L'Union européenne, chacun le sait, c'est le déploiement
magnifique des « principes de la liberté, de la démocratie, du respect des
droits de l'homme et des libertés fondamentales ». C'est un effort
tout entier tendu vers une consolidation de « la solidarité entre les
peuples dans le respect de leur histoire, de leur culture et de leurs
traditions », visant à éloigner
de nos doux rivages et pour toujours le spectre de « la division du
continent européen ».
C'est en tout cas ce qui est écrit dans le préambule du Traité sur
l'Union européenne (TUE). Car c'est bien de là que sont tirées ces bribes
verbeuses, et non, comme on pourrait le croire en première approche, du Tao Tö
King ou des statuts de l'église de scientologie.
C'est donc au nom de ces valeurs magnifiques que tout le monde
s'ingénie désormais à chercher des coupables. Des fautifs que l’on pourrait
accabler tant et plus, en leur attribuant les dysfonctionnements d'une
construction dont les inlassables promoteurs se refusent toujours à voir les
malfoutoses originelles, tant sur plan institutionnel que du point de vue de la
rationalité économique.
Oui : des coupables. C'est ce qu'il faut désormais pour continuer à faire tenir ensemble cet édifice fait de « liberté », de « respect », de « démocratie », de solidarité et d'amitié entre les peuples. Et les Grecs semblent les mieux placés pour endosser le rôle. Pensez-donc : ils refusent de voter comme on leur ordonne de le faire. Pis, ils soutiennent massivement l'action du gouvernement qu’ils ont porté au pouvoir. Quelle abomination !
Or pour montrer que la Grèce est coupable, quoi de plus probant qu'une poignée de chiffres. « Chez ces gens-là, on ne parle pas, on compte », disait en effet Jacques Brel dans une chanson prophétique où il dressait avec 40 ans d'avance le portrait-robot de l'adorateur de la monnaie unique et du traité de Lisbonne.
Les chiffres que nous servent les européistes sont ceux de la dette hellène, étourdissants, effrayants : 320 milliards d'euros, 175 % du produit intérieur brut. Bref, l’horreur ! Mais il y a pire. Il y a l'argent que la Grèce doit à la France. Ces 40 milliards que notre beau pays a prêtés dans un pur élan de générosité fraternelle et que ces saligauds de bouffeurs d'olives pourraient bien ne jamais rembourser. Rendez-vous compte : cela représenterait plus de 700 € par personne ! Ce sont nos enfants que l'on affame ! C'est la Patrie qu'on assassine !
Le problème avec cet argument - outre qu'il pèse son pesant d'un « égoïsme national » auquel les europtimistes ne nous avaient guère habitués - c'est que d'une part il est faux (oui, à force, ça finit par être embêtant) et que d'autre part, il peut être aisément retourné. La Grèce pourrait finir par nous coûter ? Et si, jusque-là, elle nous avait plutôt rapporté ?
Daniel Cohn-Bendit, auquel on ne peut
guère intenter de procès en euroscepticisme s'insurgeait dès 2010 qu'on
prétende « aider » Athènes en lui prêtant de l'argent au prix fort.
Ciblant tout particulièrement Berlin, il affirmait ici : « la situation présente est extravagante.
L'Allemagne emprunte à un taux de 1,5% pour prêter l'argent à la Grèce avec un
taux de 5%. Nous sommes dans une complète confusion ». Et oui,
forcément : quand on prête à des taux trois fois supérieurs à ceux
auxquels on emprunte, on s'enrichit....
Or ce qui vaut pour l'Allemagne vaut aussi pour la France. Ainsi l’économiste Thomas Piketty affirmait-il récemment : « il faut baisser les taux d'intérêt de la dette grecque à 1% ou 0%. Ces dernières années, on a fait de l'argent avec la dette grecque: on a emprunté à 1% pour leur prêter à 4 ou 5%. On a gagné de l'argent ». Autrement dit, le même raisonnement que Conh-Bendit.
Or ce qui vaut pour l'Allemagne vaut aussi pour la France. Ainsi l’économiste Thomas Piketty affirmait-il récemment : « il faut baisser les taux d'intérêt de la dette grecque à 1% ou 0%. Ces dernières années, on a fait de l'argent avec la dette grecque: on a emprunté à 1% pour leur prêter à 4 ou 5%. On a gagné de l'argent ». Autrement dit, le même raisonnement que Conh-Bendit.
