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mardi 11 décembre 2012

« Je suis antilibérale et favorable à la décroissance », entretien avec Natacha Polony


Natacha polony dans l'émission "On n'est pas couché"

Vous avez un parcours atypique. Vous êtes agrégée de lettres modernes et avez commencé par enseigner. Comment peut-on passer de prof à journaliste télé ?

Disons qu’il y a eu quelques étapes entre les deux ! J’ai fait des études de lettres, allant jusqu’à l’étude de la poésie contemporaine, soit une formation a priori très détachée du concret. Je reconnais volontiers une disposition pour l’abstraction. Pourtant, j’ai été élevée par des parents médecins, qui m’ont transmis le goût du service aux autres. Dès lors, je ressentais un fond de culpabilité. J’ai donc passé l’agrégation de lettres dans le but d’être prof, au moins un temps.

Je me suis promenée un peu en politique également, avant d’entrer à Sciences Po, puis de devenir journaliste. Mais je suis avant tout une journaliste de presse écrite. Cela fait partie de ma culture : j’ai besoin du temps long. D’ailleurs, je penche davantage vers le journalisme d’hebdo que vers la presse quotidienne. Je suis certes passée par Le Figaro, mais mon vrai plaisir demeure la rédaction d’articles longs et fouillés. M’adapter au côté trépidant de l’actualité immédiate m’a demandé un vrai travail sur moi-même.

Vous avez été déçue par l’enseignement ?

Pas du tout. J’ai été effondrée par l’Éducation nationale mais j’ai adoré enseigner. J’ai d’ailleurs continué, à la fac Léonard de Vinci, où j’ai enseigné la culture générale pendant neuf ans. J’aime me trouver devant une classe et essayer de transmettre ce qui m’est cher, notamment les grands textes littéraires, philosophiques, religieux…

J’ai arrêté il y a deux ans, faute de temps, et parce qu’il me semblait être arrivée au bout. J’avoue que voir évoluer les étudiants a fini par m’user, tant j’ai parfois eu l’impression que leur inculture était de plus en plus immense. Un mur d’inculture difficile à percer, quand on s’adresse à des jeunes qui ont déjà 18 ans…

Votre dernier ouvrage sur ces sujets, Le pire est de plus en plus sûr (Mille et une nuits, 2011), est très pessimiste. Vous l’êtes également, donc.

Oui. Il est temps qu’on regarde lucidement les choses. Je considère que ma conception de l’école républicaine, qui consiste à transmettre des savoirs universels à des jeunes gens pour en faire des hommes libres, a perdu.

Vous ne placez aucun espoir en Vincent Peillon ?

Son discours est formidable, mais il faut regarder au-delà des discours. Ce qui compte, dans l’éducation, ce sont non seulement les principes, mais la manière dont ils s’appliquent.

Or ce qui est en train de se passer n’est guère encourageant. Ne serait-ce que, par exemple, le fait d’avoir organisé une « grande concertation sur l’école », en la mettant entre les mains de Nathalie Mons et de Christian Forestier. Lui, c’est le prototype de l’apparatchik présent rue de Grenelle depuis 30 ans et qui a accompagné toutes les mauvaises réformes. Je pense en particulier à la loi Fillon, qui a posé les bases de l’autonomie des établissements, de la pédagogie de projets, qui a inventé le livret de compétences…

Demeurent deux ou trois choses notables chez Peillon. L’idée, par exemple, de créer une formation spécifique pour l’école maternelle. Personnellement, ça fait des années que je plaide pour une formation spécifique des profs de maternelle. De même, la simplification du livret de compétences est une bonne mesure.

Pour autant, le discours de François Hollande en clôture de la « grande concertation » était consternant : suppression des notes, fin des devoirs à la maison, suppression du redoublement… en gros, c’est un retour 30 ans en arrière !

Je reste donc très perplexe. Je crains finalement que Peillon ne fasse qu’habiller d’un beau discours : le retour des IUFM ou la réouverture de l’INRP (Institut national de la recherche pédagogique), qui sert depuis les années 1980 de caution « scientifique » à la mise en place de toutes les pédagogies constructivistes.

