Renaud
Beauchard est essayiste,
auteur de L'assujettissement des nations, controverses autour du règlement des différends entre États et investisseurs (Charles
Leopold Mayer, 2017) mais
également scénariste
et conseiller technique de la production de séries télévisées
panafricaines. Il
vient de publier un nouvel ouvrage visant à faire découvrir la
pensée du sociologue américain Christopher Lasch (Christopher
Lasch, un populisme vertueux, Michalon,
septembre
2018).
Il
revient aujourd'hui pour L'arène nue sur les écrits de cet
intellectuel atypique et radical, dont la philosophie est d'une
étonnante actualité.
****
Vous
venez de publier un ouvrage Christopher Lasch. En quoi la pensée de
ce sociologue américain aujourd'hui décédé éclaire-t-elle la
situation de la France et de l'Europe d’aujourd’hui ?
Paradoxalement,
la pensée
de Lasch trouve bien plus d’écho
en Europe, et tout particulièrement
en France, qu’aux États-Unis.
Il faut y voir la conjonction entre d’une part la renaissance d’une
tradition socialiste française
libertaire et anarchiste héritée
de Proudhon et Fourier entre autres, longtemps éclipsée
par le rouleau compresseur marxiste, dont Christopher Lasch apparaît
comme un lointain cousin américain.
Et d’autre part le travail de passeurs formidables, appartenant à
cette même
famille du socialisme proudhonien, comme Jean-Claude Michéa
ou Renaud Garcia1,
et de revues appartenant à
cette mouvance comme Ballast, Le comptoir ou Limite. Mais l’attrait
et l’actualité
de la pensée
de Lasch dépasse
la sensibilité
anar-libertaire ou anar-conservatrice, comme en atteste le fait qu’il
est une référence
pour des personnalités
aussi diverses et éloignées
qu’Alain Finkielkraut, Pascal Bruckner, Gilles Lipovetsky, le
regretté
Philippe Muray ou
Emmanuel Todd.
Comment expliquer ce succès franc et massif d’un penseur
relativement oublié dans son propre pays?
Il
faut d’abord y voir le résultat d’une œuvre qui permet de
redonner de l’intelligibilité au monde, paraphrasant Furet où
nous sommes « condamnés à vivre » et réussit la
gageure de penser « une autre société » en convoquant
la mémoire des petits producteurs de l’Amérique jeffersonienne,
un peu à la manière dont Simone Weil s’inspirait de la
civilisation occitane. En faisant la chronique des transformations
culturelles et psychologiques que la société américaine a
traversées sous l’effet de la mutation du capitalisme, d’un
capitalisme industriel axé sur la production vers un capitalisme
avancé fondé sur la consommation, Lasch anticipait les évolutions
qui devaient déferler sur nos côtes, avec toute la force de
l’incompréhension de l’océan qui nous sépare.
Par
exemple, le mouvement #MeToo n’est qu’une secousse de forte
ampleur d’un phénomène de guerre des sexes qui fait rage dans la
société américaine depuis des décennies et que Lasch avait
analysé avec une acuité inégalée2.
Selon Lasch, ce conflit ouvert est lui-même le produit d’un
mouvement féministe contemporain dont l’élément déclencheur
n’est pas l’oppression du patriarcat, mais le retrait des femmes
de toute vie civique survenu lors de l’exode vers les banlieues des
années 1950. En d’autres termes, le repli des femmes dans la vie
domestique n’était pas la résultante de la survie d’un vieil
ordre patriarcal, mais plutôt de ce que Lasch appelait une
« banlieue-isation » de l’âme américaine, elle-même
un moment d’une histoire de « l’évolution du capitalisme,
de sa forme paternalistique et familiale en système gestionnaire,
tentaculaire et bureaucratique qui contrôle pratiquement tout ».
Selon Lasch, cette évolution, indissociable de la narration
progressiste qui postule l’émancipation vis-à-vis des structures
de dépendance étroites des communautés de la famille élargie, du
clan, du village et du quartier populaire, a conduit à mettre à bas
les « conventions de courtoisie » qui avaient cours dans
le système patriarcal. Mêmes si elles n’étaient que de façade,
ces conventions avaient fourni aux femmes une « arme
idéologique » qu’elles avaient pu utiliser dans leur lutte
pour « domestiquer la brutalité et la sauvagerie des hommes ».
Autour de ces relations, poursuit Lasch, qui « pour
l’essentiel, les exploitaient », les femmes « tissèrent
tout un réseau d’obligations réciproques, qui eurent au moins le
mérite de rendre les rapports plus supportables » et permirent
aux femmes, notamment sous l’ère victorienne, non pas seulement
d’occuper un espace dans la vie publique, mais d’être à
l’avant-garde de combats authentiquement démocratiques :
démocratisation de l’accès à la culture, humanisation de la vie
urbaine et des conditions de travail sous le capitalisme industriel,
encouragement d’une culture civique etc.
