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lundi 1 octobre 2012

Roms versus riverains : Marseille, la guerre des pauvres

 
 



Pour qualifier l’évacuation forcée, par des habitants de Marseille, d’un campement de Roms dans la soirée de jeudi (25/09), tout l’attirail de l’infamie a été mis à contribution. De la « ratonnade » aux « milices », les ennemis de la nuance et autres handicapés du discours tempéré n’y seront pas allés de main morte. On a même parlé de « pogrom ».

Les partis politiques se sont bien sûr saisis de l’affaire. Europe Ecologie – Les Verts à dénoncé le « mépris des règles élémentaires de la justice et de notre vivre ensemble ». Ah ! Le « vivrensemble » ! Cette douce idée qui consiste à faire se serrer les malheureux les uns contre les autres et à exiger qu’ils le fassent dans le calme, dans la quiétude, et dans le strict respect de « nos valeurs » !

Quant au Parti de Gauche, capable aussi, parfois, de décevoir comme les autres, il a exprimé sans aller au-delà « sa consternation devant la propagation de la violence raciste ». Parce que cette affaire, nous dit-on, relève du racisme. C’est bien naturel : lorsqu’il se passe un truc moche sur cette triste planète, il y a toujours anguille sous roche et facho sous le boisseau.

Le PG a certes dû se gratter un peu la tête devant l’incongruité que constitue le surgissement d’une milice fasciste emmenée par un « issu de la diversité » prénommé Rachid. Car jusque-là, quand on parlait des Roms, c’était facile. La bête immonde s’incarnait à merveille dans la personne de Manuel Valls, ce « nouveau Sarkozy » dont on sait qu’il était lui-même un « nouveau Pétain » : CQFD.  Évidemment, quand la meute fascistoïde est constituée d’Arabes des quartiers Nord de la cité phocéenne, ça jette un froid. Mais enfin, les « heures les plus sombres de notre histoire » ont déjà fait beaucoup d’usage. On n’est plus à un accommodement prêt.

Des racistes donc, des factieux, des quasi-nazis, ce Rachid et ses deux frères handicapés vivant dans une cité HLM en cours de démolition. N’allons pas au-delà. Puisque leur geste est laid – qui contestera qu’il l’est ? – ne cherchons pas à le comprendre. Après tout, comprendre, n’est-ce pas déjà pardonner ?

Étrangement, l’idée n’est pas venue à l’esprit des « redresseurs de tous les torts » qu’il s’agissait d’un épisode banal de cette concurrence entre pauvres qui ne manquera pas de se généraliser, sous l’effet d’une crise destinée à durer. Et cette bataille des miséreux est le plus beau cadeau qui puisse se faire au vaste panel des puissants. Elle leur offre une occasion inespérée de s’indigner à peu de frais sur le mode « les classes dangereuses, quelle bande de brutes ». Dans le même temps, ils se frottent les mains in petto en songeant combien il est devenu aisé de diviser pour régner.
On conspue donc les sous-prolétaires marseillais, avec leur barre d’immeuble qu’on détruit pour cause de « rénovation urbaine », et eux qui font du sentiment et s’accrochent, les maroufles. Ils n’ont jamais tant ressemblé, ces gueux, à cette « putréfaction passive des couches les plus basses de la vieille société » comme disaient Marx et Engels pour définir le « Lumpenproletariat ». Regardez donc comme ils sont vils, eux qui se font justice eux même, et prennent l’initiative malheureuse de « décider de [leurs] règles et de les appliquer en toute autonomie ». Un jour, si l’on n’y prend garde, ils pourraient bien finir par exiger plus d’équité…
Pour l’heure, ils n’ont rien exigé du tout, sentant bien que la voix au chapitre ne leur serait pas accordée. Ils ont chassé de leur triste lopin, sans ménagement et sans aménité, quelques plus misérables qu’eux. On s’en prend toujours, d’abord, à ce qui gêne immédiatement. Surtout quand la proie est facile.

Las, ils s’en sont pris à des Roms sans s’apercevoir qu’ils commettaient un crime de lèse-victime en s’attaquant aux damnés de l’Union européenne. Depuis Bruxelles, on entendra sans doute tonitruer la très outragée Viviane Reding, commissaire « à la Justice, aux Droits fondamentaux et à la Citoyenneté » – et peut être aussi à la Gentillesse universelle, à la Concorde dans la béatitude et aux Bonbons sucrés. Malheureusement, elle aura un peu raison : ce n’est pas joyeux, ce qui s’est passé.

