- Billet
invité -
Cristobalacci
El Massaliote
Comme les semaines précédentes, Cristobalacci El Massaliote a épluché la presse grecque et fait le point pour L'Arène nue. Au programme, les négociations avec l'Union européenne, la visite de Tsipras en Russie, et une singulière affaire de.... psychiatrie !
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Loin
des éditorialistes spécialistes de tout et surtout de rien, des
débats sur l’après guerinisme et des scissions écolo-écologistes,
il existe une presse traitant de sujets aussi profonds qu’ensoleillés
: il s’agit de la presse grecque !
1/
Négociations avec l’UE
La
presse grecque entre crainte de rupture, confiance
en l’avenir…
Plusieurs
journaux (Kathiremini,
To Vima)
dans leurs éditions du week-end
du 29 mars se sont inquiétés
en évoquant à la fois un risque de rupture entre la Grèce et l’UE
et un danger éventuel de
manque de
liquidités.
Plus
neutre, Ta
Néa
(30/03) se contentait de voir une simple insatisfaction de l’UE
face aux propositions que devait apporter le gouvernement
Syriza-ANEL.
A
l’inverse, les journaux Ethnos
et Avghi
affichaient un optimisme certain et prévoyaient que les
négociations déboucheraient sur un résultat positif malgré la «
pression asphyxiante des créanciers » (Ethnos).
…et
interrogation sur la fuite du temps.
Kathimerini,
Ta Nea et
Eleftheros
Typos se
sont intéressés à la conférence de presse franco-allemande
du 31 mars où le président
Hollande et la chancelière
Merkel ont souligné la nécessité de ne pas perdre de temps dans les
négociations avec la Grèce. Poursuivant les propos de la
chancelière allemande qui déclarait « plus vite la Grèce déposera
des propositions, plus vite un accord pourra être conclu », le
président Hollande a déclaré que « si la Grèce souhaite rester
dans la zone euro, elle devra suivre la procédure prévue » avant
de préciser qu’« il n’y a pas d’autre solution pour la Grèce
qu’être partie prenante de l’UE».
Un
accord pour la Pâque
orthodoxe ou pour la Saint Glinglin?
Le
1er
avril, Ta
Nea et
Kathimerini
s’interrogeaient sur les différences d’interprétation entre le
gouvernement grec et les partenaires européens à propos de l’état
d’avancement des négociations. Alors qu’Athènes prévoit
toujours une solution avant Pâques (les Pâques orthodoxes auront
lieu le 12 avril), il semble que Bruxelles estime qu’un accord ne
sera possible qu’à la fin du mois d’avril. De son côté, le
Journal des Rédacteurs
estimait que les négociations entre le gouvernement grec et les
institutions allaient déboucher sur un accord au début avril.
Au bout de ce tunnel se situe le bout du tunnel |
De
nouveaux crédits pour rembourser ou pour payer les salaires?
Alors
que le 1er
avril, la BCE a relevé le plafond de la ligne de crédit d'urgence
(dite ELA) pour la Grèce de 700 millions d’euros (le total passant
à 71,7 milliards d’€), le journal Kathimérini
affirmait que la BCE n’entendait pas autoriser les banques à
prêter de l’argent à l’Etat grec avant la signature de l’accord
avec les créanciers.
Le même jour,
le ministre de l’intérieur grec, Nikos Voutsis indiquait au
magazine allemand Der
Spiegel
qu’Athènes pourrait demander le report du remboursement d’environ
450 M€ au FMI initialement prévu le 9 avril, en cas d’absence de
financement par les créanciers européens. Selon Nikos Voutsis ce
report devrait permettre au gouvernement Tsipras de payer les
salaires et les retraites.
Une
ou deux listes de réformes présentées par Athènes?
Dans
le cadre des négociations avec les créanciers européens, le
gouvernement Tsipras devait présenter une liste de réformes.
Le
texte qui a été finalement présenté est constitué de 18
propositions de réformes organisées en plusieurs volets.
Essentiellement, un volet de lutte contre l’évasion fiscale
(favoriser le retour des capitaux en Grèce, établir
une connexion
électronique entre l’administration fiscale et les entreprises,
contrôler
les
comptes bancaires à l’étranger, notamment par rapport à la liste
Lagarde) et un volet d’augmentation des recettes fiscales (taxes
sur les jeux en ligne, réforme partielle de la TVA, lutte contre la
contrebande) également complétés par d’autres aspects
(privatisations, simplifications administratives, création d’un
fond d’aide aux PME).
