Quand on aperçoit Louis Gallois, on ne se dit pas d’emblée qu’avec lui on va se marrer. Et pourtant, « l’affaire » – car c’en devient une – du rapport que celui-ci doit rendre public le 5 novembre commence à prendre des airs de quasi-comédie. Featuring François Hollande, Jean-Marc Ayrault et un certain nombre de ministres du gouvernement, ce vaudeville mérite d’être considéré dans son ensemble, des prolégomènes annonçant l’incipit à l’épilogue préfigurant la postface. Explications.
D’abord, la préhistoire. Le rapport sur la compétitivité commandé à l’ancien patron d’EADS et de la SNCF, loin d’être le premier dans son genre, est l’héritier d’un nombre conséquent de vénérables ancêtres. On se rappellera notamment – même si ça ne nous rajeunit pas – le rapport Malinvaud remis à Jospin en 1998. A l’époque, quoi que n’ayant eu à subir ni la fronde des « pigeons » ni la lettre au père Noël des patrons de l’Afep, la gauche « sérieuse, responsable et gestionnaire » s’interrogeait déjà sur le coût du travail. Dans ce cadre, le rapport Malinvaud proposait une diminution des charges patronales sur les bas salaires compensable par un « élargissement de l’assiette des cotisations à la valeur ajoutée », ce qui fleurait un peu le « choc de compétitivité » avant l’heure.
On évoquera
également le rapport Camdessus, de 2004, intitulé Vers
une nouvelle croissance pour la France, qui prônait, quant à lui, non un
« choc », mais un « sursaut ».
Enfin, en 2008, le rapport Attali suggérait de « libérer » la croissance française, dont nous savons tous
qu’elle est prisonnière de l’archaïsme hexagonal, de la frilosité des
gouvernants et des rigidités d’un modèle social mal adapté à un monde qui bouge.
On le voit, la commande de rapports relève pour partie du réflexe conditionné,
ce qui tend à overbooker un peu La documentation
Française, chargée de publier ces textes et de les archiver.
Reste ensuite à
déterminer que faire du kilogramme de papier livré par « l’expert ». Car un bon
rapport est un rapport qu’on escamote, tout en affirmant doctement qu’on
l’étudie, voire qu’on s’en inspire. Avant même d’être officiellement rendu
public, le rapport Gallois a déjà eu droit à tout ça. Il
est même déjà mort plusieurs fois pour mieux ressusciter, évoquant tout à la
fois le phénix, le serpent de mer et celui qui se mord la queue.
Ainsi la semaine dernière a-t-elle été ponctuée de fuites relatives au mystérieux document, accompagnées de commentaires gouvernementaux subséquents et souvent flous, si ce n’est contradictoires. On a commencé par enterrer le texte quoique pas tout à fait, avant que de l’exhumer quoique pas entièrement.
S’exprimant le premier, Michel Sapin affirmait ainsi : « le rapport Gallois est un élément, et qui sera extrêmement sérieux (…) mais ce n’est pas le seul point de vue qui compte ». Immédiatement, le ministre du Travail était partiellement contredit par celui de l’Économie. Et Pierre Moscovici d’assurer : « ce rapport n’est pas enterré, nous l’attendons », tout en tempérant : « en même temps, c’est un rapport ». Dans la foulée, Jean-Marc Ayrault jurait ne pas vouloir faire fi du document dont « beaucoup de choses [seraient] reprises ». Puis François Hollande fermait le bal en proposant une motion de synthèse : certes que le gouvernement travaillera « sur la base des propositions du rapport de M. Gallois ». Pour autant, celui-ci n’engage « que son auteur ». Que le premier qui a compris lève le doigt…
Ainsi la semaine dernière a-t-elle été ponctuée de fuites relatives au mystérieux document, accompagnées de commentaires gouvernementaux subséquents et souvent flous, si ce n’est contradictoires. On a commencé par enterrer le texte quoique pas tout à fait, avant que de l’exhumer quoique pas entièrement.
