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mardi 12 juin 2012

Eric Dupin: « Le PS peut espérer obtenir seul la majorité absolue à l’Assemblée »




Eric Dupin est journaliste politique. Il collabore au site Rue89.
Il est l'auteur de plusieurs ouvrages notamment La Victoire empoisonnée, Seuil, 2012


Coralie Delaume. Lors du premier tour du scrutin législatif, l'abstention s'est élevée à 42,8%. Le record de 2007 est donc battu. Nous venons de connaître le taux de participation le plus faible de la V° République pour des législatives. Quels enseignements en tirer ?

Eric Dupin. J’en tirerai trois conclusions. Tout d’abord, cela a beaucoup été dit, lorsque des élections législatives se tiennent après une élection présidentielle, l’abstention est toujours élevée. Ce fut le cas en 1981 et 1988 après les dissolutions décidées par François Mitterrand.

Mais c’est d’autant plus vrai lorsque n’intervient pas cet acte « dramatique » qu’est la dissolution de l’Assemblée, et que les législatives n’apparaissent alors que comme un scrutin de ratification de la présidentielle. Ce qui est désormais systématique en vertu de l’inversion du calendrier électoral décidé par Lionel Jospin en 2000. Après l’élection reine qu’est la présidentielle, le corps électoral considère qu’il a déjà choisi.

Voilà pour les raisons techniques. Mais l’abstention a d’autres causes, qui expliquent pourquoi elle est croissante. Sous l’effet d’un effacement progressif des identités collectives, le devoir civique est de moins en moins ressenti comme tel. Les plus jeunes des électeurs, notamment, se sentent moins concernés.

La troisième raison, enfin, réside dans les désillusions qui frappent les électeurs, après plusieurs alternances qui ne leur ont pas paru constituer des alternatives. Il y a cette impression - notamment dans les classes populaires mais pas seulement – que le pouvoir change de couleur sans changer de politique. J’ai eu l’occasion de mesurer cet état d’esprit désabusé lors des entretiens que j’ai menés pour mon dernier livre La Victoire empoisonnée.

Le score de la gauche - près de 47 % - vous semble-t-il très élevé ?

Non. C’est loin d’être le raz-de-marée rose de 1981 ou bleu de 1993. On s’achemine vers une majorité franche de gauche, mais assez symétrique à ce que fut la majorité de droite en 2007. Cohérents, les Français donnent une majorité au président qu’ils ont élu, lui offrant ainsi la possibilité d’appliquer son programme. Pour autant, cette majorité n’est pas écrasante.

Au sein de la gauche, le PS obtient plus de 34% des suffrages, ce qui est conséquent…

Si on réalise une projection des résultats du 10 juin, le PS, avec ses satellites (PRG et divers gauche) peut espérer obtenir seul la majorité absolue des sièges à l’Assemblée. C’est pour moi une surprise, je m’attendais plutôt à une majorité relative. Il pourrait donc se passer, lors des votes au Palais-Bourbon, des écologistes d’EELV, mais surtout du Front de gauche. Or politiquement, cela n’est pas négligeable. Si les désaccords sont moindres entre socialistes et écologistes, ils sont réels entre le PS et le FDG, notamment sur les thématiques économiques.

Le Front de gauche semble le grand perdant de ce premier tour…

Oui : c’est spectaculaire. Et dramatique pour lui. C’est la première fois que les communistes, notamment, vont voir la gauche parvenir au pouvoir et, dans le même temps, leur nombre de députés se réduire, de 16 actuellement à une dizaine probablement.

Comment l’expliquer ?

Par la continuation du déclin communiste dans ses bastions historiques. Dans certains « fiefs » du PCF, le candidat socialiste a devancé le communiste. C’est le cas pour les communistes Jean-Pierre Brard ou Patrick Braouezec en Seine-Saint-Denis. Même chose dans un autre bastion historique, en Seine-Maritime, qui perdra ses deux députés PCF.

Quand au Parti de gauche, il demeure une jeune formation sans réels bastions, ce qui est très pénalisant dans le cadre d’un scrutin uninominal. Ainsi, même des personnalités connues comme François Delapierre ou Eric Coquerel ont échoué dans l’Essonne et en Corrèze. Le PG ne devrait donc avoir qu’un député, Marc Dolez, personnellement très implanté dans le Pas-de-Calais.