Ce n’est pas joyeux parce que voir des pauvres bousculer d’encore plus pauvres n’est jamais un beau spectacle. Mais les riverains de Marseille, posés là pour l’éternité, et les Roms de passage, errants de toujours, ne sont au bout du compte que les deux faces d’une même médaille. Ils payent tous au prix fort le coût humain de la mondialisation, comme l’explique si bien Zygmunt Bauman. Ils sont, chacun dans leur genre, les oubliés de « l’inégalité de déplacement », les laissés-pour-compte de « la nouvelle hiérarchie de la mobilité », cette grande injustice du siècle.

Cependant qu’en haut, l’élite baguenaude autour de globe, sillonne la Californie, bronze à Maurice et enquille les séminaires entre Shanghai et Montréal, en bas, les glocalisés de tout poil, sédentaires contraints et nomades obligés, se font face en chiens de faïence.  Les premiers, rivés à leur coin de terre, « doivent subir passivement tous les bouleversements que connaît la localité dont ils ne peuvent partir ». Ils en chassent donc les seconds, ces « vagabonds » qui, toujours selon Bauman, « bougent parce qu’on les y a poussés (…) déracinés d’un lieu qui n’offrait plus de promesses ».

Ainsi, les premiers, emmurés dans une immobilité qu’ils n’ont plus d’autre choix que de chérir et de défendre, rejettent les seconds dans une errance perpétuelle, qu’ils n’ont plus d’autre choix que de revendiquer comme si c’était un art de vivre. Tout cela pour le plus grand bonheur d’une bourgeoisie trop heureuse de pouvoir se draper dans  une  indignation commode, prouvant, comme le supputait Marx, combien le sous-prolétariat lui est un utile supplétif.
Pendant ce temps, « les marchés » reprennent confiance, la bourse clôture en hausse, et les créanciers de notre beau pays se satisfont des « réformes de structure » qui devraient nous permettre d’honorer notre dette. Ils sont heureux : ils ont gagné un temps précieux. Tant que les pauvres s’entre-déchirent, ils ne s’occupent de réclamer ni l’égalité, ni la justice.

 

30 commentaires:

  1. Excellent! Tu es si douée dans tes papiers, dommage que tu ne supportes pas l'once d'une contradiction. Au moins un point en commun avec Elisabeth Levy.

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    1. Si tu tiens à ce que j'aie un point commun avec elle, va pour celui-là.
      D'aucuns me reprochent de partager ses idées. Au moins, tu ne me fais pas l'offense de penser cela.

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    2. Ah! Il y a une petite tonalité élisabethienne, tout de même: la dénonciation de la bien pensance mise en opposition avec la perception que le monde est injuste et que les grandes idéologies, surtout l'idéologie marxiste, ne réduisent en rien cette injustice, voire l'accroissent (ici on place le couplet antilibéralisme/mondialisation). C'est très Causeur.

      Mais j'ai bien aimé le mot "laid".

      Sur un plan plus bêtement comportemental, on voit juste qu'une loi vieille comme le monde se vérifie avec la précision d'une montre suisse: dans un environnement aliénant, on se comporte comme des aliénés.

      C'est là qu'on se dit qu'en mettant de la beauté là où il n'y en a pas, on réduirait le nombre des cas où cette loi se vérifie, avec une immuable et fatale précision.

      Mais la beauté dont je parle est particulière: elle n'est pas un esthétisme low cost qui prendrait la forme d'une "rénovation urbaine" en trompe l’œil. C'est en fait une beauté désaliénante.

      Mais... qu'est ce que c'est qu'une beauté désaliénante? C'est tout le problème.

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  2. Je ne classerais pas EL dans les "productrices d'idées" et en aucun cas comme une idéologue. J'ai bien aimé son livre (la gauche au dessus du réel), bien que un peu long, qui est une enquête sur les manipulations idéologique des dominants.
    Je l'ai connue en 99 à la Fondation Marc Bloch et elle a voulu m'enroler parc eque j'étais un des rares à pouvoir suivre Gréau (qui avait à cette époque un style assez hermétique), mais elle n'a pas du me trouver assez malléable et j'ai assisté à la liquidation de la Fondation sur l'autel de son ego.
    Nul n'étant parfait, Causeur est une réussite. Et je ne te fais pas l'offense de te prêter quelque pensée coupable que ce soit: la critique est - du moins dans mon métier - une posture scientifique qui n'a rien à voir avec la critique de la personne, et encore moins avec une quelconque inquisition de ses pensées cachées.