Christopher Lasch - The Pursuit of Progress (1)
Or
que s’est-il passé une fois qu’on eût jeté ces conventions
avec l’eau du bain du système patriarcal ? Lasch formule un
jugement sans appel : « Démocratie et féminisme ont […]
arraché le masque et mis à nu les antagonismes sexuels jadis cachés
par la “mystique féminine”. Privés des illusions que conférait
la courtoisie, hommes et femmes éprouvent plus de difficultés
qu’auparavant à établir des rapports amicaux ou amoureux, sans
même parler des relations entre égaux. Comme la suprématie
masculine n’est plus idéologiquement défendable, puisque la
protection dont elle se couvrait ne se justifie plus, les hommes
imposent leur domination de façon plus directe dans les fantasmes et
de temps en temps par des actes d’une extrême violence. » Et
Lasch d’ajouter, se fondant sur une étude récente (en 1979) que
le comportement à l’égard des femmes, tel qu’il est représenté
dans les films est passé « du respect au viol ». Cette
analyse souligne le caractère absurde de la quasi-totalité des
interprétations du mouvement #MeToo qui voudraient nous faire croire
que les Harvey Weinstein, Matt Lauer, Kevin Spacey et autres
prédateurs révélés depuis un an sont les perpétuateurs d’une
oppression patriarcale dans la continuité de l’ère victorienne,
voire du droit de cuissage féodal. En fait, ces individus sont des
monstres produits par des forces « progressistes » et,
paraphrasant Lasch, c’est en effet une profonde erreur d’analyser
les différentes formes qu’ont pris l’exploitation des femmes au
cours de l’histoire selon la grille d’interprétation unique du
« sexisme comme fait immuable de l’existence qui ne
[pourrait] être aboli que par la suppression de la sexualité
elle-même et l’instauration du règne de l’androgynie. ».
Weinstein n’est pas un être archaïque, mais un aboutissement de
la « socialité asociale » kantienne où les êtres ne se
rencontrent que pour satisfaire leurs besoins selon leur puissance
sur le marché. Socialité que Sade a poussée jusqu’à sa
conclusion logique traduite dans ce passage particulièrement
dérangeant de Lasch dans La
culture du narcissisme :
« [Sade] comprit […] que la condamnation de la vénération
de la femme devait s’accompagner d’une défense de la sexualité
de celle-ci – le droit de disposer de son propre corps, comme le
diraient aujourd’hui les féministes. Si l’exercice de ce droit,
dans l’utopie de Sade, se réduit au devoir de devenir l’instrument
du plaisir d’autrui, ce n’est pas parce que le Divin Marquis
détestait les femmes mais parce qu’il haïssait l’humanité. Il
avait perçu, plus clairement que les féministes, qu’en régime
capitaliste, toute liberté aboutissait finalement au même point :
l’obligation universelle de jouir et de se donner en jouissance.
Sans violer sa propre logique, Sade pouvait ainsi tout à la fois
réclamer le droit, pour les femmes, de satisfaire complètement
leurs désirs, et jouir de toutes les parties de leurs corps, et de
déclarer catégoriquement que “toutes les femmes doivent se
soumettre à notre plaisir”. L’individualisme pur débouchait
ainsi sur la répudiation la plus radicale de l’individualité. »
Ce
détour par un phénomène au cœur de notre actualité, notamment
avec la poussée de Maccarthisme sexuel de l’affaire Kavanaugh,
illustre combien la pensée de Lasch est essentielle pour comprendre
ce qui nous arrive en Europe et en France. Mais j’aurais tout aussi
bien pu prendre pour exemple le rejet
de plus en plus viscéral des élites technocratiques contre
lesquelles la pensée de Lasch est une machine de guerre, en passant
par le transhumanisme de Laurent Alexandre, le culte de la célébrité,
qui a aussi joué un rôle non négligeable dans les affaires à
l’origine de #MeToo ou le faux débat sur les fake
news, ou encore la
vindicte approbatrice aux dimensions orwelliennes qui s’abat dans
le monde de l’enseignement supérieur et des médias européens
dans le sillage de ce qui s’est passé aux États-Unis.
En
conclusion sur cette question, je voudrais souligner que sa pensée
résonne
tant à
nos oreilles parce qu’en
digne héritier de l’école de Francfort, il a été l’un des
rares penseurs à épouser le postulat central de ce qu’on pourrait
appeler la nouvelle gauche, à savoir que la sphère intime est
politique, mais dans une posture d’affrontement radicale avec elle.
