Clément
Fontan est
docteur
en sciences politiques. Sa
thèse analyse la manière dont la BCE a étendu son influence
politique et ses compétences pendant la crise de la zone euro. Aujourd’hui en post-doctorat à l’Université de Montréal et au
Centre de Recherche en Éthique, ses projets de recherche portent sur
les inégalités générées par les banques centrales et sur les
crises du capitalisme financier. On
peut lire certains de ses articles sur La Vie des idées.
***
La
BCE a récemment prix de nouvelles mesures pour tenter de faire
repartir l'économie européenne : baisse de ses trois taux
directeurs, accroissement du montant de son quantitative easing,
nouveau « LTRO ». On parle même depuis quelques temps de
« monnaie hélicoptère ». La BCE est-elle en train
d'abattre ses dernières cartes ? Quel est son objectif avec ces
annonces ? Peut-elle réussir ?
Les mesures annoncées par la BCE lors de la dernière conférence de
presse de Mario Draghi se situent dans la lignée des instruments
monétaires mis en place par l’ensemble des grandes banques
centrales depuis le début des perturbations financières à l’été
2007. L’ensemble de ces instruments partage deux caractéristiques
communes : ils essayent d’atteindre des objectifs très
conventionnels au moyen de mesures non-conventionnelles. Avant de les
expliquer en détail revenons rapidement sur l’évolution des
instruments monétaires depuis la crise.
Tout
d’abord, comme toute entreprise ou ménage, les banques centrales
ont un bilan comptable composés d’une colonne d’actifs ;
(les titres financiers détenus par la banque centrale) et de passifs
(les liquidités prêtées aux banques commerciales). Quant la taille
du bilan par rapport au PIB est bas, cela signifie que les banques
centrales se contentent d’orienter l’activité
des banques, et par là l’économie,
« du siège arrière ». Les taux d’intérêt étaient
alors les principaux instruments des banques centrales. Quant la
taille du bilan est élevée, les banques centrales interviennent
plus massivement et directement sur les marchés en remplissant le
rôle d’intermédiation joué habituellement par les banques.
Avant
la crise, les banques centrales étaient des institutions peu
observées qui influençaient à petites touches les dynamiques
bancaires et financières dans le but d’atteindre leur objectif de
stabilité des prix. Ce rôle d’ajustement se reflétait dans la
taille des bilans comptables des banques centrales qui fluctuaient
entre 5 et 10% du PIB de leurs zones monétaires respectives.
Mais
ça a beaucoup évolué depuis le début de la crise. On n'est plus
du tout dans un « rôle d'ajustement »...
En
effet,
le bilan de la BCE a évolué progressivement jusqu’à
atteindre la marque de 30% du PIB, ce qui veut donc dire qu’elle
intervient massivement et directement sur les marchés européens.
Elle déploie cette intervention de deux manières : soit en
proposant des prêts à très long terme aux banques commerciales
(les LTRO), soit en achetant des titres financiers détenus par les
banques (le SMP, puis l’OMT, et,
depuis janvier 2015 le « quantitative easing »).
C'est un peu technique tout ça, alors voici une petite vidéo
qui explique tout : SMP, LTRO, OMT....
Ces
interventions ont des objectifs conventionnels car elles cherchent à
atteindre un certain niveau d’inflation (près de 2%) en agissant
sur les bilans des banques commerciales. L’ampleur et la durée des
prêts et des achats effectués par la BCE n’ont par contre rien de
conventionnel car ces instruments ont été improvisés au début de
la crise et que l’on ne connaît
toujours pas l’ensemble des effets provoqués sur l’économie
réelle. Les taux négatifs sont aussi situés dans cette terra
incognita.
Justement,
avec l'annonce des nouvelles mesures de mars, ne s'enfonce-t-on pas
de plus en plus dans l'inconnu ?