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  3. Approbation totale. Vous êtes marxiste depuis longtemps, Coralie?

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    1. Ca m'a pris récemment parce que comme rien d'autre ne marche, je me dis que ça, peut-être.... :-)

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    2. Comment ça, "rien d'autre ne marche"?
      Je croyais que le marxisme avait déjà été expérimenté,lui aussi(avec le succès que l'on sait)...

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  4. Pas d'accord, mais j'ai peut-être mal compris. D'abord, la gauche bourgeoise doit être sacrément embêtée. Elle n'a prévu d'abandonner les Arabes et les noirs que lorsque les pauvres auront été totalement écrasés ou que l'Allemagne le demandera. D'autre part, nous avons des gens qui ont le droit d'être là face à d'autres qui ne l'ont pas. En quoi cela devient-il particulièrement laid alors qu'ils font ce que la police et la gendarmerie pratiquent depuis quelques années? Je crois qu'à peu près personne n'a envie d'avoir un campement de Roms à sa porte, à tort ou à raison. Tu ne penses pas à une toute petite chance d'un début de prise en main de notre propre destin? Constitution de milices pour lutter contre la délinquance, réseaux d'entraides puis révolte ouverte.
    Jard

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    1. Ah non, je ne pense pas. Mais alors pas du tout. Il ne manquait plus que nous, citoyens, nous fassions justice nous même !
      Et si ma justice à moi, par exemple, c'est de considérer qu'il est tout à fait normal que je t'enlève trois ou quatre dents puis te coupe une oreille ?
      Non, vraiment, je ne pense pas du tout que ce soit une solution. C'est la barbarie garantie...

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    2. C'est pas si simple: dans les pays anglo-saxons il y a une tradition qui est le "community policing". Cela n'a rien à voir avec des milices, mais est une pratique d'auto-régulation du corps social qui évite d'appeler la police pour des petits délits qui relève d'écarts de comportements, ce que l'on appelle le "contrôle social". Essaye de mettre tes ordures dans une autre poubelle que la tienne en Suisse et tu comprendras tout de suite.
      Ensuite, la tradition républicaine, depuis Machiavel, est fondée sur l'organisation du peuple en armes. Mais tout cela est bien sûr soumis aux lois, au politique et au contrôle social.
      L'affaire de Marseille est l'exact opposé: elle est le constat de la faillite de l'Etat, mais le comportement civique des riverains doit être salué.

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    3. OK pour les pays anglo-saxons.

      Mais c'est comme ça qu'un type a tué un jeune homme noir il y a quelques mois.

      Donc non, pitié, pas des trucs à l'américaine. On est plus raisonnables en France. Les Etats-Unis, c'est une société vraiment trash. Interessante à observer, mais trash.

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    4. Oui, crash, et je n'aime pas y vivre. Mais on t côtoie le meilleur comme le pire. En Angleterre, l'an dernier après les émeutes de Tottenham, on a vu les riverains descendre avec des pelles et des balais pour nettoyer.
      Aux US, à côté de l'hyper violence et de la dégénérescence physique et morale, il y a des expériences intéressantes d'autorégulation sociale.

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  5. @ Jérôme Leroy,

    On vous dit jamais rien (je compatis) mais à moi non plus.

    Quand je dis, sniff, scusez, je me mouche, qu'il faut avoir une approche artistique de certains problème, Jard répond "formons des milices!".

    Pourtant la beauté non aliénante est plus efficace qu'un car de CRS (et plus qu'une milice de gens qui ne savent même pas se battre sans que ça se termine en massacre).

    Des architectes, des urbanistes, des designeurs, des juristes... travaillent sur la beauté non aliénante. Mais l'autre gnouffe, là, avec ses milices et son désir de "je-prends-mon-destin-en-main" façon film hollywoodien pour adolescent américain découvrant qu'il n'a pas d'assurance maladie, ben... ça casse tout.

    Sniff.

    Lui, il fait dans la beauté aliénante. Il doit être jeune, beau et con. Et en bonne santé.

    Sniff.

    Et futur chômeur. Ou primovotant FN???

    Eeeeh merde!

