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jeudi 4 août 2011

Marine Le Pen à l'école de la République





Marine Le Pen se repose peu. La dernière sortie du "vieux" relative au drame norvégien ayant achevé de gâcher sa villégiature en Bretagne, l’héritière s’est remise au travail. Elle poursuit son œuvre d’exhumation et de remise à la mode des thématiques favorites de ceux que l’on nomme " souverainistes ", mais qui furent plus élégamment baptisés "nationaux-républicains" par Henri Guaino.

Il est vrai que le succès sondagier de "Marine" s’étiole quelque peu ces derniers temps. A-t-elle d’ores et déjà poussé trop loin son travail de dédiabolisation du Front national au point d’en gommer le caractère sulfureux qui fait tout son sel ? Plus simplement, comme le suggérait récemment Pascal Perinneau, s’est-elle lancée trop tôt dans une campagne de longue haleine au risque de lasser par excès d’exposition médiatique ?

Quelle que soit la réponse, Marine Le Pen semble vouloir se renouveler. Après avoir proposé la sortie de l’euro, vilipendé le "mondialisme" comme d’autre réclament la démondialisation, abondamment cité les travaux de Jacques Sapir et s’être approprié ceux d’Emmanuel Todd, la patronne frontiste paraît sur le point de faire sienne un autre volet phare de la doxa républicaine: celui relatif à l’éducation. Ainsi, le 2 aôut, par le truchement de son compte Twitter, M. Le Pen annonçait : "je prononcerai en septembre un discours important sur l’école, entourée de professionnels et de professeurs".

Un grand discours sur l’école, voilà bien la dernière chose à laquelle le FN ancienne formule nous avait habitués. La patronne du Front se prépare-t-elle a faire l’apologie de l’enseignement privé et des écoles confessionnelles pour complaire à la frange "catho-tradi" de son parti ? Abandonnera-t-elle déjà son discours laïc pour affirmer, comme le fit Nicolas Sarkozy au Latran que "dans la transmission des valeurs et dans l’apprentissage de la différence entre le bien et le mal, l’instituteur ne pourra jamais remplacer le curé " ? Rien n’est moins sûr. En réalité, Marine Le Pen a déjà posé les jalons de sa réflexion sur l’école à l’occasion de son discours du 1er mai aux pieds de la statue de Jeanne d’Arc.

Dans cette harangue dont bien des passages ont laissé de marbre un public manifestement peu préparé, l'oratrice avait en effet glissé un passage sur l’école passé presque inaperçu dans les comptes-rendus médiatiques ayant relayé l’événement. Ainsi, face à une assemblée incrédule, M. Le Pen déclarait-elle, citant Condorcet et de fustigeant les pédagogistes : "l’apprentissage de la liberté se fait, vous le savez, dès l’école (…) l’enfant roi, et toutes les théories dramatiques colportées par les pédagogistes issus de 68, ont ruiné l’école, qui ne transmet plus le savoir comme c’est pourtant son rôle premier. (…) Le redressement de l’école passera par un relèvement des exigences (…): relèvement des exigences de niveau, relèvement des exigences de discipline, relèvement des exigences dans la transmission des valeurs". Voilà une saillie que n’auraient pas reniée les héritiers de Jules Ferry.

"Marine" affirme vouloir s’entourer de  spécialistes  pour nourrir ses réflexions sur l’école. Il semble acquis qu’elle ne jettera pas son dévolu sur un Philippe Meirieu, pédagogiste en chef, par ailleurs déjà préempté -en toute logique- par les bien-pensants d’Europe Ecologie Les Verts. On peut donc gager qu’elle se tournera plus volontiers vers la famille des " old-school ", ces chantres de l’exigence, du travail et du mérite que d’aucuns s’appliquent à ringardiser en les traitant de "nostalgiques des blouses grises". Dans son discours du 1er mai, entre autres intellectuels de talent, l’héritière faisait déjà une OPA aussi inattendue que tactiquement judicieuse sur Natacha Polony. Mais M. Le Pen pourrait également être tentée de s’inspirer du sémillant auteur de " La fabrique du crétin ", Jean-Paul Brighelli, d’ores et déjà suspecté par ses détraceteurs de " crypto-lepénisme ", comme il le déplorait en ces termes sur son blog :  " quand je dénonce la collusion objective des pédagos et des libéraux, tous favorables à l’éclatement du service public d’éducation (…) je fais certainement le jeu du FN ? Quand je déplore la substitution, à l’ambition de transmettre des savoirs, de la constitution de savoir-faire et de savoir-être je fais toujours le jeu du FN ? Dire la vérité, voilà qui fait le jeu du FN ?…"

On ne peut pas suspecter Emmanuel Todd, Jacques Sapir, Natacha Polony ou Jean-Paul Brighelli de "faire le jeu du FN" ou d’en "décontaminer la pensée" selon une expression désormais très en vogue. Il est facile et malhonnête pour les adversaires de leurs idées de "lepéniser" ces dernières, et de les discréditer au seul motif que Marine le Pen s’en est saisie. Nul ne peut empêcher cette dernière d’avoir les références qu’elle désire. Et l’on ne va tout de même pas se désoler qu’elle ne lise pas Mein Kampf !

Il est également commode et peu efficace de qualifier la doxa mariniste "d’attrape-tout", et de la rejeter en bloc au prétexte qu’elle tiendrait un "double discours", tout en s’entourant d’une garde rapprochée composée de la droite radicale la plus dure. C’est la thèse que défendent Caroline Fourest et Fiammetta Venner dans leur ouvrage, Marine le PenMais comment espérer sérieusement convaincre que la frontiste est insincère, à moins d’être dans sa tête ? Par ailleurs même si elle l’est, combien de politiques peut on gratifier de toujours penser ce qu’ils disent et de toujours faire ce qu’ils promettent ?

La seule question qui vaille d’être posée, à l’aune de l’entrée en campagne, est celle des raisons du succès de Marine le Pen, et d’un Front national que l’on envisage déjà au second tour de la présidentielle. Les thématiques de la démondialisation, de la sortie de l’euro, de la laïcité, et, demain, de l’école, portent Marine le Pen. Pourquoi la laisse-t-on seule s’en emparer ? Ceux, de gauche comme de droite, qui la désignent comme étant le Diable vont-il continuer à lui abonner les meilleurs morceaux comme ils abandonnèrent jadis la Nation et le drapeau à Le Pen père ? C’est hélas possible. Mais alors, si elle venait à gagner et s’il fallait chercher des responsables, nous serions en droit de leur demander des comptes.

Lire ou relire :
A l'école, moins d'éducation, plus d'instruction   CLIK
Front national, le nouveau parti de la liberté ?   CLAK
Biographie : C. Fourest et F. Venner versus Marine Le Pen  CLOK

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