Mercredi 8 mars, c’était la journée de la femme, la « meuf Pride », la mascarade du mascara, ce « jour dédié » qui scelle l’entrée dans le printemps comme « la marche des fiertés » du mois de juin scellera l’avènement d’un été qui promet d’être chaud, avec son inévitable « fête de la musique » et son inénarrable « Paris plage ».
Je ne m’en suis pas aperçue immédiatement, submergée que j’étais par le déferlement des images en provenance de Libye, et par le vent de panique ayant saisi notre classe politique suite à la parution des sondages Harris 1.0 et 2.0. Bref, tout ce larsen sur les ondes a bien failli me détourner de l’évènement majeur de la semaine : mardi dernier, c’était MA journée.
Heureusement qu’en cette occasion, on peut compter sur ses collègues de travail masculins. Depuis que j’ai fait mon entrée sur ce qu’il est convenu d’appeler le « marché du travail », il ne se passe en effet pas une année sans que la gent masculine peuplant mon milieu professionnel ne me souhaite « bonne fête » pour la « journée de la Femme ». Ils sont tellement prompts à s’exécuter dès huit heures du matin, que j’en soupçonne certains de s’être procurés des calendriers de l’Avent dédiés, qu’ils utilisent afin ne pas commettre cet impair impardonnable qui consisterait à omettre de se réjouir bruyamment et sur commande à l’occasion de la « fête des couettes ».
Mardi 8 mars, les hommes qui m’entourent se sont donc empressés de me rappeler à mon devoir de m’habiller sexy au bureau, d’user de mes charmes pour réussir, et de pleurer un peu quand il m’arrive d’échouer, non sans ajouter, là encore comme chaque année « vivement demain, que l’on reparte sur le cycle normal des 364 journées de l’Homme ». Je respire : le comique de répétition est lui aussi, comme tous les ans, de la partie.
Ce qu’ignorent ces collègues masculins, rencontrés sur le « marché du travail » et appartenant pour la plupart à des « CSP + » c’est que la journée de la Femme est pour moi un jour de colère. Il se trouve que je suis blanche, d’âge moyen, globalement « de souche », voire « gauloise », non-musulmane et non-juive. A ce titre je croyais avoir échappé à tous les motifs putatifs d’assignation à résidence identitaire et de discrimination positive. Hélas, la « journée de la Femme » est là pour le rappeler chaque année : la moitié de l’Humanité est une « minorité visible ». Et même si l’on s’est toujours efforcée de se distinguer avant tout par l’effort, par le travail et par l’esprit, le 8 mars, quoi que nous ayons pu FAIRE, nous SOMMES avant tout des femmes. Plus de place pour la maxime nietzschéenne « deviens ce que tu es, fais ce que toi seul peut faire ». Le 8 mars, c’est plutôt « fais ce que tu veux, de toute façon, tu demeureras ce que tu fus », ou comme le disait Bergson « tout est donné, et tout est déterminé ». Ainsi, l’espace d’une « journée dédiée », la femme n’est plus un être en devenir, elle est une entité figée dans une féminité originelle qu’il demeure impossible de passer sous silence.
Il y a aussi ces choses qu’on entend et lit, à l’occasion de la « journée de la Femme », et qui nous font rougir de honte. Laurence Parisot, que l’on ne saurait pourtant soupçonner d’être arrivée à la tête du MEDEF en minaudant, a ainsi proposé la création d’un ministère du Droit de la Femme. Quelle riche idée ! A sa tête, on pourrait nommer Rama Yade, que son expérience passée dans le domaine de spécialité « Droits de l’Homme » doit rentre particulièrement apte à occuper le poste. Il conviendra toutefois de s’interroger sur l’opportunité que la « Ministre du Droit » soit Femme ET Noire. N’y a-t-il pas là une conjonction de facteurs minoritaires qui, si on les pondère, risque de fausser les statistiques de la représentativité des minorités au sommet de l’Etat ?
