lundi 20 avril 2015

«Un défaut partiel de la Grèce est possible» - entretien avec Thanos Contargyris





Thanos Contargyris est économiste et vit à Athènes. Sans être adhérent à Syriza, il est proche de ce parti. Il est membre fondateur d'Attac Grèce. Il a accepté de répondre à quelques questions de L'arène nue. 

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Alors que les négociations avec l'Union européenne ne semblent aboutir sur rien de décisif, Alexis Tsipras et son gouvernement sont toujours très populaires en Grèce. Comment expliquez-vous une telle confiance, y compris chez les gens qui n'ont pas voté pour Syriza ?

Les négociations semblent effectivement ne pas aboutir. Rien de concret ne filtre quant aux mesures précises sur lesquelles un accord est impossible. Il semble que d'un côté on nomme « réformes » de nouvelles mesures d'austérité et que, de l'autre, on emploie le même mot pour désigner des mesures contre la corruption, la bureaucratie, la fraude et une réforme fiscale. 

Ce qui ressort est que la négociation est dure. C'est ce qui vaut au gouvernement actuel un fort soutien, au delà de son électorat : c'est la première fois qu'on voit un gouvernement grec faire des contre-propositions aux mesures décidées par les créanciers. Les Grecs ont l'impression d'avoir retrouvé leur honneur en voyant que leur gouvernement résiste à de fortes pressions. 

Ce qui explique ce soutien c'est aussi le fait que le gouvernement semble tenir ses promesses sur des dossiers qui font consensus, et donnent une bouffée d'oxygène à la population éprouvée par la crise : lutte contre la pauvreté, protection de l'habitation principale contre des saisies par les banques, étalement des règlements de retard de paiement sur des charges sociales ou des impôts, etc.

Enfin le fait que le gouvernement comprenne des personnalités compétentes comme Varoufakis ou Kotzias (le ministre des affaires étrangères) qui proviennent de plusieurs familles politiques (des socialistes, des écologistes, des personnalités du parti de droite ANEL) et non seulement du Syriza, permet à des électeurs d'autres partis de se reconnaître dans ce gouvernement.

Certains commentateurs semblent espérer secrètement une scission de Syriza, son aile gauche anti-euro quittant le parti, et Tsipras s'alliant, au centre, avec To Potami et le nouveau parti créé par Papandréou. Cela vous semble-t-il possible ? 

Pour conserver sa crédibilité, Tsipras doit obtenir un compromis honorable et donc difficile avec l'Union européenne. To Potami parle aussi de « compromis honorable », mais considère qu'il faut accepter tout ce qui est demandé par les créanciers. Son soutien ne serait pas un gage que le compromis trouvé est « honorable ». ! 

Le cas de Papandréou est différent; il semble soutenir l'effort du gouvernement de trouver un compromis honorable qui soit autre chose qu'une capitulation. Mais il n'a pas de députés pour pouvoir remplacer les éventuelles défections qu'une alliance avec lui pourrait provoquer sur l'aile gauche de Syriza.

Donc tant que les négociations se poursuivent et que l'esquisse d'un « accord honorable » n'est pas connue, tout changement d'alliance est exclu. Ce n'est qu'après, si l'aile gauche se montre trop intransigeante et qu'il apparaît que sa position est excessive, qu'un changement d'alliance est possible. Si l'accord offert semble une réplique de celui qu'aurait signé le gouvernement précédent, sans concession visible, aucun changement d'alliance n'est envisageable...

Alexis Tsipras a rencontré Poutine en Russie, Yanis Varoufakis a rencontré Obama aux États-Unis. Le gouvernement cherche-t-il a faire pression sur l'Europe via des alliés alternatifs ? Quelle vous semble être sa stratégie sur le plan des relations internationales ? 

Le gouvernement grec n'ayant pas trouvé d'alliés au sein de l'UE sur lesquels s'appuyer, il est naturel qu'il essaie de faire pression en cultivant de bonnes relations avec d'autres pays qui comptent, comme les États-unis, la Russie, mais aussi la Chine. C'est ce qui explique son revirement sur la privatisation du port du Pirée, qui n'est finalement pas remise en cause. Ceci a été un signal fort, bien reçu en Chine.

