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dimanche 1 mai 2011

Front national, le nouveau parti de la liberté ?



Aux Pays-Bas, il existe un parti populiste de droite, dont le leader est un quarantenaire très blond, dynamique, et résolument moderne. Ce parti s’appelle le « Partij voor de Vrijheid », soit en français « Parti pour la liberté ». En France, il existe un parti populiste de droite, dont la leader est une quarantenaire très blonde, dynamique, et résolument moderne. Ce parti s’appelle le Front national.

Des différences, il y en a pas mal. Le PVV se caractérise essentiellement par son discours anti-musulmans, et Girt Wilders s’est surtout rendu célèbre en réclamant l’interdiction du Coran et en réalisant le documentaire islamophobe Fitna. Rien de commun, a priori, avec le discours prononcé ce 1er mai par Marine le Pen place des Pyramides, qui eût pu prétendre à un brevet de républicanisme mention « assez bien », s’il n’eût été émaillé de quelques saillies anti-immigration propres à réveiller un public manifestement plus enclin à scander le nom de « Jean-Marie » qu’à s’enthousiasmer pour la sortie de l’Euro ou à conspuer le libre échange.

Des points de communs, il y en a aussi. Et depuis ce dimanche, l’exaltation de la « liberté » en fait partie. Les badauds croisant le défilé du « Front » ont dû être quelque peu surpris en voyant s’étaler partout ces drapeaux bleu et blanc estampillés « liberté » qui, presque plus nombreux que les étendards tricolores et les bannières régionalistes, donnaient l’impression de se trouver au cœur d’une manifestation de partisans de l’Union des familles laïques ayant forcé sur les psylocibes.




Par la suite, la « liberté » a émaillé l’ensemble du discours d’une Marine le Pen apparemment désolée qu’il lui faille commémorer Jeanne d’Arc quand elle eût préféré célébrer Spartacus, plus illustratif en effet de l’exhortation au « peuple de France » à « se défaire des chaînes qui l’entravent ».

Il est vrai que la liberté, c’est consensuel. Ca fait bien moins peur que l’égalité, et ça ratisse plus large que la fraternité. Et puis, ça s’adapte à peu près à tout. Ca permet de célébrer tout à la fois « l’indépendante détermination du général de Gaulle », d’exalter « la souveraineté, c'est-à-dire notre liberté collective », et de vouer aux gémonies la libre circulation des personnes et l’immigration, « cet esclavage des temps modernes, (qui autorise) le transfert de populations d’un continent à l’autre, constituant ainsi l’armée de réserve du capitalisme qui permet aux grands patrons d’exploiter les travailleurs français ».

Ca permet également de se muer en égérie d’une « liberté de la presse (qui) doit être rétablie », parce qu’il y en a vraiment marre du « maccarthysme », du règne sans partage du « Big Brother d’Orwell » et de la prolifération de tous ces « petits Torquemada des temps modernes » qui empêchent nos journaux de diffuser des sondages plaçant Marine le Pen en tête du premier tour à l’élection présidentielle, de la sacrer championne du vote ouvrier ou de relayer quelque classement du Time lui offrant le 71ème rang mondial des personnalités les plus influentes.

La liberté, toutefois, c’est quelque chose qui s’apprend. Or « l’apprentissage de la liberté se fait dès l’école ». Et Marine le Pen de se lancer dans une diatribe inattendue contre « les théories dramatiques colportées par les pédagogistes issus de 68 ». On admettra que la promotion de l’école de Condorcet et de Jules Ferry manquait au logiciel mariniste. Il convenait de rajouter d’urgence cette nouvelle strate  pour décrocher son brevet de « national-républicanisme ». Car tout n’est pas qu’économie, et crier haro sur l’ultralibéralisme, sur Maastricht et sur l’Euro ne fait pas un programme. Il ne suffisait donc pas de s’approprier Emmanuel Todd et Jacques Sapir : voilà Natacha Polony embarquée nolens volens sur le paquebot.

Il ne manque à Marine le Pen, pour parfaire sa panoplie de parfaite républicaine, qu’à débusquer un bon spécialiste de relations internationales. Pour bien faire, il faudrait qu’il prône une coopération renforcée avec la Russie pour contrebalancer la « Chinamérique », une politique de co-développement euro-Méditerranée, qu’il ait vigoureusement condamné la seconde guerre du Golfe, mais pourquoi pas la première également, et bien sûr qu’il se soit prononcé contre la réintégration de la France dans le commandement intégré de l’OTAN.  

