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jeudi 28 juin 2012

« Le processus de droitisation ne se résume pas aux twitts de Morano ! »

- Entretien avec Gaël Brustier -

Photo / Margot L'Hermite

Gaël Brustier et chercheur en sciences sociales.
Il est notamment l'auteur - avec JP Huelin - de Voyage au bout de la droite, Mille et une nuits, 2011

Dans votre ouvrage Voyage au bout de la droite, vous pointez du doit un phénomène de « droitisation » générale des sociétés européennes. La récente victoire de la gauche à la présidentielle puis celle, très nette, remportée aux législatives ne contredisent-elle pas en partie votre analyse ?
Pour nous, et nous le disons dans notre livre, le processus de droitisation n’est ni unilinéaire ni uniforme. Il a ses contradictions et ses périodes de reflux. En Italie, Berlusconi a perdu plusieurs fois les élections mais, sur la durée, il a dominé la vie politique italienne depuis 1994.
Personnellement, j’essaye de me déprendre d’une tendance lourde de notre vie médiatique et politique qui consiste à focaliser sur le court terme. Nous n'avons jamais jugé, au contraire d’autres, que la droitisation se résumait à Nicolas Sarkozy, aux élucubrations de Claude Guéant, aux incongruités de Frédéric Lefebvre et aux twitts de Nadine Morano. Pour tout dire, ils sont absents de Voyage au bout de la droite. Le nom de Nicolas Sarkozy n’est même pas cité. Pas par mépris mais parce que nous avons voulu ainsi signifier que le processus de droitisation dépassait largement l’actualité et la tyrannie de l’instantané.
Les évolutions de l’imaginaire collectif, des «blocs historiques», de l'idéologie dominante me semblent personnellement plus déterminants pour l’avenir de notre pays que la drague grossière de l’électorat FN par Brigitte Barège (Droite populaire) ou que d'autres phénomènes du même type. S’ils ont leur importance, ils n'expliquent pas, puisqu'ils en sont la conséquence, l'évolution de fond des mouvements culturels de nos sociétés.
En ce sens, les élections de 2012 ne me surprennent pas. Leur résultat est davantage la conséquence du grave problème d’incarnation de Nicolas Sarkozy, que d’une inversion d’une tendance qui touche tout l’Occident... Il faut s'attacher à penser les évolutions économiques à venir consubstantiellement aux évolutions idéologiques et politiques : cela permettra de pouvoir anticiper la prochaine phase de la droitisation.
Si ces personnages ne vous semblent pas suffisant à illustrer un processus de fond de droitisation, l’échec aux législatives  d’un Claude Guéant ou de nombreux membres de la Droite populaire ne marquent-il pas, au moins, un échec de la fameuse « stratégie Buisson »?
Pour les législatives, il s’agit d’élections avec 45% d’abstention. La «stratégie Buisson», elle, ne concerne pas les législatives. Elle concerne une élection bien particulière: la présidentielle.
D’une certaine manière, en France, aujourd’hui, deux élections sont déterminantes: l’élection présidentielle et les élections municipales. Ce sont les deux élections qui permettent de comprendre comment l’imaginaire du pays évolue et ce sont d’ailleurs les élections qui attirent le plus. Les autres élections ont évidemment de l’importance mais les taux d’abstention élevés révèlent aussi que les Français sont davantage attachés à la figure du Maire et du Président de la République qu’à celle – aussi respectable soit-elle - d’un Président de Conseil Général.
Claude Guéant est battu dans un contexte très particulier, par un élu sarkozyste très implanté. La Droite populaire, collectif baroque d’élus en proie à la montée du FN, n’a jamais été un "intellectuel collectif" mais un canot de sauvetage de députés confrontés à des électorats droitisés dans des circonscriptions difficiles. Ses élus ont couru après le FN et légitimé le discours de celui-ci sans stratégie ni travail politique véritable, en demeurant fixés sur le court terme et le sauvetage de leur mandat. Les déclarations, plus extravagantes les unes que les autres, de ces députés (sur la double nationalité, les homosexuels, les immigrés à remettre dans des bateaux etc.) s’apparentaient plus à une drague lourde de l’électorat FN qu'à une stratégie politique véritable.
Justement, la porosité constatée entre la droite et le FN durant cette longue séquence électorale a fait couler beaucoup d’encre. Est-elle vraiment un phénomène si nouveau ? On se souvient des municipales de Dreux en 1983, ou d’alliances aux régionales de 1998….
La droite a profondément évolué. Le RPR et l’UDF ont fusionné au sein de l’UMP. Le Front National était, en 1983, le parti d’une droite radicalisée, de petits commerçants, d’une petite bourgeoisie et de quelques ouvriers de droite. Son émergence correspond à l'usage de l'immigration et de thématiques propres aux segments les plus droitiers de la droite traditionnelle. D'ailleurs, en 1986; la moitié des députés FN sont des transfuges du RPR ou de l'UDF.
En 1998, la droite a tenu bon au niveau national. Philippe Séguin avait en horreur le Front national et Charles Pasqua estimait, me semble-t-il, que la droite était trop faible pour négocier quoi que ce soit avec le FN qui, à l'époque, était davantage structuré et organisé qu'aujourd’hui. Il avait le sens du rapport de forces. Quant à Bruno Mégret ou Jean-Yves Le Gallou, ils avaient en tête, depuis les années 1980, d'inoculer à la droite parlementaire les germes de leur idéologie. La "préférence nationale" était la grande innovation conceptuelle censée droitiser la droite.
Finalement, jusqu'aux années 2000, entre FN et RPR (surtout), il y avait le souvenir de l'Occupation et de la Guerre d'Algérie : les possibles excès de langage étaient contrebalancés, dans la droite républicaine, par quelques solides repères historiques. Cela créait un blocage majeur dans les relations des néo-gaullistes avec les frontistes. Cette frontière là a disparu.
L’entrée de deux députés du Front national à l’Assemblée marque-t-il vraiment un tournant pour ce parti ? Ses succès très localisés au législatives (Gard, Vaucluse), et l’échec de Marine Le Pen dans le Pas-de-Calais ne témoignent-t-il pas au contraire d’une « droitisation » très circonscrite au Sud de la France ?
Il est vrai que le Sud de la France est en pointe du phénomène de droitisation. C’est là que les électorats ont fusionné. C’est là que, demain, la fusion peut se concrétiser dans des alliances locales. Un nombre important de triangulaires ont eu lieu dans le Sud.
Dans les Bouches-du-Rhône, Olivier Ferrand a par exemple été élu à la faveur d’une triangulaire avec l’UMP et le FN, où il a du affronter le majordome de Jean-Marie Le Pen... Mais c’est vrai pour d’autres circonscriptions dans le Vaucluse ou dans l’Hérault. Il faut aussi regarder le score impressionnant du FN (48,8%) face à Michel Vauzelle (51,2%). Il faut enfin constater les scores importants du FN dans le Var ou les Alpes Maritimes, qui ne permettent pas de mettre en difficulté électorale l'UMP. Je renvoie aux excellents travaux de Joël Gombin et Pierre Mayance sur la situation en Provence-Alpes-Côte-d’Azur...
Défaite à Hénin-Beaumont, Marine Le Pen peut-elle encore espérer faire « exploser la droite » au profit du FN ainsi qu’elle le prévoyait ?
Faire exploser l’UMP est très difficile. Nous avons pointé l’hypothèse d’une fusion culturelle, et d’une interpénétration des bases militantes. Cette hypothèse se précise.
La prochaine étape déterminante sera celle des élections régionales et des élections municipales. Dans ce deuxième cas, il sera intéressant d’observer les campagnes des candidats de droite. Prendront-ils sur leurs listes des militants FN ou même Identitaires dans le Sud de la France ? Adopteront-ils la "priorité nationale" (et européenne) comme Mégret le fit en son temps à Vitrolles.
Le FN est privé de cadres dans un grand nombre de régions. Jean-Marie Le Pen a successivement liquidé les amis de Bruno Mégret, puis ceux de Carl Lang. Tous étaient des cadres plutôt implantés qui ont fini par payer leur autonomie par rapport au Président du FN. Cette faiblesse de l'encadrement est un incontestable élément retardateur sur la fusion des appareils mais par de la base culturelle.
Ce sur quoi il faut travailler c’est sur l’imaginaire, sur la domination culturelle des droites. Cela suppose de prendre un peu de recul par rapport à la politique électorale et d'être en mesure de décoder la domination culturelle dextriste. Gardons en ligne de mire les futures municipales et la prochaine présidentielle. C'est là que se jouent les prochaines étapes.
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Entretien avec Catherine Kintzler sur la laïcité   CLACK
Entretien avec Jean-Paul Brighelli sur l'école, l'éduction   CLOCK
Entretien avec Hervé Juvin sur l'économie, l'Europe   CLOUCK
Entretien avec Laurent Bouvet sur "la gauche et le peuple" 1/2 puis 2/2
Entretien avec Sylvain Crépon sur le Front national   CLYCK
Entretien avec Eric Dupin sur les législatives 2012  CLICK
Entretien avec Jean-Loup Amselle sur les "identités"  CLAICK