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    1. Tiens, on a le droit d'insulter l'autre sur ton site? Cela incite à moins venir.
      Jard

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  6. tschok

    Bah viens donc faire un tour à Marseille. Viens donc visiter mes beaux quartiers tiersmondisés. Viens donc parler à Rachid et à ses copains. Si si, viens donc nous expliquer ton joli concept mignon de beauté non-aliénante débarrassée du carcan esthétisant. Viens donc un peu te foutre de nôtre gueule qu'on se marre un peu. On te parlera nous aussi de nôtre approche artistique de la misére humaine et autres tartufferies intellectuelles façon dépeçage cosy et empallage à la cool baby.

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    1. @ Chavo,

      J'peux pas venir là, je me suis cassé un ongle (chuis hospitalisé jusqu'au 12).

      Blague à part, je ne suis pas totalement dépourvu d'expérience en matière de confrontation violente et c'est justement ce qui me fait dire qu'il faut parfois oser d'autres approches que d'en rajouter une couche, vu qu'en pratique on arrive rapidement à une logique d'escalade.

      Bon, c'est vrai, je reconnais que ça désarçonne au premier abord et qu'on peut prendre ça pour du foutage de gueule.

      Et je suis très conscient qu'il est scandaleux de parler d'art et de deauté dans des contextes où la violence est valorisée. C'est tellement décalé...

      Et pourtant, ça marche. A la condition, bien sûr, de ne pas se tromper de registre: l'artiste qui sommeil en nous ne doit pas se poser en petite chose fragile, sinon ça deviendrait une expérience de lynchage.

      C'était, je crois, le sens de ta réponse, qui sous entend que je suis une petite chose fragile et ridicule et que je vais me faire lyncher si je me frotte à une réalité qui, dans ton esprit, n'est pas la mienne, ce qui te permet de te placer en position de dominant, en parlant à la façon d'un Audiard mettant en avant sa virilité au sein d'un groupe (l'emploi du "nous" est très drôle, j'ai l'impression de causer à un chef de bande).

      Bon, toi, t'en penses quoi? Sincèrement, tu penses que tout ce qui est beau est faible et ridicule?

      Par exemple, mettons que tu sois porté sur les armes à feu: eske tu dirais qu'un Heckler & Koch MP5 est quelque chose de faible et ridicule?

      Tu me dirais sans doute que non, qu'avec un truc pareil en main on se sent ni faible ni ridicule et qu'il répond dans ses formes, dans son organisation même à des canons (c'est le cas de le dire) de beauté.

      Mais on pourrait immédiatement te répondre qu'il est techniquement possible de distinguer les fonctions d'une arme de son esthétisme, si bien qu'une arme objectivement laide peut néanmoins être très efficace.

      Donc, pourquoi les ingénieurs de H&K ont ils aussi travaillé sur l'esthétisme de l'arme pour la rendre belle?

      Tu réponds à cette question, et ensuite baby, on verra qui empale qui.

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    2. tschok,

      Mon tutoiement ne s'imposait pas. Dont acte.

      Il existe cependant une marge entre ce qui relève de la virilité et ce qui tient de l'agacement, de l'exaspération. Ne pas faire la nuance entre les deux ne me donne pas à croire que l'on parle de la même chose, ni que mesuriez ce qui est à l'oeuvre dans certains pans de nôtre territoire (cf vôtre délire sur les armes feux, détendez-vous, rangez vôtre engin, on n'est pas dans un concours de celui qui à la plus grosse et je ne suis pas sur que cela intéresse la taulière, ni même vôtre manucure).

      Vous avez une idée de ce qui se passe à Marseille depuis une dizaine d'années? Sérieusement? Vous me parlez de mettre de la beauté là où il n'y en a plus, ok, chacun son sens des priorités (au passage, il existe des zones résidentielles, pavillonaires, pelousées, à Los Angeles où la criminalité est trois fois supérieure à celle observée à Bogota, où l'esthétique de certains quartiers n'a rien à envier au Bronx des 70ies).

