Du vaste Luna-Park qu’est notre postmodernité, on avait déjà expulsé l’effort et le dépassement de soi, au profit du loisir décérébrant et du rire obligatoire. Il était logique que l’étape suivante consistât à éradiquer le risque : à Luna-Park, pas question de faire son tour de manège sans avoir solidement attaché sa ceinture de sécurité. Ce qui n’implique nullement le port d’une ceinture de chasteté !
A cette recherche du « risque zéro » il était logique et légitime que les réseaux sociaux, devenus d’authentiques auxiliaires de « vraie-vie », participent à hauteur de leur savoir faire en matière de principe de précaution. C’est à cela qu’est supposée servir une toute nouvelle application du réseau social Facebook : Didido, pour « Ditch », « Dine » or « Do », autrement dit « laisse tomber », « ok pour un diner » ou « d’accord pour… le faire ».
Comment cela fonctionne-t-il ?
Tout d’abord il faut « autoriser l’application » Didido. On ne sait jamais trop ce qu’on leur autorise, aux applications Facebook, ou ce qu’elles s’autorisent toutes seules. Toujours est-il qu’il faut accomplir cet acte initial de volonté qui consiste à installer le bidule.
Après, vous choisissez successivement vos « amis » Facebook et, pour chacun d’eux, vous répondez à la question « tu te verrais bien avec Untel : difficilement, dîner, dormir ». Pas d’inquiétude, c’est 100% « safe ». Si une personne avec laquelle vous désirez « dormir » n’utilise pas l’application, ou si elle a coché une autre proposition, elle ne sera pas notifiée de votre désir brûlant. On ne la sonnera que si elle-même nourrit le même souhait en ce qui vous concerne, et a coché la case idoine sur Didido. Ainsi, deux personnes ayant choisi de « dormir » l’une avec l’autre seront-elles instruites simultanément de leur attirance réciproque par un message leur souhaitant avec tact…une bonne nuit.
Les règles élémentaires de la courtoisie et de la « juste mesure » sont évidemment respectées. Si vous souhaitez « dormir » avec votre contact Facebook mais que lui ne souhaite que « dîner », c’est évidemment « dîner » qui primera. Vous en serez quitte pour un hamburger aux chandelles au MacDo de la zone industrielle de votre patelin. Alors, entre les frites et le Coca, libre à vous de tendre les perches qui s’imposent pour savoir s’il n’y aurait pas moyen, tout de même, de le faire. Là, la taule demeure possible. Limitez l’incertitude en payant les McNuggets.
Le gros avantage de Didido, vous l’aurez compris, est de permettre à chacun de s’assurer la pelle sans craindre la gamelle, et le dodo sans risquer le râteau. Vous voulez « le faire » tous les deux, Facebook vous envoie sa bénédiction dans l’heure. Vous voulez « le faire » et l’autre souhaite « mieux vous connaître » : vous allez dîner. Vous voulez « le faire » et l’autre veut qu’on lui fiche la paix : il sera exaucé en ignorant tout de vos appétits.
Certes, l’application est encore perfectible. Par exemple, elle ne propose pas de cocher, dans une liste de préétablie, les pratiques exactes que vous acceptez/refusez/désirez si jamais vous « le faites ». De même, la liste intégrale des positions du Kâma-Sûtra n’est-elle pas encore été offerte à la présélection. Enfin, aucune brochure de prévention des MST n’est téléchargeable via l’appli. Il demeure donc une petite marge de progrès pour chasser de nos vies intimes toute contingence.
En revanche, pour ce qui est de bannir le romantisme et l’art de la séduction, la chose est bien avancée. Au diable les circonlocutions inutilement poétiques jadis utilisées par un gentleman pour convaincre quelque dame pudique et rosissante de « le faire ». Plus besoin non plus d’inviter au théâtre ni même d’offrir de menus présents. Toutes ces choses superfétatoires ne visent qu’à faire perdre du temps et à maintenir artificiellement en vie le commerce de proximité, notamment celui des fleurs.
Avec Didido, c’est sans danger, et ça va bien plus vite pour « le faire ». Avec le surcroît de temps ainsi dégagé, vous pourrez enfin vous consacrer à des choses vraiment utiles : live-twitter l’émission « The Voice », jouer en réseau à Doom, acheter des fringues en trois clicks sur virtualboutik.net et sélectionner online le modèle du futur cercueil dans lequel on vous allongera in fine, au terme d’une vie manifestement bien partie pour être vraiment très réussie.
