Les voilà, ils débarquent ! Qui ça ? Les envoyés de Bruxelles ! Au début de la semaine, ils venaient jeter un œil amical et désintéressé aux orientations budgétaires françaises retenues dans le cadre du projet de loi de finance pour 2013. Plus exactement, ils venaient s’enquérir de « la prise en compte des orientations budgétaires européennes » par le PLF. Dans ce cadre, ils étaient accueillis en guest stars à l’Assemblée nationale, avec un mélange de respect et de crainte, comme on accueille les vainqueurs quand on a soi-même capitulé.
À leur tête, Viviane Reding, commissaire européen à la Justice, à la Citoyenneté et aux Droits fondamentaux – fermez le ban – qu’on avait davantage l’habitude d’entendre nous tancer sur notre gestion du « problème Rom », et qui vient de se découvrir, en tant que vice-présidente de la Commission, un talent inopiné pour les finances publiques.
Cette fois, celle qui le fait pourtant si bien, n’a vilipendé personne. Au contraire, elle a vivement flatté notre douce France, car rien ne marche mieux que la carotte, même quand on préfère manier le bâton. Reding a donc salué un « projet de loi de finance ambitieux » et dit qu’elle mesurait « l’effort qui est demandé au peuple français ». Avec quoi l’a-t-elle mesuré ? Avec sa réglette graduée spéciale « efforts demandés aux peuples » ? L’histoire ne le dit pas.
Mais elle était avenante, la commissaire. Mémère était venue avec plein de su-sucres à distribuer sans compter. Elle a même réussi à faire croire à Pierre Moscovici, qui, jappant d’orgueil, l’a répété partout, que « la voix de la France pèse dans le débat ». Quel débat, déjà ? On ne sait pas trop. Dans l’immédiat, l’heure est aux babillages auto-satisfaits.
Cette présence bruxelloise au sein du palais Bourbon n’est pas une conséquence de l’adoption par le Parlement du traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance (TSCG). Elle est une anticipation de son entrée en vigueur : on est des types sérieux, en France. On prend de l’avance.
Le TSCG, vous savez ? Ce traité dont on nous a dit et redit qu’il n’aurait aucune conséquence réelle et qu’il n’ajouterait rien aux instruments de torture préexistant tels le « six pack » (plait-il ?), le « two pack » (comment ?) et autres joyeusetés déjà votées et dont chaque citoyen a été dûment informé du contenu et des conséquences, n’est-ce pas ? Car nous sommes tout de en même en démocratie, palsambleu !
Le TSCG, donc, qui ne sert à rien. Tout le monde l’a dit : ce texte inapplicable demeurera inappliqué. Un peu, comme l’affirme ici Emmanuel Todd, comme si l’on avait voté « la diminution de la distance entre la Terre et la Lune ou l’inversion du cours de la Seine ». Du coup, on se dit au passage que ça commence bien : prétendre maîtriser les dépenses publiques en faisant siéger le Parlement pour des prunes, c’est le top niveau de l’efficience budgétaire !
Le TSCG, ainsi, qui ne sert à rien. Et au nom de ce « rien », les députés et sénateurs français ont accepté de se départir d’une large part leurs pouvoirs en matière budgétaire. Comme s’ils en avaient le droit. Comme s’ils ne représentaient qu’eux-mêmes. Comme si la démocratie et les prérogatives budgétaires n’étaient pas intimement liées et comme s’il n’était pas inscrit, au cœur même de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen (article 14) : « les citoyens ont le droit de constater, par eux-mêmes ou par leurs représentants, la nécessité de la contribution publique, de la consentir librement, d’en suivre l’emploi, et d’en déterminer la quotité, l’assiette, le recouvrement et la durée ».
Le TSCG, toujours lui, qui ne sert à rien. On espère que ceux qui ont martelé cela ne se sont pas trompés et qu’il restera lettre morte. En attendant, ce texte est au minimum symbolique. Donc éminemment politique, tant il est vrai que la politique est faite de symboles, et cela depuis que Cro-Magnon a zigouillé Neandertal.
La venue de Viviane Reding à l’Assemblée nationale non plus, ne servait à rien. La brave n’a pas fait modifier une traître ligne de PLF 2013, qu’elle a trouvé fort à son goût. Mais, la commissaire l’a dit elle-même, cette visite était « très spéciale ». En effet, elle était symbolique, donc éminemment politique.
Politique comme le fut aussi – un peu – le fait que les débats entre responsables européens et députés français se soient déroulés dans les sous-sols de l’Assemblée : on ne deale jamais mieux que dans les caves. Politique, comme le fut aussi – beaucoup – le fait que les députés désireux de questionner l’équipe bruxelloise n’aient obtenu que deux minutes de temps de parole : tout ce qui se conçoit mal s’énonce hâtivement.
S’adressant, ravie, aux représentants de la nation, Viviane Reding a en tout cas espéré que sa visite serait « suivie d’autres expériences ». De Folamour à Frankenstein, nul doute qu’elle a d’abominables idées plein la tête. Puis de citer le père fondateur : « Jean Monnet disait : ”les hommes n’acceptent le changement que dans la nécessité et ils ne voient la nécessité que dans la crise” ». Là-dessus donnons raison à Monnet aussi bien qu’à Reding. La crise, en effet, est drôlement installée. Et de menus changements, il risque d’y en avoir. Mais pas forcément ceux que vous espérez, madame la commissaire. Alors accrochez-vous : d’après la météo, ça va secouer.
Lire et relire sur l'arène
nue:
Toi aussi, fais toi tutoyer la la BCE et occis la
méchante inflation CLUCK
L'Europe : du baratin de Monnet au baragouin sur la
Monnaie CLECK
Pacte budgétaire européen : LOLons avec Elisabeth Guigou CLONCK
Bonsoir,
RépondreSupprimerencore un post inspiré, Coralie :-)!!!
Décidément, on dirait qu'ils n'ont pas perdu de temps à la Commission Européenne (ou le PolitBuro?)! On a l'impression d'un futur locataire (ou proprio ?) qui arrive dans sa future résidence pour imaginer la future déco.
La métaphore de la météo est pertinente: le "sulfureux" François Asselinaux a déclaré qu'appliquer le TSCG, c'est comme interdire à Météo France d'annoncer qu'il va pleuvoir!!!
Car il s'agit bien de prévisions budgétaires, ce qui situe l'étendu du désastre à venir!!!
Sinon, l'UE est encore fidèle aux grands principes de J.Monnet (également surnommé par le Grand Charles l'Inspirateur, mais aussi le Malade): nécessité fera loi. Il faut créer les conditions (i.e. les crises) pour le projet européen avance car seules les insuffisances des étapes précédentes permettent de justifier les actions suivantes. C'est le principe du cliquet, cher aux mécaniciens. Ainsi, le système ne peut pas revenir en arrière!!!
Bien vu!
Supprimer"tout ce qui se conçoit mal s’énonce hâtivement."
RépondreSupprimer"De Folamour à Frankenstein, nul doute qu’elle a d’abominables idées plein la tête". j'adore
Le seul point positif de l'UE actuelle, est qu'elle inspire votre verve