La stratégie de Mélenchon à Hénin-Beaumont, que vous aviez qualifiée de « faute politique », est-elle à mettre en cause ?

Non, si ce n’est pour son sort personnel. En choisissant d’aller défier Marine Le Pen sur ses terres, Mélenchon s’est enfermé dans une ligne idéologique peu adaptée au terrain local. Ses attaques violentes à l’encontre du candidat socialiste risquent de rendre difficile le rassemblement de la gauche au second tour et favoriser l’élection de Marine Le Pen.

Pour la suite, la quasi-absence du Parti de gauche au Palais Bourbon risque de fragiliser le Front de gauche, qui reste une coalition, avec des sensibilités différentes. Par exemple, le PG refuse par principe toute participation au gouvernement alors que le PCF entend se déterminer à l’issue du scrutin législatif. Présent à l’Assemblée, Mélenchon aurait pu jouer son rôle de fédérateur de cette coalition, ce qui n’est désormais plus possible.

Vraisemblablement, le Front national aura peu - ou pas – de députés. On a pourtant vu Marine Le Pen exulter sur nos écrans. A-t-elle réussi son pari ?

A titre personnel, à Hénin-Beaumont, oui même si son élection n’est pas encore acquise. Au delà, je considère le FN comme l’un des vainqueurs du scrutin. Certains de ses candidats ont fait de bons scores, d’une part. D’autre part, la stratégie de mise sous pression de la classe politique entreprise par Marine Le Pen porte ses fruits. L’UMP peine déjà à avoir une ligne unitaire sur le comportement à adopter vis-à-vis du FN. Certains l’ont d’ores et déjà choisi plutôt que le PS [Nb : dans les Bouches-du-Rhône, le candidat UMP Roland Chassain a choisi de se retirer, espérant ainsi une victoire de la candidate FN face au socialiste Michel Vauzelle].

D’ailleurs, que le FN ait zéro ou trois députés n’empêchera pas son influence. Il serait trompeur de ne raisonner qu’en nombre d’élus, dans le cadre d’un scrutin uninominal.

Avec près de 35% des voix, l’UMP ne s’est pas du tout effondrée…

En effet, mais il n’y avait aucune raison à cet effondrement. Le bon score de Nicolas Sarkozy au second tour de la présidentielle laissait présager une bonne résistance de l’UMP. La droite est loin d’avoir disparu à la faveur de cette alternance.

D’ailleurs, c’est un détail qu’on oublie souvent, la moitié des circonscriptions a été redessinée, souvent à l’avantage de dignitaires de droite. L’UMP devrait donc avoir un nombre important de députés au soir du 17 juin. 

Quand au centre, va-t-il disparaître ?

Non. C’est plutôt l’aventure personnelle de François Bayrou qui risque de prendre fin. Mais il serait fort étonnant que notre vie politique ne sécrète pas un centre renouvelé. Cette famille politique est diverse (démocrate-chrétienne, radicale, etc.) mais elle existe.

En revanche, son maintien dans l’UMP n’est pas certain. Il semble d’ailleurs que cette entreprise singulière d’union des droites et du centre que constitue l’UMP ne va pas durer très longtemps. Entre la force centrifuge exercée par le FN sur une droite radicalisée d’une part, et l’hétérogène famille centriste d’autre part, les tensions sont amenées à s’accroître.

Lire et relire :
Recension du dernier livre d'Eric Dupin   CLICK
Quelles conclusions tirer de la défaite de Mélenchon ?  CLACK
Législatives : l'OPA du Front national sur l'UMP a commencé   CLOCK

Retrouvez les entretiens de l'arène nue :
Entretien avec Bernard Conte sur l'économie, l'Europe   CLICK
Entretien avec Catherine Kintzler sur la laïcité   CLACK
Entretien avec Jean-Paul Brighelli sur l'école, l'éduction   CLOCK
Entretien avec Hervé Juvin sur l'économie, l'Europe   CLOUCK
Entretien avec Laurent Bouvet sur "la gauche et le peuple" 1/2 puis 2/2
Entretien avec Sylvain Crépon sur le Front national   CLYCK
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lundi 5 mars 2012

Micro-trottoir 2012 : Bisounours ou Zorro ? Monique choisit Sarko !