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La pelle sans le râteau, et sans le(s) violon(s)...
RépondreSupprimerSur un sujet voisin, le délit de harcèlement sexuel a été abrogé récemment par le Conseil constitutionnel.
Le blog de Maitre Eolas explique pourquoi : la loi concernée a été renforcée à 2 reprises, et elle en devient si générale qu'elle ne peut être maintenue :
http://www.maitre-eolas.fr/post/2012/05/05/L-abrogation-du-d%C3%A9lit-de-harc%C3%A8lement-sexuel
"Exeunt les conditions d’abus d’autorité et de forme des pressions. Harceler dans le but d’obtenir des faveurs sexuelles vous expose à 1 an de prison. Autant dire que les boîtes de nuit devinrent aussitôt des hauts lieux de la délinquance sexuelle organisée."
Les associations féministes, fort logiquement, veulent qu'une protection légale soit rétablie, et entament des actions de communication en ce sens.
Mais ne risquent-elles pas de refaire les mêmes erreurs qui viennent de conduire à l'abrogation ?
Par exemple, lors du magazine Envoyé spécial de ce jeudi, il a été donné un chiffre a priori surprenant : 30% des femmes seraient victimes de harcèlement sur leur lieu de travail.
Via Wikipédia, on trouve une enquête menée en Suisse, qui donne effectivement ce chiffre (et ajoute que 10% des hommes aussi) :
http://www.ebg.admin.ch/themen/00008/00074/00219/index.html?lang=fr
Cependant, la méthode utilisée pour l'établir révèle une certaine confusion : on y comptabilise en effet à la fois les comportements effectivement graves (chantage, agression), naturellement moins nombreuses (de l'ordre de 2%), et les blagues salaces ou autres oeillades finalement importunes.
Je ne vois pas en quoi le sujet est voisin.
SupprimerJe parle d'une façon un peu con de s'assurer un plan cul et vous me parlez de violence.
Vous trouvez ça normal, vous, qu'on ne puisse plus parler "cul" sans parler "coups" ? Moi pas.
Vous n'êtes vraiment pas sur le bon blog, là. c'est léger, ici.
Je ne sais pas si "c’est léger ici" mais c’est toujours bon… Au demeurant, un truc aussi débile que cette application suggère parfois légitimement des sarcasmes un peu "gaulois" et ça fait du bien… Je vous remercie (et me suis permis de vous citer)
RépondreSupprimerAh, le divertissant exercice ! Mes très vives félicitations, M'ame Coralie, pour ce ton d'ironie et de joyeuse consternation. Nous allons dans le mur, mais, dans votre compagnie, on se dit que le choc sera moins brutal… Notre millénaire commence dans la joie et la bonne humeur ; ira-t-il sur ce mode jusqu'à son terme ? Votre allusion à « la chose » m'a rappelé le charmant poème, fort bien troussé, de l'abbé de l'Atteignant, Le mot et la chose :
RépondreSupprimer[…]
Pour vous je crois qu'avec le mot
Vous voyez toujours autre chose
Vous dites si gaiement le mot
Vous méritez si bien la chose
Que pour vous la chose et le mot
Doivent être la même chose
Et vous n'avez pas dit le mot
Qu'on est déjà prêt à la chose
[…]
Note : il faudrait dire aux gens de Didido que coucher, pourquoi pas ? mais dormir, quelle idée malsaine !
Bonne idée : voici ce texte dit par Guillaume Gallienne :
Supprimerhttp://www.youtube.com/watch?v=QLG0X3xoQd4
Je n'ai pas trouvé la version de Chanson Plus Biluorée... dommage !
Désireriez-vous faire catleya avec moi?
RépondreSupprimerJe prie l'aimable « taulière » de ce lieu de vouloir bien excuser cette irruption renouvelée, mais je m'aperçois que j'ai commis une faute : pourquoi ai-je écrit l'Attaignant, alors que la bonne orthographe est Lattaignant ? Alors absorbé par la chose, aurai-je oublié le mot ? Vous avez eu une heureuse initiative, docemurdocendo : je connaissais l'interprétation de ces vers coquins par Gallienne le Grand, mais j'ignorais qu'on pût l'entendre chez Ioutioube.
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