Claude Legendre est enseignant, et ancien élu local. Il a accepté d'offrir à "l'arène nue" ce texte qui revient sur l'accord entre Le Parti socialiste et EELV, et je l'en remercie vivement. N'ayant jamais été dupe de la volonté affichée des écologistes de faire "de la politique autrement", il refuse de juger les compromis idéologiques que les Verts semblent avoir fait en contrepartie de circonscritpions électorales. Il n'y voit que l'application des lois normales de la politique. Car pour Claude Legendre, c'est plutôt sur le fond qu'il convient d'apporter la contradiction au parti de Cécile Duflot, notamment sur la question du nucléaire. Coralie Delaume.
L’accord « de mandature » signé entre Europe Ecologie-Les Verts (EELV) et le Parti socialiste, a fait couler beaucoup d’encre. Il y a certes l’affaire du Mox, ce combustible hybride, objet de désaccords manifestes. Mais il y eût auparavant le psychodrame du « parachutage » de Cécile Duflot à Paris pour les élections législatives, et quelques autres marchandages autour du réacteur de Flamanville.
Il faut dire que les leaders écologistes semblaient mettre un point d’honneur à faire renoncer le PS à la construction l’EPR. Cécile Duflot assurait que ses convictions n’étaient pas à vendre, Eva Joly assénant quant à elle : « il n’y a pas de plan B ». Pourtant, si l’on peut reprocher quelque chose aux représentants d’EELV, ce n’est pas tant d’avoir « dealé » des circonscriptions. C’est sur le fond qu’il convient de critiquer les Verts, notamment leur obsession pour la sortie du nucléaire, cette idée rétrograde vêtue des oripeaux du progressisme.
A-t-on vraiment cru, sans blague, que les écologistes feraient effectivement « de la politique autrement » ? Cela, tous les partis politiques ou presque prétendent le faire. Et pourtant…tous agissent de la même façon - avec toutefois plus ou moins d’hypocrisie.
Car la politique a ses lois, et elles s’imposent à tous. Les institutions de la V° République, qui poussent à la bipolarisation, mettent les deux partis dominants, PS et UMP, en position hégémonique. A droite comme à gauche, il faut bien s’entendre avec eux pour avoir une chance d’obtenir quelques élus. Ainsi, ce qui est regrettable, ce n’est pas qu’on passe des accords. C’est plutôt de constater que ces deux grandes formations s’entendent comme larrons en foire pour que perdure cette hégémonie, et même pour qu’elle s’aggrave. Ainsi ont-ils modifié, par exemple, le mode de scrutin des élections régionales pour qu’il ne soit plus possible de proposer une liste dans un département s’il l’on n’est pas en mesure d’en proposer une dans chaque département de la région ! Il s’agit là, pour le PS comme pour l’UMP, d’une véritable rente de situation. Ce sont eux qui distribuent les circonscriptions et les postes. Ils vont même jusqu’à crier au scandale, quand certains candidats osent se présenter sans leur bénédiction, et s’adresser directement à « leurs » électeurs, comme si chacun était le co-propriétaire d’un l’électorat indivis. Il y a là, à l’évidence, une véritable perversion de la démocratie.
Ainsi, quelque réticence que l’on puisse avoir à l’égard des positions des écologistes, il semble quelque peu malhonnête de leur reprocher de négocier avec le Parti socialiste. D’autant que les positions des uns et des autres ont été clairement et publiquement exposées. Accords et désaccords ont été loyalement « actés ». Désormais, les citoyens jugeront.
Il n’y a rien là de comparable, loin s’en faut, avec les énormes et très graves atteintes à la démocratie qui se préparent ou qui ont déjà eu lieu. Par exemple, en 2005, le souverain, c’est à dire le peuple, a voté « non » au référendum sur le Traité constitutionnel européen (TCE). Par la suite, ceux qui ne demeurent que les modestes représentants du souverain, les parlementaires, se sont crus autorisés, à droite comme à gauche, à violer sa décision. Nous savons que c’était légal. Nous savons aussi que c’était parfaitement illégitime, et le signe grave du mépris actuel de certains élus pour ce peuple dont ils tiennent pourtant leur pouvoir et, en outre, leur confort.