S’exprimant le premier, Michel Sapin affirmait ainsi : « le rapport Gallois est un élément, et qui sera extrêmement sérieux (…) mais ce n’est pas le seul point de vue qui compte ». Immédiatement, le ministre du Travail était partiellement contredit par celui de l’Économie. Et Pierre Moscovici d’assurer : « ce rapport n’est pas enterré, nous l’attendons », tout en tempérant : « en même temps, c’est un rapport ». Dans la foulée, Jean-Marc Ayrault jurait ne pas vouloir faire fi du document dont « beaucoup de choses [seraient] reprises ». Puis François Hollande fermait le bal en proposant une motion de synthèse : certes que le gouvernement travaillera « sur la base des propositions du rapport de M. Gallois ». Pour autant, celui-ci n’engage « que son auteur ». Que le premier qui a compris lève le doigt…
Reste désormais à
savoir si on aura un « choc », des « pistes», un « pacte », un roc, un pic, un
cap ou une péninsule. Car on est passé tour à tour de l’idée d’un « choc de compétitivité » à celle d’une « trajectoire de
compétitivité » puis à celle d’une « stratégie de compétitivité ». On attend
désormais l’inévitable « contrat de compétitivité » qui devrait précéder un
souhaitable « accord de compétitivité », lequel semble une bonne alternative au
« programme de compétitivité » sans pour autant se substituer au « plan de
compétitivité ». Et vice-versa.
On en viendrait presque à souhaiter sa sortie, au dit rapport, quoiqu’il puisse raconter. Au moins la discussion sur le fond des propositions permettrait-t-elle de chasser un temps l’écume communicationnelle qui accompagne les fuites et les rumeurs. Louis Gallois préconise-t-il vraiment un transfert de cotisations sociales de 30 milliards d’euros ? Veut-il ouvrir les professions réglementées, des taxis aux notaires en passant par les huissiers ? Souhaite-t-il torpiller les 35 heures ? Désire-t-il manger tout crus les petits enfants, cambrioler les grand-mères et égorger des chatons ? Le suspense est à peine tenable…
On en viendrait presque à souhaiter sa sortie, au dit rapport, quoiqu’il puisse raconter. Au moins la discussion sur le fond des propositions permettrait-t-elle de chasser un temps l’écume communicationnelle qui accompagne les fuites et les rumeurs. Louis Gallois préconise-t-il vraiment un transfert de cotisations sociales de 30 milliards d’euros ? Veut-il ouvrir les professions réglementées, des taxis aux notaires en passant par les huissiers ? Souhaite-t-il torpiller les 35 heures ? Désire-t-il manger tout crus les petits enfants, cambrioler les grand-mères et égorger des chatons ? Le suspense est à peine tenable…
Le hic, c’est que
l’épilogue a beau être prévu pour le lundi 5 novembre, l’affaire n’est pas près
de prendre fin pour autant. Car il faudra aussi compter avec les conclusions du
Haut Conseil de financement de la protection sociale, énième
instance superfétatoire et méconnue qui réfléchit aux même choses que Gallois,
mais en parallèle de Gallois. Sauf que le Haut Conseil, lui, est autorisé à
dégoupiller deux fois : d’abord il pause un diagnostic, sous forme de rapport.
Et ce n’est qu’en janvier 2013, qu’il formulera des propositions à l’occasion…
d’un rapport.
De quoi contribuer de manière tangible à déforestation de
l’Amazonie. Mais cela n’aura pas été vain. Car s’il restait à découvrir une
ressource à la fois non-rare et parfaitement renouvelable, la voilà mise à
jour : la « concertation ». Au point qu’on pourrait presque envisager de faire
passer la production de rapports en mode industriel. Une fois de plus, le
schmilblick risque de connaître une spectaculaire avancée…
Lire et relire :
François Lenglet m'a fait un choc...de compétitivité CLICK
j'apprécie l'ironie mais je te trouve sévère. Tout sous-estimes le poids des administrations. ça me donne l'idée d'un billet...
RépondreSupprimerC'est plus de l'ironie vis à vis d'une communication un peu "étrange" que du rapport lui-même.
SupprimerCelui-ci, c'est aujourd'hui qu'on le découvre. On va voir !...
Très drôle ce billet : plan, contrat,stratégie, etc... Peut-être faudrait-il faire une pause ? Avant de poser le diagnostic.
SupprimerCe rapport est pour les gogos, tout le Monde sait ce qu il faut faire mais ce gvt n à pas le courage de le faire. Ils ont le Pouvoir et tout ce qui va avec, cela suffit à leur bonheur, moins au notre mais ce n'est pas grave.
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