Ces
nouvelles mesures
doivent donc être lues comme un approfondissement des mesures
existantes, voire comme une remise en cause de ceux-ci. D’abord,
contrairement à ce qu’annonce M.Draghi, les nouvelles mesures de
LTRO abandonnent l’objectif de contrôler l’utilisation faite par
les banques de la liquidité fournie par la BCE. En effet, les
anciennes mesures datant de septembre 2015 (T-LTRO) forçaient les banques à retourner les fonds mis à disposition par
la BCE si celles-ci n’atteignaient pas un certain niveau de prêts
à l’économie réelle. Les T-LTRO
ont eu peu de succès car les banques cherchant à éviter cette
contrainte qui les empêchaient de s’engager dans des opérations
purement financières davantage lucratives que des prêts à
l’économie réelle. En abandonnant cette contrainte, la BCE
dévoile qu’elle
n’arrive pas à remplir les besoins de liquidité des banques tout
en contrôlant leur utilisation de ces liquidités. Cela pourrait
mener à la résurgence d’effets problématiques observés dans les
premières opérations de LTRO (sans contrainte) tels que le
carry-trade
(qui consiste pour les banques commerciales à emprunter à la banque
centrale à 1%, acheter des bons du trésor à 3% et empocher la
différence).
Ensuite,
l’accroissement du montant du quantitative easing
(QE) combinée à l’élargissement des titres achetés (la BCE
achète dorénavant les titres de compagnie comme Volkswagen qui sont
cotés en bourse à un grade « investissement ») sont
dans le prolongement des opérations de QE précédentes. Il s’agit,
par ces achats, d’augmenter la valeur des titres financiers détenus
par les banques pour les inciter à prêter davantage à l’économie
réelle. En effet, selon les banquiers centraux, l’augmentation de
la valeur de titres financiers « surs » (comme les bons
du trésor ou les actions des grandes entreprises) sont censés
pousser les investisseurs à acheter des titres moins chers et moins
surs (et donc à prêter davantage aux PME par exemple). Il faut
souligner que le QE a des conséquences distributives importantes :
en augmentant la valeur des titres financiers, ce sont les agents
économiques qui les possèdent déjà qui vont d’abord en
profiter. Par exemple, les ménages les plus aisés qui ont investi
une partie de leur épargne sur les marchés financiers vont se
retrouver encore plus riches grâce au QE sans avoir rien eu à faire
pour cela.
Enfin,
il n’est pas possible pour le moment d’évaluer le rôle joué
par les taux d’intérêt négatifs. Les agents de la BCE estiment
que cette mesure a permis d’améliorer les conditions de prêts.
D’autres observateurs soulignent que les banques n’appliquent pas
cette mesure à leurs clients, par peur de les perdre, ce qui la rend
inutile. L’option de l’hélicoptère de monnaie a été évoquée
par les journalistes dans leurs questions mais la position de la BCE
reste similaire depuis un an : cette option n’est pas discutée
ni envisagée.
D'après-vous,
quel peut être l'impact de cet impressionnant catalogue de mesures ?
Bien
qu’il n’appartienne pas aux sciences sociales de prédire le
futur, mon opinion personnelle est qu’elles seront inefficaces car
elles vont se heurter aux deux mêmes obstacles qui ont mitigé
l’impact des précédentes : l’impossibilité pour les
banquiers centraux de penser en dehors de la boite des marchés et la
combinaison désastreuse avec les politiques d’austérité.
D’abord,
la mise en œuvre des mesures de la BCE repose sur une croyance
fondamentale : en inondant de liquidités les investisseurs
financiers, ceux-ci vont chercher à obtenir des rendements en
faisant des prêts plus risqués à l’économie réelle. En
d’autres mots, les banquiers centraux continuent à croire à
l’efficacité allocative des marchés et au principe du
ruissellement (l’enrichissement des plus fortunés bénéficie aux
plus pauvres). Cependant, il suffit de regarder deux indicateurs pour
observer les limites de ces principes : tandis que les cours
boursiers européens continuent de montrer une progression soutenue
grâce aux offres de liquidité des banquiers centraux, la croissance
du PIB européen continue de stagner. En d’autres mots, les
liquidités émises en abondance par les banquiers centraux
n’atteignent pas l’économie réelle, les conduits bancaires sont
percés.
Et
donc.... où va se nicher toute cette liquidité ?