Après l’enseignement, vous vous tournez donc vers le journalisme. Vous avez d’abord été à Marianne, mais on vous connaît davantage par Le Figaro

Oui, pour une raison simple : à Marianne, j’étais considérée comme une « réac de gauche ». Arrivée au Figaro avec les mêmes idées, on m’a immédiatement vue comme « de droite ». Or il y a peu de journalistes étiquetés « de droite ». Et surtout, il y en a très peu que ça indiffère. Et comme sur les plateaux de télé, il faut malgré tout équilibrer… on s’est mis à m’inviter.

Peut-être parce que vous tenez un discours authentiquement républicain et qu’il y a un besoin de ce côté-là ?

Peut-être. Avec néanmoins le danger que le système n’organise un peu de pluralisme que pour mieux se perpétuer. Le tout est d’éviter de devenir une caution, un opposant minoritaire et caricatural qu’on invite pour se donner bonne conscience. Or la seule façon de se prémunir contre cela reste le travail. Par exemple, ma revue de presse quotidienne sur Europe1 me conduit à lire énormément. Par ce travail, je tâche de me garder des slogans, des opinions répétitives et prémâchées. D’autant qu’à titre personnel, cela me permet de réfléchir et d’évoluer.

Prenons l’exemple du débat sur le mariage gay. À force de débattre et de lire sur la question, je suis parvenue à affiner ma réflexion. Au début, j’ai sans doute fait l’erreur de m’agripper à la question du mariage, mais soyons honnêtes : les premiers à avoir dévoyé le mariage en tant qu’institution sont les hétérosexuels, dès lors qu’on conçoit le mariage comme une fête sympathique et que personne n’envisage pour autant qu’il puisse être durable.

Plus que le mariage des homosexuels, ce qui me dérange réellement, au fond, c’est l’implication qu’il pourrait avoir sur la filiation. C’est surtout à la négation de cette dernière que je suis opposée, car la gommer, c’est rendre très difficile le fait pour un enfant de se construire. D’ailleurs, je suis tout à fait favorable à l’adoption par des couples homosexuels dès lors qu’on ne cherche pas à effacer cette réalité : un enfant a toujours un père et une mère biologiques.

Nous parlions à l’instant du positionnement gauche/droite. Il n’est pas rare de vous entendre contester l’une ou l’autre des ces étiquettes. Vous considérez que cette distinction n’a pas de sens ?

Elle n’a aucun sens dans la mesure où « droite » et « gauche » telles qu’on les entend aujourd’hui ne reflètent plus les véritables clivages. Un vrai clivage, selon moi, sépare ceux qui sont favorables et ceux qui sont hostiles à la mondialisation telle que nous sommes en train de la vivre, ou ceux qui sont favorables ou opposés à l’idée du progrès tel qu’on l’envisage depuis le XIXe siècle.

En tant que lectrice de Michéa, je considère que la droite a choisi la régulation par le marché et la gauche celle par le droit. Mais ce ne sont que les deux faces d’une même médaille et la véritable alternative n’est pas là. Oui, je suis conservatrice dans le domaine des valeurs. Il y a évidemment des choses qui méritent qu’on les conserve, et que contribue à détruire le laisser-faire, qu’il s’exerce dans le domaine de l’économie ou dans le domaine culturel et moral.

Je suis également antilibérale et favorable à la décroissance. Je ne sais pas où cela me place sur l’échiquier politique. J’avoue avoir surpris un jour en expliquant que je me situais quelque part entre Mélenchon et Dupont-Aignan…

Vous vous réclamez de Michéa, mais aussi de Jacques Ellul, si j’en crois une interview accordée en février 2011 à David Desgouilles. N’est-ce pas en contradiction avec vos engagements politiques initiaux, aux côtés de Jean-Pierre Chevènement ?

Totalement. C’était la chose qui me gênait chez Chevènement. A mon modeste niveau, j’ai essayé d’introduire quelques réflexions sur les questions écologiques, sans succès. Je pense que c’est une des limites de ce courant d’idées. Les républicains sont issus d’une tradition politique qui les inscrit dans une conception du progrès qui a montré ses limites.

Êtes-vous tentée par l’écologie ?

Certainement pas telle qu’elle est incarnée aujourd’hui au niveau politique, et qui relève d’ailleurs du paradoxe. Il faut se souvenir que la pensée écologiste, assez logiquement, est née à droite. Elle est avant tout une forme de conservatisme, dès lors qu’on entend préserver le monde, ne pas l’abîmer. D’ailleurs, les chevènementistes ont toujours reproché aux écolos d’être des conservateurs.