Madame Parisot, hélas, n’est pas allée assez loin. Il est regrettable en effet qu’elle ait omis de proposer que l’on créée un Musée de la Femme. Le dimanche, les familles pourraient s’y rendre et s’y balader dans une enfilade de salles dédiées respectivement à « la grossesse : de la joie et des larmes », au « loisir féminin » (couture, point de croix, mais aussi lecture de Jane Austen, pour les intellectuelles), ou encore à « la politique au féminin », avec une description par le menu de la carrière de Margaret Thatcher, ce parangon de la douceur d’Etat. Des ateliers de sensibilisation pourraient également être envisagés. Par exemple, l’on pourrait dédier une salle à l’exposition d’une femme belle et opulente tenant dans ses bras un bébé qu’elle nourrirait au biberon. A côté d’elle, négligemment posé Le conflit, d’Elisabeth Badinter. En guise de légende un panneau explicatif indiquerait en grosses lettres rouges : « Cette femme ne veut pas abîmer son corps. Elle refuse d’allaiter son enfant, et le nourrit avec du lait maternel de synthèse, fabriqué de manière industrielle ».
Pour ma part, je serais assez tentée de proposer l’institutionnalisation d’une « journée de l’Homme », afin de rééquilibrer la balance, et de ne plus avoir à subir le comique de répétition de comptoir qui consiste à rappeler que 364 jours sur 365 sont dédiés au « sexe fort ». Par ailleurs, cette journée pourrait avoir une véritable utilité sociale, et permettre d’aider l’Homme dans les nombreuse difficultés qu’il rencontre au quotidien, et dont on parle trop peu : interdiction morale de pleurer en public, obligation « d’assurer », dogme du physique athlétique, nécessité d’avoir Le premier sexe d’Eric Zemmour dans sa bibliothèque….
Quelques universalistes rétrogrades m’objecteront sans doute que les « Journées de » ne servent à rien. Il ne s’est absolument rien produit à l’occasion de la « Journée de la gentillesse », et l’organisation d’un « No Sarkozy Day » n’a pas suffit à redresser la France. J’invite tous ces esprits chagrins à se renseigner plus avant sur les innombrables conquêtes sociales (égalité salariale notamment) qu’a permis d’arracher la « journée de la Femme » depuis qu’elle a été créée.
On pourrait évidemment envisager une autre option, qui consisterait à suspendre de manière définitive la « journée de la Femme ». Même si ce raisonnement semble a priori « un peu simpliste », on pourrait parier que les femmes préfèrent majoritairement être reconnues pour leurs compétences, pour leur talent, pour leur intelligence et pour leur travail plutôt que pour leur sexe. Messieurs qui nous gouvernez, vous êtes majoritaires aujourd’hui à exercer le pouvoir, et cela m’est totalement égal du moment que vous le fassiez bien. Veuillez noter, s’il vous plait, que « nous n’avons pas besoin de votre charité, nous voulons la justice ». Faites en sorte que, pour une seule « journée de la Femme », je n’aie plus jamais à subir « 364 journées de l’Homme ». Le reste, je m’en charge.
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Les femmes, les hommes, « ça fait débat »… Chose curieuse : sur ce sujet, sans grand intérêt, je vous trouve moins percutante que d'habitude. Vous avez accompli votre devoir, ou plutôt assuré un “service minimal”, mais votre prose, si alerte, si déliée, votre malice même, diluent le propos, l'allongent, quand elles devraient le réduire à l'état de concentré onctueux.
RépondreSupprimerMais enfin, toujours grand plaisir à vous lire.
Eh bien, Coralie, vous n'avez plus d'avis ? Plus d'envie d'avis ? J'aime assez votre blogue pour envisager de le placer parmi mes références, dans mon propre blogue. Mais, pour cela, il faudrait que je fusse certain que vous persistez dans le projet de nous donner votre opinion, souvent ironique et pertinente, sur le spectacle désolant, pathétique, et parfois émouvant du monde.
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