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mercredi 27 juin 2012

Rigueur de gauche ou austérité de droite : choisis ton camp, camarade !


« Les dépenses de l’Etat seront gelées pendant trois ans ». Telle était l’annonce triomphale qu’on lisait hier dans nombre de journaux, souvent assortie de clichés de ministres souriants. En effet, quand on démontre que, bien qu’étant socialistes, on est avant tout « des gens sérieux », on ne peut qu’arborer une mine réjouie.

Et quand on dit « sérieux », c’est presque un euphémisme. Jugez plutôt : avec des dépenses gelées et un taux d’inflation aux alentour de 2%, les dépenses de l’Etat vont donc baisser chaque année pendant 3 ans. C’est Angela Merkel, qui va être contente !

Heureusement - ouf, sauvés ! - on nous annonce un « effort juste, équilibré, partagé ». Après « l’ordre juste » de Ségolène Royal, voici venir « l’austérité juste » du couple Hollande/Ayrault. Etre juste, répartir équitablement la pauvreté : c’est aussi cela, être de gauche.

D’ailleurs, le journal Libération - qui s’y connaît en matière de gauche - expliquait cela très clairement dans un édito daté du vendredi 21 juin : « une rigueur de gauche est-elle une rigueur de droite qui ne dit pas son nom ? Il faut le dire sans relâche, il n’y a aucune fatalité à ce que ces deux-là se ressemblent ».

C’est vrai, quoi ! Assénons-le, martelons-le, tonitruons-le « sans relâche » : l’austérité de droite et l’austérité de gauche, c’est différent. La preuve : l’une est de droite, ce qui est mal. L’autre est de gauche, ce qui est bien. Et Libé de préciser le fond de sa « pensée » : pour que la rigueur de gauche diffère de celle de droite, il faut qu’un certains nombre de conditions soient réunies. Il convient notamment que « cette rigueur soit assumée, discutée, explicitée et arbitrée à chaque instant dans un esprit de justice et d’effort partagé ».

Une rigueur bien « assumée » : voilà qui est de gauche ! Et « explicitée » aussi. La rigueur, finalement, c’est un peu comme la peste, le choléra, le vol à l’étalage et les coups de fouet. Au départ, on est plutôt tenté d’être contre, mais dès lors que c’est bien « discuté, explicité », on comprend immédiatement tout le bénéfice qu’il y a à en tirer.

En tout cas, quant à l’austérité de gauche et à celle de droite, il est un point sur lequel chacun des deux camps s’accorde volontiers : « il n’y a aucune fatalité à ce que ces deux-là se ressemblent ». D’ailleurs, la toute nouvelle opposition défend « sa » rigueur avec la dernière énergie. Récemment invitée de l’émission Mots croisés, Valérie Pécresse l’a martelé : « la rigueur de gauche sera beaucoup plus brutale que la rigueur de droite ».

En effet, selon l’ancienne ministre, la rigueur de droite, si elle était  moins « explicité » avait au moins un avantage : elle était « tout entière tournée vers la compétitivité, le pouvoir d’achat et l’emploi », quand sa cousine de gauche « se caractérise par des mesures anticoissance et anti-emploi ». Là, on brûle de découvrir dans quels secteurs précis l’austérité de droite a généré de l’emploi, quel type d’emplois, et dans quelles proportions. Las, l’histoire ne le dit pas.

Résumons nous : pour la gauche, la rigueur de droite n’était pas suffisamment « assumée, discutée, explicitée ». A l’inverse, pour la droite, la rigueur de gauche sera « brutale » et « anticroissance ». On voit bien là toute la nuance qu’il y a entre les deux types d’austérité. Chacune est portée par des « gens sérieux », mais leur « nature profonde » diffère dans les grandes largeurs….

René Rémond, dans un ouvrage visant à actualiser ses analyses historiques et intitulée « Les droites aujourd’hui », s’interrogeait sur la pertinence, à l’aube des années 2000, de continuer  distinguer la droite et la gauche. Il admettait que les anciennes lignes de fractures telles l’acceptation de la République, ou la question religieuse, étaient caduques pour départager les deux camps.

Il essayait donc de dégager de nouveaux sujets d’affrontement tels que la décentralisation, l’Union européenne, ou encore la laïcité, mais constatait avec regret que sur ces questions, les positionnements étaient largement trans-clivage : « sur trois des débats de l’heure portant sur des questions de fond et dont la solution façonnera l’avenir, la distinction droite-gauche n’est pas ou n’est plus pertinente ».

C’est vraiment bête que Rémond n’ait pas tenté d’appliquer sa grille d’analyse à « la rigueur ». Sur ce point, aurait été immédiatement convaincu du caractère irréfragable de la partition gauche/droite. Et il aurait pu s’écrier comme nous le fîmes de bonne foi au soir du 6 mai : « le changement, c’est maintenant ! »

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lundi 25 juin 2012

Revendications identitaires : « la discrimination positive est une escroquerie »

- Entretien avec Jean-Loup Amselle -



Jean-Loup Amselle est anthropologue.
Il est Directeur d’études à l’école des hautes études en sciences sociales (EHESS).
Il est l’auteur de plusieurs ouvrages dont l’Ethnicisation de la France, lignes, 2011.


