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mardi 11 octobre 2011

Primaires citoyennes : et si la "modernité" changeait de camp ?




Les jours passent, et, avec eux, la surprise engendrée par le résultat du premier tour des « primaires citoyennes ». Pourtant, le « cas Montebourg » ne cesse de passionner, et ses manœuvres pour remplir son rôle de « faiseur de roi » sont étudiées à la loupe. La blogosphère bruisse de mille bruits. Pour certains, le député bressan est le sauveur de la gauche. Pour d’autres, il n’est qu’une baudruche ayant vocation à se dégonfler. Pour les uns, il devrait s’exprimer rapidement en vue du second tour. Pour les autres, il doit laisser libres ses électeurs et se garder de prendre position.

Du chantre de la VI° république, les médias traditionnels font également leurs choux gras. Le Figaro lui-même a cessé pour un temps de moquer l’atonie supposée de la gauche, et se voyait contraint, mardi 11 octobre, de consacrer son édito…à la démondialisation. Le texte contient d’ailleurs quelques aveux navrants. Goûtant à la facilité qui consiste à comparer Arnaud Montebourg à Marine Le Pen, son auteur assure : « l’un comme l’autre veulent faire croire aux électeurs que la France et ses 62 millions d’habitants sont encore souverains et peuvent agir à leur guise ». L’éditorialiste ne maquille même plus sa résignation morbide. Pour lui, notre pays est « une petite patrie », « plutôt déclinante », et n’ayant plus aucune prise sur sa propre destinée.

Mais cette mélopée sinistre qu’on lui sert depuis trente ans, la « petite patrie » semble n’avoir plus envie de l’entendre. C’est le sens du succès de candidat Montebourg. Il n’aura échappé à personne que l’homme bénéficiait du soutien discret mais sincère de Jean-Pierre Chevènement. A la mi-septembre, tous deux s’étaient même affichés à un colloque en compagnie du gaulliste Nicolas Dupont-Aignan. Et même s’il fut très peu question de l’Europe et de l’euro durant les débats du premier tour de la primaire, même si le « démondialisateur » n’a pas encore franchi le Rubicon monétaire, il demeurait le seul « impétrant » socialiste  capable de porter un discours proche de celui des « souverainistes ».

Davantage que le fort taux de participation au scrutin, cette convergence de soutiens improbables vers le "troisième homme" semble témoigner d’une soif de politique qui ne laisse de surprendre dans une « petite patrie déclinante ». Et de politique au sens noble, visant à redonner au peuple son pouvoir souverain, après l’avoir repris aux entités nébuleuses qui le lui ont volé, des marchés aux agences de notation, en passant par la Commission de Bruxelles. Or, pour assouvir cette soif politique, ce désir de réappropriation d’un destin collectif, nombreux sont ceux qui, temporairement au moins, sont prêts à faire l’impasse sur leur appartenance à « la droite » ou à « la gauche ». Le député de Saône-et-Loire a ainsi bénéficié des voix de quelques aficionados du "Ché", de fidèles de "NDA" et des suffrages de mélenchonistes.

Il arrive que par gros temps, le traditionnel clivage gauche/droite cesse d’être opérant. J’en osais déjà l’hypothèse dans les colonnes de Marianne2 il y a quelques mois : « peut-être faut-il tenter l’aventure d’un vaste ‘rassemblement républicain’ qui, faisant provisoirement fi des clivages habituels, réunirait tous ceux qui, de la gauche républicaine à la droite gaulliste, souhaitent rétablir l'autorité de l’État et réorienter la construction européenne ? ». Je me souvenais alors du candidat Chevènement, et de son « pôle républicain », qui avait réuni, le temps d’une campagne présidentielle à l’aube des années 2000, des « Républicains des deux rives ». Le résultat en fut décevant, mais l’histoire s’écrit sur le temps long. En 2002, le fruit était vert. Grâce à l’audace d’Arnaud Montebourg, il a rosi. Une secousse tellurique un peu plus forte que les autres dans l’eurozone, une explosion de la monnaie unique, et aussitôt, il sera mûr.

En attendant le « grand soir » Républicain qui nous fera sortir de l’Europe des traités et entrer enfin dans celle des Nations, on se satisfait avec joie de « petits soirs » télévisés. Car - et c’est en cela que ce scrutin aura été vraiment novateur - des idées ont été imposés dans le débat public, et il sera désormais bien difficile de les en faire disparaître. Pour les évoquer, on invite désormais Nicolas Dupont-Aignan dans des émissions phares du paysage audiovisuel français. Il était d’ailleurs excellent, samedi dernier, dans On n’est pas couché. Et, cependant que le ton devient aigre entre les finalistes de la primaire, Frédéric Lordon, chantre de la démondialisation financière, brille sur le plateau de Ce soir ou jamais, où il partage la vedette avec Emmanuel Todd.

Quelque chose s’est incontestablement passé dans la soirée du 9 octobre 2011. Et cela va bien au-delà d’un simple succès du Parti socialiste. Des thématiques qui furent longtemps moquées, méprisées, voire « lepénisées », sont à présent discutées. Les procès en « ringardise » cesseront peu à peu de produire leurs effets, et n’auront bientôt pour conséquence que de discréditer leurs procureurs. Il se peut même qu’un jour, la « modernité » et le « progrès » viennent à changer de camp. On peut en tout cas se risquer à l’espérer. Chiche !

Lire et relire:
Chevènement-Montebourg, pas de divergence sur le fond   CLICK
Lorsque Jacques Sapir propose la démondialisation   CLACK
Crise : trois présidentiables au chevet de l'euro   CLOCK
Peuple de gauche, es-tu là ?   CLOUCK

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2 commentaires:

  1. Oui, les tabous sautent et dès lors le débat devient plus intéressant. Dommage qu'il n'y ait qu'une semaine entre les deux tours des primaires.

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  2. ARAMIS Le mélenchoniste14 octobre 2011 à 02:13

    Mélenchoniste notoire ayant voté MONTEBOURG dimanche dernier, je me retrouve tout à fait dans votre excellent papier. Et comme la "modernité" devra changer de camp, on constate d'ailleurs déjà (Les réactions ringardes d'un Coppé et l'énervement de Sarko) que la peur semble, elle-aussi, changer de camp et c'est au grand bénéfice de la démocratie réelle. ARAMIS

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