La Grèce est à bout de liquidités. Un défaut partiel sur la dette est-il pour bientôt

Oui un défaut partiel est possible, si la ligne dure persiste du côté européen au delà de la fin de ce mois. Néanmoins vu les montants en jeu en mai (1) il est difficile d'imaginer qu'aucune solution ne soit trouvée. Elle pourrait d'ailleurs être trouvée sans l'UE. Par exemple, par l'introduction d'une monnaie interne (IOU – I owe you), permettant de diminuer les montant globaux dus en euros, et de procéder à certains paiements internes (salaires, pensions, fournisseurs). Les euros ainsi dégagés pourraient alors permettre de faire face aux échéances externes.

Qu'en est-il d'une éventuelle sortie de l'euro ? Yanis Varoufakis a assuré n'y être pas du tout prêt. Par ailleurs, les sondages montrent que la population est très attachée à la monnaie unique. Est-ce toujours le cas ou cela a-t-il évolué ? 

Nul ne peut envisager une sortie désordonnée de l'euro qui serait provoquée par un défaut de paiement portant sur un ou deux milliards d'euros. Ses conséquences seraient trop désastreuses par rapport au fait qui l'aurait généré. Donc elle n'est évoquée, ces jours-ci, que comme un moyen de pression. C'est une arme de dissuasion dans les négociations en cours. 

En revanche, une sortie de l'euro programmée, négociée et provisoire après l'actuelle période de négociations (qui se termine en juin) (2) , est une hypothèse qui ne peut être complètement écartée si aucun refinancement et aucune restructuration de la dette grecque (promise par les partenaires européens à la Grèce et au FMI en Décembre 2012) ne s'avère possible tout en restant dans l'eurozone.

(1)  En mai, la Grèce doit trouver environ 800 millions pour rembourser le FMI, environ 400 millions pour les intérêts de sa dette, et environ 2,5 milliards pour des bons du Trésor arrivant à échéance. 
(2)  Le 30 juin prend fin le second plan d'aide à la Grèce, d'un montant de 130 milliards, qui court depuis mars 2012. Et après ?....


9 commentaires:

  1. Il serait peut-être temps que cette ignoble tragi-comédie où la seule victime est le peuple grec et où aucun des acteurs n'est bonne foi ni "n'en a" comme on dit vulgairement, ni en Grèce ni ailleurs, se termine ? Même en France, et c'est pour dire, on n'a jamais vu une pareille bande d'hypocrites miteux.
    Mais vous savez ce que je pense d'Alexis Tsipras, et je ne vois toujours pas de raisons de changer d'avis.

    Thierry_st_malo

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  2. En lâchant la corde nous la condamnons à la noyade, en tirant dessus nous l’étranglons. En se laissant couler elle nous condamne aux remords éternels, en se débattant pour survivre elle risque de nous faire chavirer et couler avec elle.
    Le cas grec est inouï. Il semble absolument sans issue. Depuis cinq ans déjà nous nous efforçons de sortir la Grèce de l’eau. En vain. Toutes nos tentatives aggravent sa situation.
    Comment faire ?
    Il reste une solution. Elle est éternelle, universelle, difficile : regarder les choses en face. Notre frêle esquif ne vogue pas sur un océan démonté, il est au milieu d’un étang de faible étendue. Débarquons-en, regagnons la rive à la nage, les bons nageurs aidant les autres. Nous sortirons de l’eau trempés, transis, épuisés sans doute, terriblement vexés, nos beaux costumes couverts de vase, mais nous en sortirons, bien vivants.
    On dit qu’un petit enfant peut se noyer dans une cuvette, faute de savoir tourner la tête et trouver de l’air. La zone euro est en train de couler aussi puérilement, faute d’ouvrir les yeux et de chercher le salut là où il est, dans la reconnaissance d’un échec, celui d’une monnaie unique européenne.

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  3. Heureusement le peuple Grec dans une grande majorité n'a que faire de l'avis de Monsieur Thierry st Malo. !

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  4. Je me suis mal fait comprendre, chère Madame. J'ai dit que le peuple grec est une victime. Ce sont les autres, tous les autres, que je traite d'"hypocrites miteux".

    Thierry_st_malo

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    1. Le problème c'est que vous balancez ça comme ça, sans aucune argumentation, et que ça commence à ressembler plus à du trolling qu'à du commentaire....

