La
loi « Loi
travail » française
doit
beaucoup à l'appartenance de la France à l'Union
européenne (voir
explications détaillées
ici : et
ce n'est pas « complotiste » que de le dire. Oui, la
Commission européenne donne des consignes aux États membres dans
le cadres des « Grandes
orientations de politique économique », et
du « Semestre européen ».
Oui,
la Cour de justice de l'Union (CJUE),
acteur
discret mais dont la jurisprudence est déterminante dans la vie de
l'UE, ne cesse de promouvoir la dérégulation et le moins-disant
social .
Mais
elles ne sont pas les seules. La
troisième des « Indépendantes » (Antoine
Vauchez), la Banque centrale européenne, a également joué un rôle
en
son temps.
Pas en France, bien sûr, mais dans d'autres pays, où elle a profité
de la crise des dite
des
« dettes souveraines » pour dicter de manière très
directe les réformes structurelles à mettre en place.
Or
ces réformes structurelles ne peuvent que s'enchaîner dans
l'eurozone,
chaque pays membre étant tôt
ou tard contraint
de
s'aligner sur
les
pays
voisins
pour
éviter des
pertes massives de compétitivité.
En effet, en
régime de monnaie unique, aucun ajustement ne peut
se
faire via
la dépréciation de la devise.
Dès
lors,
il ne peut que s'engager une course à la désinflation salariale
entre les différents
pays.
Les réformes du marché du travail intervenues en Europe
du Sud
-
et
réalisées
pour
certaines
d'entre elles sous la dictée -
ne pouvaient qu'aboutir un
jour
à des réformes de même type en France. D'ailleurs,
la
« loi El Khomri » n'est probablement qu'un
début tiède, le processus ayant
vocation à se
poursuivre presque
mécaniquement
dans
le cadre
de la zone euro.
Il
suffirait sans
doute
d'une
nouvelle crise à l'occasion de laquelle la Banque
centrale
doive
à
nouveau
à
« aider »
les
États
les plus fragiles pour que de
nouveaux
tours de vis soient exigés. La
BCE
en effet, parce qu'elle est
la seule
à
avoir
la main sur la monnaie, parce qu'elle a
les moyens techniques de mettre un pays en faillite ou de l'expulser
de l'euro, a aussi ceux d'imposer ce
que
la Commission, pour
sa part, doit
se contenter de « conseiller
vivement ».
Aussi n'a-t-elle pas hésité, parfois, à sortir
complètement de son domaine de compétence - la politique monétaire
-
pour menacer puis pour prescrire, ainsi que l'explique ici l'économiste britannique Philippe Legrain.
En
2010-2011,
Jean-Claude Trichet, le prédécesseur de Mario Draghi à
la tête de l'institut d'émission,
a donc prescrit tous azimuts.
Après
un petit chantage de décrassage exercé fin 2010 sur l'Irlande et
ainsi
mise
en jambes, la BCE se charge, durant l'été 2011, de
délivrer des
injonctions aux
pays d'Europe du Sud. Nous
sommes
alors au plus fort des attaques spéculatives des marchés contre la
dette de ces
pays. Les
prescriptions de Francfort sont
le prix à payer pour obtenir
l'aide nécessaire à apaiser la spéculation.
Dans
le domaine du marché du travail - pour ne citer que
celui-ci
même
s'il est loin d'être le seul domaine
concerné
-
Jean-Claude
Trichet
fait
des demandes voisines à l'Italie et à l'Espagne, dans des lettres
datées du 5 août 2011 et respectivement adressées à Silvio
Berlusconi et à José Luis Zapatero.
Dans le courrier adressé à l'Italie et consultable
ici, il
indique notamment qu'il faudra «
réformer
davantage le mécanisme collectif de négociation salariale
permettant des accords d’entreprises, afin d’adapter les salaires
et conditions de travail aux besoins spécifiques des firmes et
d’améliorer leur pertinence vis-à-vis d’autres niveaux de
négociations ».
Cela
fait furieusement penser au contenu du
désormais célèbre article 2 de l'actuel
projet de « Loi
travail » français.
Par
ailleurs,
le
président de la Banque
centrale
demande « une
révision
en profondeur des règles concernant l’embauche et les
licenciements »
et
une « réduction
significative
du
coût des emplois
publics,
en durcissant les règles de renouvellement du personnel et, si
nécessaire, en baissant
les salaires ».
Rien
de moins.