Finalement, je suis une souverainiste girondine davantage que jacobine. Si je suis profondément républicaine, si je crois à l’égalité sur l’ensemble du territoire ou à l’unité de la République, je pense qu’on ne peut plus envisager les choses comme on le faisait lorsque celle-ci était en construction. Par exemple, sur la question des cultures et des langues régionales, on ne peut plus raisonner comme à l’époque où le Français était une langue de conquête et d’unification. Car aujourd’hui, le danger est tout autre : c’est l’uniformisation mondiale. Or cette uniformisation est un ennemi commun des défenseurs du Français et de ceux des langues régionales.

Je suis convaincue que l’être humain a besoin d’un ancrage territorial parce que nous restons des êtres de chair. Je crois beaucoup à la théorie des climats de Montesquieu. D’ailleurs, le véritable droit du sol devrait être pensé ainsi, en partant du principe que n’importe qui peut s’intégrer n’importe où dès lors qu’il comprend où il se trouve. D’où qu’il arrive, l’homme qui est capable de comprendre les modes de vie qu’il trouve là peut s’intégrer. À condition de ne pas vouloir à toute force apporter ses propres origines et ses propres conceptions.

Mais pour penser cela, encore faut-il accepter de mettre en cause cette abstraction pure vers laquelle on tire parfois la République, qui peut d’ailleurs provoquer un rejet et une renaissance des identitarismes défensifs.

Voilà une défense de la « France charnelle » qui sonne un peu maurrassien…

Je m’en moque complètement et ne me sens en aucune façon attirée par l’Action française ! Ce n’est pas être rétrograde que d’admettre qu’on est parfois allé trop loin, notamment sur le terrain de la désincarnation. Ce sont de véritables enjeux anthropologiques qui se dessinent, à l’heure où certains prônent une virtualisation de l’humanité par le truchement de la technologie.

Sur ces questions-là, j’assume totalement le fait d’être en réaction. Vous savez, quand la vigie du Titanic a vu l’iceberg, il a crié « marche arrière toute ! ». Etait-il réactionnaire ? Je crois pour ma part que quand on va dans le mur, l’intelligence est de reculer.

Dans votre réussite de journaliste, pensez-vous que le fait d’être une femme a joué un rôle ? 

Bien sûr. Il faut être lucide sur ces choses-là. J’ai bénéficié d’un besoin de rééquilibrage dans les médias. Outre Elisabeth Lévy, Caroline Fourest et quelques autres, très peu de femmes, finalement, sont capables d’assumer une position d’éditorialiste.

Vous êtes l’auteur d’un livre intitulé L’Homme est l’avenir de la femme (Lattès, 2008). Est-ce un livre féministe ?

Oui, mais où j’assimile le féminisme à un humanisme. J’essaie d’y expliquer comment il faut dépasser les deux formes de féminisme qui dominent aujourd’hui. Le premier est un féminisme différentialiste, qui oppose hommes et femmes et nous explique que la femme porte en elle l’amour et la tolérance. Le second est incarné par le courant des gender studies et considère que pour conquérir l’égalité, il faut effacer complètement les différences.

L’un et l’autre sont des échecs patents. D’abord, le différentialisme est une aberration. Il suffit de connaître un peu l’histoire et la politique pour convenir que les femmes ne portent pas spécialement la bonté en elles. Ensuite, l’indifférenciation n’est en rien une garantie d’égalité. De plus, elle tue le désir, qui nait de la différence et, bien plus que d’un rapport de domination, d’un jeu de rôles, d’un jeu avec les codes

Au bout du compte, je refuse de choisir entre Virginie Despentes et Caroline de Haas. C’est pourquoi je défends l’humanisme, que je définis comme une conception exigeante de l’être humain, où l’on considère que c’est par le savoir, par un appétit de connaissances et de compréhension du monde que nous développons l’humanité en nous. Relisez, chez Rabelais, la lettre de Guargantua à Pantagruel. Elle exprime parfaitement cette conception de l’humanisme dont le féminisme doit être l’un des aspects. C’est à partir d’une réflexion sur notre condition commune d’êtres humains que nous pourrons penser la place de la femme dans la société.

D’où vient le succès de « féministes » façon Caroline de Haas ?

C’est le fruit d’un travail de lobbying mené depuis des années. Et d’un lobbying d’autant plus efficace qu’il utilise la culpabilisation des autres, notamment des hommes. Regardez le séminaire de « rééducation » organisé au profit des ministres du gouvernement ! Le pire est que cela fait naître, en réaction, une forme de nouveau machisme qui me déplaît tout autant.

