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mardi 12 juin 2012

Eric Dupin: « Le PS peut espérer obtenir seul la majorité absolue à l’Assemblée »




Eric Dupin est journaliste politique. Il collabore au site Rue89.
Il est l'auteur de plusieurs ouvrages notamment La Victoire empoisonnée, Seuil, 2012


Coralie Delaume. Lors du premier tour du scrutin législatif, l'abstention s'est élevée à 42,8%. Le record de 2007 est donc battu. Nous venons de connaître le taux de participation le plus faible de la V° République pour des législatives. Quels enseignements en tirer ?

Eric Dupin. J’en tirerai trois conclusions. Tout d’abord, cela a beaucoup été dit, lorsque des élections législatives se tiennent après une élection présidentielle, l’abstention est toujours élevée. Ce fut le cas en 1981 et 1988 après les dissolutions décidées par François Mitterrand.

Mais c’est d’autant plus vrai lorsque n’intervient pas cet acte « dramatique » qu’est la dissolution de l’Assemblée, et que les législatives n’apparaissent alors que comme un scrutin de ratification de la présidentielle. Ce qui est désormais systématique en vertu de l’inversion du calendrier électoral décidé par Lionel Jospin en 2000. Après l’élection reine qu’est la présidentielle, le corps électoral considère qu’il a déjà choisi.

Voilà pour les raisons techniques. Mais l’abstention a d’autres causes, qui expliquent pourquoi elle est croissante. Sous l’effet d’un effacement progressif des identités collectives, le devoir civique est de moins en moins ressenti comme tel. Les plus jeunes des électeurs, notamment, se sentent moins concernés.

La troisième raison, enfin, réside dans les désillusions qui frappent les électeurs, après plusieurs alternances qui ne leur ont pas paru constituer des alternatives. Il y a cette impression - notamment dans les classes populaires mais pas seulement – que le pouvoir change de couleur sans changer de politique. J’ai eu l’occasion de mesurer cet état d’esprit désabusé lors des entretiens que j’ai menés pour mon dernier livre La Victoire empoisonnée.

Le score de la gauche - près de 47 % - vous semble-t-il très élevé ?

Non. C’est loin d’être le raz-de-marée rose de 1981 ou bleu de 1993. On s’achemine vers une majorité franche de gauche, mais assez symétrique à ce que fut la majorité de droite en 2007. Cohérents, les Français donnent une majorité au président qu’ils ont élu, lui offrant ainsi la possibilité d’appliquer son programme. Pour autant, cette majorité n’est pas écrasante.

Au sein de la gauche, le PS obtient plus de 34% des suffrages, ce qui est conséquent…

Si on réalise une projection des résultats du 10 juin, le PS, avec ses satellites (PRG et divers gauche) peut espérer obtenir seul la majorité absolue des sièges à l’Assemblée. C’est pour moi une surprise, je m’attendais plutôt à une majorité relative. Il pourrait donc se passer, lors des votes au Palais-Bourbon, des écologistes d’EELV, mais surtout du Front de gauche. Or politiquement, cela n’est pas négligeable. Si les désaccords sont moindres entre socialistes et écologistes, ils sont réels entre le PS et le FDG, notamment sur les thématiques économiques.

Le Front de gauche semble le grand perdant de ce premier tour…

Oui : c’est spectaculaire. Et dramatique pour lui. C’est la première fois que les communistes, notamment, vont voir la gauche parvenir au pouvoir et, dans le même temps, leur nombre de députés se réduire, de 16 actuellement à une dizaine probablement.

Comment l’expliquer ?

Par la continuation du déclin communiste dans ses bastions historiques. Dans certains « fiefs » du PCF, le candidat socialiste a devancé le communiste. C’est le cas pour les communistes Jean-Pierre Brard ou Patrick Braouezec en Seine-Saint-Denis. Même chose dans un autre bastion historique, en Seine-Maritime, qui perdra ses deux députés PCF.

Quand au Parti de gauche, il demeure une jeune formation sans réels bastions, ce qui est très pénalisant dans le cadre d’un scrutin uninominal. Ainsi, même des personnalités connues comme François Delapierre ou Eric Coquerel ont échoué dans l’Essonne et en Corrèze. Le PG ne devrait donc avoir qu’un député, Marc Dolez, personnellement très implanté dans le Pas-de-Calais.

La stratégie de Mélenchon à Hénin-Beaumont, que vous aviez qualifiée de « faute politique », est-elle à mettre en cause ?

Non, si ce n’est pour son sort personnel. En choisissant d’aller défier Marine Le Pen sur ses terres, Mélenchon s’est enfermé dans une ligne idéologique peu adaptée au terrain local. Ses attaques violentes à l’encontre du candidat socialiste risquent de rendre difficile le rassemblement de la gauche au second tour et favoriser l’élection de Marine Le Pen.

Pour la suite, la quasi-absence du Parti de gauche au Palais Bourbon risque de fragiliser le Front de gauche, qui reste une coalition, avec des sensibilités différentes. Par exemple, le PG refuse par principe toute participation au gouvernement alors que le PCF entend se déterminer à l’issue du scrutin législatif. Présent à l’Assemblée, Mélenchon aurait pu jouer son rôle de fédérateur de cette coalition, ce qui n’est désormais plus possible.

Vraisemblablement, le Front national aura peu - ou pas – de députés. On a pourtant vu Marine Le Pen exulter sur nos écrans. A-t-elle réussi son pari ?

A titre personnel, à Hénin-Beaumont, oui même si son élection n’est pas encore acquise. Au delà, je considère le FN comme l’un des vainqueurs du scrutin. Certains de ses candidats ont fait de bons scores, d’une part. D’autre part, la stratégie de mise sous pression de la classe politique entreprise par Marine Le Pen porte ses fruits. L’UMP peine déjà à avoir une ligne unitaire sur le comportement à adopter vis-à-vis du FN. Certains l’ont d’ores et déjà choisi plutôt que le PS [Nb : dans les Bouches-du-Rhône, le candidat UMP Roland Chassain a choisi de se retirer, espérant ainsi une victoire de la candidate FN face au socialiste Michel Vauzelle].

D’ailleurs, que le FN ait zéro ou trois députés n’empêchera pas son influence. Il serait trompeur de ne raisonner qu’en nombre d’élus, dans le cadre d’un scrutin uninominal.

Avec près de 35% des voix, l’UMP ne s’est pas du tout effondrée…

En effet, mais il n’y avait aucune raison à cet effondrement. Le bon score de Nicolas Sarkozy au second tour de la présidentielle laissait présager une bonne résistance de l’UMP. La droite est loin d’avoir disparu à la faveur de cette alternance.

D’ailleurs, c’est un détail qu’on oublie souvent, la moitié des circonscriptions a été redessinée, souvent à l’avantage de dignitaires de droite. L’UMP devrait donc avoir un nombre important de députés au soir du 17 juin. 

Quand au centre, va-t-il disparaître ?

Non. C’est plutôt l’aventure personnelle de François Bayrou qui risque de prendre fin. Mais il serait fort étonnant que notre vie politique ne sécrète pas un centre renouvelé. Cette famille politique est diverse (démocrate-chrétienne, radicale, etc.) mais elle existe.

En revanche, son maintien dans l’UMP n’est pas certain. Il semble d’ailleurs que cette entreprise singulière d’union des droites et du centre que constitue l’UMP ne va pas durer très longtemps. Entre la force centrifuge exercée par le FN sur une droite radicalisée d’une part, et l’hétérogène famille centriste d’autre part, les tensions sont amenées à s’accroître.

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vendredi 13 janvier 2012

Micro-trottoir 2012 : pour Jérôme, aucun doute, c'est Mélenchon.