Les
plus optimistes diront que les banques commerciales profitent de
cette liquidité pour renforcer les positions financières de leurs
banques afin de s’adapter aux contraintes réglementaires de Bale
III qui seront effectives en 2019. Les plus pessimistes, ou peut être
les plus réalistes, notent que les salaires versés aux opérateurs
financiers ne cessent d’augmenter depuis 2009, ainsi que les prix
de l’immobilier autour des plus grandes places financières et le
marché du luxe en général (vente de jets privés et de yachts en
augmentation depuis 2009). En d’autres mots, la liquidité crée
par la BCE est « capturée » par les opérateurs
financiers qui se trouvent les plus proches de sa création, pour
augmenter leur richesse personnelle.
Ensuite,
rappelons que la BCE est un des acteurs centraux dans la diffusion
des politiques d’austérité en Europe. Ma recherche a montré que,
bien qu’ils n’aient pas de compétences en la matière, les
banquiers centraux exercent une forte influence sur la définition
des politiques économiques en Europe. Or, il ne faut pas forcément
être un disciple de Keynes pour remarquer que le continent européen
souffre des problèmes de demande, et par là, d’investissement.
Par conséquent, les banquiers commerciaux sont davantage frileux à
prêter à des agents économiques sans perspective de croissance et
sont donc davantage incités à ne pas recycler les liquidités de la
BCE dans l’économie réelle mais plutôt dans d’autres activités
financières car, après tout, les marchés financiers se portent,
eux, très bien.
_____ « la liquidité crée par la BCE est capturée par les opérateurs financiers qui se trouvent les plus proches de sa création, pour augmenter leur richesse personnelle ».
Dans
un article publié en 2014 ,
vous expliquiez que la BCE avait été grandement renforcée par la
crise. Ne sommes-nous pas à un moment de bascule où le pouvoir de
la BCE est justement en train de se rétracter en raison de
l'inefficacité relative des mesures qu'elle prend ?
Non,
je ne pense pas. De manière schématique, le pouvoir de la BCE a
deux visages. D’abord, ce
pouvoir est
structurel
en ce qu’il
est lié à sa capacité à définir les termes généraux d’un
débat et, par là, les solutions politiques acceptables. De ce point
de vue, le pouvoir de la BCE reste fort : elle est encore vue
comme « le seul adulte » dans la pièce pour reprendre
l’expression malvenue de Barry Eichengreen et elle tire encore du
prestige de ses positions passées. Par exemple, les dirigeants
européens continuent de croire, à tort, que les politiques de la
BCE n’ont pas été un des facteurs de la crise. Cependant, les
excellents travaux de recherche menés par Daniela Gabor montrent
bien que les mesures préconisées par la BCE en faveur de
l’intégration financière de la zone euro ont permis aux banques
de doubler de volume en moins de 10 ans, sans que leurs activités
bénéficient à l’économie réelle.
Ensuite,
le pouvoir de la BCE est relationnel et ainsi lié à sa capacité
d’influencer les politiques des états-membres de la zone euro de
manière coercitive. Étant
donné que les états européens avancent de manière toujours aussi
désordonnés et qu’ils ne sont pas parvenus à mutualiser leur
puissance financière, ils restent dépendants de la seule BCE en cas
de perturbations financières. Celle-ci se retrouve alors en
position d’imposer ses demandes en échange de son aide financière
comme les épisodes des « lettres » envoyées aux
gouvernements italiens, espagnols et irlandais le prouvent. De ce
point de vue, rien n’a changé.
Mais
vous avez raison de souligner que nous sommes peut-être dans un
moment de bascule. Si une grande banque européenne s’effondre
(pensons à Deutsche Bank par exemple) ou si les taux d’intérêt liés au refinancement des
dettes souveraines deviennent trop élevés, alors le pouvoir de la
BCE risque de s’effriter. Pour l’instant, ce n’est pas encore
le cas.
Des
économistes comme, par exemple, Patrick Artus
expliquent
que l'objectif de stabilité des prix recherché par les différentes
banques centrales est désormais déconnecté des nécessités de
l'époque puisqu'il n'y a plus d'inflation – c'est même plutôt le
contraire. L'objectif prioritaire de la BCE tel que défini dans son
mandat est pourtant cette fameuse lutte contre l'inflation. N'est-il
pas temps de modifier ce mandat, d'autant qu'aucune des mesures
hétérodoxes prises depuis 2012 n'a généré de poussée
inflationniste ?