Vous parlez du « machisme Zemmour » ?

Oui. Même si nous avons les mêmes adversaires idéologiques, je ne suis pas d’accord avec Eric Zemmour là-dessus. Il ne fait que reprendre les arguments des féministes différentialistes en les inversant. M’entendre expliquer que mon cerveau archaïque me dicte de rester dans la grotte pendant que Monsieur va conquérir le monde, trop peu pour moi. J’ai grandi en m’identifiant à des héros masculins. Moi aussi, j’ai eu envie d’être Alexandre Le Grand ou Cyrano de Bergerac.

Comment peut-on articuler l’exigence d’égalité et le constat qu’il existe bel et bien des différences ?

En maintenant à tout pris la séparation entre l’espace public et l’espace privé, ce qui est le fondement-même de la démocratie. Il faut relire l’un des plus beaux textes jamais écrits sur la démocratie, qui est le discours aux morts de Périclès dans la guerre du Péloponnèse. On y retrouve l’idée que la liberté ne va pas sans une frontière entre l’espace public et le privé. C’est crucial : dans l’espace privé, nous sommes effectivement des individus différents, hommes ou femmes. En revanche, dans l’espace public, nous sommes des citoyens égaux.

Votre conception de l’humanisme est empreinte de beaucoup d’exigence. Avez-vous l’impression que le mérite puisse encore être récompensé ?

Je pense qu’une vraie démocratie ne peut exister sans méritocratie. Même si je conviens que c’est très imparfait. Il est évident que l’égalité des chances est une forme de fiction. Certains partent dans la vie avec un boulet au pied. Mais si on ne récompense pas le mérite, alors, que récompense-t-on ? Comment se fait la sélection ? Par l’argent ? Par les réseaux ?

Avez-vous des projets pour « l’après-télévision » ?

Oui, d’autant qu’à mon avis, on ne peut faire de la télévision de manière intéressante que si l’on sait que c’est éphémère.

Actuellement j’ai plusieurs projets de livres, dont l’un me tient tout particulièrement à cœur, sur cette thématique de la virtualisation de l’être humain que nous évoquions tout à l’heure. J’aimerais rappeler que l’intelligence se construit au travers des cinq sens, et qu’il peut être dangereux d’effacer cela, notamment via un usage imprudent des technologies.

J’envisage également un livre sur Flaubert en tant qu’auteur antimoderne. J’aime beaucoup les écrivains antimodernes : Giono, Saint-Exupéry, Bernanos…

Et un auteur « de gauche » qui aurait vos faveur, pour finir ?

Je me demande rarement de quel bord sont les auteurs ! Et je me fiche qu’il se soit de droite ou de gauche – je note qu’il a d’ailleurs beaucoup évolué tout au long de sa vie – mais j’ai une passion pour Victor Hugo. Il est l’un des premiers à avoir pensé le poète comme un visionnaire, comme celui qui cherche à combler le vide et la carence de sens par le langage. Les travailleurs de la mer et L’homme qui rit me semblent deux des plus grands romans jamais écrits.

Cet entretien est initalement paru dans le magazine Ragemag, ici : http://ragemag.fr/natacha-polony-antiliberale-decroissance/


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16 commentaires:

  1. "Je suis également antilibérale et favorable à la décroissance."

    A la décroissance des chaines de télé / radio ?

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  2. "Je suis également antilibérale et favorable à la décroissance."

    Moi, je suis défavorable aux personnes qui pensent pouvoir être à la fois spécialistes de littérature et d'économie, au point que leur avis dans ces deux domaines (et d'autres) puisse être utilement donné à écouter à des millions de gens chaque matin.

    En tout cas, je m'en méfie comme de la peste verte.

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  3. Vous préférez les spécialistes enclavés dans leur domaine ?
    Bof : souvent, leur avis n'est pas meilleur tant ils ont une vue partielle des problèmes.

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  4. Quelle femme cette Natacha !!
    Je l'aime...

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  5. Quelle faiblesse dans la réflexion ! Quelle désinvolture dans l'examen des faits !

    La droite aurait choisi la "régulation par le marché", tandis que la gauche aurait préféré la "régulation par le droit" ? Ah bon ? Natacha Polony peut-elle nous indiquer le pourcentage de lois qui auraient été supprimées par "la droite" ? Sans être remplacées, bien entendu ?

