Avec cette histoire de « référendum Brexit », on en était presque venus à croire que les Britanniques étaient tous démocrates.
C'était oublier un peu vite :
** que si l'attachement très fort au principe de « souveraineté parlementaire » prédispose les Anglais à un souverainisme ombrageux, il invite moins évidemment à une passion pour la pratique référendaire. Comme le dit la spécialiste Pauline Schnapper, « à l'origine, l'idée même de consultation populaire était totalement étrangère à l'esprit de la Constitution britannique, fondée sur la démocratie représentative et la souveraineté parlementaire, et non sur la démocratie directe »,
** qu'il existe des andouilles polydécérébrées dans tous les pays. En général, leur cas ne s'arrange pas lorsqu'un trop long passage par les instances communautaires vient adjoindre à leur tare originelle un bon vieux syndrome de Stockholm.
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Parmi ces derniers, il semble que l'on en tienne un bon. « Fraser Cameron est Britannique et réside à Bruxelles. Il a été diplomate au service de Sa Majesté pendant quinze ans, puis a travaillé à la Commission européenne de 1990 à 2002 », indique sa biographie publiée ici.
Douze ans de Commission européenne : voilà de quoi détruire un homme, fût-il solide. De fait, la quasi simultanéité de ces deux événements que sont le « non » au référendum d'initiative populaire du 6 avril aux Pays-Bas et la tenue prochaine, dans son propre pays, de la consultation sur le Brexit (dont les sondages commencent à indiquer une avance des partisans de la sortie), plonge Monsieur Cameron dans une angoisse à l'extrême limite du stress post-traumatique.
Aussi l'ex-eurocrate éprouve-t-il le besoin de prendre la plume pour essayer tout à la fois de colmater son ulcère et de trouver des solutions « pragmatiques », comme on dit.
Il écrit : « Les référendums deviennent un énorme problème pour l'Europe. Le dernier qui s'est tenu aux Pays-Bas au sujet de l'accord d'association avec l'Ukraine a sans doute donné le pire des résultats possibles. Si le taux de participation avait été inférieur à 30%, le gouvernement néerlandais aurait pu ignorer le vote en toute sérénité. Mais avec un peu plus de 30% de participation et la victoire du non à 64 %, le gouvernement devra consulter le Parlement sur les suites à donner ».
« Consulter le Parlement » ? Quelle funeste perspective ! « Ignorer le vote en toute sérénité » : voilà qui eût été bien plus adéquat. En plus, le gouvernement hollandais est désormais contraint de « réfléchir », ce qui n'est qui n'est pas le moindre des inconvénients. « Ce qui apparaît clairement, c'est que le résultat négatif constitue un grand embarras pour le gouvernement, d'autant qu'il assure actuellement la présidence tournante de l'UE. Le Premier ministre néerlandais Rutte doit maintenant réfléchir à ce qu'il faut faire », explicite notre client. La tuile, quoi....
Dès lors, comment procéder ? Comment œuvrer de manière à ce que les gouvernements n'aient plus à « réfléchir », ni les Parlements à être « consultés » ? La question se pose avec d'autant plus d'acuité qu'on en a désormais la preuve : « les référendums n'atteignent jamais leur but » car « les politiciens anti-UE utilisent le référendum pour soulever des questions tout autres que la question véritablement posée ». Si l'on ajoute à cela que les électeurs, méchants comme des teignes, jouent le jeu des « politiciens anti-UE » et votent en réalité "non" à l'Union européenne, il faut quand même avouer qu'on l'a un peu dans l'os.
Par chance, pour se le sortir de l'os, Fraser Cameron a une solution, simple et de bon goût. Et il la pose là, sans faire de manières. « Peut-être est-il temps que l'Union européenne bannisse les référendums ? » suggère-t-il.
Diable, en voilà, une riche idée ! D'abord, ça permettrait de confirmer que, comme l'avait affirmé le président de la Commission européenne Jean-Claude Juncker dans une formule qui passera à la postérité, « il ne peut y avoir de vote démocratique contre les traités européens ». Ensuite, ça dispenserait le même Juncker d'être « triste », le pauvre, comme il a avoué l'être après le scrutin néerlandais du 6 avril.
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Sinon - mais curieusement cela n'est pas évoqué dans la tribune de Fraser Cameron - une autre solution, très simple, très « pragmatique », consisterait à supprimer la Commission européenne, et à envoyer tous ceux qui y ont travaillé pendant plus de dix ans cultiver des potagers éco-responsables dans des villages à repeupler.
Le tout dernier référendum de l'histoire de l'UE devrait d'ailleurs porter là-dessus. Dans ce cas, c'est sûr, il ne risquerait pas d'y avoir méprise sur le sens de la question posée. Et l'on n'aurait guère à « réfléchir » sur le sens de la réponse obtenue.
Pour lire la tribune entière de Monsieur Cameron, c'est ici.
A défaut de bannir les votations populaires, il va peut-être falloir changer le peuple.
RépondreSupprimer..on rit, on rit, mais moi je suis effrayé par le fait que ce totalitarisme eurocratique avance maintenant à visage découvert, comme s'il n'avait plus peur de rien ...
SupprimerL'excellent article tout récent, ayant trait à la portée du droit dérivé secrété par la Cour de Justice de l'UE, et les pouvoirs de la BCE, peuvent d'ailleurs amener à penser que les Etats-nations sont déjà totalement anéantis...
En somme, nous n'avons pas vu passer un coup d'état en col blanc et d'origine supranationale, parce qu'il est resté longtemps larvé et s'est déroulé à petits pas et dans le decorum d'une démocratie (parlement, exécutif, justice).
Le fait que la 'junte' au pouvoir ne se cache plus est inquiétant.
Christian BERNARD.
D'un autre côté un totalitarisme qui aurait peur de tout ne serait pas très convaincant.
SupprimerL'Europe se fait le champion de la démocratie en Ukraine, a-t-elle encore besoin de faire la preuve de son esprit démocratique chez elle ?...
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