A
l’heure où des rumeurs de versement d'une aide financière russe
(à ce stade démenties par Moscou) agitaient le ouèbe, la presse
française se passionnait pour l’arrivée du printemps et pour le
retour de la paix dans la famille Le Pen. De son côté, la presse
grecque de la semaine écoulée a longuement commenté un match
passionnant entre les optimistes, les inquiets et les hargneux au
sujet des négociations avec l'Europe. Elle s'est aussi penchée sur
les pressions américaines et les propositions russes tout en se
passionnant pour les réformes du système éducatif et fiscal…
Inquiétudes...
Une partie de la presse
grecque se montre inquiète de la dégradation des rapports entre les
représentants de l’UE et le ministre des finances Yanis
Varoufakis. Dans son édition du 14 avril, le quotidien proche du
PASOK To Vima titrait « La musique nous invite à danser
» et Sifis Polymilis écrivait : « Depuis deux mois et
demi, les membres du gouvernement donnent des conférences sur ce que
l'Europe doit faire pour son salut. Ils évitent toutefois de dire
ce qu'ils doivent faire eux-mêmes, en leur qualité de gestionnaires
du pouvoir. A titre d'exemple, M. Varoufakis, réputé pour son
omniscience sauf sur les sujets qui relèvent de sa propre sphère de
compétence, a quasiment prononcé l'oraison funèbre de l'U.E. à
force d'affirmer qu'elle est une union asymétrique et que les unions
asymétriques sont vouées à l'effondrement, tôt ou tard. Ignorance
du danger, indifférence, de quoi faudrait-il taxer le ministre des
finances qui pratique une philosophie de bas étage alors que le pays
se trouve à un pas du précipice ? ».
1/ Les négociations
sur la dette toujours aussi difficiles et l’accord prévu le 24
avril pourrait être repoussé
a/ L’impatience des
responsables de l’UE
Les conférences
téléphoniques du « groupe de Bruxelles » (ex-Troïka)
seraient quotidiennes selon Ethnos, Ta Néa et
Kathimerini avec pour objectif d’obtenir un accord pour la
date du 24 avril. Si cette date fait encore débat, des responsables
européens se montrent impatients. Ainsi, la Haute représentante de
l'UE pour les affaires étrangères et la politique de sécurité,
Mme Federica Mogherini a déclaré le 14 avril que « l'Europe
doit faire preuve de flexibilité dans ses négociations sur la crise
de la dette en Grèce non pas seulement dans le cadre de la
solidarité mais pour défendre l'intérêt commun européen ».
Cette impatience a été formulée tout autrement par le directeur
général du mécanisme européen de stabilité (MES), M. Klaus
Regling et par le commissaire européen Pierre Moscovici. Les deux
responsables ont parallèlement rappelé : « le
gouvernement grec doit soumettre rapidement une liste des réformes
précises » . Mme Mogherini avait dépassé l’impatience
et les exigences pour faire part de son inquiétude en affirmant que
« si un pays tombe, le système entier tombera également ».
b/ La confiance de
Tsipras dans un accord fin avril malgré des désaccords avec « les
Européens »
Dans une déclaration
datée du 16 avril (Reuters, sources Ethnos, Ta Nea, Kathimerini,
Avghi, Le Journal des Rédacteurs) Alexis Tsipras s’est montré
optimiste en affirmant qu’un accord serait trouvé d’ici la fin
du mois d’avril. Le premier ministre a mentionné des «
progrès notables » sur les questions de la collecte de
l'impôts, de la lutte contre la corruption, de la réforme de
l’administration publique ainsi que sur les garanties
d’excédent primaire pour 2015. Selon lui, la nouvelle politique
fiscale ne doit pas accabler la population, et davantage répartir
les charges entre les contribuables (notamment pour ceux
« ayant une capacité contributive élevée »).