Des
réformes avec ou sans chiffres?
Les
discussions se poursuivaient le 31 mars notamment sur la question du
chiffrage des 18 réformes proposées. En attendant la téléconférence
du 1er
avril et, surtout la réunion critique du 08 avril où l’Eurogroupe
pourrait éventuellement débloquer le financement à la Grèce, la
presse grecque évoquait l’existence d’une seconde liste de
réformes accompagnée de chiffrages précis.
Selon
plusieurs journaux (Ethnos,
Ta Néa, Avghi),
cette seconde liste prévoirait 3,7 milliards de recettes (725 M€
avec le contrôle des dépots à l’étranger, 1 500 M€ grâce aux
différentes privatisations prévues : port du Pirée, aéroports
régionaux, paris hippiques, etc. ) tout en augmentant certaines
dépenses (600 M€ pour les retraites, 326 M€ pour les pensions).
Le
bout du tunnel approcherait-il
?
Dans
son édition du 3 avril,
Ethnos
affirmait que la réunion de l’Euro Working Group prévue les 8 et
9 avril devrait
aboutir à un accord sur la liste des réformes présentées. Alors
qu’Athènes se montrait optimiste sur les chances de parvenir à un
accord et donc sur le réglement du problème de liquidités,
les responsables européens prennaient des positions plus ambigües.
Ainsi, le président de l’Eurogroupe, Jeroen Dijsselbloem estimait
le 2 avril qu’ il y avait « encore du chemin à parcourir » dans
les négociations avec la Grèce tout en se montrant optimiste sur la
possibilité d’un accord concernant l’essentiel. De même, le
ministre français des finances, Michel Sapin aurait déclaré, selon
Kathimerini
que « les propositions de la Grèce se sont améliorées » avant
d’ajouter qu’« il fallait encore progresser ».
2/
Relations internationales
Grèce/Russie
: arrivée
du printemps pour deux pays frères
?...
L'ours russe débarque à Athènes !! |
Pour préparer sa visite à Moscou le 8 avril, Alexis Tsipras a accordé
fin mars une interview à l’agence de presse russe TASS dans
laquelle il rappelle les liens historiques, culturels et religieux
qui unissent les deux pays avant d’appeler au renforcement de la
coopération entre la Grèce et la Russie dans tous les domaines.
Selon le premier ministre grec, sa visite à Moscou « posera de
nouvelles bases dans les relations gréco-russes » et soutiendra le
« nouveau printemps que nous connaissons aujourd’hui entre nos
deux pays ».
Évoquant la prochaine commémoration du 9 mai 1945 (date de la victoire sur
l’Allemagne nazie en Russie), le premier ministre grec a affirmé :
« nos peuples ont forgé des relations fraternelles parce qu’ils
ont mené un combat commun dans des moments historiques d’une
importance critique » (sources : Avghi,
Ta Nea, Kathimerini, Ethnos, Le Journal des Rédacteurs).
….ou
alignement stratégique ?...
Dans
la même interview, A. Tsipras déclare que « la Grèce, en tant que
pays-membre de l’UE, peut être un maillon, un pont entre
l’Occident et la Russie » avant d’affirmer son opposition aux
sanctions contre la Russie ( « Je considère que c’est une voie
qui ne mène nulle part. Il faut s’asseoir à la table des
négociations et trouver des solutions pour les problèmes importants
»).
… voire
véritable « flirt énergétique » ?...(titre
de Kathimerini
du
01/04/2015)
Avghi
souligne sur sa Une que le gouvernement grec oeuvre à la
revalorisation du rôle énergétique de la Grèce, qui deviendrait
ainsi un pont entre l’Occident et l’Orient. Selon le journal, le
gouvernement se trouverait près d’un accord sur la participation
de la Grèce au gazoduc russe « Turkish
Stream ».
Cet accord pourrait d’ailleurs être ratifié lors de la visite de
M. Tsipras en Russie qui a déjà déclaré que « l'extension de ce
gazoduc vers la Grèce aurait des bénéfices multiples pour le pays,
qui ne se limitent pas aux ‘‘droits de péage’’». L’accord
pourrait également conduire à la réduction du prix de gaz vendu
par Gazprom à la société grecque de gaz naturel (DEPA).
…ou
tout cela à la fois !