Cet entretien a été réalisé dans le cadre du micro-trottoir 2012 de l’arène nue. Vous pouvez en consulter ici la rapide description, ainsi que les quinze premiers volets (un, deux, trois, quatre, cinq, six, sept, huit, neuf, dix, onze, douze, treize, quatorze, quinze). Je remercie vivement Monique, mon interlocutrice.
***

Monique a 73 ans et vit à Marseille. Après avoir été infirmière, elle est désormais retraitée. Le 22 avril prochain, elle votera pour Nicolas Sarkozy.

Vous avez voté pour Nicolas Sarkozy à la présidentielle de 2007. Pour qui voterez-vous cinq ans plus tard ?

Malgré les défauts et les faiblesses de Sarkozy je voterai à nouveau pour lui car il a un grand sens républicain. Il exprime une réelle envie de moderniser la France et pour cela, il faut du courage - ce dont il semble être pourvu - de l'autorité – il n’en manque pas, et le sens des responsabilités.

Vous lui reconnaissez pourtant des faiblesses. Quelles sont-elles ?

Il a, me semble-t-il un ego surdimensionné. C’est peut-être pour compenser le complexe de sa petite taille qui lui a valu des moqueries. Il a subi à ce sujet des humiliations mesquines et méchantes et cela l'empêche de tenir compte d'avis parfois plus éclairés.

Il a aussi, bien sûr, un style à l'emporte-pièce : il a oublié que notre vieux continent n'a pas la mentalité de l'Amérique. Je pense désormais qu'il en a pris conscience et que beaucoup d'errements de début de mandat resteront comme un brouillon, et lui serviront de leçon dans le cadre d’un deuxième mandat.

Vous dites que Nicolas Sarkozy a la volonté de "moderniser la France". Après les réformes déjà entreprises (réforme des retraites, par exemple), faut-il continuer ? Quelles modernisations vous semblent encore nécessaires ?

Je pense qu'il serait nécessaire de se pencher sur la gestion des hôpitaux et le statut des médecins, qui sont intouchables, et dont l’action continue de grever la Sécurité sociale. Ce sont les assurés en font les frais.

Par ailleurs une  mise à plat et une grande reforme des impôts serait souhaitable, ainsi que des aides sociales. Il n’est pas normal que la moitié des contribuables soient non imposables.

Enfin, il faut aller plus loin dans l'organisation du travail, qui est trop rigide en France, que la formation professionnelle soit mieux encadrée. Nous devons changer nos mentalités de fonctionnaires et d'assistés !

Vous désapprouvez l'assistanat. Mais comment faire autrement pour les gens qui subissent le chômage et ne peuvent vivre que de la redistribution et des aides ?

Ce n’est pas tout à fait ça : je désapprouve la façon dont est géré l'assistanat. Est-il normal que des allocations familiales soient encore versées aux riches gagnant plus de 7 000 € par mois ? Ni la droite ni la gauche ne se penchent sur ce problème ! Est-il normal que la gauche s'oppose à ce que les bénéficiaires  du RSA (ceux en capacité de le faire bien sûr) rendent a la collectivité quelques heures (payées) de leur temps ? On n'encourage pas l'effort  et cela me dérange qu'il y ait tant de fraudeurs et tout le monde le sait !

Alors de l’assistanat – et même plus – d’accord. Mais aussi, davantage d’encadrement et plus de contrôles (tiens, voilà un gisement de centaines d'emplois).  Il faut revaloriser le travail plutôt que l'assistanat, c’est une chose que voulait faire Sarkozy,  mais il s’est heurté à un tollé de la gauche qui l’a fait échouer. !

Pour changer de sujet, comment jugez-vous le soutien des dirigeants européens conservateurs à Nicolas Sarkozy, notamment celui d’Angela Merkel ? N'est-il pas risqué d'apparaître comme un candidat ayant besoin d'être légitimé par d'autres leaders ?

Peut-être mais c'est rassurant aussi de savoir que l'Allemagne accorde sa confiance à Sarkozy en ces temps difficiles pour la gestion de l'Europe. Ce soutien n’a rien d'illégitime. Il est plutôt de bon augure.