Alexis Tsipras a tout de même évoqué quatre points de
désaccord avec l'UE et le FMI (les relations professionnelles, le
système de sécurité sociale, la hausse de la TVA et les
différences d’appréciation sur la mise en valeur des biens
publics) avant d’invoquer des blocages plus « politiques » que
techniques. Enfin, il a conclu en affirmant que l'UE ne
choisirait pas « la voie du chantage financier déloyal et brutal
mais au contraire celui de la recherche du compromis et de la
stabilité, au bénéfice de notre avenir commun européen».
Selon Le Journal des
Rédacteurs du 17 avril cet interview avait pour
but « d'adresser un message aux créanciers en les invitant à
cesser les jeux politiques et les chantages ».
c/ Pendant que grondent les
créanciers…
Selon la presse grecque
du 16 avril (Ethnos, Ta Nea, Kathimerini, Avghi, Le Journal des
Rédacteurs) il existe un réel « blocage » dans les
négociations entre Athènes et les créanciers. Selon ces
journaux, les deux parties restent fermes sur leurs positions, alors
qu’en parallèle les médias allemands évoquent à nouveau
l’éventualité du « Grexit ». Le journal Ethnos va plus
loin et estime que de « vives confrontations » opposent
désormais créanciers et gouvernement grec. Son titre « Bras
de fer avec les créanciers » permet d’évoquer les menaces
exercées par les créanciers qui évoquent le Grexit tout en
faisant pression pour obtenir des réductions supplémentaires
des salaires et des retraites et des augmentations de taxes.
d/ … les menaces
pleuvent à Berlin !!!
La presse grecque du 16
avril (Ethnos, Ta Nea, Kathimerini, Eleftheros Typos)
reprenait les déclarations du ministre allemand des finances, M. Schäuble. Celui-ci a estimé qu’une solution ne
serait pas trouvée d’ici le 24 avril avant de qualifier la
situation en Grèce de «très difficile» et d’affirmer que
le nouveau gouvernement de Syriza avait « détruit l’œuvre
du gouvernement précédent et sapé toutes les hypothèses sur
lesquelles se basait le redressement des finances du pays ».
Toujours sur le même ton, Wolgang Schaüble a poursuivi en déclarant
qu’« il n’y a pas un besoin de plus d'argent, mais un besoin
de plus de réformes ». Le ministre allemand s’est d’ailleurs
senti autorisé de préciser que « le problème n’était pas la
dette mais le manque de compétitivité ».
Wolfgang Schäuble fait jaillir un arc-en-ciel |
Selon Ethnos du 17 avril, le ministre Schäuble aurait fini par légèrement s’assouplir en évoquant la possibilité d’un décaissement de la prochaine tranche du prêt sans la mise en application à 100% des réformes. Il a en effet déclaré le 16 avril lors de son discours de l’Institut Brookings aux États-Unis que « les institutions ne demandent pas la mise en application des réformes à 100% mais d’une grande partie d’entre elles, ce qui permettra le décaissement de la prochaine tranche du prêt ».
e/ L’accord reporté
au 11 mai ?
De son côté, le
gouvernement grec se déclare déterminé à ne pas franchir
de lignes rouges (sources gouvernementales, 15 avril). Malgré ses
propos rassurants, Ta Nea souligne qu’une solution
sera difficilement trouvée d’ici l’Eurogroupe du 24 avril et
estime que l’éventuel accord devrait être reportée à
l’Eurogroupe du 11 mai.
f/ ou reporté à une
prochaine confetti party ?
Lors de sa conférence de
presse interrompue par une militante anti-BCE, le président de la
BCE, Mario Draghi, a pu déclarer (malgré les confettis) que la
poursuite des financements d'urgence à la Grèce dépendait
uniquement de la bonne volonté du gouvernement hellène, tout en
refusant de considérer l’éventualité d’un Grexit, (Ethnos,
Avghi, Eleftheros Typos du 16 avril) .
g/ Heureusement en
France, l’austérité sent le Sapin…
Le journal
Kathimerini titrait le 16 avril « La France dit
non aux recommandations de la Commission en faveur de l’austérité
» et commentait les propos du ministre français des finances,
Michel Sapin qui venait de déclarer que « l'application stricte
de certains aspects de la recommandation de la Commission sur la
réduction du déficit français aurait fait chuter la croissance et
augmenter le chômage ». Michel Sapin, emporté par une fièvre
anti-austérité tout à fait inhabituelle, a même poursuivi en
affirmant qu’«une autre voie est possible » .