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  5. Dans l'Union Européenne, il n'y a pas que la Grèce.

    Neuf pays de l'Union Européenne sont en faillite.

    La Grèce, l’Italie, le Portugal, l’Irlande, Chypre, la Belgique, l’Espagne, la France, le Royaume-Uni sont en faillite.

    Chiffres Eurostat publiés le mardi 21 avril 2015 :

    1- Médaille d’or : Grèce. Dette publique de 317,094 milliards d’euros, soit 177,1 % du PIB.

    2- Médaille d’argent : Italie. Dette publique de 2134,920 milliards d’euros, soit 132,1 % du PIB.

    3- Médaille de bronze : Portugal. Dette publique de 225,280 milliards d’euros, soit 130,2 % du PIB.

    4- Irlande : dette publique de 203,319 milliards d’euros, soit 109,7 % du PIB.

    5- Chypre : dette publique de 18,819 milliards d’euros, soit 107,5 % du PIB.

    6- Belgique : dette publique de 428,365 milliards d’euros, soit 106,5 % du PIB.

    7- Espagne : dette publique de 1033,857 milliards d’euros, soit 97,7 % du PIB.

    8- France : dette publique de 2037,772 milliards d’euros, soit 95 % du PIB.

    9- Royaume-Uni : dette publique de 1600,862 milliards de livres sterling, soit 89,4 % du PIB.

    http://ec.europa.eu/eurostat/documents/2995521/6796761/2-21042015-AP-FR.pdf/7466add3-3a70-4abb-9009-bc986a5d2c0a

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  6. Et le déficit public de l’Allemagne ?
    C’est d’un comique… Il est de 85 % du PIB, le Monde –où vous avez trouvé vos chiffres- ne publie pas. C’est tout de même extraordinaire. Voilà ce journal Le Monde qui s’est transformé en bulletin intérieur des actionnaires du CAC40 après avoir été le petit télégraphiste de l’Otan (voir le dossier Ukraine chez Olivier Berruyer). C’est à en donner la nausée.
    Non, BA, contrairement à ce que dit Le Monde du 21 avril, il est aberrant de dire «Allemagne et Danemark, les bons élèves ». Le déficit allemand est énorme. Le chômage caché en Allemagne est énorme. La misère est énorme, je reviens d’un séjour à Karlsruhe, misère partout, retraités dans la débine, mal nourris, mal vêtus, mal chaussés, sans dents –comme dirait l’autre- la récession elle est palpable. Le sans-emploi saute aux yeux, les chômeurs battent le pavé, c’est incroyable, comparé à Metz ou Strasbourg à côté qui sont presque arrogants d’aisance.
    Conclusion : on pourrait même se dire que ces pauvres Allemands qui tiennent à bout de bras leur Mark-Euro en sont les premières victimes, assez stupidement consentantes. Pendant l’actionnaire est tellement repu qu’il va nous faire une apnée du sommeil, un son coma digestif dont même pas un Grexit l’en sortirait.

    Luc BERTHELOT

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  7. Un pays ne fait pas défaut pour 700 petits millions, il ne fait pas défaut non plus quelques semaines plus tard pour un petit milliard, il ne fait pas encore défaut le surlendemain pour 500 autres petits millions... Sinon qu'à la longue... ça en fait des milliards et des milliards !...

    Tout le monde se dit "pourvu que ça dure", tout le monde a intérêt à ce que ça dure, alors, contre toute attente, ça dure. Mais ça ne durera pas toujours. On le sait. Il va bien falloir "régler les comptes". Ce ne sera pas rigolo. Le plus tôt serait le mieux. Mais personne n'ose.

    Bah... on ne fait pas défaut pour quelques centaines d'euros...

    Eh bien si, il est très probable que c'est cela qui va arriver. Une petite étincelle de rien du tout fera tout exploser.

    Les bulles toujours explosent. Les bulles de dettes aussi. C'est sûr. Et pourtant, quand l'événement arrivera, tout le monde sera tout étonné...

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  8. Il faudrait quand meme éviter de dire des bêtises (euphémisme).
    @BA: un pays n'est pas "en faillite" (notion d'ailleurs vague) si sa dette publique est supérieure à ... combien d'ailleurs? Vore liste va de moins de 90% à 177%. Savez-vous à combine de % se monte la dette du Japon?

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