Que vous inspirent les polémiques générées par les ministres de Nicolas Sarkozy, notamment par Claude Guéant, qui ne cessent de faire "le buzz" ?

Je déteste les provocations volontaires de Guéant et je déteste les réponses de la gauche qui tombe toujours dans le piège ! Tout cela donne une bien piètre image de nos politiques et de leurs fonctions. Je vais finir par renoncer à m'intéresser aux élections !!!!

N'avez-vous jamais été tentée par un "petit" candidat de droite (Villepin, Dupont-Aignan), voire par un vote centriste ?

Je pourrais être tentée par un vote centriste s’il y avait un candidat costaud, capable de faire un gouvernement d'union nationale. Oui, oui ! Mais avec une droite toujours plus à droite et une gauche toujours plus à gauche cela parait très difficile. Et Bayrou ne semble pas faire le poids....

Vous parlez de "droite de plus en plus à droite" : Nicolas Sarkozy chasse-t-il (comme on le lui reproche parfois) sur les terres du Front national ?

Je ne sais pas répondre à cette question. C’est ce que l’on raconte, mais honnêtement, quel parti refuserait les voix du FN si cela lui garantissait la victoire ? Cette question parfaitement hypocrite fait polémique à chaque élection. Vous-même, pouvez-vous y répondre ?

Pour finir, auriez-vous un conseil à donner à Nicolas Sarkozy pour sa campagne ? Ou un souhait à formuler ?

Je lui donnerais le conseil que l'on m'a donné avant de commencer à toucher une carte au bridge "écoute, regarde et réfléchis". C’est essentiel pour une bonne analyse du jeu, que ce soit le jeu de carte ou le jeu politique.

Un souhait ? La réconciliation de tous les Français, bien mise a mal  en ce moment.

En tout cas, pour sourire un peu je dirais que je ne voterai pas avec enthousiasme mais qu'à choisir entre Zorro et Bisounours  je voterai ZORRO !!! 

Lire et relire :
Micro-trottoir 2012 de l'arène nue : la règle du jeu CLICK
Micro-trottoir 2012 : Marcella, plutôt de gauche mais très circonspecte CLACK
Micro-trottoir 2012 : Pour Jérôme, aucun doute, c'est Mélenchon
CLOCK
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Micro-trottoir 2012 : A 26 ans, Didier milite pour Villepin CLUCK
Micro-trottoir 2012 : Pour Stéphane, un seul choix possible : Marine Le Pen CLECK
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Micro-trottoir 2012 : Jacques est convaincu par Boutin CLONCK
Micro-trottoir 2012 : Chloé conquise et acquise à Hollande CLBCK
Micro-trottoir 2012 : Pierre, 20 ans, préfère Morin CLGCK
Micro-trottoir 2012 : Louis-Alexandre croit en Corinne Lepage CLNCK
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Micro-trottoir 2012 : Maxime est 100% Dupont-Aignan   CLARCK 
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samedi 18 février 2012

Micro-trottoir 2012 : Bastien choisit à nouveau Bayrou



Cet entretien a été réalisé dans le cadre du micro-trottoir 2012 de l’arène nue. Vous pouvez en consulter ici la rapide description, ainsi que les onze premiers volets (un, deux, trois, quatre, cinq, six, sept, huit, neuf, dix, onze). Je remercie vivement Bastien, mon interlocuteur.

***

Bastien, 30 ans, est enseignant-chercheur en biochimie dans une université de l'Est de la France. En 2007, il a voté pour François Bayrou au premier tour avant d'éprouver quelques remords. Cinq ans plus tard, il semble pourtant prêt à accorder une nouvelle fois son vote au président du MoDem.


Après avoir voté pour François Bayrou en 2007, vous avec regretté votre choix. Pour quelle raison ?

En 2007, j'avais été séduit comme beaucoup par l'approche "ni droite ni gauche" qui se rapproche des partis démocrates de plusieurs pays européens. La bipolarisation de la politique française m'agace profondément. J'admire les pays scandinaves ou l'Allemagne pour leur capacité à gouverner en coalition. Je trouvais qu'il manquait un "vrai" parti au centre, de force comparable à celles du PS et de l'UMP.