Contrairement à celle-ci, Lasch s’inscrit non pas dans le sens
d’une adaptation à un capitalisme devenu un fait social total,
c’est-à-dire l’adaptation à l’abstraction croissante du monde
pénétré chaque jour davantage par un système fondé sur la
création de valeur abstraite, mais dans une critique radicale, au
sens étymologique du terme, de cette abstraction envahissante, voire
omniprésente. Soulignant que la possibilité d’une existence
décente implique un combat qui ne peut se limiter à une réflexion
sur les arrangements institutionnels, cœur de la tradition libérale,
mais nécessite de porter la lutte aux tréfonds de la vie intérieure
des individus, c’est à dire sur le champ de la personnalité,
Lasch nous invite à une révolution culturelle dans le sens de la
création, qui implique dans une certaine mesure une restauration,
d’un caractère taillé pour la démocratie, renouant de ce fait
avec une ancienne tradition civique. Ainsi Lasch, et c’est ce qui
le distingue de la nouvelle gauche et, par exemple d’un Herbert
Marcuse, n’est pas un penseur de l’exploitation, celle du
patriarcat, du christianisme, du travail, du capitalisme, mais de
l’aliénation. Le combat à mener n’est pas tant dirigé contre
l’élimination de toutes limites inscrites dans notre inconscient
par un oppresseur désincarné qui prend de plus en plus les traits
de la nature humaine, comme l’a très bien expliqué Pierre Manent.
La lutte doit au contraire nous aider à « retrouver le monde »
pour paraphraser Matthew Crawford, c’est-à-dire à reprendre
possession de nos sens annihilés par l’abstraction capitaliste.
Nous devons prendre « le parti de la vie », paraphrasant
le titre d’une recension de La révolte des élites par Philippe
Muray, en retrouvant un rapport à l’existence fait d’une foi
dans la bonté de l’existence, en dépit, parfois, de preuves du
contraire. Lasch appelait cette disposition mentale tout simplement
l’espoir, qu’il opposait à l’optimisme progressiste.
Puisque
vous abordez le thème
du progrès,
Lasch fait partie de la famille des critiques du « progrès ».
Pourquoi faudrait-il se défier de cette notion ? Après tout,
on n'a pas à se plaindre des progrès de la médecine. De la même
façon, on ne va pas se mettre à combattre le progrès social...
Lasch
vous aurait répondu
que ce que vous appelez « progrès
social », si vous entendez par cela les adoucissements de
l’exploitation capitaliste par le compromis fordiste
(raccourcissement de la semaine de travail et augmentation
corrélative
du temps de loisir, assurance-chômage,
congés
payés,
salaire minimum etc.), a en fait commencé
par une grande régression
survenue dans la seconde moitié
du XIXe
siècle.
Lasch pensait en effet que la généralisation
du salariat, qui coïncidait avec la fermeture de la frontière,
représentait
le
« choix le plus important qu’ait à faire toute société
démocratique : élever le niveau général de compétence, d’énergie
et de dévotion – “ la vertu”, comme on la nommait dans
des traditions politiques plus anciennes – ou seulement promouvoir
un recrutement plus large des élites ». Pour lui, ce moment
signe l’abandon par les Américains
de ce qui constituait le crédo de l’aventure américaine depuis
l’arrivée des premiers pionniers, c’est-à-dire l’indépendance
économique de la classe moyenne (par la propriété d’une
compétence singulière, d’un savoir-faire non appropriable), au
profit du mythe de la mobilité sociale ascendante (par la maîtrise
du savoir). En séparant ainsi le savoir de la vie quotidienne, les
Américains
ont recréé une forme d’hégémonie cléricale identique à celle
qui avait poussé les pionniers à quitter l’Europe pour le nouveau
monde. C’est donc un reniement complet de la démocratie américaine
ou ce qu’on pourrait appeler l’Amérique jeffersonienne, au
profit d’une société dont les nouveaux prêtres ont peu à peu
pris la forme d’une « minorité civilisée ». Composée
d’experts, celle-ci monopolise le savoir et a refaçonné toutes
les institutions afin, non pas d’imposer ses valeurs à la
majorité, qu’elle ne voit que comme un « ramassis
d’abrutis » (basket
of deplorables) pour
paraphraser Hillary Clinton, mais de créer des institutions
« alternatives » dans laquelle est actée la base des
inégalités entre les détenteurs du savoir technique et les
assujettis à ce savoir. Et pour ajouter l’injure au dommage, ces
derniers doivent subir dans leur sphère la plus intime les
attentions croissantes de l’État thérapeutique, chargé, à coup
de rééducation et de psychotropes, de contenir toutes velléités
de révolte contre ces nouveaux privilégiés.
La même
remarque peut être appliquée au progrès sociétal de l’égalité
des sexes, pour replacer cet entretien sous le sceau des femmes. Nous
avons beaucoup trop tendance à ne voir la question de l’égalité
entre hommes et femmes que sous le prisme d’une arithmétique des
postes et des places et des grilles salariales et sous celui d’une
exploitation sexiste comme une constante inéluctable tant que nous
ne serons pas parvenus à créer une espèce androgyne (le cyborg ?).
