie, la France ou la Norvège se seraient déjà positionnés sur ce marché important dans un pays paradoxalement en crise (voir paragraphe suivant).

D’ailleurs, un autre scandale de corruption concernant la vente de sous-marins allemands à la Grèce en 2000 ( 60 millions d’euros de commissions pour un marché de 2,4 milliards d’euros) serait en cours d’examen. 

Terrible menace : L’industrie allemande risque de perdre
le monopole sur les pompons des evzones! 



Relations internationales : États-Unis, Chine et Russie. 

Des États-Unis inquiets et impliqués 

Selon plusieurs journaux, (Avghi, Eleftheros Typos) les États-Unis continuent de faire part de leur « inquiétude sur l’économie de l’UE et sur l’économie mondiale ». En effet, le porte-parole de la maison blanche, M. Ernest a souligné que « le règlement des différends et la fin de l’instabilité au sein de l’UE étaient de l’intérêt des États-Unis et de l’économie américaine » avant d’ajouter que « les États-Unis étaient en contact étroit avec les alliés et partenaires européens dans le but de mettre fin à l’insécurité économique mondiale ».

Selon Ethnos, la visite prochaine du ministre de la défense grec (M. Kammenos, ANEL) aux États-Unis devrait permettre de faire aboutir des signatures de contrats d’armement (470 millions d’euros). 

La Chine : un rapprochement pour préparer le long terme ? 

Le vice Premier ministre et le ministre des affaires étrangères (M Kotsias) se sont déplacés à Pékin pour préparer la visite d’Alexis Tsipras prévue au mois de mai. Il a également été question de politique (revalorisation des relations bilatérales, projet commun pour 2015-2017), d’économie (exportations de produits agricoles grecs, tourisme, investissement chinois et règlement à l’amiable du problème de la privatisation du port du Pirée) et de stratégie (renforcement de la coopération, rôle positif de la Grèce dans les relations Chine/UE). 

Pâques à Moscou…

Selon Ethnos, le ministre de la défense, M. Kammenos devrait se rendre en Russie pour Pâques (principale fête pour les orthodoxes) pour traiter de questions d’armements (remise à niveau de matériels voire acquisitions). 

Politique intérieure : réformer toujours dans la douleur... et dans l’euro ! 

En attendant la liste des réformes promises à l’Eurogroupe, le gouvernement Syriza/ANEL travaille sur plusieurs projets (assurances, retraites, réformes fiscales) et poursuit sa lutte contre la fraude fiscale en rencontrant les responsables suisses afin de traiter le problème révélé par la « liste Lagarde » (2000 grecs ayant des comptes à l’étranger). 

Il faut noter que Syriza reste toujours aussi populaire chez les électeurs comme le révèle un récent sondage (Syriza 40,2% ; Nouvelle démocratie : 21% ; KKE 4,9% ; Aube dorée 4,8% ; ANEL 4,5% ; la Rivière 4,3%, Pasok 2,5%.). D’autre part, le même sondage (sondage MARC pour la chaîne Alpha) rappelle que le peuple grec préfère, à l’heure actuelle rester dans l’euro. Souffrir pour se libérer du carcan ou continuer à subir les politiques d’austérité, voici donc l’affreux dilemme d’une Grèce cherchant à se faire entendre à Bruxelles, Berlin, Moscou ou Pékin...