En principe, à la prochaine grand-messe frontiste, nous devrions avoir le nom de l’heureux géopoliticien choisi, et partant, une liste quasi exhaustive des intellectuels qui, même sans le faire exprès, permettent à quiconque s’en inspire de s'élever en toute liberté dans les sondages. Avis aux amateurs.


7 commentaires:

  1. C'est excellemment pensé, brillamment exprimé ; il y a de l'ironie, de l'observation, une espèce de mise en garde, mais sans gravité. La brise Marine, qui souffle un peu vivement aujourd'hui, annonce-t-elle un ressac ou, au contraire, un raz-de-marée ?

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  2. En effet, qui pour l'accompagner en Russie?
    http://bit.ly/jl1FuO

    Alexandre del Valle est devenu atlantiste en 2001; mais il reste Viacheslav Avioutsky bien que de nature discrète.

    Bonne soirée,

    LA

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  3. Il ne faut pas vous vexez quand Marine dénonce dans quel état vous faites votre "métier". On sait que votre avis était déjà négatif avant même d'entendre le discours de Marine, mais de là à en faire un article méprisant... Quand je lis cet article, je me dis que cette journaliste préfère étaler son vocabulaire pour se donner un style plutôt que de rapporter honnêtement les vérités émises par Marine Le Pen comme par exemple l'article 2 de la constitution de notre (enfin pour certain) souveraineté qui énonce bien que "le gouvernement est pour le peuple" (et pas pour les autres), mais ça, ca ne fait pas bien, ça n'a pas la couleur de la tolérance qui nous fait avaler tant couleuvres (enfin aux dupes). Pourtant, Mademoiselle Coralie Delaume, en 2007 vous avez signé une pétition du Reporter Jean-François Tealdi qui partage l'opinion de 84% des français estiment que les critiques personnelles occupent trop de place dans le milieu journalistique. Quelle infâme incohérence avec votre article. Bref, vu l'OJD, Marianne, il y a plus de gens qui y travaillent qui le lisent (comme dirait l'autre).

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  4. Cher Monsieur (à moins que le candidat ne soit une candidate),
    D'abord, je ne suis pas journaliste, je suis blogueuse. Toutefois, je suis ravie que vous ayez pu vous méprendre sur ce point. Cela prouve que je ne bosse pas si mal.
    Ensuite, je n'étale pas mon vocabulaire. J'utilise des mots compliqués à dessein, pour contraindre mes lecteurs à consulter (donc à acheter) des dictionnaires. En effet, dans la vraie vie, je suis VRP chez "petit Robert".
    Bien à vous

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  5. Bonne réponse, :-) !

    Moi je pense que Marine Le Pen fait exactement comme Sarkozy : elle part du principe qu'il n'y a plus de gauche, alors elle ratisse tout le reste. Les anti-musulmans (anti-arabes, en fait), les pauvres, les riches, les ouvriers, les professions libérales, les petits commerçants, les frustrés, etc. Tout est bon à prendre. A chacun son discours. La cohérence c'est bon pour ces ramollos d'intellectuels, n'est-ce pas ?

    Sauf que derrière les rodomontades et la démagogie sarkozienne, il y a une idéologie néo-libérale structurée et la volonté claire et nette d'enrichir encore plus les déjà riches. Derrière Marine il y a quoi ? A mon avis, rien.

    Sous cet angle, je trouve votre article assez bien observé (et bien écrit).

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    1. Robert Marchenoir23 mai 2012 à 15:49

      Une idéologie néo-libérale ? Si seulement !...

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  6. Deux remarques :

    - Ce week-end n'a marqué aucune rupture puisque le 1er mai dernier avait déjà été marquée sous le sceau de la "défense des libertés". On pourrait même remonter à Poujade, à l'anti-fiscalisme encore dominant au FN pour retracer la généalogie de ce thème fécond.

    - Marine dispose d'un éminent géopolitologue dans son orbite depuis des années. Il correspond d'ailleurs bien au portrait brossé ci-haut, avec les stigmates d'un martyre d'Etat, pour ne rien gâcher. Facile à deviner...

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