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jeudi 28 juin 2012

« Le processus de droitisation ne se résume pas aux twitts de Morano ! »

- Entretien avec Gaël Brustier -

Photo / Margot L'Hermite

Gaël Brustier et chercheur en sciences sociales.
Il est notamment l'auteur - avec JP Huelin - de Voyage au bout de la droite, Mille et une nuits, 2011

Dans votre ouvrage Voyage au bout de la droite, vous pointez du doit un phénomène de « droitisation » générale des sociétés européennes. La récente victoire de la gauche à la présidentielle puis celle, très nette, remportée aux législatives ne contredisent-elle pas en partie votre analyse ?
Pour nous, et nous le disons dans notre livre, le processus de droitisation n’est ni unilinéaire ni uniforme. Il a ses contradictions et ses périodes de reflux. En Italie, Berlusconi a perdu plusieurs fois les élections mais, sur la durée, il a dominé la vie politique italienne depuis 1994.
Personnellement, j’essaye de me déprendre d’une tendance lourde de notre vie médiatique et politique qui consiste à focaliser sur le court terme. Nous n'avons jamais jugé, au contraire d’autres, que la droitisation se résumait à Nicolas Sarkozy, aux élucubrations de Claude Guéant, aux incongruités de Frédéric Lefebvre et aux twitts de Nadine Morano. Pour tout dire, ils sont absents de Voyage au bout de la droite. Le nom de Nicolas Sarkozy n’est même pas cité. Pas par mépris mais parce que nous avons voulu ainsi signifier que le processus de droitisation dépassait largement l’actualité et la tyrannie de l’instantané.
Les évolutions de l’imaginaire collectif, des «blocs historiques», de l'idéologie dominante me semblent personnellement plus déterminants pour l’avenir de notre pays que la drague grossière de l’électorat FN par Brigitte Barège (Droite populaire) ou que d'autres phénomènes du même type. S’ils ont leur importance, ils n'expliquent pas, puisqu'ils en sont la conséquence, l'évolution de fond des mouvements culturels de nos sociétés.
En ce sens, les élections de 2012 ne me surprennent pas. Leur résultat est davantage la conséquence du grave problème d’incarnation de Nicolas Sarkozy, que d’une inversion d’une tendance qui touche tout l’Occident... Il faut s'attacher à penser les évolutions économiques à venir consubstantiellement aux évolutions idéologiques et politiques : cela permettra de pouvoir anticiper la prochaine phase de la droitisation.
Si ces personnages ne vous semblent pas suffisant à illustrer un processus de fond de droitisation, l’échec aux législatives  d’un Claude Guéant ou de nombreux membres de la Droite populaire ne marquent-il pas, au moins, un échec de la fameuse « stratégie Buisson »?
Pour les législatives, il s’agit d’élections avec 45% d’abstention. La «stratégie Buisson», elle, ne concerne pas les législatives. Elle concerne une élection bien particulière: la présidentielle.
D’une certaine manière, en France, aujourd’hui, deux élections sont déterminantes: l’élection présidentielle et les élections municipales. Ce sont les deux élections qui permettent de comprendre comment l’imaginaire du pays évolue et ce sont d’ailleurs les élections qui attirent le plus. Les autres élections ont évidemment de l’importance mais les taux d’abstention élevés révèlent aussi que les Français sont davantage attachés à la figure du Maire et du Président de la République qu’à celle – aussi respectable soit-elle - d’un Président de Conseil Général.
Claude Guéant est battu dans un contexte très particulier, par un élu sarkozyste très implanté. La Droite populaire, collectif baroque d’élus en proie à la montée du FN, n’a jamais été un "intellectuel collectif" mais un canot de sauvetage de députés confrontés à des électorats droitisés dans des circonscriptions difficiles. Ses élus ont couru après le FN et légitimé le discours de celui-ci sans stratégie ni travail politique véritable, en demeurant fixés sur le court terme et le sauvetage de leur mandat. Les déclarations, plus extravagantes les unes que les autres, de ces députés (sur la double nationalité, les homosexuels, les immigrés à remettre dans des bateaux etc.) s’apparentaient plus à une drague lourde de l’électorat FN qu'à une stratégie politique véritable.
Justement, la porosité constatée entre la droite et le FN durant cette longue séquence électorale a fait couler beaucoup d’encre. Est-elle vraiment un phénomène si nouveau ? On se souvient des municipales de Dreux en 1983, ou d’alliances aux régionales de 1998….
