mardi 31 janvier 2012

Micro-trottoir 2012 : Jacques est convaincu par Boutin



[Ce texte est également disponible sur Marianne2 ]

Cet entretien a été réalisé dans le cadre du micro-trottoir 2012 de l’arène nue. Vous pouvez en consulter ici la rapide description, ainsi que les six premiers volets (un, deux, trois, quatre, cinq, six). Je remercie vivement Jacques, mon interlocuteur.
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Jacques a 33 ans. Il est journaliste et penche pour Christine Boutin lors de l'élection présidentielle de 2012.

Coralie Delaume. Vous donnez votre préférence à la candidate Christine Boutin. Pourquoi faites-vous ce choix ?

Jacques. D'abord parce que je suis comme elle, j'aime les petits, les faibles, les abandonnés. Je pratique l'option préférentielle pour les pauvres. Or non seulement, c'est le but de sa politique, mais elle-même en fait partie, du point de vue politique.

Mes idées n'ont jamais été majoritaires, et le jour où elles le deviendront, ce sera que je les aurai trahies, ou que le monde aura été bien bouleversé. Peu me chaut donc qu'elle soit donnée à 1% : c'est un critère qui n'influe pas le moins du monde sur mon choix rationnel.

Ensuite, je me retrouve presque entièrement dans sa vision démocrate-chrétienne, où s’unissent une vraie politique de civilisation et une attention perpétuelle aux plus petits.


Le fait que Christine Boutin ait été ministre de Nicolas Sarkozy, souvent surnommé le "Président des riches", la rend-elle malgré tout crédible en tant que candidate des "petits" ?

 Je ne considère pas que deux ans à la tête d'un ministère décrédibilisent entièrement le discours d'un personnage politique. Elle a essayé d'y tenir son rang, et je voudrais qu'on me montre où et comment elle aurait accompagné, au ministère du Logement l'esprit du quinquennat des riches. Elle y a plutôt joué un rôle de modératrice dans le désastre. Pour ma part, je ne l'aurais pas accepté, mais cela ne nuit en rien à sa sincérité.


Pourquoi votre souci des faibles et des pauvres ne vous pousse-t-il pas vers un candidat de gauche, éventuellement un "petit" candidat, puisque le score donné par les sondages vous indiffère ?
 
Parce que la gauche a trahi, dans son ensemble, et depuis au moins un siècle, une vaste partie des valeurs qui devaient la fonder. Elle ne considère le faible et pauvre que sous son volet économique - et aujourd'hui ethnique - quand Boutin, non seulement assume ceci, mais assume la pauvreté et la faiblesse dans l'intégralité de la vie humaine. Boutin pense aussi aux enfants, aux vieux, et même aux embryons.


Vous dites que votre candidate est porteuse d'une vraie "politique de civilisation". De quoi s'agit-il ? De culture ? De religion ? De tout cela à la fois ?

Sa vision de la France, de l'Europe et des relations mondiales s'appuie en effet sur une culture universaliste, qui respecte les particularités. Cette culture qui est celle de l'Europe dans ce qu'elle a et a eu de meilleur est issue de la raison grecque et de la religion chrétienne.

Jusqu'à preuve du contraire, c'est celle-ci qui a permis l'émancipation de l'homme et qui présente en même temps les garanties d'une morale générale qui permet d'éviter le morcellement de la société en communautés ou en monades égotistes, revendicatrices, mimétiques, rivales et in fine vindicatives.


Au delà des principes, qui semblent vous tenir très à coeur, quelles sont les quelques mesures proposées par Christine Boutin et qui sont pour vous primordiales ?

En toute matière, il est bon de commencer par les principes (sourire). Concrètement, le revenu de base (400 euros mensuels sans condition de ressource pour tout citoyen majeur, et 200 de 0 à 18 ans) qui est financé sans surcoût par une remise à plat de toutes les allocations, me semble l'une des meilleures idées de l'époque. La taxation des activités financières, et particulièrement des spéculatives, me paraît indispensable. Enfin, le rôle pivot conféré à la famille stable, et la politique de subsidiarité sont d'excellentes bases politiques.


Pourriez-vous expliquer davantage le fonctionnement de ce revenu de base ? N'existe-t-il pas déjà un revenu minimum ? Pourquoi garantir un revenu de base à des mineurs ? Enfin, s'il est attribué aux seuls citoyens, quid des étrangers vivant en France ?

Ce revenu de base n'a rien à voir avec le RSA actuel. Il a une double portée : symbolique et effective. Symbolique, parce qu'étant attribué à tous sans exception et sans considération de niveau de vie, de la naissance à la mort, il témoigne de la solidarité nationale et du fait que chaque être humain a le droit à une vie décente. Effectif, parce qu'il permet que personne ne tombe jamais dans la précarité extrême.

Pour les mineurs, cela leur permet de partir dans la vie active avec un pécule de base. Enfin, pour les étrangers, il me semble que cela dépendra de leur statut : sont-il fermement installés en France et ont-ils vocation à y rester ? De toute façon, il faut leur assurer à eux aussi les bases élémentaires de la vie. Il faut noter que ce système a de tout façon vocation à inspirer le reste du monde.

Votre candidate a fait savoir à plusieurs reprises qu'elle avait des difficultés à obtenir les 500 parrainages d'élus. Si elle devait se retirer de la course, seriez-vous prêt à voter pour celui derrière lequel elle se rangerait ?

Non, pas du tout. Parce que je sais qu'elle se rangerait derrière le plus fort, pour avoir des députés qui permettraient le financement de son parti. Ainsi va la triste démocratie contemporaine.


Lire et relire :
Micro-trottoir 2012 de l'arène nue : la règle du jeu  CLICK
Micro-trottoir 2012 : Marcella, plutôt de gauche mais très circonspecte  CLACK
Micro-trottoir 2012 : Pour Jérôme, aucun doute, c'est Mélenchon   CLOCK
Micro-trottoir 2012 : Pour Dominique, ce sera sans doute Philippe Poutou  CLOUCK
Micro-trottoir 2012 : A 26 ans, Didier milite pour Villepin   CLUCK
Micro-trottoir 2012 : Pour Stéphane, un seul choix possible : Marine Le Pen  CLECK
Micro-trottoir 2012 : Anne penche pour Chevènement   CLYCK
Micro-trottoir 2012 : L'arène nue a besoin de vous !  CLONCK
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lundi 30 janvier 2012

Micro-trottoir 2012 : l'arène nue a besoin de vous !