    La droite a-t-elle abrogé, pour ne pas les remplacer, 20 %, 30 % ou 50 % des lois en vigueur en France, ce qui serait bien le moins pour que l'on puisse parler de "dérégulation" vu le niveau effarant d'où l'on part ? Non, bien sûr. C'est plutôt le contraire !

    La réalité est que la droite française est aussi étatiste et anti-libérale que la gauche, et s'emploie, comme tous les gouvernements successifs, à étouffer la France sous un carcan de lois toujours plus important.

    Prétendre que la droite ne "régule" pas assez et préfère le marché à la loi est tout simplement faux : les faits vont incontestablement à l'encontre de ce sétéréotype infondé.

    La "droite" tout comme la gauche françaises obéissent aux injonctions de Natacha Polony, qui est anti-libérale et qui veut la décroissance. L'une et l'autre sont violemment anti-libérales, l'une et l'autre font tout ce qui est en leur pouvoir pour brider la croissance, casser les énergies, décourager les créateurs de richesses et confisquer le peu de profit qu'ils réussissent malgré tout à produire.

    Natacha Polony, malgré ses airs réactionnaires et anti-conformistes, est absolument conforme à la Pensée Korrecte qui règne en maître dans la politique française, l'administration française, l'université française : la croissance c'est pabien, la richesse c'est pabien, le "consumérisme" c'est pabien, la liberté c'est pabien ; l'Etat cébien, la loi cébien, l'autoritarisme cébien, le communisme cébien, c'est à l'Etat de dire aux gens ce qui est bon pour eux, les fonctionnaires par millions qui mettent leurs grosses mains pleines de doigts dans tous les interstices de la vie des Français sont le summum de la civilisation et du bon goût.

    Autrement dit, Natacha Polony appartient à ce mouvement politique typiquement français, la droite de gauche. Elle serait probablement horrifiée si on lui disait qu'elle est très proche de Marine le Pen, l'égérie de l'extrême-droite d'extrême-gauche.

    Citer Michéa en référence trahit immanquablement l'appartenance à ce mouvement politique : les gens qui aiment Michéa sont ceux qui affichent des positions de droite au nom des valeurs de gauche.

    Evidemment, c'est une escroquerie. Il faut choisir. Soit on est de gauche, soit on est de droite. Contrairement à une idée très répandue actuellement, cette opposition n'est pas obsolète.

    La droite, c'est préférer la liberté à l'égalité. La gauche, c'est l'inverse. La gauche, c'est révérer l'expression "justice sociale". La droite, c'est juger cette notion comme l'une des pires saloperies qui soient, à l'instar de la "démocratie populaire".

    C'est très à la mode de prétendre que la distinction droite / gauche n'est plus pertinente, et en un sens c'est vrai : tout le monde est de gauche en France, même la droite, même l'extrême-droite !

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  6. "Préférer la liberté à l'égalité"... La liberté sans égalité est illusoire... Et non je ne suis pas de gauche...

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  7. Et pense la "taulière" de cet entretien?

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    1. La taulière est d'accord avec Natacha Polony sur presque tout. Sauf, sans doute, sur la décroissance. Je suis restée très "le progrès créée des emplois". C'est mon côté XIX° siècle.

      Sinon, la taulière aimerait avoir une culture littéraire aussi étendue. Je l'ai marqué à mon agenda pour ma prochaine vie : " lire toute la bibliothèque nationale au moins jusqu'à la lettre P " (ça me fera zapper Thucydide, mais bon...).

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    2. Vous savez bien que votre I-phone est monté aujourd'hui à l'autre bout de la planète par des quasi esclaves. De quels "emplois" et surtout de quel "progrès" parlez-vous ?