Votre dernier livre s’intitule l’Ethnicisation de la France. Pensez vous qu’il existe, en France, un accroissement des revendications identitaires ?

Je crois qu’il se produit un phénomène double de revendication identitaire. Comme je le montre dans mon livre, des revendications symétriques se font jour.

D’une part, montent des revendications minoritaires, de la part de groupes qui s’estiment discriminés, opprimé, marginalisés : les « blacks », les « beurs », mais également toute la mouvance LGBT, et même, aujourd’hui, les handicapés.

Conjointement, nous assistons à un phénomène de captation de ces revendications par ce que j’appelle des « entrepreneurs d’ethnicité et de mémoire ». Ils parlent au nom de ces groupes qu’ils constituent eux-mêmes, et dont ils s’instituent en porte-parole, de façon à monopoliser à leur profit des revendications au départ peu formalisées et disséminées. En effet, qu’il s’agisse de catégories ethniques ou de phénomènes de « genre » les « membres » de ces groupes supposés ne se revendiquent pas en permanence comme leur appartenant. Un « black » ou un « beur » ne se définit pas constamment comme tel. L’identité est multiple, elle est fonction du contexte d’interlocution, de celui ou celle avec lequel vous dialoguez. A l’inverse, les revendications monopolisées par ces entrepreneurs d’ethnicité et de mémoire enferment les acteurs sociaux dans des mono-identités.

De l’autre côté du spectre, existe la revendication de ce qu’on appelle les « Français de souche », revendication formatée par le Front national et/ou la Droite populaire – voire de l’UMP dans son ensemble, étant donné l’actuel phénomène de radicalisation de la droite.

Là aussi on tâche d’enfermer les individus dans une mono-identité « de souche », mais qui est reprise en symétrique par la gauche multiculturelle et post-coloniale. Il n’est qu’à voir l’exemple paradigmatique des Indigènes de la République, qui utilisent de manière frappante le terme « souchien », soit l’exact pendant de « Français de souche ».

Finalement, entre ces deux tendances, on assiste à une sorte de backlash, d’effet en retour : à mesure que ces identités minoritaires se durcissent, de l’autre côté s’établit aussi un durcissement de l’identité blanche et catholique.

Un peu comme si les crispations identitaires de droite étaient nourries par une sorte de « racisme de gauche » ?

Non, je n’appellerais pas cela un racisme. C’est plutôt un différentialisme, un singularisme, une attitude anti-universaliste. Je ne crois pas, pour ma part, à l’existence du « racisme anti-blancs » que certains dénoncent. En revanche, le discours public est littéralement infesté par le culturalisme, avec une tendance à l’assignation identitaire qui me semble très dommageable.

Pourquoi ces revendications minoritaires se sont-elles multipliées ces derniers temps ?

C’est lié au déclin du social. Ce déclin – avec celui de l’universalisme – est continu depuis mai 1968. C’est un phénomène lent, qui procède également de la disqualification de la  grille d’analyse marxiste, le marxisme étant considéré comme lié au totalitarisme.

Ce discrédit du marxisme a permis, dans la conjoncture post-soixante-huitarde, post-moderne, post-coloniale, de substituer, à une analyse en termes horizontaux et de classes, une façon de découper la société en tranches fragmentaires, ce que j’appelle les « entailles verticales ». Cette thématique des « fragments », de la multitude, a été notamment formalisée par Toni Negri, mais aussi par tout le courant appelé « French Theory ».

Ces identités verticales (black, beur, LGBT) sont vécues comme plus « glamour » que les identités horizontales de classe. Il suffit de lire un journal comme Libération, qui est tout à fait emblématique. Ce quotidien a complètement déserté le social, pour se consacrer au sociétal. Il ne se passe pas un jour sans qu’il promeuve quelque « minorité ».

Au plan politique, ces thématiques sont essentiellement reprises par Terra Nova, qui prône un abandon des classes ouvrières, lesquelles auraient disparu ou seraient définitivement passées au FN. Cette gauche « ethno-éco-bobo » leur préfèrera donc les couche urbaines, les jeunes, les minorités, etc.

Malgré tout, ces « entrepreneurs d’ethnicité et de mémoire » que vous décrivez, n’ont-ils pas une utilité ? Les discriminations existent bel et bien…

Oui, c’est l’argument qu’on m’oppose généralement. Je ne le nie absolument pas. Evidemment que les discriminations existent ! Mais que doit-on mettre au premier plan ? Ces discriminations ou la question sociale ?

Pour ma part, je pense que la « discrimination positive », cette transcription française et incertaine de « l’affirmative action » américaine, est une escroquerie. Ce qui est fondamental à l’échelle mondiale et spécialement dans les pays développés, c’est l’accroissement des inégalités. Les riches sont de plus en plus riches, les pauvres de plus en plus pauvres, et la « classe moyenne » se rétrécit comme une peau de chagrin. C’est ce qu’Alain Lipietz appelait autrefois la « société en sablier », avec un phénomène de déclassement de la classe moyenne inférieure, notamment dans la France périurbaine.

Les discriminations sont loin d’être un phénomène négligeable, mais j’y vois pour ma part un phénomène second, que l’on se plait à mettre en avant pour masquer les inégalités de revenus croissantes au sein des pays développés. La discrimination positive, qui vise à contrebalancer les discriminations, est d’ailleurs parfaitement compatible avec l’économie libérale.

D’ailleurs, cela va de pair avec la montée des phénomènes de marketing ethnique. On le sait, le marché ne s’adresse pas à des individus atomisés mais à des catégories de clientèles. Les entreprises savent très bien qu’il faut segmenter le marché. Ainsi ont-elles créé un marché de cosmétiques en directions des blacks, un marché du hallal en direction des musulmans, un marché en direction des gays, etc.

Vous pensez vraiment qu’en lissant les inégalités économiques, on ferait disparaître les discriminations ?

Non, je ne dis pas cela. Encore une fois, le racisme et les discriminations existent. Le fait que des blacks ou des beurs se voient interdire l’entrée dans certaines boites de nuit, personne ne le nie…Simplement, c’est bien contre le racisme qu’il faut lutter, contre ceux qui discriminent. Et cela ne se fera pas en essayant de promouvoir l’identité supposée de « groupes » constitués.

Cette gauche que vous appelez « multiculturaliste et post-coloniale » n’est-elle pas en train de revenir, peu à peu, de ses errements sociétalistes ?

Ils finiront par y être obligés ! Le Front national, même s’il n’a que deux députés, a obtenu des scores significatifs aux législatives partout où il y a eu affrontement entre un candidat PS et un candidat FN. Pour lui faire barrage, il faudra bien que la gauche se mette à nouveau à s’occuper des « petits blancs », comme on dit.

La montée du FN exprime-t-elle, pour vous, une montée du racisme, ou peut-on y voir d’autres causes ?