Le journal grec prédit de vives réactions à Bruxelles, où un
délai supplémentaire de deux ans vient d’être accordé à la
France pour réduire son déficit sous la barre des 3%.
II/ Relations
internationales : entre Washington et Moscou, mon cœur balance…
1/ La visite de
Varoufakis aux États-Unis
Selon la presse du 17
avril, la visite du ministre Varoufakis aux États-Unis a donné lieu
à plusieurs événements. D’abord, lors de son discours à
l’Institut Brookings, sur le thème « L’économie grecque et ses
partenaires européens », M. Varoufakis a souligné que le
gouvernement grec était prêt à faire un compromis honorable avec
ses partenaires, y compris en prenant des décisions politiques
difficiles sur la base d’un paquet de 7 réformes, tout en excluant
l’adoption de mesures récessives. Le ministre a défendu la
souveraineté de la Grèce avant de préciser : « nous avons le
droit de nous faire entendre et de remettre en question la logique
d’un programme qui a échoué » (Ethnos, Avghi, Ta Nea,
Kathimerini, Le Journal des Rédacteurs).
De plus, plusieurs
journaux (Ethnos, Kathimerini) ont commenté
l’entretien extraordinaire du 16 avril entre M. Varoufakis
et la directrice générale du FMI, Mme Lagarde. Selon Kathimerini,
il a été décidé d’accélérer les procédures afin
d’aboutir le plus rapidement possible à un accord sur la dette
grecque.
2/ Les lendemains de la
visite de Tsipras à Moscou
Alors que certains
journalistes grecs s’interrogeaient sur les tensions possibles à
l’intérieur du gouvernement Syriza-ANEL et estimaient que «
l’objectif de la visite au Kremlin était d’augmenter
la popularité d’Alexis Tsipras en vue d'un nouveau recours aux
urnes » (Notis Papadopoulos), des sources du Palais Maximos
affirmaient qu’Alexis Tsipras faisait bien l'objet de pressions
tant à l'intérieur du parti (groupe Lafazanis, etc.) qu'à
l'étranger (Berlin, Bruxelles, FMI).
Ce « printemps
russe » a été largement commenté par la presse
grecque. Certains journaux réduisaient la visite à un événement
symbolique, notamment pour la réaffirmation de la souveraineté
nationale grecque, mais qui n’aurait permis aucun véritable
engagement (To Vima du 14 avril). D'autres quotidiens y
voyaient la confirmation de choix stratégiques s’inscrivant dans
le long terme. (Kathimerini parle de « printemps
prolongé »).
Révolutionnaire ou pas,
cette visite a donné lieu à une déclaration commune des deux
dirigeants qui ont souhaité lever toute inquiétude sur une
hypothétique mise en place d'un axe stratégique concurrent à
l'U.E. Selon To Vima du 14 avril, M. Poutine a même nié
vouloir se servir de la Grèce comme d'un cheval de Troie au sein de
l'U.E. avant de rappeler que la Grèce relève d'un « autre
territoire géopolitique » que celui de la Russie.
Symbolique ou pas, cette
visite a surtout donné lieu à des accords concrets qui devraient
aboutir bientôt (gazoduc « Turkish Stream » pour 2
milliards d’euros financé par les Russes mais soumis à un accord
Turc, privatisation des rails grecs et du port de Thessalonique,
hydrocarbures en mer Égée et en Crète, limitation de l’embargo
russe sur les produits agricoles grecs).
Le ministre de la
Défense, Panos Kamménos, s’est rendu à Moscou le 14 avril (il y
retournera d’ailleurs le 09 mai pour la commémoration de la
victoire sur le nazisme – fêtée le 09, et non le 08 mai par les
Russes ) pour traiter de questions de défense. Les entreprises du
secteur de l’armement allemand s’inquiètent d’ailleurs de la
signature de prochains contrats avec les russes (modernisation avec
armes russes, privatisations de l’industrie grecque de défense,
etc.). Pour autant, les relations bilatérales ont été renforcées
et une coopération internationale face à la menace de terrorisme
islamique aurait été lancée.
III/ Politique
intérieure
1/ Éducation :
tension avec les étudiants anarchistes et réformes progressistes.
L’occupation, par des
étudiants, de l’université d’Athènes devrait prendre fin
bientôt.
En même temps, le
gouvernement Syriza-ANEL met en place un projet de loi progressiste
pour les étudiants (retour de l’asile universitaire, participation
des étudiants aux élections, suppression de l’évaluation
systématique des professeurs, fin du délai obligatoire d’études).
2/ Immigration :
vague migratoire et peur d’un tsunami de réfugiés…
Selon Kathimérini du
14 avril, les garde-côtes grecs ont secouru prêt de 10 500
ressortissants étrangers au premier trimestre 2015 (trois fois plus
que sur la même période en 2014). Le même journal reprend des
informations selon lesquelles 2, 5 millions de réfugiés se
trouveraient sur les côtes turques, prêts à entrer en Grèce et
dans l’UE. Cette vague migratoire inquiète les autorités et les
habitants des îles de l’Égée orientale alors que s’ouvre la
saison touristique.
Les autorités grecques
tentent de répondre aux problèmes des locaux pour accueillir ces
migrants en ouvrant des stades, des bâtiments de l’armée et en
les déplaçant vers le continent et soulèvent la question du
cofinancement de la politique migratoire au niveau européen. De son
côté, le maire d’Athènes, M Kaminis s’est entretenu avec
d’autres maires de capitales concernés par la question de
l’accueil des réfugiés (Mme Hidalgo pour Paris et M. Marino pour
Rome).
Ces questions devraient
être traitées lors d’un prochain sommet de l’UE.
3/ l’Eglise
Orthodoxe devrait contribuer davantage au remboursement de la dette
Selon le Journal des
Rédacteurs, l’archevêque d’Athènes, Mgr Iéronymos aurait
proposé au gouvernement de « mettre à profit les biens de
l’église dans le but de rembourser la dette ». Une
société commune qui vient d’être créée par la loi devrait
permettre, via la mise en valeur du patrimoine ecclésiastique,
d’orienter des futures recettes vers le remboursement de la dette.
4/ Taux d’imposition
particulièrement haut et note abaissée par Standard and Poor’s
Ta Néa commentait
la dernière publication de l’OCDE et qui plaçait la Grèce en
tête des 36 pays étudiés en terme d’imposition des ménages (
43, 4% pour la Grèce, contre une moyenne de 27% pour l’OCDE, loin
devant la Belgique et ses 40,6% ou la France et ses 40,5%).
De son côté, l'agence
Standard and Poor's poursuivait son travail d’expert en
abaissant la note de la dette grecque d'un cran (à CCC+). L’agence
a souligné dans son communiqué du 15 avril que cette décision
s’appuyait sur le fait que les conditions économiques et
financières nécessaires à la solvabilité de la Grèce se sont
détériorées, en raison de l'incertitude entourant les négociations
prolongées entre le gouvernement grec et ses créanciers (Sources :
Ethnos, Kathimerini).
Cela m'aurait étonnée que "To Vima" soit rempli d'indulgence envers Varoufakis. Que ce soit la presse liée au PASOK ou celle liée à Nea Democratia (I kathimerini) les critiques se succèdent et l'entreprise de démolition envers le gouvernement SYRIZA continue telle qu'il avait commencé avant le 25 janvier !
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