Quatre-vingt-dix jours avant le premier tour, le micro-trottoir 2012 de l’arène nue est toujours en cours. Il consiste à interroger tour un tour un électeur de chaque candidat en lice pour l’élection présidentielle. Son but est de passer chaque candidat en revue, qu’il soit petit, moyen, gros, gigantesque…. En effet, l’arène nue étant « CSA-included », elle s’interdit toute distorsion dans le traitement accordé aux aspirants Présidents. Chacun d’entre les 16 zimpétrants [1] aura donc droit à son heure de gloire !

Toutefois, pour venir à bout de ce difficile défi, j’ai besoin d’un peu d’aide. En me la fournissant, vous ferez une bonne action : on connaît le slogan « pour sauver un arbre, bouffez un castor ». Dans le même ordre d’idée « pour sauver un blogueur, soutenez son labeur ».

A ce jour, j’ai pu interroger un électeur putatif (ou pas) de :
- Jean-Luc Mélenchon (CLICK)
- Philippe Poutou (CLACK)
- Dominique de Villepin (CLOCK)
- Marine Le Pen (CLOUCK)
- Jean-Pierre Chevènement  (CLUCK)
- Christine Boutin  (CLECK)

Je précise que chacune de ses interviews a été relayée par le site Marianne2 (belle tribune, non ?).

Pour un certain nombre d’autres candidats, j’ai d’ores et déjà des pistes. Toutefois, il me manque encore des avocats de la défense pour :

- Nathalie Arthaud (Lutte Ouvrière)
- Hervé Morin (Nouveau Centre)
- Nicolas Sarkozy (Elysée)

Mon objectif est de n’en oublier aucun, mais pour cela, j’ai besoin du volontariat de mes lecteurs, des amis de mes lecteurs, ainsi de que de leurs pères, mères, taties et tontons.

Pour certains candidats, je sais que cela sera dur. Mais de grâce, ne m’obligez pas à engager un détective privé pour dégoter « l’électeur rare », voire un tueur à gages pour faire assassiner le candidat dont je n’aurais su trouver un seul partisan.

Aidez l’arène, qui n’a jamais été aussi nue.
Bouffez un arbre, sauvez un castor, contactez moi sur facebook, twitter ou par mail, et surtout, faites tourner ce message.

NB : pour les volontaires timides ou pour ceux qui craignent une célébrité précoce à laquelle ils ne seraient pas préparés, je m’engage à assurer l’anonymat.


[1] Je ne compte ni Eric Cantona ni Patrick Lozès. On fera comme s’il y avait peu de chance qu’ils aient les 500 signatures, d’accord ?
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vendredi 27 janvier 2012

Micro-trottoir 2012 : Anne penche pour Chevènement



[Ce texte est également disponible sur Marianne2]

Cet entretien a été réalisé dans le cadre du micro-trottoir 2012 de l’arène nue. Vous pouvez en consulter ici la rapide description, ainsi que les cinq premiers volets (un, deux, trois, quatre, cinq). Je remercie vivement Anne, mon interlocutrice.

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Anne a 38 ans. Elle est fonctionnaire et occupe un poste à responsabilité dans le domaine des Ressources Humaines.

Coralie Delaume. A 90 jours de l’élection présidentielle, pour quel candidat envisagez-vous de voter ?

Anne. La question est encore un peu difficile car la multiplicité des candidats déclarés ou supposés rend le choix complexe, sauf sans doute pour les militants et les adhérents des différents partis, dont je ne suis pas.

Par ailleurs, un choix trop anticipé pourrait être rendu rapidement caduc par un trop faible nombre de signatures, un abandon ou un ralliement. Cependant, son expérience et ses propositions me portent à m’intéresser particulièrement à Jean-Pierre Chevènement.

C’est une candidature que l’on n’attendait pas forcément. Comment avez-vous réagi à son annonce ? L’espériez-vous ? Suivez-vous Jean-Pierre Chevènement depuis longtemps ?

Je crois avoir été marquée par sa démission – dont j’ai compris plus tard qu’elle était la seconde avant de devenir ensuite la deuxième – du poste de ministre de la Défense lors de la première guerre du Golfe. J’avais alors hésité entre lâcheté devant l’épreuve ou courage pour faire valoir son opinion et ses valeurs. Sa constance, les suites de cette intervention et les explications qu’il a pu ensuite fournir m’ont convaincue qu’il s’agissait bien là de courage, bien rare dans la classe politique.

J’avoue ne pas être une si grande connaisseuse de la vie politique ou une telle admiratrice de Chevènement pour avoir espéré ou avoir conçu de grands sentiments à son annonce. Sa candidature me paraît simplement s’inscrire dans la suite d’une vie courageuse et droite au service d’une conception de la France sans doute disparue en 1969 et qu’il souhaite encore représenter ou au moins rappeler aux électeurs et autres candidats.

1969…pour vous, la candidature de Chevènement est donc une candidature gaulliste avant d’être une candidature de gauche ?

Oui, et c’est en grande partie pour cela que j’envisage de la soutenir par mon vote au printemps. Elle est probablement d’autant plus gaulliste qu’elle ne s’en réclame pas à longueur d’interviews comme continuent à le faire de trop nombreux candidats qui en trahissent par ailleurs le fond après avoir abandonné tout espoir d’en atteindre l’excellence de la forme.

Il est vrai que la référence au gaullisme est devenue très « tendance ». A quel(s) usurpateur(s) pensez-vous en particulier ?

J’aurais tendance à dire : tous ceux qui s’en réclament, en tout premier lieu Nicolas Sarkozy, et cette UMP qui se targue d’avoir encore des représentants du gaullisme (de Fillon à Juppé), alors qu’il n’en est rien. Ces derniers, sans la moindre hésitation, ont permis à l’économie de sortir de son rôle de service de la communauté pour lui abandonner le pouvoir (cette fameuse intendance qui devait suivre dans l’esprit de de Gaulle) ou ont dilué – voire dissout – la souveraineté de la France et la certaine idée que l’on pouvait s’en faire, la réduisant à l’impuissance et bientôt à l’impotence.