Je pense qu’il faut réfléchir à l’échelle européenne. Il y une montée généralisée du populisme. Ce phénomène est lié au fait que l’Europe se ferme, notamment face aux migrations. Elle devient une forteresse, et se dote d’une identité que j’appellerais « civilisationnelle » : l’identité blanche et chrétienne. La peur face à la mondialisation fait que l’on se raccroche à ces racines supposées. Et cette Europe sécrète un rejet de tout ce qui n’est pas elle, en particulier de l’Islam. L’identité de l’Europe aujourd’hui est presque une identité négative, de rejet du monde musulman. On a beaucoup critiqué Huntington, mais il a largement anticipé le « choc des civilisations » qui se produit réellement.

Que répondez-vous à ceux qui considèrent que le racisme viendrait du haut, qu’il serait insufflé au peuple par les « élites » ?

Je ne suis pas du tout d’accord avec ça. De quelles élites parle-t-on ? Si on parle de l’élite politique, on peut en effet constater une radicalisation de la droite, notamment avec Nicolas Sarkozy. Mais cette droitisation a été rendue possible par plusieurs facteurs. D’abord par l’éloignement du souvenir de la Seconde guerre mondiale et le fait que le gaullisme n’existe plus. Ensuite parce que le discrédit jeté sur le communisme et le marxisme a privé la gauche de son rôle de véritable contre-modèle. Quant à la gauche multiculturelle et postcoloniale il faut bien dire qu’elle nourrit le phénomène.

Existe-t-il en France un authentique risque communautariste. En somme, le modèle américain est-il transposable ?

Je ne le pense pas. Il y a une grande différence entre la France et les Etats-Unis. Il existe en France une domination de la religion catholique, au contraire des Etats-Unis où c’est l’émiettement qui prévaut, y compris chez les protestants. La société américaine, composée de couches de migrants successives, est par essence communautariste. Surtout, aux Etats-Unis, le social a été éliminé depuis les années 1950, soit depuis beaucoup plus longtemps qu’en France.

Ce qui prouve bien, une fois de plus, l’urgence de se départir des pansements sociétaux et de revenir au social. Il convient d’adapter mais néanmoins de réhabiliter le marxisme d’une part, et de renouer d’autre part avec l’universalisme.

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jeudi 21 juin 2012

Valérie Trierweiler : prenons garde à ne pas trop aimer la détester.




Valérie Trierweiler a fait bien des sottises depuis qu’elle a entrepris de « réformer » la fonction de « première dame ». En fait de réforme, c’est plutôt à un ouragan de maladresses que l’on assiste. De fait, cette fan d’Eleanor Roosevelt semble avoir autant à voir avec le Bigdil que feue son idole avec le New Deal.

Est-ce une raison, cependant, pour affubler la « First Lady» de toutes les tares ?

Sur la Toile, nombreux sont ceux qui, à droite, sont heureux d’avoir enfin conquis le statut de « geeks d’opposition », cent fois plus confortable que celui de « blogueur d’appareil » ou de « twitto d’accompagnement ». Leur tour est venu de s’autopromouvoir sans effort en tapant comme des sourds sur quelques proies faciles, ainsi que nous le fîmes nous-mêmes sans vergogne lorsqu’il s’agissait de dégommer Sarkozy, de pourfendre Guéant ou de dézinguer Morano.

Chose plus étonnante, Valérie Trierweiler semble également susciter l’ire de nombre de partisans de celui dont elle a choisi de compliquer l’existence. Pour les « degauche », en effet,  critiquer la compagne présente un avantage : ça dispense de critiquer le Président. Le moment venu, « l’argument Trierweiler », qui épargne tout à la fois le chef de l’Etat et son gouvernement, pourrait s’avérer une excellente excuse en cas d’échec de la politique de François Hollande. La France se désindustrialise et le « redressement productif » tend à se faire attendre ? C’est de la faute de Trierweiler. Le chômage explose ? C’est de la faute de Trierweiler. Hollande plie face à Merkel ? Encore un coup de Trierweiler….

Dès lors, parce qu’elle a pas mal œuvré pour le mériter et parce que c’est à la fois facile et amusant, celle dont la France entière a découvert l’inélégance jalouse sous le pseudo de @valtrier, en prend parfois pour son grade plus qu’il ne serait souhaitable.

Dernier ragot en date : la « première matrone » aurait fait virer une commandante de police chargée de sa protection. C’est le site du journal l’Express qui le dit, relayé ad nauseam par nombre d’autres journaux en ligne, et propagé ubi et orbi par des grappes d’internautes furieux. Avec, bien sûr, des commentaires aussi gracieux que : « bon alors, il la plaque quand, Hollande ? ». Comme si nous avions à opter pour le maintien (tapez 1) ou la répudiation (tapez 2) de l’amoureuse présidentielle !

En tout cas, « l’info » circule. Peu importe  qu’elle n’ait aucune espèce d’intérêt d’une part, et que le média qui la relaie soit approximatif d’autre part. Ce qui compte, c’est que ça buzz. Pourtant, si l’on se penche avec attention sur le texte de l’Express, on est perplexe.

Le site de l’hebdo nous indique: « le 1er avril, lors de son déplacement à La Réunion, François Hollande fait une halte dans le cimetière des esclaves, à Saint-Louis. Le candidat à l'Elysée dit quelques mots. Sa compagne l'écoute (…) une commissaire de police du SPHP[1] (Service de protection des hautes personnalités) se tient à son côté. Elle est chargée d'assurer sa protection, le temps de la campagne. Un brin zélée, la fonctionnaire a sorti une ombrelle et la tient au-dessus de Valérie Trierweiler pour la protéger du soleil ».

Pour être zélée, elle est zélée, la commissaire ! Les commissaires de police appartiennent au corps de conception de la Police nationale, dont ils sont des administrateurs de haut niveau.  En général, on les trouve surtout dans des bureaux, où ils croulent sous une demi-tonne de paperasserie au contenu abscons. Il est plus inhabituel qu’ils jouent les dames de compagnies déployant ombrelles et parasols au dessus de la tête de quiconque. Si la commissaire dont on parle ici a vraiment fait cela, il n’était que temps qu’elle soit mutée. Puisse-t-elle trouver dans son nouveau poste matière à exploiter plus utilement ses véritables compétences.

Plus loin, l’Express poursuit : «  la commandante n'arrivera pourtant pas à nouer un lien de confiance avec la future première dame. Le 29 avril, elle se fait sévèrement réprimander par la compagne de François Hollande ». Là, on comprend de moins en moins. Elle est ubiquiste, la commandante ? Comment peut-on être à la fois « commissaire » et « commandante » ? Un commandant, dans la Police, c’est un officier ayant atteint le grade terminal de ce qu’on appelait autrefois les « inspecteurs », corps différent de celui… des commissaires.

« Hasard ou coïncidence », termine l’hebdo, « cette policière ne fait plus partie des effectifs chargés de la sécurité du couple présidentiel. Elle est la seule de tous les gardes du corps ayant officié pendant la campagne autour du socialiste à n'avoir pas été intégrée au Groupe de sécurité de la présidence de la République (GSPR) ».