La droite a profondément évolué. Le RPR et l’UDF ont fusionné au sein de l’UMP. Le Front National était, en 1983, le parti d’une droite radicalisée, de petits commerçants, d’une petite bourgeoisie et de quelques ouvriers de droite. Son émergence correspond à l'usage de l'immigration et de thématiques propres aux segments les plus droitiers de la droite traditionnelle. D'ailleurs, en 1986; la moitié des députés FN sont des transfuges du RPR ou de l'UDF.
En 1998, la droite a tenu bon au niveau national. Philippe Séguin avait en horreur le Front national et Charles Pasqua estimait, me semble-t-il, que la droite était trop faible pour négocier quoi que ce soit avec le FN qui, à l'époque, était davantage structuré et organisé qu'aujourd’hui. Il avait le sens du rapport de forces. Quant à Bruno Mégret ou Jean-Yves Le Gallou, ils avaient en tête, depuis les années 1980, d'inoculer à la droite parlementaire les germes de leur idéologie. La "préférence nationale" était la grande innovation conceptuelle censée droitiser la droite.
Finalement, jusqu'aux années 2000, entre FN et RPR (surtout), il y avait le souvenir de l'Occupation et de la Guerre d'Algérie : les possibles excès de langage étaient contrebalancés, dans la droite républicaine, par quelques solides repères historiques. Cela créait un blocage majeur dans les relations des néo-gaullistes avec les frontistes. Cette frontière là a disparu.
L’entrée de deux députés du Front national à l’Assemblée marque-t-il vraiment un tournant pour ce parti ? Ses succès très localisés au législatives (Gard, Vaucluse), et l’échec de Marine Le Pen dans le Pas-de-Calais ne témoignent-t-il pas au contraire d’une « droitisation » très circonscrite au Sud de la France ?
Il est vrai que le Sud de la France est en pointe du phénomène de droitisation. C’est là que les électorats ont fusionné. C’est là que, demain, la fusion peut se concrétiser dans des alliances locales. Un nombre important de triangulaires ont eu lieu dans le Sud.
Dans les Bouches-du-Rhône, Olivier Ferrand a par exemple été élu à la faveur d’une triangulaire avec l’UMP et le FN, où il a du affronter le majordome de Jean-Marie Le Pen... Mais c’est vrai pour d’autres circonscriptions dans le Vaucluse ou dans l’Hérault. Il faut aussi regarder le score impressionnant du FN (48,8%) face à Michel Vauzelle (51,2%). Il faut enfin constater les scores importants du FN dans le Var ou les Alpes Maritimes, qui ne permettent pas de mettre en difficulté électorale l'UMP. Je renvoie aux excellents travaux de Joël Gombin et Pierre Mayance sur la situation en Provence-Alpes-Côte-d’Azur...
Défaite à Hénin-Beaumont, Marine Le Pen peut-elle encore espérer faire « exploser la droite » au profit du FN ainsi qu’elle le prévoyait ?
Faire exploser l’UMP est très difficile. Nous avons pointé l’hypothèse d’une fusion culturelle, et d’une interpénétration des bases militantes. Cette hypothèse se précise.
La prochaine étape déterminante sera celle des élections régionales et des élections municipales. Dans ce deuxième cas, il sera intéressant d’observer les campagnes des candidats de droite. Prendront-ils sur leurs listes des militants FN ou même Identitaires dans le Sud de la France ? Adopteront-ils la "priorité nationale" (et européenne) comme Mégret le fit en son temps à Vitrolles.
Le FN est privé de cadres dans un grand nombre de régions. Jean-Marie Le Pen a successivement liquidé les amis de Bruno Mégret, puis ceux de Carl Lang. Tous étaient des cadres plutôt implantés qui ont fini par payer leur autonomie par rapport au Président du FN. Cette faiblesse de l'encadrement est un incontestable élément retardateur sur la fusion des appareils mais par de la base culturelle.
Ce sur quoi il faut travailler c’est sur l’imaginaire, sur la domination culturelle des droites. Cela suppose de prendre un peu de recul par rapport à la politique électorale et d'être en mesure de décoder la domination culturelle dextriste. Gardons en ligne de mire les futures municipales et la prochaine présidentielle. C'est là que se jouent les prochaines étapes.
Retrouvez les entretiens de l'arène nue :
Entretien avec Catherine Kintzler sur la laïcité   CLACK
Entretien avec Jean-Paul Brighelli sur l'école, l'éduction   CLOCK
Entretien avec Hervé Juvin sur l'économie, l'Europe   CLOUCK
Entretien avec Laurent Bouvet sur "la gauche et le peuple" 1/2 puis 2/2
Entretien avec Sylvain Crépon sur le Front national   CLYCK
Entretien avec Eric Dupin sur les législatives 2012  CLICK
Entretien avec Jean-Loup Amselle sur les "identités"  CLAICK