Lasch nous aide à sortir de cette vision simpliste, manichéenne et
sans doute annonciatrice de catastrophes de très grande ampleur, et
à repenser la question de la conflictualité entre les sexes d’une
façon qui, sans nier l’oppression que les femmes ont eu à subir,
valorise leur rôle civique dans l’histoire et ne se propose pas
d’annihiler la tension entre les sexes par un dépassement de la
nature humaine, mais de la civiliser. Cette lecture souligne que ce
n’est pas le moindre des paradoxes que ce qui nous est présenté
depuis un an, avec #MeToo, comme la sortie ultime des femmes des
« ténèbres sexuels » de l’oppression patriarcale,
érige celles-ci en victimes suprêmes. Lasch nous rappelle en effet
que les femmes ont été des héroïnes avant d’être des victimes
et que les conquêtes de la première vague du mouvement féministe,
celui symbolisé par des personnages comme Mary Wollenestonecraft,
Louise Michel et les femmes de la commune de Paris, ou Simone Weil,
ont été stoppées net par une ruse de la raison progressiste. En
effet, comme je l’ai mentionné plus haut, le repli de la femme
dans la vie domestique et son retrait corrélatif de la vie civique
se sont faits au nom du dogme progressiste par excellence de
l’émancipation des dépendances étriquées de communautés
étroites comme le quartier, et ont conduit les femmes directement
dans le « camp de concentration confortable » de la vie
de banlieue pour reprendre l’expression de Betty Friedan où, par
définition, aucune vie civique n’est envisageable. Forcées de
devoir vivre en isolation avec « l’ennemi de classe »
sans l’aide morale de leurs congénères, les femmes se sont alors
mises à imaginer un monde sans hommes…
En témoigne
d’ailleurs admirablement l’évolution des personnages féminins
dans le cinéma américain entre les premières années du cinéma
parlant et les années 50-60. Les héroïnes des films de Capra, ou
ceux des films de John Ford par exemple, sont une ode à la vie
civique des femmes dont Lasch nous incite à nous remémorer. Je
pense par exemple aux deux personnages de journalistes vedettes, Ann
Mitchell dans L’homme de la rue, incarnée par Barbara Stanwyck, et
Babe Bennett dans l’extravagant Mr. Deeds, incarnée par Jean
Arthur, ou à Clarissa Saunders dans Mr Smith au sénat, aussi
interprétée par Jean Arthur, qui est la secrétaire de Jefferson
Smith/Jimmy Stewart. Elles sont à la fois d’une féminité
irradiante, d’une humanité et d’une faillibilité qui les
empêchent de jouer jusqu’au bout le jeu de dupes que réclament
les environnements masculins corrompus de la presse à sensation et
de la politique politicienne, et ce sont elles qui finissent par
faire émerger les héros masculins de leur chrysalide d’innocents
idéalistes mais patauds, voire gauches, pour devenir des héros
démocratiques qui savent retourner à leur avantage les institutions
et faire triompher les valeurs de l’Amérique jeffersonienne. A
l’inverse, le personnage de la potiche, de la cruche, dont le
meilleur exemple est donné par le sitcom The Brady Bunch, ou à
l’inverse la femme dure, dominatrice, qui « dévirilise tous
les hommes qui tombent sous son charme », commencent à occuper
une position centrale dans le cinéma des années 1950. Elles
incarnent en effet à merveille les deux faces des terreurs de
l’enfant dans la phase pré-oedipienne caractéristique du
narcissisme : la mère omnipotente et nourricière qui satisfait
tous les désirs et la mère dévorante et castratrice.
Christopher Lasch - The Pursuit of Progress (2)
Ces
deux exemples concrets permettent de mettre en évidence tout le
génie de Lasch qui est d’avoir montré comment les deux faces du
libéralisme smithsien ont fini par converger après avoir suivi des
chemins divergents, voire antagonistes : d’un côté
« l’offensive contre les particularisme culturels et
l’autorité patriarcale, qui encourageait – tout au moins au
début – la confiance en soi et la pensée critique ». Le
point de mire étant une humanité universelle. Et de l’autre, « le
marché universel de marchandises », devant aboutir au marché
unique mondial et son corollaire cauchemardesque : l’État
mondial homogène. Lasch explique que ces deux processus, « qui
appartiennent indissolublement à la même séquence historique »,
celle des Lumières, étaient réunis dès l’origine dans la pensée
d’Adam Smith. En effet, Adam Smith était explicite sur le fait
que, lorsqu’il parlait de productivité, il avait en vue
l’expansion de la culture humaine requise pour soutenir un système
productif permettant la satisfaction illimitée des désirs. La
philosophie de Smith reposait sur une vision d’une merveilleuse
machine productive fondée sur une demande sans cesse croissante de
biens qui furent un temps des luxes réservés aux seuls privilégiés.
En levant l’interdit du luxe, Smith réhabilitait moralement le
désir, dans sa dimension d’insatiabilité. En effet, le goût du
luxe nourrit celui de la nouveauté perpétuelle et implique une
demande de la part des individus non seulement pour ce qui relève du
confort matériel, mais aussi une quête d’assouvissement infinie
de nouveaux désirs. Il s’agissait d’une foi généreuse dans le
sens de l’histoire qui comportait un contenu moral aussi bien que
matériel. En d’autres termes, Adam Smith est le père du « droit
de tous sur tout » et de la guerre économique de « tous
contre tous » qui nous amènent aujourd’hui à envisager un
dépassement de l’espèce et de congédier notre nature humaine
pour repousser encore plus loin les limites.