      Je vous parle moi, de décomposition de toutes les structures sociales, mentales, morales. Je vous parle de l'effondrement brique après brique, jour après jour de nôtre mur civilisationnel. Vous me parlez d'art (et pourquoi pas des stages de poney?), je vous parle de la fin des solidarités, de l'atomisation du territoire, de désintégration contrôlée (?) (la grille de lecture marxiste que propose Coralie n'est pas sans intérêt, à ce titre), d'anomie de nôtre société. On n'est plus dans l'esthétique là, on est dans de l'organique pur et dur. Dans des logiques de contrôle territorial et hormonal, de mise en coupe réglée de plusieurs arrondissements de la ville; on est dans le clanique, dans le tribal, dans la loi du plus fort, dans le crime organisé, dans la corruption de magistrats, d'élus municipaux et des services de police; rajoutez-y la tension ethnique (avez-vous idée de la manière dont les maghrébins qualifient les roms à Marseille?) et vous entendrez peut-être qu'il n'est pas toujours aisé de garder la mesure.

      Donc non, vôtre concept de beauté non-aliénante ne me désarçonne pas (mais n'hésitez à nous expliquer ce beau concept puisque vous dîtes que ça marche... on vous écoute!), et je persiste à croire que vous vous foutez malheureusement de nôtre gueule.

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    3. Chavo,

      Au temps pour moi.

      Si, je vois bien ce qui se passe et je le vois même juste en bas de chez moi: j'ai un point de deal juste en face de chez moi, et pourtant je suis en plein Paris, à 300 m vol d'oiseau d'un commissariat de police. Et le truc est endémique: il est résistant à l'opération de police.

      L'immeuble où j'habite est envahi par des types qui viennent se battre jusque dans la cour et qui forcent, pour régler leurs comptes hors la vue du public, la porte d'entrée. Il y a des SDF dans les parties communes et les caves, des êtres humains dont on perçoit à peine la présence, car leur occupation est nocturne et discrète, furtive même. Je pourrais vous raconter comment un être humain est capable de se nicher dans une anfractuosité, là, à 5 m de moi (5 m dans un immeuble, c'est un changement d'univers).

      De ma fenêtre je vois tous les week end des actes d'incivilité, des bagarres de viandes saoules, des gens qui s'en foutent, des types qui se trainent dans la misère ultime: celle qu'on véhicule avec soi une fois qu'on a vraiment plus rien. Je suis sûr que vous avez déjà vu ça: un type qui ne porte que sa misère.

      Je suis également conscient que tout cela est bien peu par rapport à un toujours pire qui est vécu ailleurs.

      Professionnellement, j'ai été amené à baigner dans cette dureté et ce que j'ai vu m'a... bastonné. Je suis pas sorti intact du contact.

      Si je parle de beauté non-aliénante, c'est pas dans un désir de provoc à deux balles. C'est que je crois que ça marche.

      Mais avant de développer le concept (dans un prochain com, je ne voudrais pas exagérer) il faut préciser deux choses.

      La première est que la beauté non-aliénante n'est pas une forme ultime de la beauté, comme une jolie femme qu'on croise dans la rue en se disant "nom de Dieu, mais qu'est-ce qu'elle est belle!".

      Esthétiquement parlant, la beauté non-aliénante est le plus souvent décevante, neutre, banale, quasi invisible au premier regard.

      Il ne faut pas s'attendre à une "effet bœuf", quoi.

      La seconde est que la beauté non-aliénante est dans son application un ensemble de techniques. Pour qu'elles produisent l'effet voulu, il faut, comme toujours, au même endroit et au même moment atteindre une concentration suffisante:

      - D'argent

      - De moyens non monétaires (tout ce qui produit de l'organisation)

      - D'hommes

      C'est toujours le même problème, donc. A partir de là, vous aurez compris que ce n'est ni LA solution miracle, ni la solution exclusive.

      C'est un outil en plus qui rend plus fort, donc moins pessimiste. Et comme il marche (sous condition), il rend confiant.

      C'est pourquoi je vous propose de rester dans le modèle de l'arme.

      (to be continued)

      (je fais des séries: la beauté non aliénante, saison II)

      (la taulière va râler?)

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  7. HARKIS LE CAMPS DE LA HONTE:
    lien vers http://www.dailymotion.com/video/xl0lyn_hocine-le-combat-d-une-vie_news
    En 1975, quatre hommes cagoulés et armés pénètrent dans la mairie de Saint Laurent des arbres, dans le département du Gard. Sous la menace de tout faire sauter à la dynamite, ils obtiennent après 24 heures de négociations la dissolution du camp de harkis proche du village. A l'époque, depuis 13 ans, ce camp de Saint Maurice l'Ardoise, ceinturé de barbelés et de miradors, accueillait 1200 harkis et leurs familles. Une discipline militaire, des conditions hygiéniques minimales, violence et répression, 40 malades mentaux qui errent désoeuvrés et l' isolement total de la société française. Sur les quatre membres du commando anonyme des cagoulés, un seul aujourd'hui se décide à parler.