Au second tour, je n'avais pu me résigner à voter ni Sarkozy ni Royal. Question de partis, mais aussi de personnes. J'avais regretté ma voix à Bayrou car les négociations avec le PS qui avaient suivi le premier tour étaient allées trop loin à mon goût. J'ai eu l'impression qu'il avait quelque peu trahi ma confiance, parce que ma motivation première était de voter pour un parti différent des deux « gros ».

Dans ce cas, pourquoi voter à nouveau pour ce candidat en 2012 ?

Cette année, contrairement à 2007, j'ai l'impression que François Bayrou peut vraiment atteindre le second tour. Il semble toujours aussi attaché à des thèmes qui me sont chers comme l'éducation et la recherche. De plus, il est un ardent pourfendeur du mélange des genres au sommet de l'Etat (dirigeants politiques, grands patrons, "grands" journalistes), chose que je ne supporte absolument plus après cinq ans de sarkozysme. Ces aspects positifs compensent nettement, pour moi, des caractéristiques qui me plaisent moins chez lui, comme son eurobéatitude, son manque de stature et cette petite trahison de 2007.

Justement, n'y a-t-il pas un paradoxe à souligner "l'eurobéatitude" de Bayrou, tout en le considérant presque comme un candidat "antisystème" ? S'il accède au pouvoir, ne mènera-t-il pas une politique européenne identique à celle de l’UMP ou du PS ?

Concernant la place de la France en Europe, oui. On peut dire sans trop prendre de risques que sa politique ne sera guère différente de celle que mèneraient Hollande ou Sarkozy. C'est pour cela qu'à mon avis, le terme "antisystème" n'est pas très adapté à Bayrou. La perspective de voir s'aggraver la perte de souveraineté de la France ne m'enchante guère, mais il semble que les trois candidats capables d'accéder au pouvoir en mai se valent à peu près sur ce point. Je suis donc simplement résigné sur ce point...

En revanche, en tant qu’homme et sur le plan de l’éthique personnelle, je suis persuadé que nous noterions des différences importantes avec ses prédécesseurs (Mitterrand, Chirac, Sarkozy). J'ai beaucoup de mal à imaginer Bayrou céder à des privilèges excessifs, faire copain-copain avec tout le gratin économico-journalistique parisien, prendre des vacances sur le yacht de Bolloré, faire pression pour que tel ou tel journaliste soit viré, favoriser un pote qui dirige une grande entreprise de BTP sur un projet à 3 milliards d'euros, s'entourer d'incapables comme Lefevre, Morano, Hortefeux et j'en passe. Je me trompe peut-être, mais...
Nicolas Sarkozy commence sa campagne en étant très bas dans les sondages. Votre candidat ne finira-t-il pas par s’imposer s'imposer naturellement comme le candidat de la droite, et plus du tout du centre ?
Que des déçus de Sarkozy - simples électeurs ou élus - soient tentés par Bayrou ne m'étonne pas, tant la conception sarkozienne du pouvoir peut être "déroutante" ! Ce serait même presque rassurant !

 
Je ne crois pas que le ralliement d'une partie de l'UMP (et du PS) au MoDem infléchira fondamentalement le projet centriste. Bien sûr, si Bayrou arrive au pouvoir, il devra très probablement s'entourer de personnes provenant des deux gros partis. Mais contrairement à 2007, il ne serait pas contraint de choisir entre droite et gauche. Il pourrait faire comme en Allemagne, par exemple, où les alliances sont mouvantes en fonctions des thèmes abordés. Un retour au bon vieux temps UDF / RPR ne me semble ni obligatoire ni souhaitable.

 
J'espère qu’une situation où il serait à nouveau le « troisième homme » du premier tour ne se reproduira pas cette année, car il risquerait d’être tenté de donner des consignes de vote.

Que pensez-vous de la thématique "acheter français", avec laquelle Bayrou a tâché de se mettre à la "mode"protectionniste en début de campagne ? N'y a-t-il pas là une contradiction avec le fait d'avoir toujours voté tous les traités euro-libéraux ?