Quid de « petits » candidats tels Dominique de Villepin ou Nicolas Dupont-Aignan, qui se réclament également – en particulier le second – du gaullisme ?

Dominique de Villepin a trop longtemps servi des gouvernements tels que je les ai décrits avant de s’en détacher pour des questions de querelles personnelles plus que de vision du monde, même s’il convient de porter à son crédit son action aux Nations Unies avant l’invasion de l’Irak par les Etats-Unis.

En revanche, la prise de distance déjà ancienne et assumée de Nicolas Dupont-Aignan avec l’UMP et son discours  méritent un réel intérêt. Je ne sais pas ce que penseraient celui-ci et Jean-Pierre Chevènement si je parlais de proximité de leurs analyses et de leur propositions. J’aimerais croire que cette proximité, malgré leurs positionnements de part et d’autre de l’échiquier politique, est le fruit d’un nouveau clivage, désormais plus pertinent et peut-être plus productif que le simple gauche – droite : celui qui sépare les libéraux, économiques et ou sociétaux, et les souverainistes républicains.

Jean-Pierre Chevènement l’a déjà fait savoir : pour lui, le clivage droite-gauche est encore valide, et lui-même se réclame sans ambiguïté de la gauche. Si, au second tour, Chevènement appelait à voter pour François Hollande, seriez-vous prêt à le suivre ?

En aucun cas. A moins peut-être que des engagements majeurs soient pris par le candidat du Parti socialiste  qui reprendraient les objectifs principaux de Jean-Pierre Chevènement sur l’école, la défense, la ré-industrialisation de la France et bien évidemment l’Europe et sa monnaie. Rien n’est pour l’instant moins sûr.

Le récent discours du Bourget prononcé par François Hollande, loué de toute part, ne m’a nullement convaincue. Je crois me souvenir qu’il nous a épargné la légalisation du cannabis, mais, il est revenu sur ces obsessions sociétales de la gauche, telles le mariage homosexuel et, surtout, cette aberration que me semble constituer le vote des étrangers aux élections locales. Il ne me semble pas, pour ma part, que l’on m’ait jamais proposé de voter en Thaïlande ou au Gabon. L’aurait-on fait que je ne m’en serais pas senti la légitimité.

Enfin, Chevènement a une autorité et une aura que lui vaut sa très grande expérience. Il a une stature d’homme d’Etat qu’Hollande - pardonnez-moi – ne me semble pas posséder.

Le sénateur de Belfort est donc expérimenté mais pas trop vieux, selon vous ?

Il n’est certes pas jeune. Mais personne ne glose sur l’âge de Ron Paul, candidat à la primaire républicaine aux Etats-Unis, et âgé de 74 ans.

En effet, sur ce point, il est vrai qu’en France, on ne glose guère ! Pour qui avez-vous voté en 2007 ?

En France, on sait ce qu’il a coûté à Lionel Jospin de gloser sur l’âge de Chirac !
En 2007, j’ai voté pour Nicolas Sarkozy, à l’époque sans hésiter. Même si je répugne à me dire « de droite » puisque comme je vous l’ai dit, je considère le clivage gauche/droite dépassé, je demeure relativement conservatrice. En tout cas, j’aimerais que l’on conserve ce qui mérite de l’être.

Par ailleurs, je ne me voyais pas accorder mon suffrage à Ségolène Royal, dont je doutais vraiment de la capacité à diriger un pays. Enfin, j’avoue avoir un peu cru à l’image que renvoyait Sarkozy, de même qu’à son discours. Cinq ans plus tard, hélas, continuer à y croire relèverait d'une naïveté coupable.

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jeudi 26 janvier 2012

Même bêtement, le changement...c'est maintenant !




[Ce texte est également disponible sur Causeur.fr]

J’avoue avoir été quelque peu dubitative lorsque j’ai découvert le signe de ralliement du Parti socialiste, qui consiste à faire un grand mouvement de ciseau avec ses bras en prononçant la formule magique suivante : « le changement, c’est maintenant ».

Que quelques citoyens concernés et autres artistes engagés tels Gérard Darmon ou Benjamin Biolay, s’adonnent à ce jeu, passe encore. Mais lorsqu’il s’agit de ministres, qu’ils soient anciens ou zimpétrants, il n’y rien à faire, ça me dérange.  Un peu moins lorsque c’est Jack Lang. Après tout, c’est très « teuf de la zik’ », ce bidule. Mais les autres…

Ma première réaction fut donc l’abattement, même si je n’eus pas eu le cœur de blâmer les militants socialistes, dont je comprends assez bien le désir de changement. Par ailleurs, je crois qu’il faut enfin accéder au désir le plus cher de Nicolas Sarkozy, et lui rendre sa liberté d’aller « gagner de l’argent » sous d’autres cieux, ainsi qu’il en a récemment exprimé le désir dans Le Monde. Pour ma part, si j’avais dû faire un clip appelant au changement, j’aurais volontiers réalisé une petite animation sympa mettant en scène quelques bougres paupérisés armés de tronçonneuses et de crocs de bouchers. Mais bon, le socialisme est un humanisme.

Je n’en ai pas voulu aux socialistes, disais-je, mais plutôt à l’époque, à l’air du temps, à ce moment régressif de l’Histoire où l’on n’a plus jamais le droit de devenir adulte, et où l’on est sommé de demeurer un grand enfant sous peine d’être immédiatement rangé dans la catégorie des « pas cools ». Cette époque imbécile où l’on vous tutoie jusque dans les musées par le truchement d’audioguides formatés pour sous susurrer : « tu as vu ce beau tableau ? ». Cette époque consternante où votre coiffeur vous demande « quel est ton prénom ? » lorsque vous prenez un rendez-vous, et où des post-quarantenaires titulaires d’un quadruple Bac +5 se sentent obligés de s’y prendre « com sa kan ils tap un sms ».