Le plus dur reste de savoir combien on a gagné ou, pour le
dire autrement…. combien la France a coûté à la Grèce. « Pour la France, Bercy préfère donner un
chiffre global » nous dit-on dans cet intéressant panorama. « Depuis 2010, sur quatre ans, les prêts à la
Grèce lui ont rapporté 729 millions d’euros, qui sont rentrés comme des
recettes dans le budget de l’Etat. C’est peu ou prou le montant prévu au budget
français en 2015 pour le ministère de la Culture ». De cette somme, il
faut évidemment déduire les intérêts que la France paie au titre de l’argent qu’elle-même
emprunte avant de le prêter à Athènes. Mais à l’heure actuelle, notre pays emprunte
fort bas et parfois même, pour les emprunts les plus courts… à des taux
négatifs (voir tous les taux ici). Une incongruité que l’on doit une fois de
plus à cette aberration économique qu’est l’eurozone, et qui a transformé la
dette française une valeur refuge. Chose dont nous continuerons à bénéficier… jusqu’à
ce que tout s’effondre.
Alors, on peut toujours continuer à montrer du doigt les dispendieux
et les inorthodoxes, qu’ils soient Grecs aujourd’hui, Portugais ou Espagnols
demain. Mais ceux qui jouent à ce jeu sinistre, qui s’appliquent à monter les peuples européens les uns contre les autres, qui tiennent absolument à
déterminer ce que nous coûtent les autres, qui se comportent en petits vieux
aigres et radins apeurés à l’idée de ne pas rentrer dans leurs sous, risquent
fort, très bientôt, de voir leur propre mesquinerie se retourner contre eux.
En attendant, il n’est pas sûr que « la liberté », « le respect
», « la solidarité », bref, que « nos valeurs » dont nous sommes fiers au point
de les porter en permanence en bandoulière, en sortent grandies.
A lire ou à relire sur l'Arène et sur le même sujet
Victoire de Syriza : vers l'autodestruction de la zone euro ? CLICK
Dette : la Grèce va-t-elle rembourser la France ? CLACK
La victoire sans appel de Syriza est une preuve de sang froid CLOCK
Si le mémorandum n'est pas démantelé, le coût politique pour Syriza sera terrible CLICK
Combien la sortie de la Grèce de la zone euro va-t-elle coûter à la France ?
RépondreSupprimerEt la France se prépare-t-elle à la sortie de la Grèce ?
Lundi 9 février 2015 :
Cameron a présidé une réunion consacrée à un éventuel "Grexit".
Le Premier ministre britannique David Cameron a présidé lundi une réunion avec des responsables du ministère des Finances et de la Banque d'Angleterre consacrée à la marche à suivre en cas de sortie de la Grèce de la zone euro ("Grexit"), a dit une source du ministère.
http://fr.reuters.com/article/frEuroRpt/idFRL5N0VJ25620150209
Quand on veut donner des leçons de morale économique, on évite d'utiliser un outil informatique d'une multinationale américaine spécialiste de l'optimisation fiscale, on fait travailler un prestataire Français qui paye des impôts , voir un prestataire européen.
RépondreSupprimerOk merci je le note, et dès que j'ai une minute j'en parle à mon cheval.
SupprimerToujours délicieux ce genre de petit commentaire cynique et bien entendu... anonyme.
SupprimerHa vous êtes du genre à crier au loup tout en nourrissant le loup
SupprimerLennart :)
Mais la petite Grèce va peut-être revenir dans la grande Histoire/
RépondreSupprimerhttp://www.lacrisedesannees2010.com/2015/01/modeste-conseil-au-gouvernement-grec-ou-comment-en-finir-avec-la-tyrannie-allemande.html
Il est bien votre blog. Vous devriez utiliser Les réseaux pour lui faire de la pub ! :-)
SupprimerJe crois qu'il manque quand même quelques éléments
RépondreSupprimer- la dette grecque a été rachetée par les pays de l'Euro en 2012. A quel taux ?
- Pour ce rachat, les pays de l'Euro ont emprunté à quel taux ? Parce qu'en 2012 on empruntait pas comme en 2010.
Je crois donc que le taux de prêt effectif de prêt des pays Euro est donc : Taux rachat 2010 + taux emprunt 2010 - taux prêt à la grèce
Pas complètement sûr que ce soit intéressant...
Sinon, concernant les intérêts :
- Pour boucler son budget, la Grèce est sous perfusion de l'Europe et des pays de l'Euro. Ce qui veux dire que pour payer lesdits intérêts aux pays, elle doit emprunter à ces même pays...