[ ce texte est également disponible sur Marianne2 ]

Cet entretien a été réalisé dans le cadre du micro-trottoir 2012 de l’arène nue. Vous pouvez en consulter ici la rapide description, ainsi que le premier volet. Je remercie vivement Jérôme, mon interlocuteur.
***

Jérôme a 47 ans. Après avoir enseigné vingt ans dans une ZEP, il est aujourd’hui écrivain, et vit dans le Nord-Pas-de-Calais. Militant de longue date, il a d’ores et déjà arrêté son choix : en 2012, il votera pour le candidat du Front de Gauche, Jean-Luc Mélenchon.

Coralie Delaume. Votre choix en faveur de Jean-Luc Mélenchon semble ferme et définitif. Qu’est-ce qui le motive ?

Jérôme. Je suis adhérent au Parti communiste français (PCF). Je suis juste un militant de base et j'ai fait partie de ceux qui, au sein du parti communiste, ont milité pour une stratégie unitaire, celle du programme partagé avec les autres composantes du Front de Gauche (FDG) : le Parti de Gauche (PG) de Mélenchon ou encore Gauche Unitaire.

La stratégie du FDG a d'ailleurs plutôt bien fonctionné depuis 2009 en affirmant la présence d'un pôle de « la gauche de la gauche » aux Européennes, aux Régionales et aux Cantonales où il a tout de même frôlé les 10% dans une relative indifférence médiatique.

Pour ces présidentielles, qui sont - et je le déplore - des élections personnalisées à l'extrême, il me semble que Mélenchon, avec ses qualités de débatteur et d'orateur est le mieux à même de porter le programme du FDG.

Justement, la présidentielle étant autant le choix d'un homme que celui d'un programme, ne craignez vous pas que le caractère emporté de Mélenchon n'éloigne de lui bon nombre d'électeurs potentiels ? N'en fait-il pas un peu trop ?

Je ne crois pas. Les médias dominants ont tendance à caricaturer les candidats qui soutiennent des programmes réellement alternatifs. Je me souviens notamment d'un véritable choc frontal entre Jean-Michel Aphatie et Mélenchon sur RTL, à propos de la réforme des retraites. Aphatie était tout surpris de se retrouver avec, en face de lui, un homme qui osait dire, et de manière argumentée, chiffrée, qu'il y avait d'autres solutions que celles présentées comme allant de soi et allant évidemment dans le sens d'une régression sociale.

De toute façon, quand on porte un programme comme celui du FDG à la fois radical et réaliste, il faut être très combatif. Que ce soit Mélenchon ou les militants.

On constate actuellement un gros succès de Marine Le Pen auprès des couches populaires. Comment expliquez-vous que l’audience de votre candidat soit moindre que la sienne auprès de cet électorat ?

Je pense que vous posez la question centrale. Si le FDG entame une lente mais régulière montée dans les sondages, on reste très loin des scores du FN. Et pourtant, de fait, son électorat est potentiellement le nôtre. Je dirais même que Marine Le Pen nous l'a en grande partie piqué. Pas elle seule, mais le FN, depuis le déclin électoral du PCF, notamment.

Les socialistes ayant dans leur grande majorité fait le deuil de cet électorat là, les Verts ne s'y étant jamais intéressés, il ne reste que Mélenchon et le FDG pour le reconquérir et faire comprendre aux couches populaires que ce n'est certainement pas le voisin arabe qui a décidé de délocaliser l'usine du coin.

Et qu'au bout du compte, si le FN est un jour en position d’entrer dans un gouvernement, ce ne sera certainement pas dans un gouvernement de gauche... Je persiste à penser que le Front « marinisé » et « social » est le faux nez  temporaire d'une droite dure.

Certes. Mais, si ce n'est pas le voisin arabe qui fait délocaliser les usines, il demeure que des électeurs, de plus en plus nombreux, éprouvent un sentiment "d'inquiétude culturelle". Ne pensez-vous pas qu'à vouloir ignorer cela et à préconiser la régularisation de tous les travailleurs sans-papiers, Mélenchon se barre la route d'un vote massif en sa faveur ?