Je suis revenue à de meilleurs sentiments. Finalement, après Hervé Morin présentant ses vœux 2011 devant sa batterie de cuisine, après Nora Berra célébrant en vidéo l’anniversaire des « Jeunes Pop’s » et, surtout, après le lipdub de l’UMP, il est normal que le camp adverse s’autorise tous les coups. Et, même si je demeure convaincue que l’on devrait découper le quinquennat qui s’achève à la scie sauteuse ou lui rafaler dans le cornet au mini uzi, j’accorde volontiers à Romain Pigenel qu’un « gimmick universellement repris (…) que chacun peut s’approprier », demeure à la fois plus raisonnable, et probablement moins salissant.

A cet égard, et parce qu’il parait que la musique adoucit les mœurs, j’envisage même d’apporter ma contribution à l’opération de communication socialiste, en proposant au PS d’adapter cette chanson, afin de composer un hymne de campagne :




mardi 24 janvier 2012

Micro-trottoir 2012 : pour Stéphane, un seul choix possible, Marine Le Pen




[Ce texte est également disponible sur Marianne2]


Cet entretien a été réalisé dans le cadre du micro-trottoir 2012 de l’arène nue. Vous pouvez en consulter ici la rapide description, ainsi que les quatre premiers volets (un, deux, trois, quatre). Je remercie vivement Stépane, mon interlocuteur

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Stéphane a 44 ans. Il est conseiller en communication. Il votera pour Marine Le Pen à l'élection présidentielle de 2012.

Pour l'élection présidentielle, vous vous préparez à voter pour Marine le Pen. Quelles sont les principales raisons de ce choix ?

Depuis que je m’intéresse à la politique - en gros 1981 - j'ai vu le débat dévier au point que toute référence positive à la France, à son histoire, à la Patrie, à la Nation est frappée du sceau de "fascisme" par les beaux esprits.

J'ai donc adhéré en 1984 au Front National de la Jeunesse (FNJ) avant de m'en faire virer quelques mois plus tard pour "dérive gauchiste". En gros j'étais plus proche des thèses solidaristes que de celles du "Reagan français" prônées à l'époque au Front.

Après diverses tribulations de jeunesse dans les réseaux terceristes, etc. j'ai lâché le militantisme mais je continue de voter FN, sans doute par un côté puérilement « anti-système » (ça fait tellement plaisir de faire couiner les bien pensants) et parce que c’est un des rares partis où on ne se sent pas obligé de s'excuser d'aimer son pays. En plus, il commence à tenir un discours plus social... de façade, à mon avis, mais sait-on jamais…

Je ne suis pas convaincu non plus qu’avoir fait entrer des milliers d'immigrés culturellement inassimilables avant plusieurs générations au profit des patrons qui font du chantage au salaire, et de syndicats qui trouvent à bon compte un nouveau prolétariat plus malléable soit une "chance pour la France". Ils ont réussi à créer un communautarisme militant qui est une bombe à retardement.

Vous dites que le tout nouveau discours social du FN est de pure façade. Pensez-vous que Marine le Pen soit, au fond, aussi libérale que son père ? 

Je ne le pense pas. Je ne pense même pas que Jean-Marie Le Pen l’était. Il était dans la continuité de son engagement poujadiste.

Marine est, quant à elle, peu "articulée" idéologiquement. Elle est sincère mais sa sincérité est celle du moment. Sur l'économie elle est en phase avec ce qui monte dans les classes moyennes et populaires. Quelques théoriciens un peu "pointus" sont autour d'elle, et n'oublions pas la grande porosité entre le Front et les mouvances identitaires, réactionnaires de type "Œuvre Française", cathos intégristes, néo-païens, "Égalité et Réconciliation" de l'ineffable Alain Soral qui a eu ses entrées au FN pendant un moment, etc.

C'est un petit monde qui se côtoie, s'influence et s'excommunie à tour de bras. Marine Le Pen n'est pas une idéologue. Mais c'est une grande politique.

Vous semblez concéder que Marine Le Pen fait davantage preuve d'empirisme que de cohérence idéologique. Pourquoi ne pas rejoindre l'un ou l'autre des mouvements "souverainistes", attachés comme vous à l'idée de Nation mais plus réfléchis, moins volatiles sur les idées ?

Non. En aucun cas les mouvements souverainistes institutionnels ne me semblent plus valables, réfléchis ou moins versatiles. Ils me font penser, au mieux, au CERES (Centre d'études, de recherches et d'éducation socialiste), au pire au CNIP (Centre National des Indépendants et Paysans), entre clubs de réflexion brillants mais un peu vains dès qu'il s'agit de se coltiner au réel et cercles de notables visant à servir d'écuries pour leurs champions régionaux (le prototype étant Philippe de Villiers). Des gens  doués pour les grands effets de manches mais prêt à se vendre pour un plat de lentilles ou un maroquin. 

La meilleure preuve est que tous ces mouvements votent pour leur "camp" dans 99 % des cas et se drapent dans leur dignité et leur "liberté" de parole pour le 1 % restant afin de pouvoir se dire qu'ils représentent quelque chose.

Deuxième preuve, les "grands" partis se gardent bien de les priver de circonscriptions. On en revient toujours à ce système sclérosé où on regarde s'amuser le cousin de province, un peu attardé mais rigolo, avant de passer à table entre grandes personnes.

Au delà de sa présidente, qui semble s'efforcer de tenir un discours "nouveau", le FN vous semble-t-il pas un parti raciste ou xénophobe ?

Si je faisais de la langue de bois, je vous dirais que rien, dans le programme, les écrits ou même les discours de Marine Le Pen ne peut être taxé de xénophobie ni à fortiori de racisme. Mais bien évidemment qu'il y a des gens qui votent FN par rejet de l'étranger (xénophobie), quoi que très peu, à mon avis par racisme (supériorité d'une race sur l'autre). 

En revanche il faut être aveugle pour nier que l'immigration extra-européenne massive soit  un problème. Ça deviendrait presque amusant de voir les mêmes personnes trouver formidable, -comme je le trouve moi-même - un peuple africain, amérindien, asiatique qui lutte pour conserver son mode de vie, ses traditions, ses croyances, etc. Or dès qu'il s'agit d'un peuple européen on a droit aux cris d'orfraies, aux "retour de la bête immonde" et autres gracieusetés. 

