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Billet invité -
Cristobalacci
El Massaliote
Comme chaque semaine, le désormais incontournable Cristobalacci El Massaliote a épluché la presse grecque de la semaine précédente et fait le
point pour L'Arène nue. Au programme, les négociations avec l'Union européenne, dont on va voir qu'elles pataugent sec, et de la géopolitique : lenteurs autour des négociations gazières avec la Russie, tensions diverses avec les Etats-Unis. Enfin, un peu de politique intérieure avec les états d'âmes des journalistes d'opposition, la lutte contre l'évasion fiscale et la réquisition des fonds des organismes publics pour faire face à la pénurie de liquidités....
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I / Négociations européennes
a / Inquiétudes dans la presse grecque
Le début de la semaine dernière a été marqué par des inquiétudes dans la presse grecque. Ainsi, dans son édition du samedi 18 avril, Kathimérini reprenait en Une les propos du président Obama : « Faites des réformes ».To Vima titrait « Vous êtes sur le fil du rasoir » tandis qu’Imerissia se faisait l’écho d’un scénario de plus en plus évoqué : le « Grexit ». Enfin, Kathimérini reprenait l’avertissement lancé par le commissaire européen aux affaires économiques, Pierre Moscovici, pour qui Athènes risquait de se retrouver rapidement confrontée à une crise de trésorerie si elle n’adoptait pas un paquet de réformes d’ici le 11 mai.
b/ Avancées ? Compromis ? sortie de l’euro ? Tout ceci est aussi clair qu’un Elliniko Kafès
Alors que le 18 avril, un compromis était envisagé (Kathimérini) grâce à un moratoire prévoyant l’absence de lois grecques sur les relations de travail et l’absence d’exigences européennes sur la Sécurité sociale, Alexis Tsipras rappelait les 4 points a négocier avant l’accord global prévu en juin : droit du travail, sécurité sociale, augmentation de la TVA et valorisation du patrimoine.
L'avenir de la dette grecque se lit dans un café Elliniko ! |
Le premier ministre grec appelait à la poursuite du combat en refusant de céder aux Cassandre et aux défaitistes (Ethnos du 20 avril) tout en indiquant que les négociations se poursuivaient mais que des divergences persistaient, notamment sur le droit du travail et la sécurité sociale. Ta Néa du même jour, se réjouissait d’une « avancée dans la bonne direction » et envisageait même un texte à soumettre à l’approbation de l’Eurogroupe et des ministres des finances européens.
Dans son édition du 20 avril, To Vima envisageait le scénario de sortie de l’euro en prévoyant différentes solutions (bons du Trésor et allègements fiscaux ou paiement des fonctionnaires en bons utilisables en supermarché). Puis deux jours plus tard, Ta Nea reprenait les propos du président de la Commission européenne, Jean Claude Juncker, qui venait d’exclure « à 100% » l’éventualité d’un Grexit avant d’affirmer que la Grèce ne ferait pas faillite. Plusieurs journaux (Ethnos, Le Journal des Rédacteurs, Eleftheros Typos) ont également commenté ont commenté le fait que BCE venait de relever de 1,5 milliard d'euros à 75,5 milliards d'euros, le plafond de son financement d'urgence (ELA) des banques grecques.
La presse du 23 avril a également commenté les échanges entre Merkel et Tsipras en marge du sommet extraordinaire sur l’immigration et qui auraient porté sur les effets positifs de la baisse du dollar et sur l’éventualité d’un accord prochain.
c/ 24 avril, journée de l’optimisme en Grèce, des jeux en coulisse et du doute persistant…
Enfin, le 24 avril, la presse semblait davantage optimiste en envisageant la réalité de cet accord. En titrant « Premier signaux de déblocage » Kathimérini commentait le maintien des divergences entre Merkel et Tsipras (toujours sur le droit du travail, la sécurité sociale et la TVA) et l’évolution positive de la chancelière allemande sur la question de la réduction des retraites. La presse reprenait des sources gouvernementales (mais non confirmées par Berlin) évoquant un rapprochement de vues sur les privatisation et sur la question de l’excédent primaire (autour d de 1,2%-1,5% pour 2015/2016). Ethnos estimait que le gouvernement grec était en train de mener « une bataille à tous les niveaux » afin d’obtenir un accord provisoire avant la fin avril avec l’Eurogroupe.
La presse (Kathimerini, Ethnos, Ta Nea, Avghi) se montrait optimiste puisque Mme Merkel venait de qualifier de « constructif » son entretien avec Alexis Tsipras avant ajouter que tout devait « être entrepris pour empêcher que la Grèce ne se retrouve à court d'argent avant d'avoir conclu un accord sur les réformes avec ses créanciers internationaux ». De son côté, le président de l’Eurogroupe, M. Dijsselbloem venait d’évoquer l’éventualité d’un décaissement partiel de la prochaine tranche du prêt après la conclusion d’un accord.
