François
Lenglet avait-il envie de se marrer un peu dimanche soir sur France
2 ? Entendait-il faire parvenir un message subliminal au peuple
de France ? Etait-il spécialement relâché - limite négligent
- en cette fin de week-end ? Avait-il perdu un pari idiot avec contre
belle-mère ? Toujours est-il qu’il en a lâché un bien
bonne, à l’occasion du jité de 20 heures.
Alors
qu’il parlait, comme tout le monde ces jours-ci, du fameux rapport
Gallois et du « choc », pardon du « pacte »,
pardon de la « stratégie », pardon de la « trajectoire
de compétitivité » supposée nécessaire à un retour de la
croissance, l’homme a en effet affirmé : « ce qui
explique l'incapacité de la France à retrouver la croissance, c'est
son incapacité à retrouver sa compétitivité (…) du temps du
franc, notre ancienne monnaie, tout cela se réglait avec une
dévaluation. C'était évidemment un choc de compétitivité qui
permettait de baisser ses prix ».
Un peu
comme si Lenglet convenait, malgré ses airs de ne pas y toucher, que
c'était plus facile avant. Car il y avait ce qu’on appelle – et
ce n’est pas un hasard – la « dévaluation compétitive ».
Vous savez, cet instrument de politique monétaire qu’on utilisait
entre l’époque des dinosaures et l’ère de Neandertal, juste
avant qu’on ne décide, pour des raisons aussi opaques
qu’irrationnelles, de se débarrasser de notre devise nationale,
dont on se demande bien ce qu’elle avait fait de mal, peuchère.
Du coup, Lenglet nous a quasiment
fait du Jacques Sapir low calory à une heure de grande
écoute, prenant le risque inconsidéré de foudroyer sur place la
ménagère et de faire s’étouffer papy avec un bretzel.
Car Sapir, finalement, dit à peu
près la même chose lorsqu’il évalue ici les effets comparés
d’une dévaluation monétaire et d’une diminution du coût du
travail par un transfert des cotisations sociales.
On parle bien, dans un cas comme
dans l’autre, des effets, sur la compétitivité-prix d’une
diminution du coût du travail, soit par une réduction des
« charges », soit par une diminution modique et contrôlée
de la valeur de la monnaie.
Un
peu comme le sous-entendait aussi, quoique pour évacuer avec pudibonderie ce scénario apparemment pornographique et réclamer en lieu
et place une « dévaluation fiscale », un quarteron
d’économistes s’exprimant dans Le
Monde
du 24 octobre : CLICK.
Lenglet
est comme iceux : c’est un type « raisonnable ».
De plus, il
est peu probable que sa belle-mère, quelque pari qu’elle ait
gagné, soit allée jusqu’à exiger de lui un suicide social et
professionnel à l’antenne.
S’il sait donc parfaitement, comme
le quarteron susmentionné et d’ailleurs comme tout le monde, qu’il
faudra bien finir par dévaluer quelque chose, il rappelle
immédiatement, de peur sans doute d’être changé en citrouille,
que ce « quelque chose » ne saurait être la monnaie. Et
de préciser, toujours au sujet de la dévaluation : « avec
l'euro, c'est fini. Dans l'union monétaire, il faut travailler les
coûts et la productivité, et on dirait que tous les gouvernements
refusent de voir cela ».
A moins qu'ils le voient
parfaitement, mais qu'ils ne sachent...pas faire. Parce que ce n'est
pas forcément...faisable.
En tout cas, dimanche avec Lenglet,
on n’est pas passé loin d’un hymne à la dévaluation monétaire.
Donc d’un incident diplomatique avec l’Allemagne. Donc d’une
fuite massive des capitaux vers le Turkménistan, d’une guerre
mondiale, d’un tsunami ou pire, de la diffusion sur les ondes d’un
clip de Mylène Farmer.
Un indice qu’il pourrait peut-être
bientôt, en dépit de l’ossification généralisée de la pensée
économique, se passer malgré tout, un de ces jours, un truc vraiment drôle ?
Lire et relire sur l'arène
nue:
Toi aussi, fais toi tutoyer la
la BCE et occis la méchante inflation CLUCK
L'Europe : du baratin de
Monnet au baragouin sur la Monnaie CLECK
Pacte budgétaire européen :
LOLons avec Elisabeth Guigou CLONCK
Budget 2013 : V comme Viviane Reding CLACK
RépondreSupprimerTrès bon article !
Comme toujours votre style est... décapant !
Et c'est plaisant :)
Votre papier m'a d'autant plus surpris que j'avais également remarqué l'intervention de F. Lenglet et que vous êtes la seule à m'a connaissance à y avoir réagit.
Dommage que les "experts" interrogés soient tous acquis à la "pensée dominante"... à oui c'est vrai, c'est fait exprès bien évidement :p
Et encore, on m'a dit que sur BFMTV, il était beaucoup plus clair quand il disait des choses comme ça.
SupprimerMais sur France2, faut être prudent...
Tout fout le camp, ma bonne dame :-)!!!
RépondreSupprimerL'un de vos confrères avisés, David Desgouilles, vient juste de signer un post à propos de Libération et la demande de Nicolas Demorand de mettre en place une taxe "Google" pour sauver la profession journalistique, et au passage, son canard.
Otez-moi d'un doute: serait-ce du protectionnisme? Mais voyons, vous n'y songez pas, ma'am Michu...
Oui j'ai lu aussi le texte de David. Tout arrive, ma pauv' Lucette :)
Supprimeret maintenant Michel Barnier fait du Montebourg et reconnaît que l'UE a été naïve (le mot est faible) pendant 30 ans dans son ouverture au libre échange et à la concurrence des pays émergents...tout arrive !