Je respecte les autres cultures quand je vais à l'étranger. Si je devais m'installer ailleurs, je me conformerais au mode de vie local. J'aimerais que ce soit la même chose chez moi. "A Rome, fais comme les Romains" est assez clair à mon sens. Le problème est que maintenant on explique aux arrivants que les Romains sont des ordures, que leur mode de vie est nul, que rien de ce qu'ils on fait auparavant ne vaut  la peine d'être appris ou respecté et qu'en gros ils vont se pousser, se taire et dire merci.

Pour fréquenter pas mal de jeunes, via le football notamment, je peux vous dire que le ressenti d'exclusion de son propre pays par les 20/30 ans issus des couches populaires et vivant au contact quotidien de l'immigration, est extrêmement vivace. Je ne fais jamais état devant eu de mes choix politiques (je ne mélange pas les genres), mais eux parlent assez ouvertement des leurs, donc j'imagine ce que va être dans l'isoloir…

Si Marine Le Pen arrivait au pouvoir, ne pensez-vous pas que, l'exercice concret du pouvoir faisant son effet et bien loin de faire "exploser le système", elle finirait par mener une politique de droite classique ?

Je ne me berce pas d'illusions. Marine Le Pen n'arrivera jamais au pouvoir seule. D'ailleurs qui y peut arriver seul ? Même le RPR a été obligé de se transformer en UMP pour phagocyter l'UDF et les satellites de droite. Je pense que MLP finira par obtenir un strapontin quelconque quand les partis actuels auront explosé (ce qui se profile manifestement au PS ou à l'UMP) et qu'il faudra reconstituer trois ou quatre pôles. Un peu comme le MSI italien (ancien parti néo-fasciste devenu un parti de droite classique) a muté pour entrer au gouvernement au gouvernement à Rome.

Quant à la politique qui sera mené je n'en sais fichtre rien. Un genre de "droite" à front de taureau (sans jeu de mots) ou une vraie politique patriote au service de la France et des Français ? Bien malin qui peut le dire... Cela dépendra de qui l'emporte au sein du bureau du Front, entre autres. N'étant pas d'un optimisme forcené je crains réellement le pire pour le pays dans les vingt ans qui viennent.

Si votre candidate n'est pas au second tour, que ferez-vous ?

J'irai voter, comme à chaque scrutin. Mais je voterai blanc : aucune voix pour les européistes.


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samedi 21 janvier 2012

Micro-trottoir 2012 : à 26 ans, Didier milite pour Villepin



[Ce texte est également disponible sur Marianne2]

Cet entretien a été réalisé dans le cadre du micro-trottoir 2012 de l’arène nue. Vous pouvez en consulter ici la rapide description, ainsi que les trois premiers volets (un, deux, trois). Je remercie vivement Didier, mon interlocuteur.
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Didier a 26 ans. Titulaire d’un bac + 5, il est en train de créer  une société spécialisée en informatique. Il est engagé dans la campagne de Dominique de Villepin.

Vous êtes l'un des responsables des "Jeunes Solidaires". De quand date votre engagement ? Est-ce le premier ?

Je suis responsable des jeunes dans le Sud de la France. Ce poste consiste à rassembler les jeunes autour de Dominique de Villepin. Mon engagement a commencé avec le Club Villepin. C'est mon premier, car je me retrouve dans le discours de ce candidat.

Vous voterez donc évidemment pour lui en avril 2012. Quelles sont les principales raisons de ce choix ?

Dominique de Villepin est le seul candidat qui pourra redonner à la France son statut. Il a montré par le passé qu'il était attaché à l'indépendance de notre pays, et son bilan de premier ministre montre qu'il pourra réduire la dette et relancer l'activité économique.

Ne pensez-vous pas qu'il contribue à l'émiettement des candidatures à droite, voire, comme on le lui reproche parfois, qu'il cherche à faire perdre Nicolas Sarkozy par animosité personnelle ?

Nicolas Sarkozy n'a besoin de personne pour perdre l'élection présidentielle. Il a un bilan catastrophique, la perte du AAA, la montée du chômage,...

Quelles sont celles des propositions de Villepin qui vous laissent penser qu'il pourrait vaincre le chômage ?

Le soutien aux PME avec une part modulable de l'impôt sur les sociétés qui récompensera les sociétés innovantes qui respectent la parité homme-femme. Avec une TVA sociale sur les produits importés quand le temps sera venu, et, par ailleurs, une part dégressive du revenu citoyen qui favorisa l'emploi ainsi que le pouvoir d'achat des Français.

Votre candidat s'est également prononcé pour la semaine de travail de 37 heures. On a déjà reculé l'âge de la retraite. Ne pensez-vous pas qu'allonger maintenant la durée de la semaine de travail serait impopulaire ?

Etant donnée la situation actuelle, des efforts seront indispensables. L’accroissement du temps de travail sera l’un des efforts demandés aux Français.
Mais ceux-ci ne seront pas les seuls à faire des efforts : ces efforts seront partagés aussi par la classe politique.

Où doit-on véritablement situer Villepin sur l'échiquier politique ? Est-il un candidat gaulliste ? Centriste ?


Il combat la logique des partis. Il se situe au dessus des partis. C'est le seul à proposer une unité nationale dans l'adversité de la crise. C'est le seul à proposer la rupture.
C’est donc un candidat gaulliste sans le moindre doute. Comme le général de Gaulle, il tient à l'indépendance de la France, notamment à la sortie de l’OTAN, par exemple.
Peut-être mettra-t-il même deux compteurs électriques comme le général ? De Gaulle avait en effet installé à l'Elysée deux compteurs EDF afin de dissocier ses frais personnels des frais de l'Etat. Sans doute Dominique de Villepin pourrait-il avoir la même honnêteté.

Puisque nous parlons du gaullisme… une alliance avec un autre candidat se réclamant du général, tel Nicolas Dupont-Aignan, ne vous semble-t-elle pas souhaitable ?

Dominique de Villepin ne s'alliera avec aucun candidat. Il tient à son indépendance. Dominique de Villepin veut aller à la rencontre des Français. Il est le seul candidat qui ait toujours été gaulliste.

Il semble pourtant que certains élus villepinistes soient davantage attirés par le centre que par le gaullisme. Il y a déjà eu des défections au profit de François Bayrou. Ne craignez-vous pas la force d'attraction actuelle de Bayrou ?