Kathimerini confirmait en reprenant des sources communautaires pour qui Athènes pourrait recevoir une partie de la tranche du prêt après avoir appliqué certaines des réformes prévues. Le journal Ta Nea poursuivait son optimisme en prétendant que le gouvernement grec proposait un accord partiel sur trois ou quatre réformes (affaires financières et budgétaires, créances douteuses).
D’un autre côté et malgré les positions de MM. Tsipras, Hollande et Juncker semblant pencher vers une accélération de la procédure menant à l’accord (selon Ta Nea et Avghi, A. Tsipras aurait déclaré : « nous sommes plus près d’un accord »), le Journal des Rédacteurs restait dubitatif en estimant que les équipes techniques des institutions continuaient à se montrer intransigeantes en insistant sur l’application des mesures prévues par le programme précédent.
II/ Politique étrangère
a/ La Russie, Gazprom et le gazoduc « Turkish stream »
Le PDG de Gazprom s’est rendu à Athènes le 21 avril pour rencontrer Alexis Tsipras et son ministre de l’énergie Panagiotis Lafazanis. Le dossier du gazoduc « Turkish stream » a été évoqué et il a été décidé d’élaborer une feuille de route et de créer un groupe de travail commun tout en respectant les règles de l’UE.
Après les emballements du week-end dernier concernant les relations russo-grecques la presse se montrait cette semaine plus réaliste. Si Ta Nea voyait dans la visite du PDG de Gazprom à Athènes une tentative de la partie russe de maintenir ouverte la question du « gazoduc grec » sans toutefois aborder l’éventualité de verser une avance à la Grèce, le journal Kathimerini estimait que les discussions sur le gazoduc « progressaient lentement» et que l’entretien Tsipras/Miller « n’avait pas abouti à un accord ». De même, Eleftheros Typos soulignait les « maigres résultats » d’une entrevue n’ayant « pas abouti à un accord ».
b/ États-Unis : déclarations d’Obama, l’énergie et la question qui fâche : la libération d’un « terroriste »
La presse du week-end dernier commentait les déclarations du Président Obama qui ont suivi son bref entretien avec le ministre grec des finances Yannis Varoufakis à Washington. Le président américain a invité Athènes à réformer sa fiscalité et son droit du travail avant d’ajouter « La Grèce doit faire des réformes, collecter des impôts, réduire la bureaucratie, adopter des pratiques plus souples dans le marché du travail ».
Les relations avec les Etats-Unis se sont tendues sur le sujet de la réforme carcérale et du possible aménagement de peine qui en résulterait pour certains prisonniers en situation de handicap lourd. Cette mesure pourrait entraîner la mise en liberté des terroristes et notamment de Savvas Xiros, membre du groupe terroriste « 17 Novembre ». Ce groupe démantelé en 2002 a revendiqué 23 assassinats dont ceux d'Américains comme le chef de poste de la CIA à Athènes Richard Welch (1975), le capitaine de vaisseau George Tsantes et de son chauffeur (1983), l’attaché de défense Navy William Nordeen (1988) et un officier de l’OTAN Ronald Stewart (1991). Emprisonné depuis 13 ans et handicapé à 98% à la suite de l’explosion de sa propre bombe, Savvas Xiros pourrait donc bénéficier des mesures favorables de cette loi.
Au cours d’une conférence de presse extraordinaire du 20 avril, l’ambassadeur des États-Unis en Grèce, M. David Pearce a déclaré : « si Savvas Xiros, ou une autre personne ayant du sang de diplomates ou de membres de missions américains sur les mains, sort de prison, ce sera vu comme un acte profondément hostile ».
Enfin, l’envoyé spécial du département d’État américain, chargé de l’énergie, M. Amos Hochstein, effectuera très prochainement une visite en Grèce. Il devrait soumettre au gouvernement grec des propositions américaines sur les bénéfices énergétiques dont pourrait tirer profit la Grèce dans la région. Selon Ta Néa ces propositions constituent « une réponse américaine au flirt énergétique entre Athènes et Moscou ».
III/ Politique intérieure
a/ Le doute, la panique et la critique s’emparent de certains esprits
A l’heure où les tensions s’exacerbaient au sujet d’un accord entre la Grèce et ses créanciers, quelques journalistes grecs choisissaient de critiquer voire d’attaquer l’actuel gouvernement Syriza-ANEL.
Dans la presse de droite
Ainsi le journaliste du journal de droite Kathimérini, Alexis Papahélas dans un article intitulé « le coût des rabais » écrivait en début de semaine dernière : « il ne faut pas oublier un point fondamental : Syriza n’a pas gagné les élections grâce à son pouvoir de séduction ou sa force de conviction. Il n’a fait, en réalité, que remplir le vide laissé derrière lui par un monde politique bourgeois, qui n’a su ni se tenir courageusement sur ses jambes, ni défendre ses propres principes».
Toujours dans Kathimérini, une autre critique plus acide a été publiée sous la plume de Paschos Mandravélis affirme :« le problème réel est que ceux qui se sont vus confier le gouvernement du pays ont passé la plupart de leur temps à occuper les établissements universitaires en s’adonnant au bavardage pseudo-philosophique, alors qu’ils auraient dû étudier l’histoire. Au moment où ils devaient écouter leurs professeurs, ils interrompaient les cours pour tenir des réunions. Au lieu d’étudier, ils s’amusaient dans les amphithéâtres dans des joutes oratoires. La Grèce devient victime de l’analphabétisme profond de ses nouveaux dirigeants politiques, d’une génération qui a appris à remâcher de vieilles citations de la gauche. Les jeunes qui gouvernent le pays à l’heure actuelle sont les produits d’un système éducatif ayant investi sur le « juste-milieu démocratique » mais pas sur la connaissance ».
Le très conservateur journal Estía passait de la critique à l’angoisse avec un article de Athanase Papandropoulos titré « Vers l’effondrement ». Extrait : «si certains analystes regardent avec optimisme l’évolution de l’économie grecque, force est de constater que la réalité dément leurs prévisions. Telle qu’elle est perçue par les entreprises, l’économie réelle est en phase d’effondrement. Ainsi, la base productive du pays s’amoindrit, mais personne n’y prête attention. Des cadres du marché soulignent que ces derniers mois et, en particulier, depuis l’été 2014, la délocalisation des entreprises « productives » s’accélère vers la Bulgarie, l’Autriche et les Pays-Bas, où l’administration publique et les régimes fiscaux sont plus favorables aux entrepreneurs (…). Le gouvernement affiche une indifférence aveuglante à l’égard du chômeur du secteur privé, et le pousse vers la para-économie et le travail au noir. L’économie grecque est parasitaire et de non compétitive, avec des taux de corruption élevés, qui constituent en soi un coup de frein à la croissance. De plus, si l’on tient compte de l’opération de sape du système d’enseignement grec, qui effectue un pas en arrière de trente ans, la boucle de l’effondrement imminent se boucle. Heureux sont ceux qui réussiront à y échapper ».
Dans la presse proche du PASOK
Avec un article intitulé « Et si on organisait de nouvelles élections ? », la fameuse édition du dimanche de To Vima (journal de gauche réformiste, assez proche du PASOK ) flattait l’électorat centriste. « A l’évidence, ce sont les centristes qui ont donné la victoire à Syriza. Ils ont voté la main sur le cœur tout en faisant fi de rumeurs sur certaines tendances et mentalités dangereuses du « parti de la gauche ». Lorsque Syrizaa remporté la victoire électorale en janvier, il a été estimé qu’une nouvelle formation politique s’imposait sur la scène politique. Le fait que la plupart des électeurs de Syriza proviennent du centre présageait d’un avenir politique progressiste et calme pour le pays. Mais, les actions et les omissions des ministres et des cadres du gouvernement laissent pointer une question : les « camarades » sont-ils au courant de la nature des « masses populaires » qui les soutiennent ? Et si on organisait des élections ? ».
b/ La douloureuse question du transfert des fonds des entités publiques et des collectivités locales grecques à l’Etat
Les articles économiques du 21 avril (Kathimerini, Ethnos, Ta Nea) relevaient que le gouvernement grec venait d’adopter un acte législatif obligeant les entités publiques et les collectivités locales à transférer leurs réserves de liquidités à la Banque de Grèce. Ceci dans l’objectif de faire face au problème de liquidité auquel est confronté le pays et de couvrir les besoins de financement de l'Etat.
Le lendemain, la plupart des journaux (Kathimerini, Ethnos, Ta Nea, Kathimerini, Avghi) commentaient les vives réactions des maires et des présidents de Régions face à cette décision de transfert de leurs réserves de liquidités à la Banque de Grèce. Face à cette annonce, l’Union des mairies de Grèce (KEDE) et l’Union des régions de Grèce (ENPE) ont décidé de saisir le Conseil d’Etat contre cette décision et d’organiser avec les travailleurs des collectivités locales des mobilisations de protestation.