Cette
notion smithsienne du progrès a connu des embûches
depuis le XVIIIe
siècle. Ainsi,
Lasch souligne-t-il qu’après le bain de sang de la première
guerre mondiale, l’idée de progrès était morte. Presque plus
personne, tout au moins aux États-Unis, n’avait foi dans le
progrès. Toutefois, alors qu’on aurait pu penser qu’elle eût
été définitivement enterrée après la seconde guerre mondiale, la
foi dans le progrès a fait un retour tonitruant. En fait, il faut y
voir les effets, consécutif à l’extraordinaire croissance des
trente glorieuses, de la confusion entre la démocratie et la libre
circulation des biens de consommation « qui est devenue si
profonde que les critiques formulées contre [l’]industrialisation
de la culture sont désormais rejetées comme des critiques de la
démocratie elle-même. L’idée, jeffersonienne, d’une
« démocratie fondée sur la participation » caractérisée
par des citoyens omnicompétents capables de s’autogouverner a
définitivement cédé le pas à la « démocratie fondée sur
la distribution » formulée par Walter Lippmann. Le test de la
démocratie, paraphrasant Lippmann, n’est « pas de savoir si
elle produisait des citoyens indépendants, mais de savoir si elle
produisait des biens et des services essentiels ». Cette
conception de la démocratie s’est tellement implantée dans nos
imaginaires que des économistes comme Nicolas Bouzou peuvent répéter
à longueur de journée qu’ils sont indéfectiblement dans le camp
de la Démocratie sans entraîner l’hilarité générale.
Certes,
les thuriféraires du progrès ont été contraint de concéder que
la vision de la nature comme une ressource à exploiter a dégradé
l’environnement, que la division du travail a entraîné un
avilissement du travail, que la sortie de la religion s’accompagne
d’un sentiment de vide de l’individu contemporain, que la
complexification croissante de la société s’est accompagnée
d’une érosion de la cohésion sociale et la solidarité. Mais ces
concessions sont faites pour immédiatement rassurer qu’elles sont
le prix à payer pour l’autonomie, que les accords de Paris sont là
pour résoudre la question du réchauffement climatique, que la
croissance retrouvée s’accompagnera du plein emploi, que la
politique des droits de l’homme finira par triompher de toutes les
formes d’exploitation et créer un monde d’où la conflictualité
sera bannie et que le sentiment de vide n’est en fait qu’un ennui
que le loisir et des thérapies professionnelles parviendront à
anéantir etc. Le paradoxe de notre temps est que plus personne
n’entend cette berceuse mais que, selon la formule de Fredric
Jameson, « il est plus facile d’envisager la fin du monde que
celle du capitalisme ». Cela signifie, paraphrasant Michéa,
qu’alors même que la conscience des effets les plus négatifs du
capitalisme mondialisé a atteint un degré inédit, la conviction
qu’une sortie de ce système ne pourrait signifier qu’un saut
angoissant dans l’inconnu, doublé de sacrifices psychologiquement
inacceptables, a elle-même progressé dans des proportions encore
plus considérables. Tout conspire autour de nous pour nous
convaincre que ce mode de vie auquel nous sommes enchaînés,
constitue un moindre mal et qu’il ne s’agit plus que de tirer son
épingle personnelle du jeu et de sortir gagnant de la nouvelle
guerre mondiale de tous contre tous.
Vous
venez de faire référence
à
la culture du narcissisme, titre de l’ouvrage le plus connu de
Lasch. Qu'est-ce que la « personnalité narcissique »
pour lui ?
Ce
que Lasch appelle la culture du narcissisme ou culture du
survivalisme doit être compris comme une « métaphore de la
condition humaine » contemporaine et tient dans les stratégies
de défenses que développent les individus pour tout simplement
survivre dans le monde fantasmatique dans lequel nous vivons sur
lequel l’individu n’a plus de prise. Lasch assimile la situation
de l’individu moderne à celle de l’enfant en bas-âge qui
développe des défenses inconscientes contre les sentiments de
dépendance impuissante de la petite enfance au moment où celui-ci
réalise qu’il est séparé de son environnement et que les êtres
qui l’entourent sont dotés d’une existence séparée de la
sienne et frustrent ses désirs autant qu’ils les satisfont. Dans
cette situation, l’enfant est inconsciemment tenté de se réfugier
dans le déni de la séparation en développant un fantasme
d’omnipotence et d’indépendance absolue qui peut prendre deux
formes: soit une tentative de retour à un sentiment primitif d’union
avec le monde (symbiose régressive), soit une illusion solipsiste
d’omnipotence qui procède d’un refus de reconnaître que plaisir
et frustration proviennent de la même source et d’une vision
idéalisée de ses parents comme une puissance nourricière
infaillible dans la satisfaction de ses désirs3.
