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dimanche 3 avril 2011

Pénétrer l'arène




Lorsque j’ai ouvert mon blog et l’ai intitulé « l’arène nue », j’ai souhaité répondre à un double impératif. D’abord, en tant qu’amoureuse des mots et déterminée à le faire savoir de manière ostensible et sans ambiguïté, j’ai voulu faire un « trait d’esprit ». L’arène nue, c’était avant tout la féminisation du « Roi nu », pour souligner toute la noblesse de la chose. Par ailleurs, je témoignais à mon lectorat futur et putatif qu’en cliquant sur mon URL, il entrait dans un lieu où, à défaut de faire couler le sang, nous ferions fuser les idées. Derrière « l’arène nue », il y avait donc la volonté combinée de jouer avec les mots tout en invitant au combat à mains nues tous les cyber-Spartacus que l’audace et l’intrépidité amèneraient jusqu’à moi.

En revanche, il n’y avait aucune arrière-pensée commerciale. Ou alors très peu. J’affirme aujourd’hui n’avoir que très modérément flirté avec l’idée trivialement publicitaire que le mot « nue » rédigé au féminin m’attirerait quelques visiteurs du soir échoués là par erreur au détour de la quête d’une vidéo pornographique dont la découverte aurait été différée par un symptôme dysorthographique. Bref, la pensée qu’un pauvre type pourrait se rendre sur mon site parce qu’il cherchait une Reine en tenue d’Eve ne m’a que furtivement effleurée. Puis elle s’est envolée…jusqu’à ce que je m’avise récemment d’étudier les principaux « mots clés » qui avaient drainé sur l’arène le plus grand nombre de visiteurs. Et je puis désormais l’affirmer : on ne dira jamais assez combien sont intriqués le sexe et la politique.

A l’heure où j’écris ces lignes, la requête qui m’a valu le plus grand succès est en effet la suivante : « Marine Le Pen nu » (25 visiteurs en dix jours), aussitôt suivi de « Marine Le Pen nue » (16 visiteurs), puis de « Marine Le Pen nus » (5 visiteurs). Outre le fait que l’emploi intempestif du masculin et du pluriel s’agissant de Marine Le Pen accrédite la thèse du symptôme dysorthographique dont je n’avais d’ailleurs jamais douté de la pertinence, ce total de 36 visiteurs en dix jours cherchant à s’enquérir de la nudité de Marine le Pen me laisse tout de même songeuse. La patronne du Front national serait-elle devenue le nouvel étalon[1] du sex-appeal au féminin ? L’idée mérite peut-être qu’on s’y arrête. Un blogueur ami, Antidote, n’avait-il pas déjà repéré un texte d’une hallucinante vulgarité qui, paru dans Libération du 17 mars, disait au sujet de Le Pen : « Si je n’étais pas féministe et partisan de la parité au Parlement, je me serais dit que c’est exactement le genre de fille qu’on a envie de sauter entre deux portes en espérant qu’elle vous demande de lui donner des baffes avant de jouir ». Voilà de quoi faire pâlir la folliculaire que je suis quand elle songe que c’est avec ce genre d’idées en tête que quelques handicapés de l’accord des adjectifs épithètes ont osé pénétrer l’arène[2]

Je note en revanche que, paradoxalement, celui de mes articles qui met en scène à la fois Rachida Dati et Rama Yade ne m’a valu aucun « Dati nue » non plus qu’aucun « Yade nue ». Rétrospectivement, je m’en étonne. Selon toute vraisemblance, on cesse d’être un sex-symbol dès lors qu’on ne fait plus la « Une » de l’Obs. A moins que l’attrait pour la nudité des femmes « de type franchement basané »[3] n’ait été remplacé, au gré des contingences internationales, par un intérêt plus marqué pour celle des femmes « de type carrément étranger »[4]. Tel doit être le cas, si j’en juge par les quelques « une afghane nue »,  « une femme libyenne nue » ou « amazones Libye nues » trouvées ça et là. Cette ouverture vers l’international semble confirmée par cette étrange occurrence : « résolution Conseil de Sécurité NU », que j’avoue n’avoir rencontrée qu’une seule fois.
Les « journées dédiées » semblent être elles aussi un excellent substitut du viagra. Par exemple, mon texte sur la Journée de la Femme paru début mars m’a valu les requêtes suivantes : « journée de la femme nue » et « journée du nu ». Hélas, je n’ai découvert qu’un peu tard qu’hier avait eu lieu la « journée internationale de la bataille de polochon ». C’est regrettable, car en couvrant cet évènement majeur du festivisme sans frontière, j’aurais pu tripler mon audience à peu de frais. Imaginez un peu ce qu’aurait pu donner l’association presque fortuite du champ lexical de la femme dévêtue et de celui des accessoires du plumard….Cela dit, je me rattraperai facilement pour la Gay Pride. Une requête dont je me demande bien comment elle a pu diriger quelqu’un vers l’arène, m’en donne un avant-goût : « jeune gay mis à nu ».

Avant que je ne créée l’arène, quelqu’un me disait que pour un blog, le titre, c’est primordial. « Il faut qu’il soit unique », conseillait-il. J’ai dû ne rien comprendre, car mon titre, loin d'être du genre pudique est plutôt du style « nudique ». Je n’en veux pas à mes visiteurs. Allez, je vous l’avoue, mon très grand intérêt pour l’international et le « type franchement basané » m’a amené quelques fois, moi aussi, à cliquer « Barack Obama nu ». Mais je ne vous fournis pas le lien : c’est un site politique, ici !


[1] Sans jeu de mots ni arrière pensée : voyons, à quoi songiez-vous ?
[2] Cela dit, en vertu de ma récente expérience érotico-marketing, j’enjoins vivement Philippe Catherine à troquer  sa chanson « Marine Le Pen, non non » pour un « Marine Le Pen, nue nue » : tube garanti.
[3] Comme disait Desproges, Dieu ait son âme.
[4] Comme je le dis moi-même, Dieu lâche la mienne.

3 commentaires:

  1. Quand on regarde les recherches Google conseillées [en fonction des recherches les plus populaires] pour les personnalités, on trouve presque à tous les coups "nu" et "juif" ... Commencez à saisir les lettres du nom dans le moteur de recherche, vous verrez le résultat !

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  2. L'arène nue/ Le roi nu, j'avais compris, d'autant mieux que le contenu de votre blogue ne souffre aucune ambiguïté. Ici, l'on pense, mais nullement à la gaudriole ! Cela dit, vous êtes sur l'immense territoire numérisé, peuplé de crétins ordinaires, d'obsédés banals, et de gens très fréquentables. Longue vie à la reine en habit, et à l'arène nue !

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