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  8. Ou alors vous faîtes comme moi. Vous laissez bien en évidence dans votre bibliothèque "la guerre du Péloponnèse" et vous vous contentez de lire l'oraison funèbre de Périclès.
    Cela vous évitera de tout miser sur la réincarnation et en plus ... cela fera plaisir à Natacha Polony.
    Gabriel

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  9. @Robert Marchenoir,
    il semble que vous n'avez pas si bien observé ce qu'il s'est passé ces trente dernières années! La gauche et la droite en France sont devenues ANTI-ETAT et ANTI-NATION, ou plus subtilement, elles ont privatisé l'Etat!
    Le libéralisme économique règne partout en maître, et plus particulièrement dans l'Union Européenne (cf "concurrence libre et non faussée"). Le marché organise plus que jamais la vie économique, tandis que le libéralisme des moeurs, à savoir l'extension à l'infini des droits individuels, est plus vivace que jamais (cf mariage gay, revendications des minorités)! La conjonction de ces deux libéralismes est sans précédent dans l'histoire! En règle générale, le libéralisme économique s'accompagnait d'un conservatisme des moeurs, mais ce n'est plus vrai depuis mai 68! C'est sur ce point que la critique du libéralisme de Michéa est plus pertinente que jamais! Régis Debray avait déjà fait la même observation en 1978 dans son livre "mai 68, une contre-révolution réussie".
    Votre vision de la division gauche/droite peut sembler pertinente, mais elle oublie une chose essentielle: la liberté absolue, dans un état de droit, ça n'existe pas! Donc il faut surtout se poser la question suivante: qui fait les lois? Et c'est là que la notion d'égalité entre en jeu si on veut vivre dans un état démocratique respectant les libertés individuelles.

    @Coralie,
    Je vois deux écueils dans le discours de N.Polony. Le premier, c'est lorsqu'elle se dit républicaine et girondine! La Révolution française l'a démontré, c'est incompatible! On peut, à la rigueur, être girondin et démocrate, mais certainement pas républicain! Pour un girondin, il n'y a pas de res publica, ou plus généralement, pas d'intérêt général! Les girondins sont de vrais libéraux! Le PS, souvent qualifié à juste titre de parti girondin, le prouve à l'heure actuelle!
    Deuxième écueil: l'écologie et son corollaire, la décroissance. Je suis de formation scientifique et je crois fondamentalement au progrès pour l'amélioration des conditions de vie, or Polony,comme Michéa, défend un certain conservatisme, voire une certaine réaction envers le progrès. Je peux comprendre sa réticence lorsqu'on essaie de transformer la nature humaine (cf les théories d'un homme nouveau), et je suis assez d'accord avec sa défense de la décence ordinaire chère à Orwell, mais je n'adhère absolument pas à son malthusianisme! Je considère l'écologie comme profondément réactionnaire et anti-politique, puisque personne ne être contre la nature!

    CVT

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    1. CVT,

      Votre affirmation selon laquelle la gauche et la droite ont privatisé l'Etat est une plaisanterie. Citez-moi un seul fait à l'appui de cette affirmation grotesque.

      La dépense publique, en France, représente 56 % du PIB. Ce chiffre est en augmentation constante depuis des décennies. Dans les années 1960, on était autour de 30 %.

      La France n'a pas connu un seul budget à l'équilibre depuis 35 ans.

      L'impôt sur le revenu passe entièrement dans le paiement des intérêts de la dette.

      Le code du travail est un pavé gigantesque qui s'accroît régulièrement de lois nouvelles, au point que tous les chefs d'entreprise sont certains de violer une loi ou l'autre. Ceci est valable d'ailleurs dans tous les secteurs. Personne ne peut connaître la loi, même pas ceux qui sont chargés de l'appliquer, et personne ne peut être certain qu'il la respecte.

      Ceci est la caractéristique d'une dictature.

      Le bulletin de salaire est devenu un roman. Il y a cinquante ans, il tenait sur un timbre-poste. Aujourd'hui, une page complète suffit à peine.

      Le gouvernement français a tellement "privatisé l'Etat" et "pomu le libéralisme" qu'il en est à chercher comment interdire aux Français de quitter la France, exactement comme les communistes russes.

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    2. @Marchenoir,
      Vous parlez d'un monde qui n'existe pas: il n'y a pas régime communiste en France aujourd'hui, pas plus qu'en 1981 lors de l'arrivée de Mitterrand à l'Elysée!