Selon
Lasch, l’individu contemporain se retrouve dans une situation
analogue à celle de l’enfant en bas-âge enfermé dans la phase du
narcissisme primaire. Aux prises avec une société sur-organisée
qui repose sur la glorification d’organisations à des échelles
toujours plus grandes sous les oripeaux d’un credo de plus en plus
incroyable vantant l’illimitation des possibilités humaines
(réduites au progrès technologique), il se retrouve dans un
sentiment constant de dépendance vis-à-vis de forces impersonnelles
(le marché mondial de biens de consommation produits en série, les
réseaux de communication, la bureaucratie, l’arsenal d’armes de
destruction massive) - perçues comme à la fois nourricières,
indispensables à sa survie, incontrôlables, mais aussi – la
réalité se dérobe au fantasme - incontrôlées. La culture du
narcissisme fait donc référence à la culture sécrétée par la
société, la façon dont elle reproduit « ses normes, ses
postulats sous-jacents, ses modes d’organisation de l’expérience -
dans l’individu, sous la forme de la personnalité ». Au fur
et à mesure que le capitalisme, idéologie progressiste par
excellence, a évolué d’un capitalisme fondé sur la production
vers un nouveau capitalisme de la consommation, les institutions de
la société capitaliste ont contribué à modifier « la nature
afin qu’elle se conforme aux normes sociales dominantes ».
L’exposition
par Lasch de l’état confuso-onirique de la société à l’ère
de la culture du narcissisme n’est pas, comme on peut le lire bien
souvent dans la littérature radicale, le résultat d’une « vaste
conspiration contre nos libertés » ourdie depuis des cénacles
comme Davos où les élites s’adonneraient à un culte de Mammon.
La consternante situation contemporaine est que cet individu
narcissique moderne, avec sa peur de vieillir et son immaturité si
caractéristique, est « l’expression psychique et
culturelle », paraphrasant Michéa, de l’aboutissement de la
logique du progrès dans ce qu’on pourrait appeler un « capitalisme
transgressif ». En effet, comme l’a très bien montré Lasch,
le premier capitalisme, fondé sur la production, reposait sur des
structures répressives, sur les névroses, sur la gratification
différée et sur la renonciation aux désirs. Mais le moteur du
capitalisme avancé, fondé sur la consommation, est un capitalisme
de la libération des désirs, de la séduction. Pour survivre, il a
besoin d’un nouvel homme, d’une monade absolue, d’un être qui,
paraphrasant Anselm Jappe, vit dans un « désir furieux et sans
fin face à un monde vidé de signification », et est capable
de survivre après l’effondrement du monde commun. D’un drogué,
en somme, qui face à l’ « impossibilité de jouir dans
un monde qu’[il a] préalablement transformé en désert »,
fait « face à la nécessité d’augmenter sans cesses les
doses de l’ersatz qui [lui] tient lieu de plaisir. » Pour
entretenir ce monstre dévorant, le libéralisme ou son succédané
le « progressisme », ont renoncé à expliquer le
mal-être au profit d’une surenchère dans un registre
d’hallucination qui se vérifie à tous les niveaux. Les sciences
sont devenues les supports d’une technologie moderne qui accroît
le contrôle collectif de l’homme sur son environnement aux dépens
du contrôle individuel. La sociologie est asservie par le mirage
d’une « science pure de la société » qui postule
l’impuissance individuelle devant l’interdépendance de la
société et justifie les avancées des contrôles sociaux de l’État
thérapeutique. La psychologie se détourne des ambitions de la psychanalyse et « mesure des insignifiances ». La philosophie enseigne davantage la survie que la vie bonne. La littérature a cessé de vouloir représenter le monde réel au profit d’un reflet de l’état d’esprit de l’auteur. L’histoire s’est transformée en littérature de voyage dans un passé séparé de notre présent par une rupture de la continuité historique. Dans ce contexte, la vie politique prend un caractère d’irréalité et d’artificialité procédant du décalage entre les problèmes inextricables posés par la crise politique du capitalisme et ses « batailles idéologiques furieuses » autour de questions triviales relayées à l’envi par l’extraordinaire caisse de résonance des médias de masse.
Le
caractère hallucinatoire du monde chez ceux qui gouvernent la
société ou manipulent l’information n’a d’égal que celui qui
règne à sa base. Sans autre repères autres que les hallucinations
produites par le libéralisme pour dissimuler l’effondrement de la
vie commune, l’individu contemporain est en proie à un sentiment
schizophrène devant, d’un côté, une société sur-organisée et
bureaucratisée à l’extrême qui traduit le sentiment que les
vrais problèmes sont insolubles et, de l’autre, la harangue
continuelle d’une illimitation des possibilités humaines induite
par la rhétorique inflationniste du progrès. Le marché mondial de
production en série de biens de consommation et la bureaucratie
publique et privée tentaculaire qui en est le corollaire sapent la
confiance de l’individu contemporain en sa capacité à mener sa
propre existence. Il « a le sentiment de vivre dans un monde
défiant le contrôle et la compréhension pratiques, un monde aux
bureaucraties tentaculaires, fait de « surinformation »
et de systèmes technologiques complexes, emboîtés, sujets à des
pannes soudaines ». Son
mal-être procède de la « colère intérieure » causée
par la contradiction entre « le sens de possibilités
infinies » vantées par l’idéologie du progrès et la
« banalité de l’ordre social érigé contre de telles
possibilités », à laquelle la « société
bureaucratique dense et surpeuplée » contemporaine n’offre
pas ou peu d’exutoire légitime.