Bayrou, c'est un effet de mode. Certaines de ces défections sont dues au fait que ces personnes n'ont pas eu de poste dans l'équipe de campagne.

Je ne crois pas à la force d'attraction de Bayrou. On l’a vu en 2007, Bayrou a fait un bon score au premier tour de la présidentielle, mais il a été incapable de garantir l'unité dans son parti. Bayrou ne pourra pas rassembler les Français et les sondages ne signifient rien à cette époque. Regardez Chirac en 1995, initialement sondé très bas, et finalement vainqueur.

Je me permets une note d’humour : avez vous vu le film "La conquête", où le personnage de Villepin est très présent, ou la BD "Quay d'Orsay" de Lanzac et Blain ? Pensez-vous que votre candidat inspire les artistes ?

Malheureusement je n'ai pas eu le temps de voir « La conquête ». Notre candidat inspire les artistes et continuera de les inspirer durant la campagne. Je vous donne rendez-vous d'ici un mois.

Dans le cas où votre candidat ne figurerait pas au second tour, que décideriez-vous ?

Je n'imagine pas cette éventualité. Pour moi il sera au second tour car les sondages disent ce qu'ils veulent.  Dans un sondage il a atteint 8%. Il est trop tôt pour faire confiance aux sondages. Au deuxième tour je voterai Dominique de Villepin.

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Micro-trottoir 2012 : Pour Dominique, ce sera sans doute Philippe Poutou  CLOUCK
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vendredi 20 janvier 2012

Ecologie: halte aux pandas chinois, vive l'oryctérope belge !




[Ce texte est également disponible sur Causeur.fr]

Décidément, on nous aura saturé le bulbe cognitif avec l’affaire des « pandas-Sarkozy ». Ces deux bouffeurs de bambous, transférés de la Chine à la France à bord du Boeing « panda express » pour la modique somme de 750 000 euros, vont désormais mâchonner de la verdure dans nos contrées hostiles.

Le côté pompidolien de notre président de la République et son aptitude à s’accorder les faveurs d’une Chine dont on espère qu’elle finira par prendre en charge notre colossale dette publique, s’en trouve conforté. En effet, nous dit Le Monde, « Yuan Zi et Huan Huan sont les premiers pandas accueillis en France depuis 1973, quand la Chine maoïste avait offert un couple à la France de Georges Pompidou ».

Notons au passage que les Chinois sont drôlement coquins : quand ils nous offrent  (ou louent) des ursidés, ils nous fournissent systématiquement « un couple ». Notons également que l’amitié franco-chinoise prime ici le souci d’intégration de ces bestioles immigrées : Yuan Zi et Huan Huan, ça sonne tout de même un peu moins français que Jean-Claude et Odette, par exemple.

Bref, on a fait grand cas de l’arrivée sur notre sol de ces placides herbivores diplomatiques. Mais ce faisant, nous avons omis un évènement bien plus singulier. Car pendant que la France devenait la meilleure amie du Parti communiste chinois, le royaume de Belgique, demeurait ce qu’il a toujours été, y compris dans le domaine animalier : le pays du surréalisme.

C’est en effet dans la plus grande indifférence que la Belgique a vu naître en captivité, le 6 janvier 2012, un petit oryctérope. Nuru – oui, je sais : ça sonne moins belge qu’André – né au zoo d’Anvers, est seulement le dixième spécimen de son espèce en cinquante ans à venir au monde au sein du parc animalier. De surcroît, on apprend que la plupart de ses aînés ont crevé, ce qui n’est pas tellement étonnant. Avec la tête qu’ils ont, on doute que ces abominables petits êtres soient véritablement adaptés à la vie sur la planète Terre.

L’oryctérope est en effet une bestiole à peine imaginable. Chantant les louanges d’Alexandre Vialatte dans le magazine Causeur de novembre 2011, François-Xavier Ajavon [1] nous rappelle ces mots de l’auteur : « cette chronique a toujours fait le plus grand cas de l’oryctérope (…) il a un groin de cochon et des pieds de kangourou, des oreilles d’âne et une mâchoire de crocodile. Sa chair sent la fourmi ».

A lui tout seul, l’animal de nuit est en effet une ode à ce que la laideur peut compter de plus invraisemblable, de plus fascinant, de plus hypnotisant. Regarder un oryctérope, son museau de porc, ses oreilles de lièvre, sa peau plissée et glabre, c’est assurément ne plus pouvoir en détacher le regard. La bête concentre en elle le comble de la disgrâce et la douceur touchante de l’immense fragilité. On pourrait d’ailleurs croire que cet être constitue une Error 404 de la part de notre créateur. A moins que ce ne soit un trait d’esprit, une farce, une mise à l’épreuve. Pourtant, on ne peut s’empêcher d’éprouver une immense bouffée de tendresse pour cette chose ignoble, langoureusement abandonnée dans les bras d’un zoologue belge et stupidement confiante dans la capacité de l’homme à assurer son inutile survie.

Souhaitons à l’atroce Nuru une bonne arrivée sur le sol européen. Puisses-tu, sale bête, croître et devenir adulte. Ta simple apparence suffit à prouver que « Dieu est humour ». J'espère te rencontrer un jour, monstruosité polymorphe. Je te cajolerai alors de tout mon cœur d’être humain imbécile.


[1] François-Xavier AJAVON, Alexandre le grand, Causeur – novembre 2011

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mercredi 18 janvier 2012

Micro-trottoir 2012 : pour Dominique, ce sera sans doute Philippe Poutou




[ Ce texte est également disponible sur Marianne2 ]

Cet entretien a été réalisé dans le cadre du micro-trottoir 2012 de l’arène nue. Vous pouvez en consulter ici la rapide description, ainsi que les deux premiers volets (un, deux). Je remercie vivement Dominique, mon interlocuteur.

***

Dominique a 61 ans. Il est enseignant-chercheur, et souhaite, lors de l’élection présidentielle de 2012, à voter pour Philippe Poutou, le candidat du Nouveau parti anticapitaliste (NPA).

Vous êtes partisan, pour l'élection présidentielle, du candidat du NPA, Philippe Poutou. Qu'est-ce qui motive votre choix ?