      Je maintiens ce que j'ai dit sur la privatisation de l'Etat: sans elle, comment expliquer autrement les privatisations, le sauvetage des banques en 2008, le non-renouvellement des fonctionnaires, et à l'inverse l'austérité budgétaire pour tous les citoyens? C'est bien l'intérêt privé qui est ouvertement favorisé au détriment de l'intérêt général, et surtout orchestré par l'Etat!
      Le fait que la dépense publique atteigne 56% du PIB ne signifie nullement que la France soit devenue un état socialiste. Paradoxalement, cette dépense a augmenté pour compenser la perte de compétitivité due à l'euro et au libre échange (subventions aux entreprises, niches fiscales, réductions d'impôts, etc...).
      Enfin, les déséquilibres budgétaires sont provoqués par la diminutions des recettes fiscales: elle s'explique la baisse des impôts directs (vérifiez bien, l'impôt direct a bien diminué depuis 30 ans en France...), et comme expliqué plus haut, les niches fiscales et une baisse des recettes (accentuée par la crise...). Une solution correcte aurait été d'augmenter les impôts directs, et non de continuer à s'endetter sur les marchés: seulement, c'est une solution trop "communiste" pour des gens comme vous...

      Evitez les arguments de café de comptoir: vous savez pertinemment que c'est bien le patronat qui est le principal responsable des amendements au code du travail pour créer des exemptions: il y a trois fois plus d'articles dans ce code qu'il y a trente ans! L'autre explication de cette inflation législative est l'accentuation de la contractualisation des relations entre agents économiques, qui est l'une manifestation objective du libéralisme. Enfin, les modifications incessantes du droit du travail sont tactiques: une fois ceux-ci rendu inapplicable, le MEDEF peut réclamer à cor et à cris sa réforme, voire son abrogation!

      Enfin, pour la liberté de circulation, à l'heure de l'Union Européenne, qui en a fait un droit fondamental, je cherche encore à comprendre le sens de votre phrase sur l'interdiction de quitter le territoire: c'est du délire total!

      Bref, à force de voir des hommes avec des couteaux entre les dents partout, vous ne voyez même pas qu'on est plus que jamais en route vers votre idéal libéral...

      CVT

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  10. Ce qui m'intéresse, c'est que Natacha ose se dire "humaniste". La "mort de l'homme" serait à nouveau derrière nous ? Je crois en fait que notre agrégée de lettres a une sensibilité qui lui permet de voir immédiatement l'appauvrissement du discours de la sociologie et des sciences humaines depuis disons une trentaine d'années. Elle rejoint un philosophe comme Canguilhem, aussi, un maître qu'on ne lit pas assez. Elle rejoint tous ceux qui ne veulent pas systématiquement d'une déshumanisation programmée cyniquement par les incompétents nullissimes qui nous gouvernent du haut de chaque Etat, du haut de l'UE même. Si nous sommes entrés dans une phase de crise si terrible, c'est bien parce que le discours dominant l'imposait dans ces termes mêmes (l'économie devenue folle, comme disait l'autre). Alors oui, un retour à l'humanisme, à une nouvelle lecture de Kant (Habermas peut aller se rhabiller), et pourquoi pas à Bernanos que personnellement j'aime beaucoup, même si je ne suis pas croyant. Je voudrais ajouter du reste qu'un philosophe comme Derrida, dans ses derniers textes, à propos du terrorisme notamment, semblait revenir, à travers Kant, vers cet humanisme oublié, ce langage oublié. Ainsi, la modernité se trouverait désormais dans cette pensée humaniste, cette révolte de l'homme contemporain, ce retour aux sources. C'est sur ce thème que Natacha devrait écrire un livre, je pense. Nous sommes nombreux à attendre ces lueurs d'espoir, après l'échec des révolutions. Deleuze disait : une révolution dans les esprits...

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  11. Assez loufoque les positions de Polony, mais très politiquement correct. Elle parle de promouvoir la liberté et se dit anti libérale, sans même définir le libéralisme ni qui sont les auteurs du libéralisme. Quand on s'attaque à un sujet, le minimum c'est d'en avoir lu les auteurs. Là, elle montre sa totale inculture en matière de libéralisme.

    En gros, elle parle d'un fantôme que personne connait.

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  12. J'arrice en 2015, mais comment peut-on écrire :"Je suis également antilibérale et favorable à la décroissance." et plus loin enseigner aux jeunes pour qu'ils deviennent libre. Le lébarlisme c'est justement l'éta de droit, c'est à dire la liberté de l'individu que le droit s'est attaché à affirmer, Mme Poloiny de grande culture relisez ou lisez John Locke
    Pour la décroissance, c'est vouloir partager moins pour plus d'individus ou au moins autant, donc plus de pauvreté, curieux raisonnement!! Cela ne peut-être qu'un concept intellectuel mais en aucun cas un raissonnement économique, mais là aussi la culture ça se travaille. Un économiste qui vous aime bien

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