Succède ainsi à la personnalité bourgeoise pharisienne, fanatiquement industrieuse, sexuellement réprimée et taillée sur mesure pour fonder une éthique de la production, un moi minimal, moralement flexible, sexuellement, émotionnellement et esthétiquement vorace, méfiant vis-à-vis des relations intimes dans la durée et incapable de mémoire, c’est-à-dire d’identification émotionnelle, avec les générations passées. Ce « moi assiégé » est essentiellement préoccupé par la question de la préservation de la vie comme une fin en soi, comme en attestent les phénomènes très présents sur la Côte Ouest des États Unis du survivalisme et le projet d’immortalité des transhumanistes de la Silicon Valley. Il tente « soit de refaire le monde à son image [l’utopie technologique], soit de se fondre dans son environnement [le gnosticisme New Age] ». En résumé, conclut Lasch, « le narcissisme est la structure typique du caractère dans une société qui a perdu tout intérêt pour l’avenir ».
Dans la période récente, on assiste à une inflation vertigineuse de l'usage du mot « populisme », désormais mis à toutes les sauces. Lasch s'en réclamait pourtant. Comment le définissait-il ?
Dans la période récente, on assiste à une inflation vertigineuse de l'usage du mot « populisme », désormais mis à toutes les sauces. Lasch s'en réclamait pourtant. Comment le définissait-il ?
Il
faut tout d’abord se garder de réduire
le populisme dont se réclame
Lasch, sans précaution
de langage, à
la définition
qui a cours dans le commentaire politique des experts et des
journalistes ou la catégorisation
de la vie politique européenne
entre « progressistes » et « populistes
nationalistes » par les partis d’extrême
centre comme la République
en marche. Il faut aussi éviter
de commettre l’erreur de classer Lasch dans une des catégories
désignées
avec mépris
de populistes par les historiens et les politistes américains,
comme Richard Hofstadter, l’auteur de Le
Style paranoïaque, Théories du complot et droite radicale en
Amérique4.
Contrairement à
une Marine Le Pen ou un Jean-Luc Mélenchon,
qui se réclament
du populisme par boutade ou par défi,
ou à
un Orban, un Trump, un Pat Buchanan ou un Ross Perot, dont on affuble
de l’épithète
de populistes pour les rejeter en-dehors de la respectabilité
sans vouloir faire un effort d’introspection pour expliquer leur
succès,
Lasch s’en revendiquait objectivement. De quoi parlait-il ?
Repartons
de la définition
la plus précise
qu’il en donne lui-même
dans La révolte
des élites :
« Le populisme a
toujours rejeté une politique fondée sur la déférence aussi bien
que sur la pitié. Il est attaché à des manières simples et à un
discours simple et direct. Les titres et autres symboles d’un rang
social éminent ne l’impressionnent pas, pas plus que les
revendications de supériorité morale formulées au nom des
opprimés. Il rejette une “option préférentielle pour les
pauvres”, si cela signifie traiter les pauvres comme les victimes
impuissantes des circonstances, les exempter de toute possibilité
d’être tenus pour responsables, ou bien excuser leurs faiblesses
au motif que la pauvreté porte avec elle une présomption
d’innocence. Le populisme est la voix authentique de la démocratie.
Il postule que les individus ont droit au respect tant qu’ils ne
s’en montrent pas indignes, mais ils doivent assumer la
responsabilité d’eux-mêmes et de leurs actes. Il est réticent à
faire des exceptions, ou à suspendre son jugement, au motif que
c’est « la faute à la société ». Le populisme est
enclin aux jugements moraux, ce qui de nos jours semble en soi
péjoratif, marque suffisante de l’affaiblissement de notre
capacité à juger de manière discriminante par le climat moral de
“souci humanitaire” ».