C’est vrai ça ! Hasard ou coïncidence ? Sur des sujets majeurs comme celui-ci, il faut tout de même savoir poser les vraies questions ! Qu’est-ce qui nous dit, par exemple, que ce n’est pas encore un complot de la CIA ? Quid des Illuminés de Bavière ? Est-on sûr qu’ils ne sont pas derrière tout ça ?

Plus sérieusement, n’avons-nous pas eu notre dose de Valérie Trierweiler après la fameuse « affaire » du tweet de soutien à Olivier Falorni ? N’avons-nous pas clamé que, n’étant élue ni d’Eve ni d’Adam elle n’avait pas à se mêler de politique ? Que nous n’avions pas voté pour un couple mais pour un homme, et que souhaitions que sa vie privée demeure…privée ?

Et si on envisageait - chiche - la ligne de conduite suivante : on fiche la paix à la girlfriend-in-chief, et on exige en échange qu’elle nous la fiche aussi, à partir de ce jour, et pour l’intégralité des cinq années à venir ?



[1] Et non du SHPH, n’en déplaise à l’Express et à tous ceux qui l’on recopié.

Lire et relire : 
Carla Bruni deux-en-une : belle et bête à la fois   CLICK

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samedi 16 juin 2012

Législatives : NKM et "les voix de l'extrême-droite".



Plus que quelques heures maintenant avant de connaître le dénouement des feuilletons qui se jouent dans un certaines circonscriptions.

Parmi ces « circos de tous les dangers » figure la quatrième de l’Essonne, où l’ancienne ministre Nathalie Kosciusko-Morizet se livre à danse du ventre endiablée pour échapper à une élimination qui lui vaudrait quelques années de « traversée du désert ». Pour l’emporter, la maire de Longjumeau ne recule devant aucun argument fallacieux. Elle confirme ainsi cette capacité, qu’on lui avait découvert pendant la campagne présidentielle, à enfiler les contradictions comme d’autres se plaisent à enfiler les perles.

Il faut dire qu’à force de souffler tantôt le chaud, tantôt le froid, « NKM » s’est auto-installée dans une vaste étang d’eau tiède dans lequel elle patauge désormais tout en essayant de ne s’y point se noyer…

L’écart n’est pas si grand entre la sylphide rousse et son rival socialiste. La première a obtenu 39,46% des voix dimanche dernier, cependant qu’Olivier Thomas en a recueilli 36,29%.

Seulement voilà : celle qui signa, en 2009, un brûlot anti-FN intitulé Le front antinational, celle qui porta le fer contre Marine Le Pen, en septembre 2011 à l’occasion d’un débat radiotélévisé fort commenté, est désormais l’une des cibles privilégiées du Front national. Elle figure en effet, aux côtés de Georges Tron, de Xavier Bertrand ou de Jack Lang, sur la short-list des candidats que Marine Le Pen souhaite faire battre. Dans son entreprise de règlement de comptes, la leader frontiste a même été un temps dépassée par l’action de ses troupes sur le terrain. Au cours de la semaine qui s’achève, Brigitte Dupin, la candidate FN éliminée, a fait imprimer un millier de tracts, rapidement retirés de la circulation, mais néanmoins frappés de ce slogan inattendu: « faites barrage à NKM, votez PS avec le Front national ».

Las, les évènements sont bien injustes avec une Nathalie Kosciusko-Morizet qui se sera donné bien du mal pour piétiner ses propres convictions. Certes celle-ci ne mégotait pas, jadis, ses positions tranchées. Quitte à prendre parfois au dépourvu la direction de l’UMP. Lors des élections cantonales de mars 2011, elle avait pris de vitesse son parti en envisageant en ces termes d’éventuels duels FN/PS : « dans ce cas-là je dis clairement: on vote PS ».

Toutefois, depuis quelques semaines, la candidate de l’Essonne, n’a pas hésité à mettre quelques hectolitres d’eau dans son vin. D’abord pendant la présidentielle, en demeurant la porte-parole d’un Nicolas Sarkozy complètement « buissonisé », notamment dans l’entre deux tours. Désormais, en validant sans broncher la consigne du « ni-ni » (ni Front national, ni PS) donnée par Jean-François Copé pour le second tour des législatives. Au point même d’avaliser l’argument imbécile d’un Mélenchon antisémite, qui justifierait, selon elle, de renvoyer dos à dos la gauche et le Front national. Ainsi NKM accepte-t-elle de se renier avec un tel entrain, une telle énergie et une telle absence de vergogne qu’on en est presque attristé, après avoir d’abord été gêné.

Voilà donc notre girouette prise entre le marteau et l’enclume. D’un côté, l’ex-promotrice d’un « front républicain » anti-FN se trouve marquée à la culotte par un Front national qui a juré sa perte. De l’autre, la désormais candidate du « ni-ni » voit la candidate locale du Modem, Gabrielle Nguyen, lui tourner le dos pour soutenir son rival socialiste. Qui croyait aux vertus du grand écart découvre désormais les turpitudes de l’étau…

Dès lors, c’est un bien triste « sauve qui peut » que nous donne à contempler NKM lorsqu’elle affirme sans rougir : « le candidat socialiste chez moi est soutenu par la présidente du Front national de manière publique ». Comme si Olivier Thomas était comptable de ce soutien. Comme s’il l’avait sollicité. Comme s’il avait tenu meeting commun avec Marine Le Pen…

D’ailleurs, à la député sortante clamant partout que son rival « accepte les voix de l’extrême droite », on a envie de poser ces questions : les refuserait-elle, ces mêmes voix, si elles lui étaient acquises ? Très logiquement, à la veille du 6 mai dernier, la porte-parole NKM appelait « les électeurs qui ont voté Marine le Pen » à se reporter sur Sarkozy. Ces mêmes électeurs auraient-ils attrapé la peste entre la présidentielle et les législatives ? Quand bien même, comment fait-on, concrètement, pour refuser des voix ? Monsieur Thomas doit-il boucher les urnes avec de la glue ? Faire le tour des bureaux de vote de sa circonscription pour escamoter les bulletins à son nom ? Se retirer pour éviter qu’une main « d’extrême droite » ne vienne à glisser son bulletin dans une enveloppe ?

On atteint là, manifestement, les limites de la rhétorique électoraliste. Et de la sympathie que l’on put éprouver un temps pour une femme politique qui semblait avoir quelques solides convictions. Il ne nous reste donc qu’à souhaiter à Nathalie Kosciuscko-Morizet, si elle venait à être élue, de parvenir à l’être sans aucune « voix de l’extrême-droite ». Puisse-t-elle nous fournir rapidement un certificat en attestant.

Si jamais elle était battue, elle aurait doublement perdu. Car perdre en ayant défendu ses idées est probablement très frustrant. Mais que dire de celui ou celle qui perd en les ayant bradées ? Il ne restera alors pour NKM - à charge pour elle de s’en auto-persuader puis de s’en satisfaire - qu’un seul motif de contentement : n’avoir pas même été effleurée par les « voix de l’extrême-droite ».