Oui,
vous avez raison de souligner que ce mandat, défini au début des
années 1990 sur le modèle de la Bundesbank, n’est plus
adapté à notre environnement de faible croissance à moyen et long
terme. En fait, le rôle joué par les banques centrales dans
l’économie a bien changé depuis le début de la crise, comme je
l’ai expliqué. Un ancien membre de la Banque d’Angleterre,
Charles Goodhart, parle même de quatrième âge des banques
centrales. S’il semble impossible de modifier son mandat du fait de
l’unanimité requise pour changer les traités européens, il
faudrait repenser au moins les formes de contrôle politique sur la
BCE . Au sein du Centre de Recherche en Éthique de l’Université
de Montréal, nous avons mené une recherche d’envergure sur les
conséquences distributives des nouveaux instruments monétaires
mises en place par les banques centrales.
Comme
je l’ai expliqué plus haut, les mesures prises pour relancer
l’économie et renflouer les banques ont eu comme conséquence de
renforcer les inégalités économiques. En fait, sans que l’objectif
de stabilité des prix ne soit forcement abandonné, il faudrait que
la désirabilité des actions de la BCE ne soit pas jugée qu’en
fonction de ses résultats à court-terme (sauvetage du système
bancaire, stabilisation des cours de dette souveraine) mais aussi en
fonction des effets inattendus qui risquent de se manifester à moyen
et long terme (fragilisation de certaines pans du secteur financier
comme les fonds de pension, renforcement des inégalités
économiques). A la vue de ces critères, l’option de l’hélicoptère
de monnaie serait désirable car cet instrument remplirait les mêmes
objectifs que le QE (soutien à la croissance économique) tout en
ayant des conséquences distributives bien plus positives (on
pourrait imaginer que la BCE finance un organisme public qui aurait
pour charge de construire des logements sociaux par exemple).
Pendant
la « crise grecque », autrement dit pendant la durée des
négociations entre entre Alexis Tsipras et les créanciers de la
Grèce, certains spécialistes ( ici l'économiste britannique Philippe Legrain ) ont
affirmé que la BCE sortait de son rôle et faisait de la politique.
Cela rejoint vos propres observations. La BCE vous semble-t-elle
avoir eu un rôle décisif dans la capitulation de Tsipras en juillet
2015 et dans sa décision finale de signer le troisième mémorandum
?
Oui,
la BCE a agi comme le « bras armé » de l’Eurogroupe et
a progressivement resserré l’étau financier sur la Grèce de deux
manières : en diminuant progressivement les offres de
liquidités d’urgence au système bancaire grec (ce qui a conduit à
la fermeture des banques pendant 3 semaines) et, en tant que membre
de la Troïka, en restant inflexible sur la mise en œuvre des
mesures d’austérité.
En
fait, le problème n’est pas tant qu’elle joue un rôle politique
car les décisions de politique monétaire sont par définition
politiques. Il suffit de s’imaginer à la place d’un banquier
central qui doit répondre sans cesse à ces questions suivantes :
faut il venir à la rescousse du secteur bancaire ? Si oui,
jusqu'à quel degré ? Faut-il intervenir sur les marchés de
dette souveraine, etc. Toutes ces décisions sont politiques. Selon
moi, le problème est davantage éthique : est-il juste de
contraindre un gouvernement élu sur une plateforme électorale
claire à continuer à mettre en œuvre des politiques d’austérité
mortifères ? Est-il juste de continuer à fournir autant de
liquidités au secteur bancaire sans que l’économie réelle n’en
profite ?
_______ « Est-il juste de continuer à fournir autant de liquidités au secteur bancaire sans que l’économie réelle n’en profite ? »
Justement !
Le fait qu'une institution technique puisse avoir raison des projets
d'un gouvernement élu ne constitue bien une atteinte à la
démocratie....
Vous
avez raison dans le fond, mais je tiens à souligner un point
important : la démocratie, ce n’est pas que la règle de la
majorité mais aussi celle de l’État
de droit. Par exemple, personne ne remet en question le fait que les
cours de justice sanctionnent certaines décisions de gouvernements
élus.
