L’événement spectaculaire de la semaine, la victoire du Brexit au Royaume-Uni, ne doit pas faire oublier que se tiennent dimanche 26 juin des élections générales en Espagne... pour la seconde fois en 6 mois. En effet, le pays a échoué à se doter d'un gouvernement à l'issue du scrutin du 20 décembre 2015. Les Espagnols retournent donc aux urnes. Spécialiste de l'Espagne et auteur de Podemos, pour une autre Europe (Cerf, 2015), Chritophe Barret revient pour L'arène nue sur les enjeux du scrutin.
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Par Christophe Barret
Mariano
Rajoy a été le premier chef de gouvernement a réagir, après
l'annonce des résultats du référendum sur le Brexit. Devant les
caméras, dans la matinée de ce vendredi 24 juin, il a appelé les
Espagnols au calme et à plus de « sérénité ». Il est
vrai que le Royaume-Uni est un partenaire particulier, pour nos
voisin d'outre-Pyrénées : de très nombreux jeunes actifs s'y
sont expatriés ; les entreprises de l'IBEX 35 (le CAC40 ibérique) ont plus à y souffrir que d'autres de l’ajustent des flux
financiers avec Londres – selon l'agence de notation Standard & Poor's.
Dans la Péninsule, les retraités britanniques font vivre de
nombreux service sur la côte méditerranéenne et l'on parle du
vieux conflit territorial relatif à Gibraltar… Mais le Premier
ministre espagnol sortant s'inquiète-t-il aussi, et surtout, de ce
que les électeurs pourraient être, à la manière des Britanniques,
de sanctionner leurs élites.
De
fait, l'alliance Unidos Podemos conclue entre Podemos
et Izquierda Unida (IU) – héritière du vieux Parti Communiste
Espagnol (PCE) – est bien l'arme la plus efficace dont les
Espagnols disposent pour changer la donne européenne. Et le vote
pour le parti de Pablo Iglesias est toujours vu comme subversif.
Quand bien même le jeune leader ait fait campagne contre le Brexit,
aux côtés de Jeremy Corbyn et des dirigeants du Labour qui lui sont
proches. Le communiqué de presse qui a fait suite au Brexit a
réaffirmé la volonté de Podemos de changer les institutions
européennes de l'intérieur.
Il s'agit de « défendre la démocratie, les droits sociaux et
la fraternité entre les peuples du continent », face à une
Europe « affectée par un énorme déficit démocratique,
appliquant aveuglément les politiques d'austérité, tournant le dos
à des millions de citoyens condamnés à l'exclusion et à la
pauvreté ». L'Espagnol de la rue, toujours europhile, peut se
reconnaître dans ce discours.
Mais
les derniers sondages indiquent que la plupart des électeurs
s'apprête à faire à peu près exactement le même choix qu'il y a
six mois. La pasokisation du Parti Socialiste Ouvrier Espagnol –
c'est-à-dire son dépassement par l'alliance Unidos Podemos –
qu'ils annoncent n'est qu'une conséquence arithmétique de
l'addition des votes de deux partis qui s'étaient présentés
séparément lors des précédentes élections législatives. À
moins que les résultats du référendum britannique en convainque
les électeurs espagnols de s'adresser, eux-aussi par leur vote, à
l'Europe toute entière.
De
fait, la situation reste très ouverte et trois scenarii peuvent être
envisagé. Le premier verrait une grande coalition à l'allemande
entre le Parti Populaire (PP) de Mariano Rajoy et le PSOE de Pedro
Sánchez. La probabilité de ce scénario est aujourd'hui renforcée par la crainte des élites politiques
européennes du pays de voir éclater un nouveau coup de tonnerre
européen. En effet, le secrétaire général du parti socialiste espagnol
pourrait être tenté d'oublier les mots très durs qu'il a eu à
l'encontre du Premier ministre : « soutenir un gouvernent
PP serait trahir les électeurs » a-t-il, par exemple, déclaré.