Lire et relire :
Quelles conclusions tirer de la défaite de Mélenchon ?   CLICK
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mercredi 13 juin 2012

Droite identitaire / gauche "diversitaire" : mêmes armes, même combat ?



Tribune publiée sur LeMonde.fr le 12 juin.

Il y a une dizaine de jours se sont produits, dans l'univers médiatique, deux évènements que tout semblait opposer, si ce n'est leur capacité à "faire du buzz" : d'une part, la chronique d'Eric Zemmour sur RTL contre Christiane Taubira. D'autre part, la une du Libération du 31 mai vilipendant les "cabinets blancs de la République".

A bien y regarder, s'ils sont le fait d'un éditorialiste de droite pour l'un, d'un journal de gauche pour l'autre, ces deux événements se complètent à merveille. Une photographie n'allant jamais sans son négatif, ils sont le yin et le yang de cette "interprétation identitaire", devenue la grille de lecture favorite de nombreux commentateurs. Il n'est qu'à lire, de part et d'autre, le vocabulaire utilisé. Si l'objectif diverge, il est frappant de constater que les mots de Zemmour et de ceux de Libération, finalement, sont les mêmes.

S'en prenant à la garde des sceaux le 27 mai sur RTL, Eric Zemmour clamait : "en quelques jours, Taubira a choisi ses victimes, ses bourreaux. Les femmes, les jeunes des banlieues sont dans le bon camp à protéger, les hommes blancs dans le mauvais". Quelques jours plus tard, Libération prétendait passer au crible les cabinets ministériels récemment constitués pour pointer du doigt leur absence de "diversité". Et le quotidien d'affirmer : "les 140 premières nominations dans les cabinets ministériels projettent une image en réduction d'une tare nationale : le mâle blanc passé sous la toise des "grandes écoles" triomphe à tous les étages".

Poussant son habituel Sanglot de l'homme blanc, Eric Zemmour décrit ce dernier comme le martyr d'une "diversité" vécue comme triomphante. De l'autre côté du miroir, dans un accès de zemmourisme inversé, Libération pointe l'arrogance du "mâle blanc", coupable désigné de l'incapacité de la France à faire coïncider l'apparence de ses élites à un supposé "pays réel". L'expression " pays réel ", que Charles Maurras opposait au "pays légal" est d'ailleurs reproduite telle quelle par Libération, comme si l'utilisation des concepts mêmes de la droite radicale était devenue légitime pour la gauche "diversitaire".

Voici donc, se faisant face, les "identitaires de droite et de gauche", ainsi que Laurent Bouvet nomme ces deux faces d'une même médaille : le défenseur "réactionnaire" de "l'homme blanc" côté pile, les thuriféraires "progressistes" de la "France métissée" côté face. Et l'on s'interroge : si finalement les uns et les autres, loin d'être les ennemis irréductibles que l'on croit, étaient au contraire des alliés de circonstance se renforçant mutuellement ?

C'est plausible, tant il est vrai que ces frères ennemis envisagent la société sous un même angle, exclusif : celui de l'appartenance identitaire. Comme s'ils portaient le même vêtement, les uns à l'endroit, les autres à l'envers, leur tenue reste identique. D'ailleurs, ils affichent le même but : protéger la "victime" qu'ils ont choisie, celle dont "l'identité" leur paraît en danger. Pour Eric Zemmour, cette victime est le pauvre "mâle blanc", menacé d'extinction par une déferlante immigrée largement fantasmée. Pour Libération, à l'inverse, la victime à soutenir est l'individu "issu de la diversité", menacé par le racisme, la xénophobie, et frappé par toutes sortes de "discriminations".

Paradoxalement, s'ils sont complices de fait, c'est aussi parce que droite identitaire et gauche multiculturelle se considèrent mutuellement comme l'ennemi absolu. Les deux camps s'entre-dénoncent, se mettent à l'index, s'accusent et s'excommunient à grand bruit, chacun assurant ainsi à l'adversaire une surexposition médiatique dont il bénéficie lui-même en retour. Dans la bouche d'une certaine droite on entendra donc en boucle le procès de "la gôche", de sa "bien-pensance" et de son "angélisme". En écho, dans les rangs d'une certaine gauche, retentira matin, midi et soir l'hallali sonné contre les " réacs " et de leurs idées "nauséabondes".

Droite et gauche identitaire se nourrissent donc l'une de l'autre. Elles se donnent de l'importance et s'offrent en permanence de nouveaux arguments. Puis, peu à peu, elles se durcissent, se radicalisent. Et l'on a tôt fait de passer de l'opposition Zemmour/Libération au match "Front national" contre "Indigènes de la République". Comme l'observe Jean-Loup Amselle, "il y a une symétrie parfaite entre l'extrême-droite et l'extrême-gauche multiculturelle et post-coloniale : d'un côté le Front National utilise la notion de "Français de souche" ; de l'autre côté, vous avez les "souchiens" des Indigènes de la République (...) il y a une espèce de connivence". Effet miroir, donc, renforcé là encore par le choix des mots : "de souche" et "souchiens". Presque les mêmes....

Ainsi peut-on émettre l'hypothèse suivante : en agissant comme son double inversé, la gauche "diversitaire" utilise les mêmes armes que la droite identitaire. Dès lors, la différence entre les deux n'est plus qu'une différence d'intention. Ces mêmes - bonnes - intentions dont l'enfer est pavé. Car en pointant la qualité de "Blanc" ou de "Noir" de tel ou tel individu, en ethnicisant chaque problème, en validant l'utilisation du critère racial, la gauche multiculturelle se comporte comme "l'idiote utile" d'une droite qu'elle abhorre.

La notion même de "diversité" louée à gauche comme une richesse, est éminemment pernicieuse, parce qu'elle divise le monde en deux. Elle entretient l'idée qu'il existe d'une part une "normalité" et d'autre part une "diversité" constituée tout à la fois des Arabes, des Noirs, des femmes, des gays, bref du mélange indistinct de tout ce qui est "non-normal". Elle pose "l'homme blanc" comme étant le point de départ, tout ce qui n'est pas lui étant une sorte d'accident de parcours, qu'on qualifie de "divers" pour n'avoir pas à le qualifier de "déviant". Or cette dichotomie normal/divers a tôt fait d'être investie par une droite qui la reformule d'une manière servant ses propres objectifs : c'est le relativisme culturel et la mise à contribution de la thèse du "choc des civilisations", qui conduisent un Claude Guéant, par exemple, à affirmer que "toutes les civilisations ne se valent pas".

Avec le concept mouvant de "diversité", la gauche identitaire, comme son alter-ego de droite, cautionne la mise en exergue de ce qui sépare : la race, la couleur de peau, l'origine, la religion voire la préférence sexuelle. Toute chose que la République connaît, mais en aucun cas ne reconnaît. Ce faisant, toutes deux laissent de côté tout ce qui rassemble : la qualité de citoyen, la nationalité française, la communauté de destin.