Dans
la lettre adressée à l'Espagne, il est également
demandé
de
réformer plus
en
profondeur le marché du travail -
ce qui était déjà en cours à
l'époque -
et
de
donner
la
priorité aux accords salariaux au niveau de l'entreprise : « le
projet
de réforme
des
modalités
du
dialogue
social
adopté
par
le gouvernement
espagnol
(…)
devrait
davantage
mettre
l'accent
sur
les accords d'entreprise, dans le but de garantir une
décentralisation effective des négociations salariales. Durant le
débat parlementaire à venir, le projet de loi devrait être amendé
en vue de réduire le champ
des
accords de branche ».
Dire
ce que doivent contenir les amendements lors d'un débat
parlementaire futur,
voilà qui est plein de tact. En
outre, l'Espagne est
également
sommée d'abandonner toute possibilité d'indexation des salaires sur
l'inflation. Motif : l'inadaptation de ce dispositif « à
des marchés du travail situés à l'intérieur d'une union
monétaire », car
il
constitue
« un
obstacle structurel à l'ajustement des coûts du travail ».
C'est
vrai, sans blague : si on ne peut même plus « ajuster »
le coût du travail à l'intérieur d'une monnaie
unique,
à quoi cette monnaie sert-elle ?
Ce
ne sont là que des exemples de ce que furent sommées de faire à
l'époque à
l'Espagne, l'Italie, l'Irlande. Bien d'autres choses encore leur
furent demandées : réforme de la fiscalité, réforme du
système financier, privatisations, etc. La
consultation des
courriers émanant de la BCE
permet de se faire une idée de cette manière d'avoir recours à la
« stratégie du choc », au
cœur d'une crise,
pour faire avancer certaines idées.
Des
idées dont même certains économistes du Fonds monétaire international commencent à se
demander si elles ne sont pas délétères.
Mais
que l'Union
européenne et
la zone euro, engoncées dans l'idéologie et dans un fédéralisme
monétaire dysfonctionnel et piteux, continuent, seules, à chérir.
[ Article initialement paru sur le Figarovox ]
Au moins, le jour de la catastrophe dont il ne faut pas se demander SI elle arrivera mais QUAND elle arrivera, on ne pourra pas dire qu'on ne pouvait pas s'y attendre.
RépondreSupprimerMerci Coralie pour cet article et tous les liens qu'il comporte.
Question à Raoul Marc Jennar : selon vous, pourquoi Question à Coralie Delaume : Selon vous, pourquoi les syndicats qui se battent courageusement contre la loi travail, CGT en tête, l'enferment-ils dans un conflit franco-français alors que cette loi est la transposition des directives de Bruxelles concernant la mise à sac des législations nationales protégeant les salariés ?
RépondreSupprimerMardi 14 juin 2016 :
RépondreSupprimerRoyaume-Uni : les partisans du Brexit ont 7 points d'avance sur les partisans du maintien dans l'Union européenne.
Sondage de l'institut TNS :
Maintien dans l'Union européenne : 40 % des personnes interrogées
Sortie de l'Union européenne : 47 % des personnes interrogées
Ne savent pas / N'iront pas voter : 13 % des personnes interrogées
Leave campaign ahead in latest TNS poll.
London, 14th June -
The latest EU referendum voting intention survey by TNS gives the Leave campaign a significant lead nine days out from polling day.
The survey of 2,497 adults in the UK gives the ‘Leave’ campaign a lead of 7 points over ‘Remain’. Voting intention among likely voters (including those not fully decided but leaning in one direction) is as follows :
Remain 40%, Leave 47%, Undecided/Would not vote 13%
http://www.tnsglobal.co.uk/press-release/leave-campaign-ahead-latest-tns-poll
extrait d'un article de Jacques Sapir :
RépondreSupprimer"Alors que les sondages confirment qu’une majorité de français rejette cette loi El Khomri, le gouvernement s’entête. Au-delà les postures, les attitudes caractérielles et les crises de nerf, cela révèle un problème évident : ce gouvernement n’a aucune marge de manœuvre. Il « veut » cette loi car elle est exigée par l’Union européenne qui n’aura de cesse que d’imposer son système de normes et son austérité. Il « veut » cette loi car il espère en échange obtenir un accommodement quant à l’ampleur du déficit public de la part de la commission de Bruxelles. Il « veut » cette loi car il n’est, en cette occurrence que le simple exécutant de mesures décidées à l’étranger et que cela ferait mauvais genre s’il devait expliquer à ses maîtres qu’il est dans l’incapacité de tenir ce à quoi il s’est engagé."
source : http://russeurope.hypotheses.org/5045