Donc quand la Grèce va faire défaut, les pays qui ont prêté perdront forcément plus que ce qu'elles ont pu gagné, non ?
Bonjour,
SupprimerJe me permets de vous renvoyer sur un article de La Tribune qui, je crois, répondra à votre interrogation
http://www.latribune.fr/actualites/economie/france/20150205trib2c6f85623/ce-que-couterait-vraiment-aux-contribuables-l-annulation-de-la-dette-grecque.html
( Pardonnez-moi mais je suis incapable de faire un lien hypertexte dans les commentaires => pas dégourdie )
Ben, je comprends bien que la dette de la Grèce, rachetée par la France et les autres pays a donc déjà été digérée et assimilée dans la dette de ces pays.
SupprimerDéjà, ça, quoiqu'on en pense, c'est de la solidarité européenne. C'est même le principe d'une dette mutualisée.
Ensuite, vous insinuez quand même que la France a essayé de se faire du beurre sur le dos des bouffeurs d'olives.
Dixit votre article de la Tribune : "On peut estimer à 1,5% -au grand maximum- les taux d'intérêts servis par l'État grec."
Encore une fois, plutôt sympa je trouve. C'est pas loin des niveaux que demande Piketty (1% ou 0%), et c'est pas loin des taux auxquels la France emprunte de toute façon (entre 0.5 et 2% sur les 5 dernières années). En tout cas ça va à l'encontre du ton que vous employé dans votre article.
Et ça laisse de côté le problème initial du rachat de la dette en 2010 ou 2012 : on l'a racheté à quel taux effectif ? En gros, le surplus de dette racheté en 2010 nous a couté également. Combien ? Pas possible de dire si ça nous a rapporté sans cette donné.
Et finalement, je me répète, mais ça laisse de côté le fait que les intérêts versés au titre de la dette à la France sont payés par une nouvelle dette contractée auprès de la France.
En bref, non, je pense pas que ce soit juste de dire :
- d'une part que la France a essayé de se faire de l'argent avec les malheurs de la Grèce (qui voté pour les margoulins qui l'ont mis dans cette situation tout aussi démocratiquement que pour l'élection de Syriza, n'oublions pas)
- d'autre part que ça ne coutera quasi-rien à la France si elle fait défaut
On peut, effectivement, retourner la question en tous sens pour essayer, en multipliant les arguments techniques, de déterminer qui coûte de l'argent à qui. Vous pouvez faire ainsi. En revanche, vous ne pouvez plus vraiment parler, dans ce cas, de solidarité européenne.
SupprimerEncore une fois - c'est écrit dans l'article mais je le redis - je trouve hyper malsain le fait qu'on courre après des coupables et que l'on cherche en permanence à rejeter sur les autres la faute de l'échec prévisible de l'Union monétaire.
Mais ça prouve au moins une chose à mon avis : c'est qu'on approche du dénouement. On le voit bien, les nations n'ont pas du tout disparu et chacune s'agrippe à son intérêt (de manière peu élégante, certes, mais ça, c'est parce qu'il y a de nombreux vices de conception à l'Union européenne).
Bonjour,
SupprimerJe me permets de vous signaler que cet article est complètement fantaisiste et que le chiffrage est plus qu'approximatif.
Un défaut de la Grèce conduit à une augmentation de la charge de la dette, faible, mais variable dans le temps. Et, par rapport à une situation de non-défaut, à une augmentation du stock de dettes.
Il vaut mieux éviter de se référer à cet article pour soutenir la Grèce, car il décrédibilise complètement celui qui s'en sert auprès de tous ceux qui connaissent réellement le fonctionnement de l'AFT ou qui ont étudié la notion d'endettement public...
Bonjour,
SupprimerRéaction à la vidéo Xerfi "Allons-nous vraiment payer pour les grecs?", que vous avez postée hier :
C'est déjà plus sérieux au niveau de l'analyse (que l'article de la Tribune). C'est assez amusant d'ailleurs, car Olivier Passet recommande l'article d'Ivan Best, pour mieux montrer ses insuffisances tout de suite après.
Il obtient bien finalement ce que j'annonçais hier, à savoir (par rapport à une situation de non-défaut) :
- augmentation du stock de dettes (les 42 milliards qui doivent être réempruntés régulièrement) ;
- charge de la dette plus élevée (écart faible par rapport à une situation de non-défaut, mais variable dans le temps, comme l'indique l'image, ainsi que le chiffrage "aux taux d'intérêt actuels").
