Traduire / Translate

vendredi 23 décembre 2011

Chroniques de l'arène ordinaire : l'Avent (2)




Noël moins deux jours. Il a bien fallu, que je sacrifie à la tradition, et me livre à cette activité vulgaire qui consiste, à aller quérir quelques cadeaux made in Singapour à un prix se défiant de toute décence.

Pour cela, je me suis rendue dans les Grands Magasins, dont l’entrée est incessamment entravée par des centaines de Chinois d’esbaudissant tout le jour et de très excessive manière, devant des vitrines décorées aux couleurs de la magie de Noël, et qui témoignent, année après année, que notre réserve nationale de bon goût so Frenchy, suit à peut près la même courbe décroissante que les réserves mondiales de pétrole so Saoudy.

C’est qu’il me faut acheter quelques chose pour #monJules. Et pourtant, Dieu – qui est mort mais dont le fils est à naître après-demain – sait qu’il n’a besoin de rien, #monJules, tant il est vrai que quand il désire quelque chose, il a tendance à se l’acheter tout seul, dans ces accès d’autonomie vaguement libertaires, caractéristiques des gens qui gagnent honnêtement leur vie, et qui considèrent à ce titre qu’ils peuvent dilapider leur argent comme et quand bon leur semble.

Par chance, je connais suffisamment bien #monJules pour savoir que, chez lui, comme chez beaucoup de pré-quarantenaires partis en quête des ultimes vestiges d’une jeunesse  disparue, la vaine coquetterie dépasse de très loin les frontières du besoin, et que le désir de paraître permet de se défaire à bon compte de la nostalgie « d’avoir été », lorsqu’il est désormais trop tard pour « être ».

Je me mets donc en condition pour une demi-douzaine de bousculades et de probables échanges d’injures avec quelques autruis aussi navrés que moi d’être là, lorsque nous pourrions tous être devant nos télécrans respectifs, à écouter, en jubilant intérieurement d’être nous-mêmes indemnes, la sinistre narration des accidents de voiture qui surviennent sur les départementales verglacées de nos froides régions du Nord.

Je m’avise soudain de la présence d’une boutique manifestement dédiée aux vêtements pour jeunes aristocrates fin-de-race désireux d’assumer avec morgue le caractère désuet de leur nom à particule. Là, je pense à #monJules. C’est ici que je vais acheter l’objet supposé entretenir la flamme de notre amour, et que quelque jeune sotte surmaquillée préposée à cette activité ancillaire m’empaquettera joliment.

L’objet – supposé entretenir etc. – est un vêtement paradoxal, de la gamme « cool-mais-coincé » qui fera ressembler #monJules à un jeune versaillais en goguette rappelant vaguement le Leornardo DiCaprio adulescent et angélique dont la beauté lactescente m’insupportait l’oeil tant elle était excessive, avant qu’elle ne disparaisse dans les abysses du passé, tout comme le Titanic fut englouti dans l’eau glacée.

Lorsqu’il aura passé l’objet, #monJules ressemblera à un petit marquis provincial de droite, un peu pédé mais néanmoins catholique, aussi sûr que j’ai parfois l’air d’une goudou parisienne vaguement de gauche et un peu rock n’roll. Ainsi, nous serons, comme nous l’avons toujours été, exagérément dépareillés et outrancièrement mal assortis, faisant mentir une fois de plus le bon sens populaire, en vertu duquel il paraît que « qui se ressemble s’assemble ».

Entre temps, #monJules m’aura lui aussi acheté un présent, et c’est dans même un même élan que nous aurons fait marcher le commerce.

« Aimer, se n’est pas se regarder l’un autre, c’est regarder ensemble dans la même direction ». Et parfois, acheter dans une même compulsion.


Leornardo DiCaprio, adulescent et angélique,
dont la beauté lactescente m’insupportait l’oeil
tant elle était excessive





Lire ou relire :
Chroniques de l'arène ordinaire : l'Avent (1/2) CLICK




1 commentaire: