Le texte ci dessous est une interview de ma pomme parue dans le Figarovox le 3 avril, avant la visite de Tsipras en Russie.
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Difficile
d'y voir clair dans les tractations entre la Grèce et le reste de
l'Europe. Que se passe-t-il exactement? Alexis Tsipras a-t-il
capitulé ou est-il au contraire en train de retourner la situation?
Coralie Delaume: Je ne peux
pas encore vous dire s'il a retourné la situation. Mais il n'a pas
capitulé. Et tout semble indiquer qu'il ne le fera pas, à la grande
déception, sans doute, de ceux qui espéraient le voir rapidement
«dégrisé par les réalités du pouvoir».
Cette semaine, la Grèce devait une fois de plus
envoyer une liste de réformes à ses «partenaires» européens,
pour examen par le «groupe de Bruxelles», le nouveau nom donné à
l'ex-Troïka. Un accord sur lesdites réformes devait permettre au
pays d'obtenir une aide supplémentaire de 7,2 milliards d'euros.
Mais l'accord n'a pas eu lieu. Le gouvernement grec a certes fait des
concessions. On a beaucoup parlé, par exemple, de la reprise de la
privatisation du port du Pirée au profit de la société de fret
maritime chinoise Cosco. Et on l'a évidemment présenté comme le
signe avant-coureur d'une reddition grecque.
Mais ce n'est pas si simple. En fait, Athènes a
envoyé par ce biais un signal amical à la Chine, à la suite de
quoi Pékin s'est empressé de racheter 100 M€ de bons à court
terme (T-Bills) grecs. Or il faut savoir que la Banque centrale
européenne, qui joue dans ces négociations un rôle extrêmement
trouble, avait
demandé quelques jours auparavant aux banques commerciales hellènes
de ne plus acheter de bons du Trésor du pays ). Il était
donc urgent qu'Athènes trouve une solution substitutive pour se
maintenir à flot!
Toujours est-il que la situation semble bloquée
entre la Grèce et ses créanciers, avec deux points d'achoppement
principaux. Les Grecs ne veulent ni d'une réforme des retraites, ni
d'une nouvelle entreprise de libéralisation du marché du travail.
Pour l'instant, seuls contre tous - il faut noter qu'aucun pays de
l'Union européenne ne leur apporte le moindre soutien, pas même
ceux gouvernés «à gauche» - ils tiennent bon là dessus, avec un
courage qui force le respect.
A la date cruciale du 9 avril, l'État grec
devra débourser 458 millions d'euros au FMI. Le 8 avril Alexis
Tsipras rencontre Vladimir Poutine, hasard ou coïncidence?
Si la Grèce est tentée, faute d'alliés en Europe,
de se tourner vers la Chine, elle doit l'être d'autant plus de jouer
la carte russe. Car les liens entre les deux pays sont anciens, chose
qu'a récemment rappelée Alexis Tsipras. Interrogé par la presse
russe et faisant référence au nazisme, il a affirmé «qu'un
rapprochement entre les deux pays (...) trouve ses racines dans les
relations fraternelles que (les) deux peuples ont fondées, parce
qu'ils ont mené un combat commun, à un moment critique de
l'histoire».
Donc les relations s'intensifient. Cette semaine par
exemple, le ministre de l'énergie grec Panagiotis Lafazanis était à
Moscou. Le but était de discuter avec les Russes de la question
gazière, notamment du tracé du futur pipeline «Turkish stream».
On se souvient qu'entre autres âneries lourdes de conséquences,
«les Européens» se sont crus malins en infligeant des sanctions à
la Russie au sujet l'Ukraine. A titre de représailles, Poutine a
annulé le projet de gazoduc South stream, puis s'est rapproché de
la Turquie pour mettre en route un projet alternatif, Turkish stream.
Nécessairement, ne serait-ce que pour des raisons géographiques, la
Grèce sera de la partie.
Autre
sujet de rapprochement possible: l'armement. Sur ce point et selon la
presse grecque , le ministre de la Défense Panos Kammenos
semble courir deux lièvres à la fois. Il discute avec les
États-Unis et avec la Russie - où il devrait se rendre bientôt -
toujours pour la même raison: trouver des partenaires substitutifs à
ceux, défaillants, de l'Union européenne. En effet, alors que le
nouveau gouvernement hellène est en train de rouvrir quelques vieux
dossiers et que plusieurs
scandales de corruption impliquant des entreprises allemandes en
Grèce font surface, il semble logique qu'Athènes cherche à
diversifier quelque peu ses fournisseurs...
Les raisons d'un rapprochement Grèce-Russie sont
donc nombreuses, et résultent directement de la manière inamicale
dont «les Européens» traitent chacun de ces deux pays. Quant à
dire qu'il y a un lien entre la visite de Tsipras à Moscou le 8
avril et le remboursement dû au FMI le 9.... je ne sais pas. En tout
cas, The
Telegraph note que la Grèce n'a pas les moyens de faire face à
toutes ses obligations. Elle ne peut vraisemblablement pas payer
les traitement de ses fonctionnaires tout en remboursant le Fonds. Et
le journal britannique rend compte de cette déclaration d'un
officiel grec: «nous sommes un gouvernement de gauche. Si nous
devons choisir entre faire défaut au FMI et faire défaut à notre
propre peuple, il n'y aura pas d'hésitation».