Philippe Poutou représente un courant dont je sais qu'il ne passera aucun compromis avec le Parti Socialiste, ni en termes d'alliances électorales, ni en termes de participation gouvernementale.
Il est internationaliste... et fait confiance aux capacités d'émancipation des acteurs eux-mêmes...Le NPA - même en difficulté - est le plus proche de mes propres convictions

Justement, comme vous le dites, le NPA est en difficulté. Philippe Poutou est sondé entre 0 et 0,5%. La présidentielle étant une élection très "personnalisée", ne pensez-vous pas que le charisme d'Olivier Besancenot fait aujourd'hui défaut ?

Bien sûr, en termes de représentation  Olivier Besancenot était nettement plus adapté... mais son retrait est aussi lié aux erreurs politiques du NPA lors des dernières échéances électorales, notamment à son choix de l’isolement. Le choix de Poutou n'est pas facile à cause du vote utile à la gauche de la gauche, en faveur de Mélenchon.
Mais le Front de Gauche charrie trop d'ambiguïtés en particulier quant à sa position par rapport au PS, et quant à son…son "nationalisme ".

Justement, si l'isolement a desservi le NPA par le passé, pourquoi vouloir à tout prix demeurer seuls. La "Gauche unitaire" n'a-t-elle pas choisi de s'éloigner de Besancenot pour donner sa chance à Mélenchon ?

Votre argument tape juste. D’ailleurs, les élections sont dans trois mois, donc je peux changer mon vote...
Mais il me semble qu'au delà d'un ton qui passe bien, la campagne de Mélenchon, pour le moment ne se prononce pas sur le positionnement après les élections, reste sur des positions très protectionnistes, pas claires sur les institutions et les formes de lutte possible...Comme s’il s’emblait acquis que, le capitalisme étant en voie de décomposition, il suffisait d’attendre que le fruit tombe..
Bref, pour l’heure, je suis partisan de Poutou, mais je ne suis pas sectaire ! Par ailleurs, j’ajoute que j’aime bien la formation de Clémentine Autain, la FASE (fédération pour une alternative sociale et écologique).

Un rapprochement avec Lutte Ouvrière et Nathalie Arthaud vous semble-t-il possible ?

Ce serait souhaitable, mais il faut que je remonte loin dans mes souvenirs militants pour l'imaginer possible... l'histoire de l'extrême-gauche en France ne me rend pas optimiste...

Qu'est-ce qui différencie tant le NPA et Lutte Ouvrière (LO), et qui pourrait empêcher un rapprochement ?

Vu de loin, rien ! LO est resté fidèle à une histoire et une ligne politique très rigide : attendre que les conditions soient réunies pour une révolution socialiste "classique", demeurer un parti d'avant-garde, prendre le pouvoir, organiser la classe ouvrière.
Par ailleurs, ses militants se méfient de toutes les tentations petites bourgeoises que constitueraient les luttes périphériques : féminisme, écologie…
Le NPA - au moins dans ses intentions - se voulait ouvert aux différents courants de radicalisation : immigrés, femmes, écologie, altermondialisme... et surtout voulait expérimenter de nouveaux modèles d'organisation et de débat. Son échec est donc une très mauvaise affaire...

Vous parlez beaucoup d'internationalisme et semblez vous méfier de ce que vous appelez le "nationalisme" Mélenchon. La Nation n'est-elle pas le cadre idéal pour organiser la lutte sociale ?

Aujourd'hui les luttes doivent obligatoirement se penser européennes au moins...internationales dans certains cas...

N'y a-t-il pas un paradoxe entre l'idée révolutionnaire, et le fait de se présenter à une élection en respectant les règles "normales" du jeu démocratique ?

Oui, mais c'est un débat qui date un peu, car l’élection présidentielle est une tribune exceptionnelle pour de toutes petites formations, que personne n'entend sinon, dans les médias officiels

Il semble peu probable que votre candidat soit au second tour en mai 2012. Que comptez vous faire alors ?

Pour le second tour je voterai contre Sarkozy, Le Pen, Bayrou... donc pour Hollande, Mélenchon ou… Poutou (!!)...

Vous seriez donc prêt à voter pour Hollande ?

Vous êtes vraiment dure… !
En tant qu’homme, Sarkozy est insupportable... pas Hollande.

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vendredi 13 janvier 2012

Micro-trottoir 2012 : pour Jérôme, aucun doute, c'est Mélenchon.



[ ce texte est également disponible sur Marianne2 ]

Cet entretien a été réalisé dans le cadre du micro-trottoir 2012 de l’arène nue. Vous pouvez en consulter ici la rapide description, ainsi que le premier volet. Je remercie vivement Jérôme, mon interlocuteur.
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Jérôme a 47 ans. Après avoir enseigné vingt ans dans une ZEP, il est aujourd’hui écrivain, et vit dans le Nord-Pas-de-Calais. Militant de longue date, il a d’ores et déjà arrêté son choix : en 2012, il votera pour le candidat du Front de Gauche, Jean-Luc Mélenchon.

Coralie Delaume. Votre choix en faveur de Jean-Luc Mélenchon semble ferme et définitif. Qu’est-ce qui le motive ?

Jérôme. Je suis adhérent au Parti communiste français (PCF). Je suis juste un militant de base et j'ai fait partie de ceux qui, au sein du parti communiste, ont milité pour une stratégie unitaire, celle du programme partagé avec les autres composantes du Front de Gauche (FDG) : le Parti de Gauche (PG) de Mélenchon ou encore Gauche Unitaire.

La stratégie du FDG a d'ailleurs plutôt bien fonctionné depuis 2009 en affirmant la présence d'un pôle de « la gauche de la gauche » aux Européennes, aux Régionales et aux Cantonales où il a tout de même frôlé les 10% dans une relative indifférence médiatique.

Pour ces présidentielles, qui sont - et je le déplore - des élections personnalisées à l'extrême, il me semble que Mélenchon, avec ses qualités de débatteur et d'orateur est le mieux à même de porter le programme du FDG.

Justement, la présidentielle étant autant le choix d'un homme que celui d'un programme, ne craignez vous pas que le caractère emporté de Mélenchon n'éloigne de lui bon nombre d'électeurs potentiels ? N'en fait-il pas un peu trop ?

