Olivier
Delorme, historien et spécialiste de la Grèce, vient de repérer une information intéressante sur le site grec To Pontiki.
Des
responsables
européens auraient
récemment évoqué,
en cas d'échec
des négociations
entre la Grèce et l'Eurogroupe sur
le sujet des réformes
et d'impossibilité pour Athènes
de
faire face à ses dépenses courantes, de mettre en place
provisoirement une « double monnaie ».
Idée
farfelue ?
Pas
forcément. Pas neuve en tout cas. En 2012, un économiste de la
Deutsche
Bank s'était fendu d'une étude dans laquelle il formulait exactement la même proposition.
Ce
créatif individu, répondant au doux patronyme de Thomas Meyer,
avait expliqué ceci : le
gouvernement hellène étant sur le point de se trouver à court
d'argent pour payer les traitement des fonctionnaires et les
retraites - et faute de disposer d'une banque centrale nationale
pouvant émettre des euros - il pourrait être amené à imprimer des
reconnaissances de dette ou « IoU » («I owe you» ).
Peu à peu, ces IoU se multiplieraient et finiraient par devenir une
monnaie en tant que telle, que l'ont pourrait baptiser « Geuro ».
Ce « Geuro » cohabiterait avec « l'euro-sans-G »,
l'un n'étant utilisé qu'en interne, l'autre pour les échanges
commerciaux entre pays. Le « Geuro » pourrait - et même
devrait - être sensiblement dévalué par rapport au « sans-G»,
ce qui ne manquerait pas de rendre à l'économie grecque sa
compétitivité, notamment parce que le coût du travail s'en
trouverait abaissé. La Grèce finirait ainsi par être remise sur
pieds et, selon Thomas Meyer, par réintégrer l'euro-sans-G.
Sauf
que....
sauf
qu'on
voit mal pourquoi elle ferait ça, la Grèce. Pourquoi
renoncerait-elle à une santé économique tout juste retrouvée ?
Pourquoi
retourner en enfer alors qu'on vient juste d'en revenir ?
C'est
absurde, et il
est
certain que le voyage vers la « double monnaie » serait
un aller simple.
C'est pourquoi d'autres économistes proposent de
transformer l'euro en monnaie commune - et non plus unique – de
manière définitive. Et non pas seulement pour la Grèce mais
pour tout le monde !
C'est
ce qu'envisageait encore récemment Jean-Michel Naulot ici, sur L'arène nue. Il conviendrait, disait-il « de
tester
la mise en place d’un système de monnaie commune :
conserver l’euro pour les transactions extérieures et permettre
des ajustements réguliers pour l’euro-drachme.
Les dirigeants européens auraient-ils oublié que de 1999 à 2002
les pays de la zone euro ont déjà vécu avec ce système ? Les
monnaies nationales étaient utilisées pour les transactions
internes, l’euro pour les transactions externes. La seule
différence, c’est qu’à l’époque les parités nationales
étaient figées, non ajustables ».
Ici,
on le voit, la seconde monnaie, celle qui n'est utilisée qu'en
interne, est nommée « euro-drachme ». Mais si on décide
de l'appeler « Geuro ».... ça
marche aussi.
Idée
farfelue ?
Pas
forcément. En tout cas pas aux yeux de Harold James, professeur à Princeton, qui écrivait dans La Tribune en....2011 : « la
dualité
monétaire, qui a déjà existé au XIXème siècle, permettrait à
des pays comme la Grèce de regagner en compétitivité ».
Et le bougre de
rappeler: «il
est possible que les deux monnaies ne convergent pas et soient
amenées à coexister durant une longue période. Ce n'est pas une
idée nouvelle. Lors des discussions sur l'union monétaire au début
des années 1990, on avait envisagé que la monnaie commune ne soit
pas une monnaie unique. Il y a vingt ans, cette éventualité ne
constituait pas une construction théorique limitée à des
discussions marginales. C'était une véritable alternative
historique ».
Et
oui, l'idée fut discutée. Très sérieusement même. Elle fut
notamment défendu au début des année 1990 par l'Angleterre de John
Major, lequel avait proposé de donner à cette monnaie commune le nom de « hard ecu ».
John Major propose le "hard ecu" |
***
Bref,
les « responsables européens » cités par le site grec
To Pontiki n'ont certainement inventé ni le fil à couper le
beurre, ni l'eau chaude. En revanche, ils nous proposent de
réinventer la roue. C'est déjà pas si mal.
A noter : l'utilisation des IoU a été très récemment défendue dans une tribune sur le site de "Libération" : http://www.liberation.fr/monde/2015/03/15/l-euro-drachme-ballon-d-oxygene-pour-la-grece_1221089
RépondreSupprimer(Ça change par rapport à Quatremer...)
A part les susnommés, il existe d'autres tels Trond Andresen, Claude Hillinger et Robert Parenteau qui ont également proposé l'introduction d'une monnaie parallèle..Voici un article qui fait référence à ce sujet:
RépondreSupprimerhttps://rwer.wordpress.com/2015/03/28/a-detailed-program-proposal-for-creating-a-parallel-currency-in-greece/
Merci pour ces liens ! Je les avais ratés...
RépondreSupprimerPour l'instant rien n'est décidé et c'est encore au stade des idées. Idée qui avait été développée par ATTAC, entre autres il y a déjà un moment.
RépondreSupprimerEn France, c'est une des propositions du parti Nouvelle Donne:
RépondreSupprimerhttp://www.nouvelledonne.fr/wp-content/uploads/2014/04/LEuroFrancEn16Points_NouvelleDonne.pdf
M. Chevènement défend aussi ce concept de monnaie commune. Voir son blog: "Comment éviter l'éclatement sauvage de la zone euro"
RépondreSupprimer"Comment éviter l'éclatement sauvage de la zone euro"
SupprimerPas possible. La seule inconnue est dans combien de temps?