Pas trouvé le moyen de m'identifier en tant que Franz3
RépondreSupprimerC’est sympa de poser la question comme ça. Ca me rappelle un fabuleux instituteur alsacien de CM1 qui avait institué avec ses élèves les devoirs à donner aux parents. En retournant la lorgnette, on découvre un nouveau point de vue. Mais pour répondre aux grincheux qui ont une vision doloriste de la politique et qui tiennent à tout prix à ce que la Grèce soit punie, Il serait bien qu’ils prennent la responsabilité de leurs exigences. Qui ont déjà fait plus de 350 000 morts. https://bourgoinblog.wordpress.com/2014/03/31/grece-derriere-lausterite-le-genocide/
Ces calculs d’apothicaire pour savoir si le taux est à 1.26 ou 1.266668 que l’on énonce, les fesses posées dans son canapé paraissent soudain assez monstrueux. Au moins pour celui qui pense que derrière les courbes, les statistiques et les Etats, il y a des humains qui vivent un enfer. Qui naissent rachitiques, qui meurent faute de soins, du sida ou de l’alcoolisme ou qui massivement, se suicides. Quel taux, vous avez dit ?
Pour ce qui est de la responsabilité du peuple Grec, Tsipras a répondu en s’adressant directement aux Allemands dans sa lettre publiée le 1er février 2015 dans le journal Handelsblatt
« . En 2010, l’État grec a cessé d’être en mesure de servir sa dette. Malheureusement, les dirigeants européens ont décidé de faire croire que ce problème pourrait être surmonté par l’octroi du plus grand prêt jamais consenti à un état, sous condition que certaines mesures budgétaires seraient appliquées, alors que celles-ci, manifestement, ne pouvaient que diminuer le revenu national destiné au remboursement des nouveaux et anciens prêts. Un problème de faillite a été donc traité comme s’il s’agissait d’un problème de liquidité. En d’autres termes, l’attitude adoptée, était celle du mauvais banquier qui, au lieu d’admettre que le prêt accordé à la société en faillite a « sauté », il lui accorde des prêts supplémentaires, prétextant que les anciennes dettes restent servies et prolonge ainsi la faillite à perpétuité.
Non seulement Syriza s’était opposé à ce prêt à l’époque mais il a été démontré qu’il était absurde et les résultats n’ont pu que le confirmer. Prétendre qu’il a été imposé démocratiquement aux Grecs en toutes connaissance de cause, c’est insulter ce peuple.
La Grèce EST en situation d'excédent brut, elle perçoit plus d'impôts qu'elle dépense pour son fonctionnement public. Elle dispose donc d'un reliquat qui devrait lui permettre de se désendetter. Or sa dette augmente: les intérêts de notre "aide", à son échelle, sont usuraires.
RépondreSupprimerPar ailleurs, je ne comprends vraiment pas pourquoi il serait interdit de reconsidérer la question Grecque alors qu'il s'agit de la survie d'un peuple alors que, dans le même temps, l'Allemagne développe tout un tas d'arguties juridiques pour ne plus parler de ses dettes de guerres plus que méritées.
je ne sais plus où j'ai vu ça donc à vérifier ... il semble que l'argent qui est gagné par la France grâce aux intérêts de la dette grecque est reversé à la Grèce elle même jusqu'en 20200 ou 22 ... avec tous ça c'est la confusion ...
RépondreSupprimerfran666 alias jeandefruitos
Tous ce fric que l'on "prête" soit disant à la Grèce va dans les caisses de la BCE qui le redistribue aux banques commerciales qui avaient subies des pertes en 2010-11-12 ... 23 "plans de sauvetages" depuis 2008 ...
RépondreSupprimerFranchement je préfère donner 700 euros à un grec directement et pas besoin qu'il me rembourse (car je suis grand seigneur.) que de passer par les banques pour "prêter" à un grec.. enfin chacun voit midi à sa porte ...
Alors toi aussi arrête de pleurnicher et adopte un grec !
Des économistes ont fait les calculs de se coûterait la part française de "dette grecque" si les Grecs "s'avisaient" de ne plus rembourser. Car tout le monde se fout bien du GREXIT, qui, dixit Schaüble ne coûterait rien, mais, par contre, que la Grèce décide que cette dette odieuse ne soit plus remboursée, cela fait trembler la République des boutiquiers. Or, au lieu des 700 euros annoncés cela coûterait 10,60 euros par contribuable... Et oui, la solidarité a un coût apparemment insurmontable !
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