Il s'agit évidemment un slogan électoraliste avant tout, en contradiction apparente avec la concurrence "libre et non faussée" (quelle horreur !) qui figure dans les traités européens. "Apparente", car il n'est pas forcément question d'instaurer un protectionnisme à la norvégienne, à l'aide de taxes d'importation clairement dissuasives. Il semble que Bayrou prône l'incitation à acheter français bien plus que la pénalisation des importations, qu'elles viennent d'Europe ou d'Asie. Or ceci ne me semble pas aller à l'encontre des textes européens. Après, est-ce que cette seule incitation fonctionnerait ? C'est une autre histoire…

Finalement, considérez-vous plutôt votre vote comme un vote d'adhésion - en faveur de François Bayrou - ou comme un vote sanction - vis à vis des deux partis dominants ?

Un peu des deux. J'ai tendance à raisonner d'abord "par élimination", et je n’ai aucune intention d'accorder ma voix à des extrêmes, ni à des candidats que je trouve un peu légers (Nihous, Lepage, Villepin)... Je ne suis pas un grand adepte du vote utile mais il y a des limites !.. Parmi ceux qui restent, Bayrou est probablement le seul dont j’apprécie à la fois la personne ET le programme, même si mon adhésion n'est pas intégrale sur ce dernier point.

Si malgré vos espoirs François Bayrou ne figure pas au second tour, envisagez-vous de voter pour l'un des deux finalistes ?

Oui, probablement pour Hollande. Mais si on a droit à un duel Sarkozy /Le Pen, je ne crois pas que je me forcerai à aller voter...


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jeudi 9 février 2012

Bayrou boude le dîner du CRIF ? Tant mieux !


[Ce texte est également disponible sur Causeur.fr ]

François Bayrou a « de la gueule ». Pas une grande gueule, non. Juste « de le gueule », de l’allure, du panache. Ceci lui fait quelques menues différences avec Nicolas Sarkozy, auquel il serait juste et légitime qu’il ravisse le statut de « candidat naturel de la droite ».

Je suis bon public, mais pas au point de croire au centrisme. Je considère François Bayrou, hériter de ce que fut l’UDF, comme un homme de droite. Mais de cette droite de bon sens et de bonne volonté qui, si elle demeure désespérément rigoristo-libérale et austérophile sur le plan économique, n’en est pas moins capable d’avoir « tout juste » sur la question des valeurs.

Sur l’école, par exemple, Bayrou est sans doute le mieux dégrossi des candidats. C’est en tout cas ce qu’affirme Jean-Paul Brighelli, dans une interview dont il nous fit récemment l’honneur.

Sur l’universalisme républicain, il semble par ailleurs que François Bayrou ait désormais une longueur d’avance. Il vient en effet de lever avec maestria un interdit un chouïa sot, en vertu duquel aucun responsable politique ne décline jamais le repas annuel du CRIF (Conseil représentatif des institutions juives de France).

Le CRIF, c’est cet organe communautaire passablement likoudisé qui prétend représenter - sans que celle-ci lui ait jamais rien demandé - l’introuvable et fantasmée « communauté juive de France ». Un peu comme le CRAN [1] prétend incarner une « communauté noire » qui n’a rien demandé non plus puisqu’elle n’existe pas, ou comme le collectif Osez le féminisme entend représenter « les femmes », et auquel je demande, pour ce qui me concerne, de bien vouloir s’abstenir : je suis majeure, merci.

Le CRIF, donc, organise tous les ans un repas, auquel il invite nombre de représentants de la classe politique, qui s’y pressent pour y faire à la fois acte de présence et de componction. L’actuel président de la République s’y rend bien volontiers, de même qu’un certain nombre de ses ministres. Les chefs d’Etats impétrants y sont aussi les bienvenus, mais voilà : au soir du 8 février 2012, François Bayrou a fait défection.

Certes, il s’y est parfois rendu par le passé. Mais il affirme aujourd’hui avoir réfléchi à la chose, et en avoir conclu qu’il ne devait plus « participer à des réunions communautaires, quelque soit la communauté qui invite des politiques dans des manifestations spécifiques ». Puis, droit comme la justice, il poursuit dans le registre du « sus au multiculturalisme » : « je pense que la France est une, que ses citoyens sont d’abord des citoyens avant d’être juifs, catholiques, musulmans, bouddhistes, agnostiques ou athées ». Bigre ! La Révolution serait-elle aux portes du royaume ?