Kathimerini
parle d’un « accord global » entre le Grèce et la Russie
prévoyant la participation de la Grèce au gazoduc Turkish
Stream, la
participation des sociétés russes à la prospection et à
l’exploitation des gisements de gaz et de pétrole en Grèce, la
réduction du prix du gaz par Gazprom et la levée de l’embargo
russe sur les produits agricoles grecs.
Chine
: privatisation
Ethnos
du 30 mars relève que le gouvernement grec se prépare à la vente
de la majorité du capital du port du Pirée (provoquant des
réactions de la Plateforme
de gauche au
sein de Syriza).
Selon Kathimerini,
le vice Premier
ministre, M. Dragassakis aurait même déclaré à l’agence de
presse chinoise « Xinhua » que le gouvernement procédera à la
vente de la majorité du capital de l’organisme du port du Pirée
dans les prochaines semaines, avant d’ajouter que le géant chinois
du fret maritime (l’entreprise Cosco) qui participe déjà à
l’appel d’offres pourrait déposer une offre très compétitive.
Sous le titre « La Grèce, un pont entre la Chine et l’Europe
», Avghi
fait état de la satisfaction du gouvernement grec après la visite
en Chine de deux ministres grecs tout en évoquant la future visite
officielle d’Alexis Tsipras à Pekin prévue en mai.
3/
Politique intérieure
Une
interview de Tsipras
Lors
de son interview à Real
news,
Alexis Tsipras a affirmé que son nouveau gouvernement ne prendrait «
pas de nouvelles mesures récessives » et qu’un troisième
mémorandum ne serait jamais mis en place. Il s’est également
montré rassurant sur les privatisations (garantie d’Etat, respect
des droits des travailleurs et de l’environnement).
Et
la défense de ses ministres contre les scoops Bi(l)dons
Prenant
la défense de ses ministres attaqués (M. Varoufakis pour les
Finances
et Katrougalos pour la réforme de l’Etat), le premier ministre
grec a insisté sur la position collective prise par l’ensemble des
membres du gouvernement Syriza-ANEL avant d’affirmer qu’« il
existe des forces à l’intérieur et à l’extérieur du pays qui
aimeraient voir un changement dans la stratégie de négociation du
gouvernement, mais ce scénario relève de la science-fiction ».
Des
tensions avec l’opposition
Lors
du débat à la Vouli sur la politique d’austérité, A. Tsipras a
vivement critiqué les gouvernements précédents en ciblant
particulièrement la Nouvelle Démocratie d’Antonis Samaras (ancien
premier ministre). Pour Tsipras, le gouvernement Syriza a le courage
d’utiliser la langue de la vérité , en ouvrant, par exemple des
questions comme celles des réparations allemandes et de l’affaire
Siemens (Kathimerini,
Ethnos).
Ta Néa
décrit la vive confrontation entre Tsipras et Samaras, qui s’est
particulièrement tendue lorsque l’actuel Premier
ministre a évoqué l’affaire Stavros Papastravos (un proche
collaborateur de M. Samaras qui figurerait selon le journal italien
La Stampa
sur la
liste des exilés fiscaux, dite liste Lagarde).
La
corruption mène à la folie (ὕϐρις,
chez les grecs anciens) …
Selon
Kathimerini
et Eleftheros
Typos,
madame
Vicky Stamati, épouse d’Akis Tsohatzopoulos, ancien ministre
socialiste grec de la Défense,
qui fût condamnée, en même temps que son époux, à la prison
ferme pour corruption, s'est échappée de l'hôpital psychiatrique
où elle était détenue. La justice avait récemment rejeté une
demande de remise en liberté de Vicky Stamati, condamnée en 2013 à
12 ans de prison. La police grecque a ouvert une enquête afin
d’examiner les circonstances précises de sa fuite.
A
ce sujet, il est amusant de se rappeler que la folie chez les grecs
anciens se disait Hybris (ὕϐρις),
où elle signifiait plus précisément la démesure. Son châtiment
était, selon la mythologie, appliqué
par Némésis,
la loi
morale, dont l’objectif était de punir les excès et la prospérité
trop éclatante de mortels osant se comparer aux dieux. 2000
ans plus tard, les grecs regardent toujours les arrogants
d’aujourd’hui se faire frapper avec la même force par le destin…
Afin
de préparer l’avenir, on devrait relire la mythologie grecque à
Bruxelles ou à Berlin, plutôt que de s’enfermer dans d’horribles
logiciels de gestion. Cela serait
l'occasion de
méditer cette phrase d’Hérodote sur l’Hybris
: « regarde
les maisons les plus hautes, et les arbres aussi : sur eux
descend la foudre, car le ciel rabaisse toujours ce qui dépasse la
mesure ».