Faisons
une expérience de pensée, imaginons que le Front National parvienne
au pouvoir en France et se décide à expulser ou emprisonner tous
les étrangers sur le territoire national. Les autorités
européennes, dont la BCE, pourraient prendre des sanctions contre le
France afin de protéger l’État
de droit. Je ne trouverais rien à redire par rapport à ce
dépassement de pouvoir de la BCE car il serait effectué au nom de
valeurs essentielles (respect des droits des minorités).
Maintenant,
dans le cas de la participation de la BCE à la Troïka,
il est évident que cette extension de pouvoirs, inédite pour une
banque centrale, constitue un grave problème démocratique et
éthique. En effet, sans exclure les problèmes graves de gestion des
affaires publiques et de gouvernance de l’État
grec depuis son accession à la zone euro, la crise de la zone euro
est d’abord et avant tout une crise financière causée par les
activités financières risquées
des grandes banques européennes, comme le démontre Mark Blyth dans
son ouvrage de 2013, élu livre de l’année par la Financial
Times.
Le
problème démocratique et éthique est le suivant : bien que
les banques aient été la cause des problèmes, ce sont les
populations européennes qui en ont payé le prix de leurs excès par
l’imposition de mesures d’austérité. L’austérité est un
discours politique très efficace pour cacher la dimension financière
de la crise (« les grecs ont trop dépensés, ils doivent en
payer les conséquences ») mais elle a un coût humain
important : l’austérité tue comme l’ont montré deux
chercheurs du MIT dans un ouvrage éponyme paru en 2014. De plus,
dans le cas de la Grèce, l’austérité et les privatisations ont
profité aux oligarques dont le poids politique excessif sclérose
l’État
grec depuis des années. Le problème vient donc du fait que la
contrainte exercée par la BCE a renforcé
l’injustice subie par le peuple grec qui paie les problèmes causés
par les banques.
________« bien que les banques aient été la cause des problèmes, ce sont les populations européennes qui en ont payé le prix de leurs excès par l’imposition de mesures d’austérité ».
Pour
finir, existe-t-il, selon vous, des solutions pour démocratiser le
fonctionnement de la zone euro ? Le problème n'est-il pas
l'existence de l'euro lui-même, qui a conduit à la création d'une
Banque centrale fédérale sans adossement à un État fédéral,
donc sans soumission à aucune autorité politique ?
On
peut être sceptique sur la possibilité d’une démocratisation de
la conduite des affaires économiques et financières. De plus, pour
reprendre l’exemple grec, l’Eurogroupe était très unifié en
juillet 2015 et tous les États partageaient le même désir de
« faire payer les grecs ».
En
l’état actuel des choses, un État fédéral européen conduirait
davantage à un renforcement des mesures d’austérité et ne
résoudrait donc en rien les problèmes démocratiques de la zone
euro : il ne suffit pas d’être élu pour prendre des mesures
en faveur des citoyens. Selon moi, une démocratisation de la zone
euro consisterait à réduire le poids joué par les institutions
financières dans les décisions politiques, que ce soit à un
échelon national ou européen. Une régulation bancaire efficace,
une volonté de lutter contre les inégalités, un combat plus
soutenu contre les paradis fiscaux seraient autant de décisions qui
contribueraient à rendre la zone euro plus juste, et par là, à
renforcer l’adhésion des citoyens à celle-ci.
Quant
à la politique monétaire, il est urgent de repenser les formes de
contrôle politique des banques centrales et de ramener les enjeux
distributifs des décisions monétaires au cœur des débats et de
l’évaluation des décisions prises par les banquiers centraux.
Au
final, c’est davantage la teneur des décisions prises (et surtout
les pans de la population qu’elles favorisent) qui permet de
définir que le fonctionnement d’un système politique est
démocratique ou non, plutôt que de se demander si les décisions
devraient être davantage prises au niveau fédéral ou national. De
ce point de vue, je suis plutôt pessimiste sur le futur de la zone euro : bien peu de décisions ont été prises pour protéger
ceux qui sont les plus désavantagés dans nos sociétés.
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