Dans un petit ouvrage clair et intelligent, Julien Landfried [2] explique comment le CRIF est devenu la championne de France des « entreprises communautaires », ces officines qui s’autoproclament représentatives d’une « communauté », volontiers essentialisée et, en tout état de cause, prise en otage. Cela permet aux leaders de ces PME identitaires d’avoir accès aux radios, télés, journaux, et aux subventions publiques.

Contestant vigoureusement la représentativité  du Conseil représentatif des institutions juives, Landfried fait ce rappel salutaire : « la majorité des individus ne s’exprime pas dans la Cité par le jeu de son appartenance communautaire supposée : seule une minorité le fait ». Dès lors, il préconise la fin du ballet des politiques au fameux diner annuel. Le candidat du MoDem a-t-il entendu cet appel ?

Souhaitons en tout cas que sa courageuse décision fasse école, et que CRIF, CRAN, CFCM [3] et que sais-je encore, soient à nouveau considérés pour ce qu’ils sont : des associations représentant des intérêts particuliers et, de surcroît, minoritaires.

La République, quant à elle, est toujours « une et indivisible », comme il est dit dans ce petit texte pas tout à fait anodin qu’est la Constitution de notre pays.



[1] Conseil représentatif des associations noires
[2] Julien LANDFRIED, Contre le communautarisme, Armand Colin, 2007
[3] Conseil français du culte musulman

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lundi 6 février 2012

Micro-trottoir 2012 : Pierre, 20 ans, préfère Morin


[Ce texte est également disponible sur Marianne2]

Cet entretien a été réalisé dans le cadre du micro-trottoir 2012 de l’arène nue. Vous pouvez en consulter ici la rapide description, ainsi que les huit premiers volets (un, deux, trois, quatre, cinq, six, sept, huit). Je remercie vivement Pierre, mon interlocuteur.

***

Pierre a 20 ans. Il habite l’Ile de France, où il étudie le droit.  Au printemps, il souhaite voter pour le candidat du Nouveau Centre, Hervé Morin.

Vous souhaitez voter pour Hervé Morin au premier tour de l'élection présidentielle. Qu'est-ce qui motive ce choix ?

Si Hervé Morin obtient les cinq cent signatures, je lui apporterai ma voix. Je sais bien qu'il n'a aucune chance d'être élu mais je crois aux idées qui sont exprimées par le Nouveau Centre. Ce sont l'équilibre, la modération. Faire une priorité du désendettement de la France, favoriser l'innovation et le travail, notamment en exonérant totalement de charges sociales patronales pendant un an toute première embauche. C'est le principe de la « société de la reconnaissance ».

C'est-à-dire ?

En résumé, c'est un système tourné vers le mérite où chacun doit trouver sa place quel que soit son rôle. Il ne s'agit pas d'un égalitarisme forcené mais d'une volonté d'adaptation à la réalité des situations rencontrées, d'une juste équité. Une attention particulière est portée aux plus fragiles qui ne peuvent être exclus des décisions qui sont prises. Tel est le message qui est diffusé par cette candidature.

Vous parlez d'équilibre et de modération. En effet, Hervé Morin se présente comme un candidat centriste. Pourquoi lui donnez-vous votre préférence plutôt qu'à François Bayrou, par exemple ?

Entre 1974 et 2007, il y a toujours eu un deuxième parti à droite. L'UDF a ainsi été un parti regroupant des chrétiens-démocrates et des libéraux (Charles de Courson, Christian Blanc, Gilles de Robien, pour ne citer qu'eux).

En 2007, François Bayrou a fait un choix totalement différent. Ce n'était plus celui de la droite. Il a choisi de n’être ni de droite, ni de gauche. Il oubliait ainsi sa participation au gouvernement d'Edouard Balladur comme ministre de l'Éducation nationale. Il reniait aussi le fait que de nombreuses valeurs comme la liberté d'entreprendre ou la liberté d'enseignement à travers l'autonomie des établissements scolaires sont partagées par la droite et non par la gauche. C’est pour cela qu’a été créé le Nouveau Centre: pour perpétuer une tradition abandonnée par Bayrou. Hervé Morin, à travers sa candidature à la présidentielle, en est le candidat naturel.