C'est un vieux débat, finalement. D'une part, je pense que l'inquiétude culturelle - que je ne nie pas ou plus - est la conséquence de l'inquiétude sociale. Les réflexes de panique identitaire, aujourd'hui, outre qu'ils sont savamment entretenus par un Claude Guéant, par exemple, dont le discours est de la pure provocation, sont ceux de gens qui ont tout perdu, économiquement mais aussi, justement, culturellement, comme une certaine fierté ouvrière qui était celle - qui est celle encore aujourd'hui - de ma région, le Nord-Pas-de-Calais.

Alors on peut focaliser sur un islam intégriste ultraminoritaire dans les cités, ou sur des truands armés de kalachnikovs pour faire oublier que le problème aujourd'hui, c'est que dans un pays aussi riche que la France, les inégalités se sont creusées, que des millions de Français vivent en dessous du seuil de pauvreté et se rationnent sur les soins. 

Rétablir l'ordre et la sécurité, c'est à dire la justice, c'est aussi le programme du FDG. Seulement ça ne passe pas par les indécents tableaux de chasse du ministère de l'Intérieur sur les expulsions. Au contraire. Un tel système ne peut prospérer que sur la peur et les enfermements communautaristes qu'on feint de combattre mais qu'on entretient comme repoussoir. 

Etre républicain de gauche, c'est-à-dire, aujourd'hui, voter FDG, ce n'est pas être contre la burqa seulement. C'est être contre la burqa ET estimer qu'un SMIC à 1700 euros brut tout de suite est indispensable. C'est articuler, précisément, les réponses aux inquiétudes économiques et culturelles.

Même Guéant a reconnu que l'immigration et l'insécurité n'étaient plus la première peur des français. La première peur des Français, c'est survivre dans une crise financière qu'on leur fait payer en démantelant l'Etat providence. Et le seul candidat, s'il était élu, qui a compris cela et agirait en conséquence, c'est Mélenchon.

En 2007, Ségolène Royal avait plaidé pour un SMIC à 1500 euros. Par la suite, elle a convenu elle-même qu’elle n'y croyait pas...N'est-ce pas là une proposition purement démagogique ?


Le SMIC à 1700 euros est une proposition parmi d'autres. La différence entre Ségolène Royal et nous, c'est que nous, nous sommes de gauche. Et comme le dit fort justement notre économiste Jacques Généreux, "nous savons faire".

Là aussi, c'est une question de volonté politique. Par exemple, le SMIC à 1700 euros brut devient tout à fait réaliste si, dans le même temps, la loi sur un salaire maximum est votée.

Vous dites qu'être républicain de gauche aujourd'hui, c'est voter Front de Gauche. Voter socialiste serait donc antirépublicain et de droite ?

Sûrement pas. Les électeurs et même nombre d'élus socialistes sont respectables. Très même. Le problème est que voter socialiste aujourd'hui, c'est prendre le risque de cautionner, avec un peu de sucre autour (et encore), la même politique libérale et européiste qui a conduit à la situation que nous connaissons.

En revanche quand Eva Joly commence à proposer des jours fériés pour de nouvelles fêtes religieuses, juives ou musulmanes, là, on est franchement dans une certaine haine du modèle républicain français.

Dans l'hypothèse où votre candidat ne serait pas au second tour, s’il appelle à voter pour François Hollande, le suivrez-vous ?

Mon principal souci sera de battre la droite libérale, en tout cas, celle qui propose de continuer sur la même voie sans issue. D’ailleurs, ce sera plus facile de voter pour Hollande  que ce l'aurait été pour Dominique Strauss-Kahn.

Ensuite, voter pour Hollande au second tour avec un Mélenchon à 7%, 9% ou 15% n'aura pas du tout la même signification. Plus le score du FDG sera haut, plus cela signifiera que le candidat socialiste devra faire avec nous et nos propositions s'il veut un report indispensable à sa victoire. Pour faire vite, en votant Mélenchon au premier tour, même si on est socialiste par exemple, on est dans le vote utile puisqu'on oblige la gauche à être plus...de gauche.

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Micro-trottoir 2012 de l'arène nue : la règle du jeu  CLICK
Micro-trottoir 2012 : Marcella, plutôt de gauche mais très circonspecte  CLACK

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