L'euro ne peut qu'exploser.
Merci à Jospin qui allait acheter sa baguette de pain et la payait en euros. Et ça tournait en boucle sur nos télés
Le Montenegro utilise l'Euro comme monnaie nationale sans pouvoir d'émission :
RépondreSupprimerhttp://www.liberation.fr/politiques/2012/05/28/et-si-la-grece-choisissait-l-option-montenegro_821891
Des monnaies locales plutôt qu'une nationale sont tout autant possibles.
Un Euro commun plutôt qu'unique est tout autant problématique car les révisions de parité et de règles feront l'objet de débats sans fin. Déjà que sur de nombreux sujets l'Europe avance comme une limace...
Eh bien... ça ne regle rien dans les rapports ENTRE les gens d'une même entité (ici les grecs) car ça ne change pas le rapport au taux d'intérêt. Si je donne une reconnaissance de dette pour 3 baguettes et que d'un autre côté je reçois une reconnaissance de dette pour 2 saucisses, ça marche. Mais si je n'ai rien à donner et que je demande un trop plein de reconnaissance de dettes, en clair si je fais un prêt, alors ce qui compte, c'est le taux d'intérêt et le lien de dépendance dans lequel ça me place.
RépondreSupprimerPar contre, ce système réinstaure la barrière douanière, d'abord indirectement - par la dévaluation -, et ensuite directement, en favorisant l'échange avec celui qui se soumet aux mêmes règles.
Le passage à une monnaie commune signifie une perte pour les produits d'épargne allemands investis en France de 20% si le contrat est de droit français, de 30% pour l'Espagne... Pas sûr que l'épargnant allemand apprécie ce qui correspond de facto à un hair cut. Ses 100 000 euros deviendront 80 000 Marks.
RépondreSupprimerEnsuite, si les obligations françaises sont libellées en Euro-Francs, lors des révisions de parités, si le franc chute la spéculation sur les obligs s'enclenche.
Si elles sont en Euro valeur moyenne, la chute de l'Euro-Franc augmentera mécaniquement la dette et sa charge donc les taux d'emprunt français.
Une monnaie commune ne résout pas les problèmes de règles et négociations, elle ne fait que les reporter ailleurs, un jeu de bonneteau...
Mieux vaut rester avec une monnaie unique et mettre en place des mécanismes de rééquilibrages, fiscaux, sociaux, bancaires...
L'idée d'une monnaie commune est une fausse solution au problème de synchronisation des économies européennes.
Sauf qu'une synchronisation des économies européennes, même avec de justes mesures de rééquilibrage, est elle-même un objectif parfaitement hors d'atteinte.
SupprimerPour ne prendre qu'un seul exemple, après trente ans de divergence démographique entre la France et l'Allemagne (rappelons que la France a un taux de natalité 50% supérieur à celui de sa voisine - différence égale à celle de la France avec la Pakistan ou l'Egypte, encore que dans ces deux là, il y ait justement convergence avec nous ... mais passons), il faudrait à peu près soixante ans pour que les deux pays retrouvent un profil démographique comparable s'ils décidaient, par un effort volontariste peu probable, d'aligner leur politiques familiales (et que cet alignement produise des effets similaires, ce qui est aussi peu probable... mais passons de nouveau).
En attendant, des résultats économiques comparables continueront de produire des effets divergents. Par exemple, une croissance de 1% par an amènerait mécaniquement l'Allemagne vers le plein-emploi tandis que la même croissance de 1% produirait chez nous une augmentation continue du chômage (car chaque classe d'âge amène une population une fois et demi plus importante sur le marché de l'emploi). Par exemple (bis), une stagnation du PIB correspond quand même à une hausse du niveau de vie individuel dans un pays dont la population baisse (suivez mon regard) tandis qu'il correspond à un appauvrissment général dans un pays dont la population augmente (suivez mon regard dans l'autre sens).
L'idée que les pays dévellopés sont animés par des dynamiques profondes comparables est une idée trompeuse. L'ultra-modernité japonaise ne ressemble pas (et surtout ne se rapproche plus) de l'ultra-modernité américaine [ultra-modernité, je n'aime pas beaucoup le terme, si vous avez mieux...].
Ce qui est vrai pour le monde, l'est aussi au sein même de l'Europe et c'est précisément ce qu'a révélé avec une violence difficilement soupçonnable l'imposition de politiques monétaires homogènes avec l'adoption de l'euro.
L'idée de la double monnaie n'est certainement pas une panacée, mais elle permet de tenir compte d'une diversité profonde qui fera retour sous des formes détestables si on continue de la nier, tout en maintenant des principes de coopération souhaitables en eux-mêmes.
C'est donc une bonne idée.
Emmanuel B
" Des mécanismes de rééquilibrages, fiscaux, sociaux, bancaires... "
RépondreSupprimerFiscalité du Luxembourg ou de l'Irlande ?
Flax Tax pour tout le monde ?
Salaire minimum : alignement sur celui de la Bulgarie ou celui du Luxembourg ?
Force est quand même de constater que la monnaie unique a créé beaucoup plus de problèmes que ce qu'elle en a résolu ...
Quand aux banques, faudrait demander à la BundesBank.
Et les autres banques (privées), il y a bien longtemps qu'elle ne sont plus concernées par ce genre de souci, la mondialisation qu'on nous présente à longueur de journée étant plus financière qu'autre chose.
Un Eurosceptique !
L'euro ?
RépondreSupprimerhttps://www.youtube.com/watch?v=SENUfwWQzG4