« Elle s'appellerait Claudine Dupont, elle ne serait peut-être pas là ». Cette phrase, décochée par Ségolène Royal en direction de Najat Vallaud-Belkacem [NB : un démenti est à signaler], mériterait de figurer au palmarès des meilleures citations d’une éventuelle Claudine Du-con, si elle existait.
En sous-entendant que la ministre du Droit des femmes ne l’est devenue que par la grâce de ses origines et via les lois pernicieuses de la discrimination positive, Royal inflige une gifle à son ancienne protégée, ainsi qu’à tous ceux qui, républicains convaincus, croient encore que le mérite surpasse de très loin « l’appartenance minoritaire » dans la hiérarchie des bonnes raisons d’entrer au gouvernement.
Ségolène Royal devrait le savoir mieux que personne, elle qui fut ministre pour la première fois au début des années 1990. A moins bien sûr qu’elle n’ait été nommée que parce qu’elle était femme, ce qu’on a presque envie d’insinuer perfidement, tant la pasionaria du Poitou est habile à user la bienveillance qu’on aimerait lui accorder, et à réduire en charpie le capital de sympathie dont elle jouit.
Hélas, Ségolène Royal va plus loin encore. Elle ajoute ainsi que Najat Vallaud-Belkacem « doit assumer son identité et en être fière ». D’abord, on se demande bien ce qu’il y a à « assumer » dans une identité. Y en a-t-il qui soient spécialement honteuses pour qu’on ait à enjoindre autrui « d’assumer » ? Quant à en être fière, admettons. Mais cela s’applique-t-il seulement aux natifs du Maroc, ou les Ardéchois et les Berrichons ont-il le droit de revendiquer la même « fierté » ?
Finalement, que faut-il comprendre lorsque Royal affirme que « Najat doit être là pour ça » ? Qu’elle est la basanée de service et qu’elle est priée de s’en tenir là quant à ses ambitions ?
Décidément, c’est avec la lourdeur de l’éléphant que « Ségolène » s’effondre dans le piège de la « gauche diversitaire ». Cette gauche qui - tout comme son négatif photographique, la droite identitaire - assigne à résidence communautaire, réduit, écrase alors qu’elle prétend « libérer ». Cette gauche qui conspue Les cabinets blancs de la République cependant que de l’autre côté, on compte les Noirs et les Arabes. Cette gauche qui, avec les meilleures intentions du monde - celles-là mêmes dont l’Enfer est pavé - valide l’utilisation ad nauseam du critère ethnique, se comportant ainsi comme « l'idiote utile » d'une droite différentialiste qu'elle croit combattre.
Surtout, ce que l’ancienne candidate à la présidentielle ne peut ignorer pour l’avoir elle-même « lancée » en 2007, c’est que la porte-parole du gouvernement fait parti de cette poignée d’enfants d’ouvriers passés par Sciences-Po. Ils étaient 4,5% en 2011. C’est peu. Mais alors que Najat Vallaud-Belkacem achevait ses études, ils étaient…trois fois moins. De cela, il est certain qu’elle peut s’enorgueillir, car ça s’appelle le mérite et ça doit bien plus au talent et au travail qu’au hasard des origines.
Voilà qui tend en tout cas à prouver que l’école de la République, quoiqu’elle soit un peu cassée ces dernières années, a pu rendre en son temps de bons et loyaux services. Il ne fait guère de doute que les heureux bénéficiaires de cette Institution parviennent sans peine à « l’assumer » et à « en être fiers ».
Car la pente est plus raide pour les enfants du peuple que pour les héritiers, quelle que soit le pays natal des uns et les origines ethniques des autres. En général, ceux qui la gravissent en dépit des obstacles sont taillés pour la course. Du coup, ils sont vraiment « là pour ça ».
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