La presse n'est bien évidemment pas au dehors des forces d'intérêts qui traversent ou commandent l'idéologie globale qui travaille les sociétés européennes. La grande presse est un pouvoir et est dans le pouvoir. Une question se pose, les forces de propagation et d'organisation du débat public ont-elle jamais été autre chose à travers l'histoire qu'un relai de la puissance régnante ? L'avènement des "mass-média" a rendu plus que jamais essentielle cette interrogation dans une perspective de réappropriation de l'espace public et de la parole libre, de la critique libre, affranchit de la pensée obligatoire et de ses grands prêtres. C'est le droit républicain (sens contemporain) qui garantit la liberté d'expression et non les journalistes et la presse. Plus que jamais il convient de déterminer qui parle et d'où il parle dans l'espace public. Plus que jamais il convient de mettre au jour qui sont les détenteurs de capital derrière ce qu'il faut bien appeler désormais les entreprises de presse, et les intérêts à court moyen et long termes de ces détenteurs. Plus que jamais la question se pose d'un encadrement, d'un contrôle des pouvoirs, telle que le réclame la norme républicaine la plus rigoureuse et protectrice des populations, à ce moment où notre constitution a laissé de côté ce champ aujourd'hui prépondérant du pouvoir - mais il faudra également revenir sur les autres. Plus que jamais, exactitude et vérité des discours, transparence des intérêts opérant dans le débat, doivent être garanties ; c'est là la condition d'une démocratie saine et opérante. Je me rappelle pour ma part ce que Simone Weil écrit dans la première partie de son livre "l'Enracinement" consacrée aux "Besoins de l'âme" et plus particulièrement la sous-partie intitulé "La vérité".
RépondreSupprimerhttp://classiques.uqac.ca/classiques/weil_simone/enracinement/enracinement.html
Simone Weil qui réclamait aussi la suppression des partis politiques...
RépondreSupprimerD'horribles logiciels de gestion ? En quoi des logiciels de gestion peuvent-ils être horribles ? Un tournevis peut-il être horrible ? Une table des logarithmes peut-elle être horrible ?
RépondreSupprimerUn logiciel de gestion sert à faire des additions, donc à compter l'argent, donc à être honnête. Vous semblez avoir un problème avec l'honnêteté. Vous semblez préférer la mauvaise littérature à l'honnêteté.
Quant à l'hubris, s'il y a un homme qui en est coupable, c'est bien Vladimir Poutine (et le peuple russe de façon générale).
La Grèce est hyper-endettée.
RépondreSupprimerLa Grèce est complètement écrasée sous des montagnes de dettes.
Avril 2015 :
Le 9 avril, la Grèce devra rembourser 458 millions d'euros au FMI.
Le 14 avril, la Grèce devra rembourser 1,4 milliard d'euros, et le 17 avril, elle devra rembourser 1 milliard d'euros de bons du Trésor.
Problème : en avril 2015, la Grèce est en faillite.
Solution ( ? ? ? ) du problème :
Mercredi 8 avril, la Grèce a … emprunté 1,14 milliard d'euros sur les marchés. Durée : 6 mois. Taux : 2,97 %.
http://www.romandie.com/news/Bonds-Grece-114-mrd-EUR-leves-en-bons-du-Tresor-taux-inchange/582379.rom
Et en mai 2015 ?
Le 8 mai, la Grèce devra rembourser 1,4 milliard d'euros de bons du Trésor.
Le 12 mai, la Grèce devra rembourser 763 millions d'euros au FMI.
Le 15 mai, elle devra rembourser 1,4 milliard d'euros de bons du Trésor.
Problème : en mai, la Grèce sera en faillite.
Solution du problème :
En mai, l'Allemagne paiera à la Grèce les 279 milliards d'euros qu'elle lui doit depuis la Seconde Guerre Mondiale.
Et comme ça, la crise de la dette grecque sera finie.
Et comme ça, tout le monde sera content.
Et tout est bien qui finit bien.
Non, je déconne.
http://www.euractiv.fr/sections/euro-finances/berlin-rejette-les-demandes-de-reparation-de-la-grece-313608