En parallèle, le ministère de la santé et de la sécurité sociale a invité les caisses d’assurance à transférer« volontairement » leurs réserves de liquidités à la Banque de Grèce. Selon le ministre délégué aux finances, M. Mardas, certaines caisses d’assurance ont répondu positivement à cette demande. Le gouvernement souligne qu’il s’agit d’un emprunt interne.
c/ Immigration : entre tragédie humaine et tentative de réponse communautaire.
Différents journaux du 21 avril (Ethnos, Kathimerini, Avghi, Le Journal des Rédacteurs) ont commenté la série de naufrages de navires chargés de migrants et qui ont fait plusieurs centaines de morts en Méditerranée depuis le début de l'année. Trois migrants, dont un enfant, ont dramatiquement péri le 20 avril dans un naufrage près de l'île de Rhodes et 93 personnes ont pu être sauvées au cours d'une opération de secours à quelques mètres seulement du rivage.
L'UE a élaboré une série d’actions immédiates pour faire face à la crise (renforcement de la surveillance, crédits supplémentaires, sanctions plus sévères pour les passeurs). Ce plan a été pleinement soutenu par les ministres des Affaires étrangères et de l'Intérieur de l'Union européenne réunis en urgence. Au cours de cette réunion le ministre grec délégué aux affaires européennes, M. Houndis, et la ministre grecque déléguée à la politique d’immigration, Mme Christodoulopoulou, ont demandé un financement extraordinaire pour aider la Grèce à faire face aux flux accrus d’immigrés.
d/ Procès du parti néo-nazi Aube Dorée.
Différents journaux du week-end dernier (Ethnos, To Vima, le Journal des rédacteurs, Ta Néa) ont publié des reportages sur les origines du parti néo-nazi Aube dorée, son idéologie ainsi que sur les nombreux incidents dans lesquels ses membres se sont illustrés.
Le procès de 69 membres d’Aube dorée, jugés pour avoir organisé, dirigé ou participé à une organisation criminelle, commençait le lundi 20 avril dans une salle aménagée de la prison des femmes de Korydallos. La presse commentait également le tollé de protestation soulevé par la perspective d’un procès qui devrait durer un an et demi voire deux ans dans un quartier secoué par la crise (grève des écoles, des services municipaux et d’une catégorie de fonctionnaires).
e/ La lutte contre l’évasion fiscale.
Le 22 avril un mandat d'arrêt a été émis à l’encontre de Léonidas Bobolas, fils du propriétaire de la société de construction ELAKTOR, des journaux « Ethnos » et « Imerissia » et actionnaire principal de la chaîne de télévision « Mega Channel ». Selon la presse, Léonidas Bobolas figurait sur la « liste Lagarde » et aurait fait sortir 4 millions d’euros du pays. Il a été libéré après avoir payé une caution de 1,8 millions d'euros. Pour Le Journal des Rédacteurs cette évolution constitue « un message politique adressé à l’intérieur et à l’extérieur du pays exprimant la volonté du gouvernement grec de lutter avec énergie contre l’évasion fiscale.
Que de travail , que de temps passé pour nous offrir cette revue de presse !Merci à Cristobalacci el Massaliote, merci aussi à Coralie Delaume pour son blog et ses articles dans la presse, toujours aussi pertinents!
RépondreSupprimerLes banques privées grecques sont en faillite.
RépondreSupprimerMercredi 29 avril 2015 :
La chute libre des dépôts bancaires grecs :
Janvier 2014 : dans les banques privées grecques, les dépôts étaient de 161 milliards d'euros.
Novembre 2014 : les dépôts étaient de 164,3 milliards d'euros.
Décembre 2014 : les dépôts étaient de 160,3 milliards d'euros.
Janvier 2015 : les dépôts étaient de 148 milliards d'euros.
Février 2015 : les dépôts étaient de 140,5 milliards d'euros.
Mars 2015 : les dépôts étaient de 138,55 milliards d'euros.
La Banque centrale européenne (BCE) a encore relevé mercredi, d'1,4 milliard d'euros, le plafond de son financement d'urgence (ELA) des banques grecques, qui passe ainsi à 76,9 milliards d'euros, a-t-on appris de source bancaire grecque.
Fin mars, les dépôts privés se montaient à 138,55 milliards d'euros dans les banques grecques, au plus bas depuis février 2005.
Et selon les premiers chiffres connus pour avril, la tendance au retrait des capitaux a repris de plus belle ce mois-ci.
http://www.romandie.com/news/Grece--la-BCE-releve-dencore-14-milliard-deuros-le-plafond-de-lELA/588825.rom