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lundi 6 février 2012

Micro-trottoir 2012 : Pierre, 20 ans, préfère Morin


[Ce texte est également disponible sur Marianne2]

Cet entretien a été réalisé dans le cadre du micro-trottoir 2012 de l’arène nue. Vous pouvez en consulter ici la rapide description, ainsi que les huit premiers volets (un, deux, trois, quatre, cinq, six, sept, huit). Je remercie vivement Pierre, mon interlocuteur.

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Pierre a 20 ans. Il habite l’Ile de France, où il étudie le droit.  Au printemps, il souhaite voter pour le candidat du Nouveau Centre, Hervé Morin.

Vous souhaitez voter pour Hervé Morin au premier tour de l'élection présidentielle. Qu'est-ce qui motive ce choix ?

Si Hervé Morin obtient les cinq cent signatures, je lui apporterai ma voix. Je sais bien qu'il n'a aucune chance d'être élu mais je crois aux idées qui sont exprimées par le Nouveau Centre. Ce sont l'équilibre, la modération. Faire une priorité du désendettement de la France, favoriser l'innovation et le travail, notamment en exonérant totalement de charges sociales patronales pendant un an toute première embauche. C'est le principe de la « société de la reconnaissance ».

C'est-à-dire ?

En résumé, c'est un système tourné vers le mérite où chacun doit trouver sa place quel que soit son rôle. Il ne s'agit pas d'un égalitarisme forcené mais d'une volonté d'adaptation à la réalité des situations rencontrées, d'une juste équité. Une attention particulière est portée aux plus fragiles qui ne peuvent être exclus des décisions qui sont prises. Tel est le message qui est diffusé par cette candidature.

Vous parlez d'équilibre et de modération. En effet, Hervé Morin se présente comme un candidat centriste. Pourquoi lui donnez-vous votre préférence plutôt qu'à François Bayrou, par exemple ?

Entre 1974 et 2007, il y a toujours eu un deuxième parti à droite. L'UDF a ainsi été un parti regroupant des chrétiens-démocrates et des libéraux (Charles de Courson, Christian Blanc, Gilles de Robien, pour ne citer qu'eux).

En 2007, François Bayrou a fait un choix totalement différent. Ce n'était plus celui de la droite. Il a choisi de n’être ni de droite, ni de gauche. Il oubliait ainsi sa participation au gouvernement d'Edouard Balladur comme ministre de l'Éducation nationale. Il reniait aussi le fait que de nombreuses valeurs comme la liberté d'entreprendre ou la liberté d'enseignement à travers l'autonomie des établissements scolaires sont partagées par la droite et non par la gauche. C’est pour cela qu’a été créé le Nouveau Centre: pour perpétuer une tradition abandonnée par Bayrou. Hervé Morin, à travers sa candidature à la présidentielle, en est le candidat naturel.

On ne sait pas réellement quel est le positionnement de François Bayrou même si nous partageons toujours des convictions communes notamment en ce qui concerne la dette publique. Hervé Morin s'inscrit clairement dans la majorité de droite, tel n'est pas le cas de François Bayrou qui reste pour le moins ambigu.