Je ne crois pas. Les médias dominants ont tendance à caricaturer les candidats qui soutiennent des programmes réellement alternatifs. Je me souviens notamment d'un véritable choc frontal entre Jean-Michel Aphatie et Mélenchon sur RTL, à propos de la réforme des retraites. Aphatie était tout surpris de se retrouver avec, en face de lui, un homme qui osait dire, et de manière argumentée, chiffrée, qu'il y avait d'autres solutions que celles présentées comme allant de soi et allant évidemment dans le sens d'une régression sociale.

De toute façon, quand on porte un programme comme celui du FDG à la fois radical et réaliste, il faut être très combatif. Que ce soit Mélenchon ou les militants.

On constate actuellement un gros succès de Marine Le Pen auprès des couches populaires. Comment expliquez-vous que l’audience de votre candidat soit moindre que la sienne auprès de cet électorat ?

Je pense que vous posez la question centrale. Si le FDG entame une lente mais régulière montée dans les sondages, on reste très loin des scores du FN. Et pourtant, de fait, son électorat est potentiellement le nôtre. Je dirais même que Marine Le Pen nous l'a en grande partie piqué. Pas elle seule, mais le FN, depuis le déclin électoral du PCF, notamment.

Les socialistes ayant dans leur grande majorité fait le deuil de cet électorat là, les Verts ne s'y étant jamais intéressés, il ne reste que Mélenchon et le FDG pour le reconquérir et faire comprendre aux couches populaires que ce n'est certainement pas le voisin arabe qui a décidé de délocaliser l'usine du coin.

Et qu'au bout du compte, si le FN est un jour en position d’entrer dans un gouvernement, ce ne sera certainement pas dans un gouvernement de gauche... Je persiste à penser que le Front « marinisé » et « social » est le faux nez  temporaire d'une droite dure.

Certes. Mais, si ce n'est pas le voisin arabe qui fait délocaliser les usines, il demeure que des électeurs, de plus en plus nombreux, éprouvent un sentiment "d'inquiétude culturelle". Ne pensez-vous pas qu'à vouloir ignorer cela et à préconiser la régularisation de tous les travailleurs sans-papiers, Mélenchon se barre la route d'un vote massif en sa faveur ?

C'est un vieux débat, finalement. D'une part, je pense que l'inquiétude culturelle - que je ne nie pas ou plus - est la conséquence de l'inquiétude sociale. Les réflexes de panique identitaire, aujourd'hui, outre qu'ils sont savamment entretenus par un Claude Guéant, par exemple, dont le discours est de la pure provocation, sont ceux de gens qui ont tout perdu, économiquement mais aussi, justement, culturellement, comme une certaine fierté ouvrière qui était celle - qui est celle encore aujourd'hui - de ma région, le Nord-Pas-de-Calais.

Alors on peut focaliser sur un islam intégriste ultraminoritaire dans les cités, ou sur des truands armés de kalachnikovs pour faire oublier que le problème aujourd'hui, c'est que dans un pays aussi riche que la France, les inégalités se sont creusées, que des millions de Français vivent en dessous du seuil de pauvreté et se rationnent sur les soins. 

Rétablir l'ordre et la sécurité, c'est à dire la justice, c'est aussi le programme du FDG. Seulement ça ne passe pas par les indécents tableaux de chasse du ministère de l'Intérieur sur les expulsions. Au contraire. Un tel système ne peut prospérer que sur la peur et les enfermements communautaristes qu'on feint de combattre mais qu'on entretient comme repoussoir. 

Etre républicain de gauche, c'est-à-dire, aujourd'hui, voter FDG, ce n'est pas être contre la burqa seulement. C'est être contre la burqa ET estimer qu'un SMIC à 1700 euros brut tout de suite est indispensable. C'est articuler, précisément, les réponses aux inquiétudes économiques et culturelles.

Même Guéant a reconnu que l'immigration et l'insécurité n'étaient plus la première peur des français. La première peur des Français, c'est survivre dans une crise financière qu'on leur fait payer en démantelant l'Etat providence. Et le seul candidat, s'il était élu, qui a compris cela et agirait en conséquence, c'est Mélenchon.

En 2007, Ségolène Royal avait plaidé pour un SMIC à 1500 euros. Par la suite, elle a convenu elle-même qu’elle n'y croyait pas...N'est-ce pas là une proposition purement démagogique ?


Le SMIC à 1700 euros est une proposition parmi d'autres. La différence entre Ségolène Royal et nous, c'est que nous, nous sommes de gauche. Et comme le dit fort justement notre économiste Jacques Généreux, "nous savons faire".

Là aussi, c'est une question de volonté politique. Par exemple, le SMIC à 1700 euros brut devient tout à fait réaliste si, dans le même temps, la loi sur un salaire maximum est votée.

Vous dites qu'être républicain de gauche aujourd'hui, c'est voter Front de Gauche. Voter socialiste serait donc antirépublicain et de droite ?

Sûrement pas. Les électeurs et même nombre d'élus socialistes sont respectables. Très même. Le problème est que voter socialiste aujourd'hui, c'est prendre le risque de cautionner, avec un peu de sucre autour (et encore), la même politique libérale et européiste qui a conduit à la situation que nous connaissons.

En revanche quand Eva Joly commence à proposer des jours fériés pour de nouvelles fêtes religieuses, juives ou musulmanes, là, on est franchement dans une certaine haine du modèle républicain français.

Dans l'hypothèse où votre candidat ne serait pas au second tour, s’il appelle à voter pour François Hollande, le suivrez-vous ?

Mon principal souci sera de battre la droite libérale, en tout cas, celle qui propose de continuer sur la même voie sans issue. D’ailleurs, ce sera plus facile de voter pour Hollande  que ce l'aurait été pour Dominique Strauss-Kahn.

Ensuite, voter pour Hollande au second tour avec un Mélenchon à 7%, 9% ou 15% n'aura pas du tout la même signification. Plus le score du FDG sera haut, plus cela signifiera que le candidat socialiste devra faire avec nous et nos propositions s'il veut un report indispensable à sa victoire. Pour faire vite, en votant Mélenchon au premier tour, même si on est socialiste par exemple, on est dans le vote utile puisqu'on oblige la gauche à être plus...de gauche.

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