Hormis
ceux qui s'imaginent encore que cette belle et bonne monnaie est un
facilitateur d'amitié entre les peuples et
une
prémisse à
l'installation d'un éternel été
en Europe, les
autres, ceux qui ont compris
- qu'ils s'en réjouissent ou le déplorent - que l'euro est une bête
agonisante, tendent
encore
trop à croire que le
vent de la désintégration sera un vent du Sud.
Entre
une
Espagne
sans
gouvernement qui
retourne au urnes le 26 juin, une Italie malade de ses banques et de
sa dette obèse
(2.200
milliards d’euros, 132 %
du PIB), une
crise grecque qui refait surface sur fond de chantage de l'ex-Troïka
et
d'un
début d'asphyxie
financière,
on sent en effet que l'Europe du Sud a un potentiel cataclysmique
certain.
Mais
question cataclysmie,
le Nord de l'eurozone ne sera pas forcément en reste. Contrairement
à ce que l'on croit, certains pays, y compris parmi ceux qu'on a
l'habitude de considérer comme des modèles de vertu économique et
de bien-être des populations,
s'y portent mal.
C'est
le cas de la Finlande car ô surprise, un pays scandinave peut tout à
fait connaître une croissance nulle. Dans celui-ci,
on a même
connu
la récession. Le
PIB s'est contracté de 1,5%
en 2012,
de
1,2%
en 2013 et de
0,2%
en 2014, avant
un rebond timide (+ 0,3%) en 2015. Sa dette publique ferait pâlir
d'envie n'importe quel obsessionnel de ce que
le juriste Alain
Supiot appelle « La
gouvernance par les nombres »
puisqu'elle
atteint à peine le seuil létal - au sens maastrichien du terme - de
60% du PIB. Sauf... qu'elle a presque doublé en huit ans. En 2008,
on en était à peine à 33 %. Pour
le reste, le pays se désindustrialise, le taux de chômage est monté
en flèche (9,2 %
en février),
et le gouvernement, qui n'a guère
plus d'imagination que n'importe quel autre gouvernement européen,
s'occupe
de concevoir
des plans d'austérité.
Dans
ces conditions, il n'était qu'à demi surprenant de voir la Finlande
figurer parmi les « faucons » dans les négociations avec
la Grèce à l'été 2015. Le ministre des Finances allemand, on s'en
souvient, avait tenté de faire procéder à un « Grexit
temporaire » d'une durée de cinq ans. Ce qu'on a peut-être
oublié en revanche, c'est qu'à
l’initiative des Vrais Finlandais, le Parlement finlandais
avait
demandé à
son
Premier ministre
detout faire pour obtenir un Grexit -
pas forcément temporaire - lors
du sommet de
la zone euro de début juillet 2015.
On
touche là au
vice
de construction
de la
monnaie unique,
monnaie fédérale gérée par une Banque centrale fédérale, mais
en
l'absence de tout État fédéral. Et
d'ailleurs, de
tout désir des populations d'en fonder un. Car inventer des usines à
gaz économico-institutionnelles sur un coin de table demeure facile.
Décider de mettre en place une monnaie unique pour 19 pays très
différents est absurde, irresponsable, mais techniquement
réalisable.
La preuve : l'euro est là. En
revanche, contraindre
un pays scandinave - qui de surcroît se porte mal - à éponger la
dette publique d'un pays des
Balkans, est nettement
plus acrobatique.
Les
Finlandais n'ont d'ailleurs pas attendu l'arrivée de Syriza et
d'Alexis Tsipras au pouvoir en Grèce pour affirmer qu'ils n'en
feraient rien. En
2011, Helsinki avait accepté de participer à ce qui n'était encore
que le second plan d'aide à la Grèce. Mais non
sans exiger
un accord bilatéral avec Athènes, visant à lui garantir quoiqu'il
arrive le remboursement des sommes prêtées. En 2012, au
sujet du MES (Mécanisme européen de stabilité) et de sa vocation à
racheter de la dette souveraine de pays d'Europe du Sud en
difficulté,
la
Finlande
avait encore donné de la voix. La ministre des Finances d'alors,
Jutta
Urpilainen, avait prévenu : « La
responsabilité collective pour les dettes et les risques d'autres
pays n'est pas ce à quoi nous devons nous préparer (…). La
Finlande s'est engagée à être un membre de la zone euro et nous
estimons que l'euro est bénéfique pour la Finlande. Toutefois, la
Finlande ne s'accrochera pas à l'euro à n'importe quel prix et nous
sommes prêts à tous les scénarios, y compris à abandonner la
monnaie unique européenne »
. On peut difficilement être plus clair.
Quatre
ans plus tard, rien n'est réglé. Ni
pour un
pays comme
la Grèce, maintenue sous une pression austéritaire à la limite de
la persécution et à laquelle on refuse une restructuration de sa
dette, ni pour
les pays créanciers, qui voient se profiler les défauts souverains
au
Sud, et qui se sentent ainsi contraints par avance à une solidarité
financière de type fédéral dont ils ne veulent à aucun prix.
Voilà
pourquoi en Finlande, le débat sur une éventuelle sortie de l'euro
vient de resurgir. Dans ce pays, une pétition peut aboutir à un référendum à
condition d'une part qu'elle obtienne plus de 50 000 signatures,
et, d'autre part, que le Parlement accepte d'organiser la
consultation.
La seconde condition ne sera probablement pas remplie.
En tout état de cause, la première vient de l'être, puisqu’une
pétition comportant
53 000 paraphes
vient de parvenir aux députés finlandais. Un élu en a d'ailleurs
profité pour formuler ce jugement exact
:
« l'euro
est trop bon marché pour l'Allemagne et trop cher pour le reste de
l'Europe. Il ne remplit pas les exigences d'une union monétaire
optimale ».
Quand bien même il s'agit de Simon Elo, un député du
parti de droite « populiste » des
Vrais Finlandais, on ne peut nier qu'il a raison, aussi sûrement que
le soleil chauffe et que la pluie mouille.
C'est
bien
la raison pour laquelle la monnaie unique européenne est condamnée.
Parce qu'elle bénéficie à une seule
économie,
l'économie
allemande,
et qu'elle nuit à toutes les autres. On aurait invité
les Finlandais de se prononcer par référendum sur l'adoption de
cette devise, peut-être auraient-ils voté « non », tout comme leurs voisins danois en 2000, et suédois en 2003.
A défaut, peut-être seront-ils in
fine
les initiateurs qu'on n'attendait pas du salutaire détricotage de
l'eurozone,
ce grand cadavre à la renverse.
Article initialement paru sur le Figarovox.
Il n'est pas si sûr que cette si mirifique monnaie profite même à l'Allemagne. Elle lui permet évidemment d'amasser des excédents considérables mais et alors ?!?... Quelques compagnies allemandes s'enrichissent, quelques Allemands aussi, certes, mais l'Allemagne ? mais le peuple allemand ?
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