    35 ans après Hocine raconte comment il a risqué sa vie pour faire raser le camp de la honte. Nous sommes retournés avec lui sur les lieux, ce 14 juillet 2011. Anne Gromaire, Jean-Claude Honnorat.


    Sur radio-alpes.net - Audio -France-Algérie : Le combat de ma vie (2012-03-26 17:55:13) - Ecoutez: Hocine Louanchi joint au téléphone...émotions et voile de censure levé ! Les Accords d'Evian n'effacent pas le passé, mais l'avenir pourra apaiser les blessures. (H.Louanchi)

    Interview du 26 mars 2012 sur radio-alpes.net

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    1. Les bobos n'ont de cesse de parler de taches imaginaires dans o'histoire de France, qu'ils exècrent. Mais il y en a une, bien réelle, dont is ne parlent, c'est le sort qui a été réservé aux harkis.
      De Gaulle s'était fondé sur l'hypothèse que l'Algérie allait respecter les accords d'Evian et qu'il existât un Etat algérien. Il en avait tellement marre de l'Algérie qu'il s'est forcé à la croire.
      Le sort réservé aux harkis relève effectivement du crime qui devrait être reconnu.

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  8. Mais Coralie, nous sommes dans quelque chose de nouveau, le désengagement de l'Etat. Nous aurons de plus en plus le choix entre laisser la délinquance s'épanouir ou nous y opposer nous-mêmes. Des milices populaires seraient expéditives, approximatives et violentes mais leur sens de la justice serait le même que celui d'aujourd'hui. Bien évidemment, avec le manque total d'organisation des Français, cela est presque impossible.
    Le noeud, ici, est l'abandon total des classes populaires par les classes moyennes et l'élite. La milice me paraît la seule solution puisque la situation ne fera que s'aggraver. Ca me plaît bien finalement, redevenir des guerriers, des chasseurs, protéger nos femmes et nos enfants. Cette régression-là me convient mieux que la culture du gang à l'américaine, qui nous attend si on ne fait rien. Je te rassure, nous ne ferons rien.
    Jard

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    1. Mais, Jard, m'enfin?!

      Avant de vous lancer dans la chasse au sanglier, en short Décathlon, armé d'une hache achetée en solde au Brico du coin, observez je vous prie un moment de silence en mémoire des millions de neurones de votre cerveau que vous venez de condamner à mort, dans un geste de régression aussi splendide que pathétique.

      Il a fallu des milliers d'années pour faire de cet organe, unique dans le règne animal, un système si complexe que les neurosciences peinent à en décrire seulement le fonctionnement, et vous, dans un geste d'orgueil grandiose, vous voilà prêt à redevenir un primitif belliqueux organisé en milice.

      Et vous avez le toupet d'affirmer, en plus, que la régression "milicienne", c'est mieux que la culture du gang à l'américaine?!

      Mais... l'un est le reflet de l'autre. C'est le même objet, placé en face d'un miroir.

      Allons, reprenez-vous! Et puis vous avez déjà zigouillé un sanglier? Nan mais franchement, le bœuf bourguignon en barquette micro-onde, c'est pas si mal quand on considère le problème sous un angle masculin, übersexuel, c'est à dire en répondant à cette question: quel mal suis-je prêt à me donner pour me faire à bouffer?

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    2. Euh, surtout ne vous excusez pas de m'avoir insulté, les fachos de gauche ont tous les droits, c'est bien connu. Pour le retour à l'âge de pierre, je vais faire simple, "Toi, y-en a connaître humour?". Mais un futur commissaire politique n'a pas besoin d'humour.
      Sinon, en absence de l'Etat, la milice me paraît préférable au gang.
      Pour info, je suis handicapé, je ne reviendrai plus sur ce fil et je te merde beaucoup.
      Jard

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  9. "Ca me plaît bien finalement, redevenir des guerriers, des chasseurs, protéger nos femmes et nos enfants" (Jard)
    Euh, il y a encore des pays dans le monde où c'est nécessaire... Ou alors, si on ne veut pas aller à l'étranger, peut-être des parcs à thème ?

    Sinon, quel beau billet !

