Cet entretien a été réalisé dans le cadre du micro-trottoir 2012 de l’arène nue. Vous pouvez en consulter ici la rapide description, ainsi que les onze premiers volets (un, deux, trois, quatre, cinq, six, sept, huit, neuf, dix, onze). Je remercie vivement Bastien, mon interlocuteur.
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Bastien, 30 ans, est enseignant-chercheur en biochimie dans une université de l'Est de la France. En 2007, il a voté pour François Bayrou au premier tour avant d'éprouver quelques remords. Cinq ans plus tard, il semble pourtant prêt à accorder une nouvelle fois son vote au président du MoDem.
Après avoir voté pour François Bayrou en 2007, vous avec regretté votre choix. Pour quelle raison ?
En 2007, j'avais été séduit comme beaucoup par l'approche "ni droite ni gauche" qui se rapproche des partis démocrates de plusieurs pays européens. La bipolarisation de la politique française m'agace profondément. J'admire les pays scandinaves ou l'Allemagne pour leur capacité à gouverner en coalition. Je trouvais qu'il manquait un "vrai" parti au centre, de force comparable à celles du PS et de l'UMP.
Au second tour, je n'avais pu me résigner à voter ni Sarkozy ni Royal. Question de partis, mais aussi de personnes. J'avais regretté ma voix à Bayrou car les négociations avec le PS qui avaient suivi le premier tour étaient allées trop loin à mon goût. J'ai eu l'impression qu'il avait quelque peu trahi ma confiance, parce que ma motivation première était de voter pour un parti différent des deux « gros ».
Dans ce cas, pourquoi voter à nouveau pour ce candidat en 2012 ?
Cette année, contrairement à 2007, j'ai l'impression que François Bayrou peut vraiment atteindre le second tour. Il semble toujours aussi attaché à des thèmes qui me sont chers comme l'éducation et la recherche. De plus, il est un ardent pourfendeur du mélange des genres au sommet de l'Etat (dirigeants politiques, grands patrons, "grands" journalistes), chose que je ne supporte absolument plus après cinq ans de sarkozysme. Ces aspects positifs compensent nettement, pour moi, des caractéristiques qui me plaisent moins chez lui, comme son eurobéatitude, son manque de stature et cette petite trahison de 2007.
Justement, n'y a-t-il pas un paradoxe à souligner "l'eurobéatitude" de Bayrou, tout en le considérant presque comme un candidat "antisystème" ? S'il accède au pouvoir, ne mènera-t-il pas une politique européenne identique à celle de l’UMP ou du PS ?
Concernant la place de la France en Europe, oui. On peut dire sans trop prendre de risques que sa politique ne sera guère différente de celle que mèneraient Hollande ou Sarkozy. C'est pour cela qu'à mon avis, le terme "antisystème" n'est pas très adapté à Bayrou. La perspective de voir s'aggraver la perte de souveraineté de la France ne m'enchante guère, mais il semble que les trois candidats capables d'accéder au pouvoir en mai se valent à peu près sur ce point. Je suis donc simplement résigné sur ce point...
En revanche, en tant qu’homme et sur le plan de l’éthique personnelle, je suis persuadé que nous noterions des différences importantes avec ses prédécesseurs (Mitterrand, Chirac, Sarkozy). J'ai beaucoup de mal à imaginer Bayrou céder à des privilèges excessifs, faire copain-copain avec tout le gratin économico-journalistique parisien, prendre des vacances sur le yacht de Bolloré, faire pression pour que tel ou tel journaliste soit viré, favoriser un pote qui dirige une grande entreprise de BTP sur un projet à 3 milliards d'euros, s'entourer d'incapables comme Lefevre, Morano, Hortefeux et j'en passe. Je me trompe peut-être, mais...
En revanche, en tant qu’homme et sur le plan de l’éthique personnelle, je suis persuadé que nous noterions des différences importantes avec ses prédécesseurs (Mitterrand, Chirac, Sarkozy). J'ai beaucoup de mal à imaginer Bayrou céder à des privilèges excessifs, faire copain-copain avec tout le gratin économico-journalistique parisien, prendre des vacances sur le yacht de Bolloré, faire pression pour que tel ou tel journaliste soit viré, favoriser un pote qui dirige une grande entreprise de BTP sur un projet à 3 milliards d'euros, s'entourer d'incapables comme Lefevre, Morano, Hortefeux et j'en passe. Je me trompe peut-être, mais...
Nicolas Sarkozy commence sa campagne en étant très bas dans les sondages. Votre candidat ne finira-t-il pas par s’imposer s'imposer naturellement comme le candidat de la droite, et plus du tout du centre ?
Que des déçus de Sarkozy - simples électeurs ou élus - soient tentés par Bayrou ne m'étonne pas, tant la conception sarkozienne du pouvoir peut être "déroutante" ! Ce serait même presque rassurant !
Je ne crois pas que le ralliement d'une partie de l'UMP (et du PS) au MoDem infléchira fondamentalement le projet centriste. Bien sûr, si Bayrou arrive au pouvoir, il devra très probablement s'entourer de personnes provenant des deux gros partis. Mais contrairement à 2007, il ne serait pas contraint de choisir entre droite et gauche. Il pourrait faire comme en Allemagne, par exemple, où les alliances sont mouvantes en fonctions des thèmes abordés. Un retour au bon vieux temps UDF / RPR ne me semble ni obligatoire ni souhaitable.
J'espère qu’une situation où il serait à nouveau le « troisième homme » du premier tour ne se reproduira pas cette année, car il risquerait d’être tenté de donner des consignes de vote.
Que pensez-vous de la thématique "acheter français", avec laquelle Bayrou a tâché de se mettre à la "mode"protectionniste en début de campagne ? N'y a-t-il pas là une contradiction avec le fait d'avoir toujours voté tous les traités euro-libéraux ?
Il s'agit évidemment un slogan électoraliste avant tout, en contradiction apparente avec la concurrence "libre et non faussée" (quelle horreur !) qui figure dans les traités européens. "Apparente", car il n'est pas forcément question d'instaurer un protectionnisme à la norvégienne, à l'aide de taxes d'importation clairement dissuasives. Il semble que Bayrou prône l'incitation à acheter français bien plus que la pénalisation des importations, qu'elles viennent d'Europe ou d'Asie. Or ceci ne me semble pas aller à l'encontre des textes européens. Après, est-ce que cette seule incitation fonctionnerait ? C'est une autre histoire…
Finalement, considérez-vous plutôt votre vote comme un vote d'adhésion - en faveur de François Bayrou - ou comme un vote sanction - vis à vis des deux partis dominants ?
Un peu des deux. J'ai tendance à raisonner d'abord "par élimination", et je n’ai aucune intention d'accorder ma voix à des extrêmes, ni à des candidats que je trouve un peu légers (Nihous, Lepage, Villepin)... Je ne suis pas un grand adepte du vote utile mais il y a des limites !.. Parmi ceux qui restent, Bayrou est probablement le seul dont j’apprécie à la fois la personne ET le programme, même si mon adhésion n'est pas intégrale sur ce dernier point.
Si malgré vos espoirs François Bayrou ne figure pas au second tour, envisagez-vous de voter pour l'un des deux finalistes ?
Oui, probablement pour Hollande. Mais si on a droit à un duel Sarkozy /Le Pen, je ne crois pas que je me forcerai à aller voter...
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"MRP : enfants de coeur qui ont bu les burettes"
RépondreSupprimerSinon, ce qui m'amusa, sur tel ou tel blog centriste référencé par Marianne, c'est qu'on y niait farouchement que les délocalisations posent le moindre problème, jusqu'à ce que le chef...