On ne sait pas réellement quel est le positionnement de François Bayrou même si nous partageons toujours des convictions communes notamment en ce qui concerne la dette publique. Hervé Morin s'inscrit clairement dans la majorité de droite, tel n'est pas le cas de François Bayrou qui reste pour le moins ambigu.

Etes-vous de ceux qui regrettent la non-candidature de Jean-Louis Borloo ?

Absolument pas. Jean-Louis Borloo reste pour moi un personnage énigmatique. Si l'action qu'il a pu mener à Valenciennes semble unanimement saluée, je suis beaucoup plus réservé quant aux réformes réalisées au sein des différents gouvernements. Les maisons à 100 000 euros n'ont pas eu le succès escompté et si on doit faire le bilan des innovations apportées lorsqu'il a été Ministre de l'Ecologie, du Développement durable, des Transports et du Logement, il ne reste pas grand-chose.

Néanmoins, c'est un homme qui a une  image très positive dans l'opinion, bien plus qu'Hervé Morin, même si les raisons qui l'expliquent, restent pour moi, bien mystérieuses.

De l'action d'Hervé Morin au ministère de la Défense, que retenez-vous ?

Je ne suis pas spécialiste en matière de Défense mais si l'on peut retenir  une action d'Hervé Morin, c'est bien celle de la réforme de la carte militaire. Sans faire grand bruit, elle a été appréciée par les observateurs en permettant d'économiser certains postes de dépenses, tout en conservant la qualité de notre armée. Une économie de 1,6 milliards d’euros par an est ainsi réalisée au profit de l’équipement des forces

Votre candidat a-t-il, selon vous, de bonnes chances d'obtenir les 500 signatures d'élus ? A défaut, ne risque-t-il pas de se laisser séduire par l'UMP, qui a déjà tenté quelques appels du pied pour qu'il renonce à se présenter ?

Hervé Morin devra obtenir, outre les cinq-cent signatures, l'aval de son parti. Si cela n'est pas le cas, ça signera l'échec de sa stratégie au profit de celle de François Bayrou, qui aura alors réussi le pari d’incarner "la nouvelle UDF". En toute logique, le président du Nouveau Centre devra alors se rapprocher de l'UMP.

Quelles sont, justement les raisons de la fronde récente des élus du Nouveau Centre contre Morin ? Des désaccords idéologiques ? La perspective des législatives qui suivront la présidentielle ?
   
Depuis plus d'un an, Nicolas Sarkozy et son gouvernement dirigé par François Fillon ont fait des propositions qui sont très proches du programme du Nouveau Centre. On peut ainsi évoquer la suppression du bouclier fiscal, la règle d'or, la plus grande convergence économique avec les pays européens. De plus, Hervé Morin, malgré son programme de qualité, n'a pas su tenir ses troupes. Il n'a pas hésité à critiquer de manière virulente certains membres de son propre parti comme François Sauvadet ou Jean-Christophe Lagarde. Crédité d'un faible score, on sait tous que sa candidature n'est qu'un acte de témoignage. Hervé Morin ne sera jamais Président. Il semble le seul à y croire. Les électeurs qui voteront pour lui le feront car son score sera si faible qu'il n'empêchera pas à Nicolas Sarkozy d'être au second tour. Nous ne sommes pas suicidaires ! 

 Si votre candidat se retirait de la course, que décideriez vous ?

Je prête beaucoup d'attention à certaines valeurs prônées par Christine Boutin qui est une femme courageuse, et je respecte son combat en faveur de la dignité humaine. Malheureusement, je ne crois pas que les idées économiques qu’elle propose soient réalistes et réellement applicables.

Mon choix sera portera donc sur Nicolas Sarkozy. Malgré les critiques qu’on peut lui adresser, il a su faire preuve d'un sang-froid exceptionnel lors des différentes crises. Avec le recul, les réformes qui ont été faites (sur la retraite, l'autonomie de universités) permettent de penser que notre Président si critiqué - je suis d'ailleurs le premier à le faire - l'est certainement de manière démesurée. Il semblerait qu'il soit en train d'écrire un livre sur certaines erreurs qui ont pu être commises. Cela permettra peut-être de mettre fin à des polémiques qui n'ont été que stériles. Je l'espère en tout cas.

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