Lorsqu'il fut écrit dans la Constitution que la République "assure l'égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d'origine, de race ou de religion", ce n'était pas pour nier qu'il y eût des différences. Au contraire même, c'était l'admettre. Mais c'était refuser qu'on en fasse un critère.

Faire des différences une "richesse" et voir dans la diversité un "bien", c'est immédiatement permettre à d'autres d'en faire un fléau et d'un voir un "mal". Il est décidemment grand temps que la gauche, au moins, cesse d'être multiculturaliste pour redevenir républicaine et universaliste.

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mardi 12 juin 2012

Eric Dupin: « Le PS peut espérer obtenir seul la majorité absolue à l’Assemblée »




Eric Dupin est journaliste politique. Il collabore au site Rue89.
Il est l'auteur de plusieurs ouvrages notamment La Victoire empoisonnée, Seuil, 2012


Coralie Delaume. Lors du premier tour du scrutin législatif, l'abstention s'est élevée à 42,8%. Le record de 2007 est donc battu. Nous venons de connaître le taux de participation le plus faible de la V° République pour des législatives. Quels enseignements en tirer ?

Eric Dupin. J’en tirerai trois conclusions. Tout d’abord, cela a beaucoup été dit, lorsque des élections législatives se tiennent après une élection présidentielle, l’abstention est toujours élevée. Ce fut le cas en 1981 et 1988 après les dissolutions décidées par François Mitterrand.

Mais c’est d’autant plus vrai lorsque n’intervient pas cet acte « dramatique » qu’est la dissolution de l’Assemblée, et que les législatives n’apparaissent alors que comme un scrutin de ratification de la présidentielle. Ce qui est désormais systématique en vertu de l’inversion du calendrier électoral décidé par Lionel Jospin en 2000. Après l’élection reine qu’est la présidentielle, le corps électoral considère qu’il a déjà choisi.

Voilà pour les raisons techniques. Mais l’abstention a d’autres causes, qui expliquent pourquoi elle est croissante. Sous l’effet d’un effacement progressif des identités collectives, le devoir civique est de moins en moins ressenti comme tel. Les plus jeunes des électeurs, notamment, se sentent moins concernés.

La troisième raison, enfin, réside dans les désillusions qui frappent les électeurs, après plusieurs alternances qui ne leur ont pas paru constituer des alternatives. Il y a cette impression - notamment dans les classes populaires mais pas seulement – que le pouvoir change de couleur sans changer de politique. J’ai eu l’occasion de mesurer cet état d’esprit désabusé lors des entretiens que j’ai menés pour mon dernier livre La Victoire empoisonnée.

Le score de la gauche - près de 47 % - vous semble-t-il très élevé ?

Non. C’est loin d’être le raz-de-marée rose de 1981 ou bleu de 1993. On s’achemine vers une majorité franche de gauche, mais assez symétrique à ce que fut la majorité de droite en 2007. Cohérents, les Français donnent une majorité au président qu’ils ont élu, lui offrant ainsi la possibilité d’appliquer son programme. Pour autant, cette majorité n’est pas écrasante.

Au sein de la gauche, le PS obtient plus de 34% des suffrages, ce qui est conséquent…

Si on réalise une projection des résultats du 10 juin, le PS, avec ses satellites (PRG et divers gauche) peut espérer obtenir seul la majorité absolue des sièges à l’Assemblée. C’est pour moi une surprise, je m’attendais plutôt à une majorité relative. Il pourrait donc se passer, lors des votes au Palais-Bourbon, des écologistes d’EELV, mais surtout du Front de gauche. Or politiquement, cela n’est pas négligeable. Si les désaccords sont moindres entre socialistes et écologistes, ils sont réels entre le PS et le FDG, notamment sur les thématiques économiques.

Le Front de gauche semble le grand perdant de ce premier tour…

Oui : c’est spectaculaire. Et dramatique pour lui. C’est la première fois que les communistes, notamment, vont voir la gauche parvenir au pouvoir et, dans le même temps, leur nombre de députés se réduire, de 16 actuellement à une dizaine probablement.

Comment l’expliquer ?

Par la continuation du déclin communiste dans ses bastions historiques. Dans certains « fiefs » du PCF, le candidat socialiste a devancé le communiste. C’est le cas pour les communistes Jean-Pierre Brard ou Patrick Braouezec en Seine-Saint-Denis. Même chose dans un autre bastion historique, en Seine-Maritime, qui perdra ses deux députés PCF.

Quand au Parti de gauche, il demeure une jeune formation sans réels bastions, ce qui est très pénalisant dans le cadre d’un scrutin uninominal. Ainsi, même des personnalités connues comme François Delapierre ou Eric Coquerel ont échoué dans l’Essonne et en Corrèze. Le PG ne devrait donc avoir qu’un député, Marc Dolez, personnellement très implanté dans le Pas-de-Calais.

La stratégie de Mélenchon à Hénin-Beaumont, que vous aviez qualifiée de « faute politique », est-elle à mettre en cause ?

Non, si ce n’est pour son sort personnel. En choisissant d’aller défier Marine Le Pen sur ses terres, Mélenchon s’est enfermé dans une ligne idéologique peu adaptée au terrain local. Ses attaques violentes à l’encontre du candidat socialiste risquent de rendre difficile le rassemblement de la gauche au second tour et favoriser l’élection de Marine Le Pen.

Pour la suite, la quasi-absence du Parti de gauche au Palais Bourbon risque de fragiliser le Front de gauche, qui reste une coalition, avec des sensibilités différentes. Par exemple, le PG refuse par principe toute participation au gouvernement alors que le PCF entend se déterminer à l’issue du scrutin législatif. Présent à l’Assemblée, Mélenchon aurait pu jouer son rôle de fédérateur de cette coalition, ce qui n’est désormais plus possible.

Vraisemblablement, le Front national aura peu - ou pas – de députés. On a pourtant vu Marine Le Pen exulter sur nos écrans. A-t-elle réussi son pari ?

A titre personnel, à Hénin-Beaumont, oui même si son élection n’est pas encore acquise. Au delà, je considère le FN comme l’un des vainqueurs du scrutin. Certains de ses candidats ont fait de bons scores, d’une part. D’autre part, la stratégie de mise sous pression de la classe politique entreprise par Marine Le Pen porte ses fruits. L’UMP peine déjà à avoir une ligne unitaire sur le comportement à adopter vis-à-vis du FN. Certains l’ont d’ores et déjà choisi plutôt que le PS [Nb : dans les Bouches-du-Rhône, le candidat UMP Roland Chassain a choisi de se retirer, espérant ainsi une victoire de la candidate FN face au socialiste Michel Vauzelle].

D’ailleurs, que le FN ait zéro ou trois députés n’empêchera pas son influence. Il serait trompeur de ne raisonner qu’en nombre d’élus, dans le cadre d’un scrutin uninominal.

Avec près de 35% des voix, l’UMP ne s’est pas du tout effondrée…

En effet, mais il n’y avait aucune raison à cet effondrement. Le bon score de Nicolas Sarkozy au second tour de la présidentielle laissait présager une bonne résistance de l’UMP. La droite est loin d’avoir disparu à la faveur de cette alternance.