En
d’autres termes, le populisme dont se réclame Lasch est avant tout
une attention au « caractère » démocratique, plus
qu’aux procédures et aux arrangements institutionnels censés
caractériser la démocratie libérale. Il valorise la démocratie
comme mode de vie, dans la continuité d’un Dewey qui ne cessera de
figurer parmi les héros de Lasch, en dépit des concessions qu’il
a faites au progressisme. Si le populisme de Lasch se recoupe avec
des mouvements qui se sont historiquement réclamés du populisme,
comme le populisme agrarien symbolisé par le mouvement des grangers
puis le People’s party de la fin du XIXe
siècle, il va bien plus loin. On peut tenter de le définir par tous
les mouvements d’idées et les mouvements militants qui faisait de
la propriété individuelle des moyens de production le fondement
matériel de la vertu civique américaine, puis, une fois le salariat
devenu le mode d’organisation dominant des rapports de travail,
ceux qui ont entendu rechercher un équivalent moral à la propriété
comme fondement de la vertu, mais cela n’y suffirait pas. Le
populisme de Lasch est en fait de lointain écho d’une tradition
civique, dominante au moment de la fondation de la République
américaine, sur les bases de laquelle il est possible de fonder une
refondation de la modernité. Éclipsée un temps par le marxisme,
qui appartenait en fait au même camp du « progrès » que
le libéralisme, cette tradition refait surface au moment où se pose
la question d’un dépassement de l’espèce humaine pour donner au
progrès le combustible dont il a besoin pour poursuivre sa course
effrénée.
En
conclusion sur le populisme dont se réclamait Lasch, c’est à un
extrait de la fameuse lettre de Martin Luther King, un des héros
populistes de l’histoire américaine selon Lasch, écrite depuis la
prison de Birmingham où il était emprisonné pour la treizième
fois, que je me référerais : « Je
dois vous faire deux aveux sincères, mes frères chrétiens et
juifs. Tout d'abord je dois vous avouer que, ces dernières années,
j'ai été gravement déçu par les Blancs modérés. J'en suis
presque arrivé à la conclusion regrettable que le grand obstacle
opposé aux Noirs en lutte pour leur liberté, ce n'est pas le membre
du Conseil des citoyens blancs ni celui du Ku Klux Klan, mais le
Blanc modéré qui est plus attaché à “l'ordre” qu'à la
justice; qui préfère une paix négative issue d'une absence de
tensions, à la paix positive issue d'une victoire de la justice; qui
répète constamment: “Je suis d'accord avec vous sur les
objectifs, mais je ne peux approuver vos méthodes d'action directe”;
qui croit pouvoir fixer, en bon paternaliste, un calendrier pour la
libération d'un autre homme; qui cultive le mythe du
“temps-qui-travaille-pour-vous” et conseille constamment au Noir
d'attendre “un moment plus opportun”. La compréhension
superficielle des gens de bonne volonté est plus frustrante que
l'incompréhension totale des gens mal intentionnés. Une acceptation
tiède est plus irritante qu'un refus pur et simple. » Voilà
des propos, qui tranchent avec les citations insipides de King qui
figurent sur son mémorial inauguré en 2011, et que feraient bien de
méditer tous ceux qui usent et abusent de façon condescendante et
arrogante de la rhétorique de la modération « progressiste »
contre les excès populistes en Europe et partout ailleurs.
Régis
Debray écrit que « tous les grands révolutionnaires avaient
du révolu en tête ou dans le cœur ». Qu'en aurait pensé
Christopher Lasch ?
En
bon lecteur d’Hannah Arendt qui voyait dans toute révolution
une restauration, Lasch aurait probablement souscrit à
cette opinion. Encore une fois, il est essentiel de rappeler qu’un
des apports essentiels de la pensée
de Lasch à
la compréhension
de notre situation présente
tient dans l’analyse qu’il fait de la dynamique du capitalisme
comme un système
progressiste, plastique, en constante rénovation
de ses dogmes et non comme un système
figé
dans le patriarcat, la verticalité
et le conservatisme. Lasch a en effet toujours pris au sérieux
l’analyse de Marx selon laquelle, au fur et à
mesure de l’avancée
du capitalisme, « tous les rapports sociaux stables et figés,
avec leur cortège
de conceptions et d’idées
traditionnelles et vénérables,
se dissolvent ; les rapports nouvellement établis
vieillissent avant d’avoir pu s’ossifier. Tout élément
de hiérarchie
sociale et de stabilité d’une caste s’en va en fumée,
tout ce qui était
sacré
est profané. »
C’est pourquoi il nous invite à
une écoute
attentive de la critique « petite bourgeoise » du progrès
afin de nous aider à
nous confronter à
la situation contemporaine qui est la nôtre.
2
V. notamment le chapitre La fuite devant les sentiments :
sociopathologie de la guerre des sexes, dans La culture du
narcissisme.
3
Ce type de narcissisme correspond au narcissisme dit primaire,
procédant d’un état de fusion du moi et du non-moi, du dedans et
du dehors et où l’enfant investit toute sa libido sur lui-même.
Il doit être distingué d’un narcissisme secondaire, qui succède
à la découverte de la réalité extérieure et survient lorsque
l’individu se détache des objets et opère un réinvestissement
de sa libido des objets vers lui-même. C’est le narcissisme
primaire qui constitue la matrice de la culture du narcissisme.
4
Incidemment, Hofstadter fut sans doute le plus important mentor de
Lasch en même temps que l’artisan le plus efficace de la
transformation du terme de populisme en un terme péjoratif.
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