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  10. Ah le bon vieux raisonnement marxiste, de « concurrence entre les pauvres »…On peut aussi ressortir le lumpenprolétariat ?

    Ces marxistes…Toujours incapables de raisonner sans faire appel à l’économie. Grille de lecture totalement erroné dans ce cas présent, au même titre qu’ethnique. En effet, peu importe que ce soit des Arabes contre des Roms, c’eût été des Auvergnats, des Camerounais, ou encore des Cantonais, les mêmes causes auraient produit les mêmes effets.

    Quelle cause ? Pure logique territoriale. Je ne connais pas une population sédentaire qui vive en bonne entente avec des nomades, point. Quand on s’installe sur le territoire identifié comme étant propriété d’une population, sans y avoir été invité, on s’expose à la vindicte et à l’expulsion sous peu, par tous moyens appropriés, sauf si l’on est suffisamment fort pour piquer le territoire.

    La mondialisation n’est impliquée qu’en tant qu’accélératrice des mouvements de population et disparition des frontières. Pas en raison de ses conséquences économiques.

    Quant à être « emmuré dans l’immobilité » et consorts de l’article cité…Magnifique raisonnement pro-nomadisation et qui ensuite geint des conséquences engendrées. On peut chérir la sédentarité au contraire. Développer un champ et en faire profiter une communauté au lieu de jouer les sauterelles mondialisées. Oh, pardon, j’oubliais : qui a aidé la classe capitaliste dominante à faire tomber les frontières, les murs entre voisins, si ce n’est une partie (pas toute) de la gauche ?

    @ tschok

    Fumeux concept...Qu'est ce qu'une beauté aliénante et non-aliénante ? Quant à travailler sur l'esthétisme de la force, hum, ça me rappelle Germania et Leni Riefenstahl tout ça.

    Allez, va faire joujou avec tes petites armes lustrées, proprettes et brillantes. Je n'ai aucun égard ni sympathie pour des personnes qui continuent à penser qu'en créant de jolis rêves artistiques on désamorce la violence. Ca n'a rien de scandaleux, c'est simplement utopique.

    Ni les milices de Jard (honnêtement un car de CRS sera toujours bien plus efficace, à condition que le politique suive, ce qui n'est pas le cas) ni la Beauté libératrice ne feront progresser qui que ce soit. Nihil novo sub sole. Pour reprendre Julien Freund, c'est l'ennemi qui nous désigne, et pas nous qui le désignons. S'il veut que nous soyons son ennemi on pourra élever tous les trophées les plus splendides, rien n'y changera. Il suffit de voir comment des pouilleux barbares ont écrasé cette belle civilisation grèco-romaine...

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  11. @ Ludoban,

    Avant de me répondre des gentillesses aussi bienveillantes qu'une pilule de cyanure, faudrait déjà me lire correctement...

    Arf!

    Bon, sur la beauté non aliénante, j'insiste pas, si je continue en à t'en parler, tu vas avoir l'impression que je veux te refiler mon herpès.

    Sinon, juste un truc, sur l'ennemi qui nous désigne machin chose: en fait, c'est les deux, non? Il y a des cas où c'est notre ennemi qui nous désigne et il y a des cas inverses, où c'est nous qui le désignons.

    Et puis il y a des cas de désignations mutuelles et co-entretenues (typiquement: la Guerre Froide). Ces cas là sont sans doutes les plus nombreux, parce qu'ils correspondent au stade d'évolution d'un des deux cas précédents: qu'on soit désigné ou qu'on désigne, ça se termine toujours par de la désignation mutuelle.

    Si on regarde le 11/09 par exemple, on peut dire qu'Al Qaida a désigné l'Amérique comme son ennemi et que celle-ci ne l'a découvert, de façon effroyable, que lorsqu'il était trop tard. Mais en fait, l'Amérique avait déjà désigné Al Qaida comme ennemi bien avant et ils étaient dans une logique de guerre.

    L'intérêt n'est pas de reprocher à l'un plus qu'à l'autre d'avoir commencé, mais de voir que le processus de désignation mutuelle et co-entretenue était parfaitement corrélé à un crescendo dans la violence, puisque tout cela a conduit à une guerre qui a fait à ce jour plus de 100.000 victimes de part le monde (estimation basse).

    Autre chose: quand tu dis "Il suffit de voir comment des pouilleux barbares ont écrasé cette belle civilisation grèco-romaine" je suppose que tu parles de nos ancêtres, les Francs?