D’ailleurs, c’est un détail qu’on oublie souvent, la moitié des circonscriptions a été redessinée, souvent à l’avantage de dignitaires de droite. L’UMP devrait donc avoir un nombre important de députés au soir du 17 juin. 

Quand au centre, va-t-il disparaître ?

Non. C’est plutôt l’aventure personnelle de François Bayrou qui risque de prendre fin. Mais il serait fort étonnant que notre vie politique ne sécrète pas un centre renouvelé. Cette famille politique est diverse (démocrate-chrétienne, radicale, etc.) mais elle existe.

En revanche, son maintien dans l’UMP n’est pas certain. Il semble d’ailleurs que cette entreprise singulière d’union des droites et du centre que constitue l’UMP ne va pas durer très longtemps. Entre la force centrifuge exercée par le FN sur une droite radicalisée d’une part, et l’hétérogène famille centriste d’autre part, les tensions sont amenées à s’accroître.

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lundi 11 juin 2012

Quelles conclusions tirer de la défaite de Mélenchon ?




A Hénin-Beaumont, Jean-Luc Mélenchon a perdu son pari. Il n’est arrivé qu’en troisième position derrière Marine le Pen, qu’il était venu défier sur ses terres, et derrière le socialiste Philippe Kémel. « Méluche » a pris acte, hier soir, de sa défaite, à l’occasion d’un discours où on lui découvrit un visage accablé qu’on ne lui connaissait guère.

Lorsqu’il a décidé d’être candidat dans la « circo 6211 », Mélenchon a été accusé de tout, et, en premier lieu, d’être devenu « accro » aux caméras et aux micros. Si tel était le cas, il l’aura payé cher. Au terme d’une campagne féroce, son image d’homme radical, voire incontrôlable, s’est affermie. Des faux tracts aux noms d’oiseaux, et jusqu’à l’incident ayant eu lieu dans un bureau de vote de Méricourt, les « deux Fronts » se sont jetés l’un contre l’autre avec une grande violence. Or les électeurs du Front national tendent à lui pardonner ses excès. C’est même souvent cela qu’ils lui demandent : de l’intransigeance et de la dureté. Las, ce n’est pas ça qu’attendent les électeurs de gauche. Aussi ont-il préféré le candidat « normal » Philippe Kémel au turbulent Mélenchon.

On a aussi vu, dans la démarche de l’ancien présidentiable, une volonté de jouer un « troisième tour » face à Marine Le Pen, qui l’avait largement devancé au soir du 22 avril. C’est en effet très probable. Hélas, chez Mélenchon, l’audace a primé la lucidité politique. En s’enferrant dans un antifascisme romanesque, le candidat courrait à l’échec. Car il ne suffit plus de scander « F comme fasciste, N comme nazi » ou de tonner « no pasaràn » pour convaincre les électeurs de Marine Le Pen de se détourner d’un FN dont la démarche de « dédiabolisation » s’avère un succès. En faisant de la lutte contre le FN son principal argument, Mélenchon ne fait que rejoindre, finalement, le très bourgeois journal Libération, qui titrait encore récemment au sujet du Rassemblement bleu Marine : « néo, mais fachos ».

Sauf qu’à Hénin-Beaumont, on est sans doute bien moins perméable aux postures de la gauche morale qu’on ne l’est dans le XI° arrondissement de Paris. Dans ce Pas-de-Calais désindustrialisé, le discours eurosceptique, anti-mondialisation et protectionniste de Marine Le Pen fait mouche. Au point que le vote FN y est devenu – il faudra bien s’y faire – un vote d’adhésion plus qu’un vote de rejet.

Quant au discours anti-immigrés il séduit un public ayant subi dans sa chair l’impitoyable concurrence qui se joue sur le marché de l’emploi. Davantage, en tout cas, que les déclarations certes généreuses, certes humanistes, mais fort peu pragmatiques d’un Mélenchon dont l’appétence pour la libre circulation des personnes n’est finalement qu’un avatar gauchisé de la doxa libérale. Dans Le Nouvel Observateur, Laurent Joffrin l’exprime en ces termes : « un candidat qui proclame à tous vents que l’immigration ne pose aucun problème ne saurait remporter un grand succès auprès des ouvriers et des employés, qui craignent la concurrence d’une main d’œuvre sous-payée et corvéable à merci ».

Ajoutons à cela que le « folklore » ouvriériste du Front de gauche, dans ce Nord échaudé par un réel très dur, ne prend plus. Il ne suffit plus d’invoquer le Germinal de Zola ou d’entonner « au Nord, c’étaient les corons » pour convaincre. Les enfants de mineurs savent que le passé ne reviendra pas. Ils attendent donc des politiques qu’ils leur proposent un avenir ou, a minima, qu’ils prennent en compte leur présent. Membre du collectif « Gauche populaire », Denis Maillard l’explique fort bien: « l'ouvriérisme nostalgique sans lien avec le contexte économique et les réalités de la mondialisation, notamment en ce qui concerne l'immigration, conduit à un échec dans les milieux populaires (…) se faire photographier sur fond de terril, c’est passer à côté de ce qu’est le travail aujourd’hui (…) une nouvelle économie est née également, avec de nouvelles pénibilités : toute une économie de services avec des travailleurs, souvent pauvres, qui sont considérés comme des employés par la nomenclature de l’INSEE alors qu’ils sont en réalité de vrais ouvriers des services ».

Jean-Luc Mélenchon, pourtant, aura fait montre d’un réel panache. En choisissant une circonscription où rien n’était assuré, il aura fait, comme le dit Eric Dupin, une « courageuse erreur politique ».

En outre, l’homme n’est pas de ceux qu’on a besoin de supplier : il a concédé sa défaite très vite, et reconnu la légitimité de Philippe Kemel, tout comme il avait appelé à « faire battre Sarkozy » au soir du premier tour de la présidentielle, sans ambiguïté et sans rien négocier. Ce type d’élégance est suffisamment rare pour mériter qu’on y réponde par une élégance équivalente. Aussi le Parti Socialiste aurait-il pu faire un geste, en favorisant l’élection de Mélenchon. Ce dernier, en plus d’un tribun exceptionnel, aurait été un aiguillon utile pour la gauche au sein du Palais Bourbon.

Toutefois, au terme d’une présidentielle en demi-teinte et d’une campagne législative ratée, force est désormais de l’admettre : on ne combat le Front national ni par l’injure disqualifiante, ni par la réactivation d’une mythologie de gauche faite de drapeaux rouges, d’Internationale, et de scansion de slogans de type : « d’une rive à l’autre de la Méditerranée, nous sommes tous frères ».   

Il faut prendre acte que le vote FN n’est plus un vote de mécontentement mais un vote de conviction, s’interroger sans a priori et sans tabou sur les raisons de son succès et inventer, désormais, les vraies parades. C’est à ce prix que les socialistes, qui détiendront très prochainement tous les leviers d’action nécessaires, pourront transformer ce qui ne sera dabord qu’un succès dans les urnes, en véritable et durable victoire idéologique.

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