Un Grexit est donc de nouveau une hypothèse
crédible?
Plus que jamais. En essayant tout ce qui semblait
possible d'essayer sans se renier, Tsipras a montré à la population
grecque à quelle point l'Union européenne est dogmatique et
déraisonnable. Il a ainsi œuvré à préparer les esprits. Même si
la sortie de l'euro ne figurait pas dans le programme électoral de
Syriza et même si les Grecs n'y sont pas majoritairement favorables,
ils doivent être en train de s'apercevoir à cette heure qu'ils
n'ont le choix qu'entre le Grexit et la capitulation. Or le refus
d'être davantage humiliés par l'UE a beaucoup joué dans la
victoire électorale de la gauche radicale....
En outre, on prépare également les esprits dans le
reste de l'Europe. Il y a déjà plusieurs jours, le très informé
journaliste Jean Quatremer annonçait sur son compte Twitter la mise
en place d'un contrôle des capitaux en Grèce pour une date située
aux alentours du 10 avril. On y arrive...
De même, un site grec, To Pontiki, relayait il y a
quelques jours l'information selon laquelle des responsables
européens planchaient sur l'introduction
en Grèce d'une «double monnaie» . Autrement dit, à
défaut de pouvoir émettre des euros, le pays pourrait se mettre à
imprimer des reconnaissances de dette ou «IoU» («I owe you» )
pour faire face à ses échéances internes, payer les traitements,
payer les retraites. Une partie du chemin serait alors faite: la
Grèce aurait un pied dehors.
Ce Grexit se doublerait donc d'un
rapprochement avec la Russie. Quelles pourraient être les
conséquences sur le plan géopolitique pour l'Europe?
Les conséquences géopolitiques: voilà bien une
chose à laquelle personne ne s'intéresse! Tout le monde semble
convaincu que la géopolitique - voire la politique tout court - est
un résidu du XIX° siècle, et que nous serions désormais à l'ère
de l'économie et de comptabilité. Les ratios d'endettement, les
taux de déficits public semblent les seules choses dont se préoccupe
cette Europe, devenue un trou noir politique!
Mais il se pourrait qu'on assiste à d'étonnantes
recompositions. On a parlé de l'intensification des discussions
russo-grecques, du rapprochement russo-turc autour du projet Turkish
stream, mais il faut aussi se rappeler que la Russie est
traditionnellement liée à Chypre. Or il est probable qu'aucun de
ces deux pays n'ait goûté la manière dont Chypre a été «sauvée»
en 2013. L'Europe, on s'en souvient, avait alors décidé de faire
payer les déposants de plus de 100 000 €, parmi lesquels nombre de
Russes. Cela se fit via la mise en place d'un contrôle des capitaux
dans l'île, afin que ces déposants ne puissent rapatrier leurs
fonds. Aujourd'hui, les deux pays amorcent une petite
revanche: Poutine
et Nicos Anastasiades ont signé au mois de mars un accord relatif à
la possibilité pour la marine russe d'utiliser les ports de Chypre.
Bref, l'Union européenne s'effiloche chaque jour davantage. hébétés, les "Européens" ne comprennent plus ce qui leur arrive. Du coup, eux qui n'attendaient la Russie qu'en Ukraine la laissent tranquillement s'installer en Méditerranée. Économiquement, politiquement, cette Union européenne est un "fiasco sphérique" : quelque soit l'angle sous lequel on la regarde, on constate l'uniformité parfaite du désastre.
Habitudes, rituels, règles, lois, routines... nous vivons tout au long de l'année, jour après jour, année après année, dans une sorte d'irréalité. C'est très confortable. Et puis, de temps à autre, guerre, révolution... le réel refait surface.
RépondreSupprimerNous en sommes là.
Et c'est très déroutant.
Que va-t-il se passer en Grèce ? nul n'en sait rien. C'est une situation entièrement nouvelle. Tout peut arriver.
L'Europe n'a pas le monopole de l'irréalité. Mais c'est tout de même, au fond, sa marque de fabrique. Elle en a fait une fin en soi. Il y avait l'art pour l'art. L'Europe a inventé l'irréalité pour l'irréalité. C'est très fort mais... quand le vernis craque...
Et Alexis Tsipras, qui n'est qu'un parfait grotesque, n'a riren fait du tout. Il cherche d'un côté à appâter les Russes et de l'autre à inquiéter les Allemands mais sans rien faire. Les souffrances du peuple grec n'ont aucun intérêt pour lui, jusqu'au moment où il aura peur d'être pendu à l'olivier le plus proche. Il mérite au centuple le parfait mépris que les Allemands lui manifestent.
RépondreSupprimerOn dirait Zorbec le Gras en train de danser le sirtaki.
Thierry_st_malo
P.S : Va donc, eh, feignant !