Deuxième scenario possible : un gouvernement en minorité du PP
avec ou sans participation de Ciudadanos (C's), le Podemos
de droite. Quand bien-même cette majorité resterait fragile et
pourrait nous rapprocher du spectre de troisièmes élections
législatives. Il est vrai qu'entre 1918 et 1920, l'Espagne a déjà
exploré ce scenario…
L'hypothèse
la plus innovante pourrait être une alliance Unidos Podemos –
PSOE. Les sondages publiés ces jours
derniers montrent qu'à eux deux, ces deux forces pourraient disposer
d'une majorité absolue. Mais on sait que la conclusion d'un accord
butte encore sur deux écueils. La question du nationalisme catalan
est le premier. Le PSOE se refuse d'envisager un référendum
régional d'auto-détermination. La Constitution l'interdit.
Cependant, les dirigeants de Podemos aiment à rappeler qu'un
socialiste de renom, Francisco Camaño l'avait un temps envisagé.
Le
second obstacle tient aux différences existant entre les programmes
économiques des deux partenaires potentiels. Qui existent d'ailleurs déjà au sein même d'Unidos Podemos. Sur le plan économique, le PCE, composante principale d'Izquierda Unida, est bien plus radical que le parti d'Iglesias. Il ne propose pas moins que la rupture avec les institutions
européennes… et l'abandon de l'euro ! A l'exact opposé, le PSOE, se refuse quant à lui à assouplir la fameuse règle d'or relative au 3 % de
déficits tolérés inscrite dans la Constitution espagnole. Or il s'agit là d'un casus belli pour Podemos.
Même
si Pablo Iglesias est récemment allé jusqu'à déclarer que le
socialiste José Luis Rodriguez Zapatero avait été le meilleur
Premier ministre de l'histoire de la démocratie, il semble donc bien
que quelques des obstacles restent à vaincre pour que soit portée
au pouvoir une « gauche plurielle » à l'espagnole. Dans un contexte aussi incertain, le Brexit pourrait au servir d'argument aux uns ou aux autres pour tenter de faire changer la donne en leur faveur.
On peut lire un entretien avec Christophe Barret sur Podemos ICI.
BHL à la manière du capitaine Haddock
RépondreSupprimerDe tous les points de vue publiés par le Monde depuis le Brexit, je retiens, moi l'eurosceptique, celui de M. B.-H. Levy, incontournable philosophe, grand prêtre de la religion européiste et membre du conseil de surveillance du Monde. À la manière du capitaine Haddock, connu pour ses colères et ses interminables bordées d'injures, aussi drôles que ridicules, il s'y livre, à l'égard des eurosceptiques britanniques ayant voté "Leave", sur une colonne entière d'une pleine page du Monde, à une interminable bordée d'injures. On trouve celles-ci, si ! si !, tout particulièrement savoureuses et imbéciles : "C'est la victoire des casseurs et des gauchistes débiles, des fachos et hooligans avinés et embierrés, des rebelles analphabètes et des néonationalistes à sueurs froides et front de bœuf [...]", "[...] la victoire de l'ignorance sur le savoir, [...] du petit sur le grand et de la crétinerie sur l'esprit [...]"
La foi ne m'est pas venue à la lecture de ces injures. Eurosceptique j'étais, eurosceptique je reste.
Mais qui croit-il convaincre ainsi ?!...
Et puis enfin... dans quelle drôle d'époque nous vivons et dans quelle drôle d'Europe ! Les grands y insultent les petits, les élites y méprisent les peuples, les riches y bafouent les pauvres, les forts y écrasent les faibles, sans parler des élus qui y trahissent les électeurs... Ça va mal finir ! À moins que le choc du Brexit, bienvenu, salutaire, ébranlant quelques fausses certitudes, n'ouvre à l'Europe un nouveau et meilleur chemin.
Référendum au Royaume-Uni : « D'une façon ou d'une autre, ce résultat doit être annulé. » (Peter Sutherland, patron de la banque Goldman Sachs)
RépondreSupprimerLundi 27 juin 2016 :
Le président de Goldman Sachs annonce qu’il va falloir annuler le Brexit « d’une façon ou d’une autre »
L’ancien Commissaire européen à la concurrence, ancien directeur général de l’OMC, actuel président de l’European Policy Center et actuel président de Goldman Sachs International a diffusé le tweet suivant suite à la victoire du Brexit au référendum britannique :
« La jeune génération au Royaume-Uni a été sacrifiée, tout ça à cause d’une déformation des faits et des conséquences. D’une façon ou d’une autre, ce résultat doit être annulé. »
https://twitter.com/PDSutherlandUN/status/746687362902728704