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  12. @ tschok

    La pilule de cyanure n'est venue qu'en réplique à un commentaire oiseux sur la beauté sinistre des armes. J'en suis un amateur patenté, pour autant je ne vais tomber en pâmoison et brusquement écouter pacifiquement mon interlocuteur car il est doté d'un pistolet-mitrailleur plus beau que d'autres. Bref, ce n'est pas le sujet.

    Quant à dire que la violence entraîne la violence, pour résumer brièvement le propos, c'est un vieux poncif. Des nations ou des civilisations ou tous autres groupements humains peut avoir des ennemis désignés et de longue date et brusquement se réconcilier avec eux du jour au lendemain pour des questions d'intérêts bien entendus. La violence s'entretient non pour elle-même, mais car on estime que le but recherché vaut la peine de faire preuve de violence maintenue, voire renforcée.

    La désignation de l'adversaire est un but politique, pas une logique auto-entrenue. Il correspond à une logique de puissance : La force, non la ruse, est le moyen naturel du politique, car ce n’est qu’en recourant à la force qu’on peut triompher des autres forces. Sans force naît la violence. Et naturellement le droit découle de cette force.
    C'est ce qui s'est produit ici. La force étatique étant absente, la force populaire de ce quartier marseillais s'est substituée pour bannir la violence de l'installation non désirée des Roms.

    Pour les exemples historiques, on peut s'en balancer à la figure, n'en restera pas moins un désaccord de fond. Et non je ne parlais de nos ancêtres francs (plutôt gaulois à vrai dire), mais des Germains, des Huns, des Magyars et Bulgares, qui, pouilleux de départ, n'en ont pas moins fait refluer la civilisation gréco-romaine.

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    1. @ Ludoban,

      Je crois que le malentendu s'installe (et qu'il va faire comme chez lui).

      J'ai pas parlé de la "beauté sinistre" des armes: j'ai simplement dit qu'elles obéissent à des standards esthétiques que n'expliquent pas leurs fonctionnalités et qu'il y a donc lieu de se demander pourquoi on cherche à les rendre belle. C'est toi qui a rajouté "sinistre".

      D'autre part, tu parles d'un certain type de violence: la violence rationalisée, qui est en général le fait des Etats, puisqu'on s'accorde à dire que la construction étatique est une rationalisation de la violence, tant au plan interne de la sécurité intérieur et de la justice, qu'au plan externe dans les relations de puissance, par la diplomatie ou la guerre.

      Le principe est donc la recherche de rationalité. Mais ce principe est abondamment discuté car il ne se vérifie pas toujours, loin de là: la violence étatique est souvent irrationnelle tant dans les relations de puissance que dans le maintien de l'ordre intérieur.

      Mais, je dirais presque qu'on s'en fout parce que la violence qui fait le sujet de ce billet ne relève pas de la violence étatique, justement.

      Tu reconnais toi même, d'ailleurs, que "La force étatique étant absente, la force populaire de ce quartier marseillais s'est substituée pour bannir la violence de l'installation non désirée des Roms."

      Et tu la rationalises par substitution de concepts: la violence des gens devient "force populaire" dressée dans un élan salvateur pour "bannir la violence" des Roms.

      En fait, ce que tu dis, c'est que les gens du quartier, devant l'inaction de l'Etat, se sont légitimement emparé de prérogatives de puissance publique pour, disons, faire le ménage.

      Cela s'appelle de l'auto-justice et c'est une forme de violence que nos lois n'encouragent pas, voire répriment. Elles le font pour de bonnes raisons qui, elles, sont rationnelles, et que tu trouveras facilement dans tout bon manuel de philo.

      Maintenant, cela n'enlève rien au fait qu'on peut aussi comprendre la réaction des gens du quartier et lui restituer un sens politique "noble": dans le fond, par leur action, ils ont placé l'Etat en face de ses responsabilités. Même si l'expression est galvaudée, il y a quand même une dimension citoyenne dans ce geste de colère.

      Sinon, pour ton information, les Francs étaient des Germains. Leur origine germaine leur a coûté le haut du podium dans notre panthéon national, la IIIième république leur préférant les Gaulois, plus français quoi.

      Vu qu'on se préparait à s'en foutre méchamment sur la gueule avec les Boches, on n'allait quand même pas dire "nos ancêtres les Germains", ça l'aurait pas fait.

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