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dimanche 10 avril 2011

Valérie Pécresse, ou le féminisme à visage humain






« Dans ma bibliothèque » est un petit blog vidéo dont l’objet est de faire découvrir aux internautes les goûts littéraires et musicaux de personnalités. C’est là que je suis tombée, sidérée, sur cette caricature d’autopromotion par la vacuité mettant en scène Valérie Pécresse « dans sa bibliothèque ». Le spectacle d'un ministre de la République se prêtant sans vergogne au simagrées inventées par quelques communicants manifestement pervers pose en effet quelques questions sur la manière dont les  grands commis de l'État envisagent désormais "l'incarnation" de leur fonction.

Accueillant une petite équipe vidéo dans la fausse intimité d’un intérieur désincarné, la ministre tirée à quatre épingles enfile les poncifs comme des perles, en nous présentant ses lectures très « romantico-popu », dans une attitude hyper-empruntée que l’on eût volontiers attribué, de prime abord, à une grande bourgeoise ne s’encanaillant jamais au-delà de la lecture d’un Jane Austen.

Rien de très « british gentry », pourtant, dans la bibliothèque de Valérie Pécresse. Ce qui n’empêche pas que l’on y trouve avant tout, comme elle nous l’annonce satisfaite, « des livres de femmes ». Et d’apprendre, un peu incrédule, qu’ils « la racontent ». « N’en déduisez pas que je suis féministe, vous auriez raison » prévient l’hôtesse : ça promet d’être bigrement subversif !...

Parmi ces ouvrages « un barrage contre le Pacifique » de Margueritte Duras, hommage à « l’esprit de résistance », dont on imagine combien il doit être familier à Mme Pécresse. Celle-ci décrit l’ouvrage comme une sorte de « mythe de Sisyphe vu par les femmes » dont on restera longtemps à se demander en quoi il peut bien différer du mythe de Sisyphe « lambda », vu par les hommes. Vient ensuite « le bébé » de Marie Darrieussecq, qui exalte « la maternité comme on la voit toutes, c'est-à-dire cette merveille », quoiqu’en puissent dire les Badinter de tout poil et autre pisse-froid qui nous rebattent les oreilles avec les nausées du premier mois, les douleurs de l’accouchement et les vergetures post-gestation. Enfin, « la joueuse de Go » de Shan Sa, est l’un des innombrables livres étrangers qui témoignent s’il en était besoin de l’ouverture d’esprit de Valérie Pécresse : éprise de world-culture, cette aventurière de la première heure avoue raffoler de « l’exotisme ». Surtout lorsqu’il est vécu loin des dangers du paludisme et des Jivaro coupeurs de têtes, même si « rien n’est jamais plus beau qu’une touriste blonde (…) juste avant que sa tête dans la jungle ne tombe » (Muray).

Féministe ? Assurément. Ce n’est pas Pécresse qui nous recevrait dans sa cuisine au milieu de sa batterie de casseroles comme le fit "l'épucurien" Hervé Morin le 1er janvier. Pourtant, il n’y a pas que des « écrivaines » dans la bibliothèque de la ministre.  Il y a aussi des hommes. « J’en ai retrouvé », jubile-t-elle en brandissant…des CD de musique ! Chez les Beauvoir du XXI° siècle, l’humanité est en effet coupée en deux. Les femmes, tendres et rêveuses se languissent en écrivant des vers pour exprimer le trouble qui les étreint au doux soleil de la fin du jour. Les hommes, solides et rugueux braillent en jouant de la gratte. Et comme « sans la voix des hommes, on n’y arriverait pas », Pécresse a choisi Léonard Cohen et sa « voix de basse exceptionnelle ». Pas bégueule, elle a aussi choisi Renaud, ce motard tatoué qui aimait Mitterrand et conspuait Thatcher : on vous avait prévenu que ce serait subversif.

Arrivent enfin les films, au premier rang desquels « le père Noël est une ordure », qu’on regarde en famille chez les Pécresse et dont on récite les dialogues par cœur. Ah, que ça fait chaud au cœur ce côté « comme tout le monde » ! Suffisamment « popu » pour nous venter les mérites d’un film « franchouillard » avec l’Encyclopédia Universalis arrière plan quand nous nous attendions plutôt à l’œuvre complète de Fellini avec le Littré en toile de fond. Suffisamment trans-générationnelle pour avoir fait l’impasse sur le trop récent « bienvenue chez les Chtis », mais pas suffisamment « plouc » pour avoir déballé ses « bronzés font du ski »…

On poursuit la séquence sur « Casablanca », « THE film d’amour » parce que, personnalité dense et complexe, traversée de contradictions et de combats intérieurs, l’oratrice est « féministe, mais romantique ». Puis on achève sur « vas, vis et deviens », « beau film sur la tolérance » et sur « la différence » qui narre l’histoire d’un « petit africain » se faisant passer pour un juif : pour le couplet sur l’exotisme, voir supra.

Avant que la caméra ne s’éteigne laissant le spectateur plongé dans un abîme de perplexité, on apprendra que Valérie Pécresse rêve quant à elle de découvrir la bibliothèque de Luc Besson. Ce qui témoigne combien la ministre n’a pas feint, et combien elle possède l’authentique imagination des vrais artistes : pour concevoir que Besson puisse posséder une bibliothèque, il faut avoir une certaine appétence pour la fable.

2 commentaires:

  1. Vous excellez dans l'exercice, délicat, de la satire. Puisque la vôtre fait entendre une petite musique, nous la nommerons « satire mélopée ».
    Note : on ne vous lit plus chez Causeur. Mécontentement ? Désaccord ? Irritation ? Vous y commentiez pourtant fort bien…

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  2. Cher Patrick,
    Je ne suis toujours pas abonnée à Causeur. Or les commentaires ne sont plus accessibles aux simples "passants"...
    En ravanche, j'achète parfois le magazine au numéro. Vous signez un article dans le dernier...

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