SupprimerDe là à ce que Quatremer se mette à reconnaître que l'Europe qui s'est construite depuis 30 ans est quand même un peu libérale et pas très démocratique, il n'y a qu'un pas !
Le problème avec la dévaluation compétitive, c'est d'une part que l'on peut être accusé par ses partenaires commerciaux de tricher et ainsi se voir fermer leurs marchés - et en temps de crise où les tentations protectionnistes se font plus alléchantes, le risque en est d'autant plus grand. Certains souverainistes sont même quasiment schizophrènes: ne prônent-ils pas une telle dévaluation alors qu'ils accusent la Chine de tricher avec le yuan? D'autre part, les autres pays peuvent tout aussi bien avoir recours au même artifice; où serait alors l'avantage? Et si ces même pays innovent, réduisent leurs coûts et produisent plus avec moins (ce qui est la meilleure manière de faire baisser les prix) tout en dévaluant, notre pays sera bien obligé de faire de même. Et pensez aussi aux effets qu'aurait une dévaluation sur le pouvoir d'achat des foyers les plus modestes, surtout dans un pays ne produisant plus et important beaucoup..
RépondreSupprimerCertes, mais qu'on fasse une dévaluation de la monnaie, une dévaluation fiscale ou du dumping salarial (comme l'a longtemps fait l'Allemagne), cela se fait toujours au détriment des autres. La compétitivité est une notion relative. Elle se mesure par rapport aux autres.
SupprimerSur dévaluation et pouvoir d'achat : OK. Mais quid de "augmentation de la TVA" ou "augmentation de la CSG" et pouvoir d'achat, si on décide de transférer les cotisations patronales sur l'un ou l'autre ?
Tout a fait d'accord sur ce point. Ce que je voulais souligner, c'est que la dévaluation ne pouvait pas compenser un déficit de productivité. Et sur la dévaluation fiscale: seuls les pays ayant des finances publique saines peuvent se le permettre, pas la France. Au passage, des pays comme le Danemark ou la Suède ont des entreprises compétitives à l'international, et aucun des deux, ayant pourtant chacun gardé leur monnaie, n'ont ni dévalué, ni fait baissé les charges (le travail en Suède coût toujours aussi cher à l'employeur, le salarié en percoit une plus grande partie et l'État moins). On peut se demander pourquoi..
SupprimerSur le pouvoir d'achat: si l'entreprise paye moins, mais que l'État prélève le même montant, évidemment les salaires versés sont moindres. Pour que le salarié ne perde pas de PA, il faut que l'employeur paye le même salaire complet, ce qui est contraire au but recherché. Pour faire baissé le coût du travail et faire gagner du PA au salariés, l'État doit baisser ses prélèvements.
Si un pays a un déficit commercial il devrait être légitime de voir sa monnaie se dévaluer dans une juste proportion.
SupprimerIl se trouve que j'avais entendu le « billet » de M. Lenglet, et que son « dérapage » sur une monnaie glissante m'avait fort diverti. Je voulais en tirer quelque chose, chez Causeur, mais, après avoir lu votre irrésistible article, j'ai immédiatement abandonné tout espoir d'être à la fois plus léger, plus concis et plus désespéré. Acceptez mes très vives félicitations.
RépondreSupprimerBravo pour cet article plein d'humour mais abordant la question de fond du tabou de l'euro et donc des dévaluations. Plus largement d'ailleurs, tant qu'on refuse dogmatiquement de réenvisager de se doter des leviers d'action que sont la dévaluation monétaire, les droits de douane ou la restructuration de certaines dettes notamment celles issues de 2007, il ne reste objectivement pas beaucoup d'autres solutions que la course au moins disant salarial (astucieusement rebaptisée trajectoire de compétitivité) et à la rigueur (ou désendettement compétitif dixit Moscovici)...Le problème étant (en dehors de leur violence pour les populations) que ces solutions n'en sont pas et aggravent la récession et les déficits, comme expliqué depuis longtemps par beaucoup, dont Sapir sur ce blog.
RépondreSupprimerSur cette problématique, je recommande d'ailleurs cette vidéo très bien faite (http://www.youtube.com/watch?v=esiU4xFs9Ys). On y croise d'ailleurs Sapir parmi d'autres comme Lordon ou Todd.
Je pense quand même qu'au final, ça va bouger, contraints ou forcés, nos dirigeants vont devoir à un moment ou un autre revenir sur le libre échange intégral et l'euro à 17..mais que de casse sociale entre temps.
Vous avez raison de dire que la compétitivité s'exerce aux dépens d'autrui. Dans un monde fini, un marché gagné par l'un est perdu par l'autre. Fonder l'économie sur cette notion est illusoire et pervers. Ou bien les compétitivités s'équilibrent (cas rarissime) et elles s'annulent, ou bien elle permettent au plus compétitif de l'emporter, les autres sont perdants et souvent vaincus.
RépondreSupprimerOn pourrait même dire que la compétitivité, c'est déplacer son chômage chez ses partenaires commerciaux.
SupprimerA Pangloss
SupprimerCe raisonnement est vrai à la base, mais ce n'est pas parce qu'on perd une fois qu'on perd à tous les coups. Pourquoi y a-t-il plusieurs chaînes de grande distribution en France? Et pourquoi les petits commerces se portent encore fort bien dans certains endroits, malgré une concurrence presque déloyale de la part de cette même grande distribution? Dans certaines petites villes, on peut trouver quatre boulangeries ou parfois plus. La concurrence oblige à vendre des produits au prix de leur qualité, mais elle n'a rien d'une lutte à mort.