Etes-vous de ceux qui regrettent la non-candidature de Jean-Louis Borloo ?

Absolument pas. Jean-Louis Borloo reste pour moi un personnage énigmatique. Si l'action qu'il a pu mener à Valenciennes semble unanimement saluée, je suis beaucoup plus réservé quant aux réformes réalisées au sein des différents gouvernements. Les maisons à 100 000 euros n'ont pas eu le succès escompté et si on doit faire le bilan des innovations apportées lorsqu'il a été Ministre de l'Ecologie, du Développement durable, des Transports et du Logement, il ne reste pas grand-chose.

Néanmoins, c'est un homme qui a une  image très positive dans l'opinion, bien plus qu'Hervé Morin, même si les raisons qui l'expliquent, restent pour moi, bien mystérieuses.

De l'action d'Hervé Morin au ministère de la Défense, que retenez-vous ?

Je ne suis pas spécialiste en matière de Défense mais si l'on peut retenir  une action d'Hervé Morin, c'est bien celle de la réforme de la carte militaire. Sans faire grand bruit, elle a été appréciée par les observateurs en permettant d'économiser certains postes de dépenses, tout en conservant la qualité de notre armée. Une économie de 1,6 milliards d’euros par an est ainsi réalisée au profit de l’équipement des forces

Votre candidat a-t-il, selon vous, de bonnes chances d'obtenir les 500 signatures d'élus ? A défaut, ne risque-t-il pas de se laisser séduire par l'UMP, qui a déjà tenté quelques appels du pied pour qu'il renonce à se présenter ?

Hervé Morin devra obtenir, outre les cinq-cent signatures, l'aval de son parti. Si cela n'est pas le cas, ça signera l'échec de sa stratégie au profit de celle de François Bayrou, qui aura alors réussi le pari d’incarner "la nouvelle UDF". En toute logique, le président du Nouveau Centre devra alors se rapprocher de l'UMP.

Quelles sont, justement les raisons de la fronde récente des élus du Nouveau Centre contre Morin ? Des désaccords idéologiques ? La perspective des législatives qui suivront la présidentielle ?
   
Depuis plus d'un an, Nicolas Sarkozy et son gouvernement dirigé par François Fillon ont fait des propositions qui sont très proches du programme du Nouveau Centre. On peut ainsi évoquer la suppression du bouclier fiscal, la règle d'or, la plus grande convergence économique avec les pays européens. De plus, Hervé Morin, malgré son programme de qualité, n'a pas su tenir ses troupes. Il n'a pas hésité à critiquer de manière virulente certains membres de son propre parti comme François Sauvadet ou Jean-Christophe Lagarde. Crédité d'un faible score, on sait tous que sa candidature n'est qu'un acte de témoignage. Hervé Morin ne sera jamais Président. Il semble le seul à y croire. Les électeurs qui voteront pour lui le feront car son score sera si faible qu'il n'empêchera pas à Nicolas Sarkozy d'être au second tour. Nous ne sommes pas suicidaires ! 

 Si votre candidat se retirait de la course, que décideriez vous ?

Je prête beaucoup d'attention à certaines valeurs prônées par Christine Boutin qui est une femme courageuse, et je respecte son combat en faveur de la dignité humaine. Malheureusement, je ne crois pas que les idées économiques qu’elle propose soient réalistes et réellement applicables.

Mon choix sera portera donc sur Nicolas Sarkozy. Malgré les critiques qu’on peut lui adresser, il a su faire preuve d'un sang-froid exceptionnel lors des différentes crises. Avec le recul, les réformes qui ont été faites (sur la retraite, l'autonomie de universités) permettent de penser que notre Président si critiqué - je suis d'ailleurs le premier à le faire - l'est certainement de manière démesurée. Il semblerait qu'il soit en train d'écrire un livre sur certaines erreurs qui ont pu être commises. Cela permettra peut-être de mettre fin à des polémiques qui n'ont été que stériles. Je l'espère en tout cas.

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