Quant aux écologistes, c’est plutôt le fond de leur programme qu’il convient de contester. Leur focalisation sur le nucléaire ne laisse de surprendre. On ne peut pas ne pas songer à tous ces épouvantails que l’on agita tout au long de l’histoire de l’industrialisation.
Certes, il y eut Tchernobyl, puis Fukushima. Nous nous risquerons pourtant à répondre que cela n’a rien à voir. Tchernobyl ne témoigne pas de l’insécurité d’une technologie, mais à l’évidence de l’incurie généralisée qui caractérisait la fin de l’empire soviétique. Quand au Japon, c’est un pays connu pour ses séismes à répétition. Aussi reste-t-on ébahi de constater qu’on y ait oublié que les tsunamis sont la suite habituelles des séismes. Lors du drame de Fukushima, les réacteurs ont d’ailleurs résisté au séisme, pourtant exceptionnellement violent, parce qu’ils avaient été construits a dessein. Et s’ils n’ont pas résisté aux tsunamis qui ont suivi, c’est parce qu’on avait omis de prévoir cette option. La preuve: on les avait construits au bord de la mer ! Sommes nous, aujourd’hui, en France et en Europe, dans une situation comparable ?
Le véritable problème de la sécurité nucléaire nous semble être plutôt celui-ci: qui est le maître d’ouvrage et qui gère les centrales ? Si l’on compte sur le secteur privé, on peut être certain que la recherche de la rentabilité l’emportera toujours sur le souci de la sécurité. Si c’est l’autorité publique, en revanche, la sécurité pourra être assurée.
Finalement, derrière ce débat, l’on ne peut que percevoir le débat philosophique sur la notion de « risque raisonnable », qui déborde largement la question du nucléaire. Il n’y a pas d’acte sans risque. Refuser le risque, ce serait refuser tout acte et donc refuser la vie et a fortiori tout changement dans la vie, donc toute idée de progrès. Certains ont voulu théoriser leur horreur du risque avec le fameux « principe de précaution », qui semble nous enjoindre à la prudence en ces termes : « quand on ne sait pas, on ne fait pas ». En somme, il faudrait attendre de tout savoir pour faire. On peut toujours attendre !
Concernant le nucléaire, on nous objectera que « les risques sont d’une autre nature ». C’est faux, mais c’est là la doxa d’une époque étonnante qui vit sur l’illusion qu’à force de précautions on peut éliminer tout risque, en niant que le meilleur moyen de limiter les risques liés à une technologie, c’est encore de continuer à l’exploiter, tout en poursuivant l’acquisition des connaissances qui permettront de la rendre plus sure.
Hélas, « l’heuristique de la peur » n’est pas le seul contresens de notre modernité.
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Oui, il y a dans le mouvement écologiste des choses, des tendances très inquiétantes. Même si leur vigilance a une utilité certaine. J'en note deux essentielles a mes yeux:
RépondreSupprimer1) une manière de cultiver la peur, vieille arme de toutes les démagogies.
2)un tentation permanente au fondamentaliste: a vouloir mettre la "nature" au centre des choses, on renonce à y placer l'homme. Depuis Platon on sait que le naturalisme est un anti-humanisme, car la loi de la nature est la loi du plus fort... Très inquiétant. Par exemple,ceci peut porter a penser que s'il y avait moins d'hommes la nature se porterait mieux.....
En outre, je ne peux oublier que les écologistes ont été les artisans opiniâtres de l'Europe du capital qui est en train de ruiner la plupart des pays d'Europe. Il déclaraient "anti-européens" quiconque tirait la sonnette d'alarme et prétendait qu'on pouvait construire l'Europe autrement. Momo.
Excellent papier,au raisonnement très solide,qui mériterait de circuler davantage.
RépondreSupprimerMerci Coralie Delaume pour l'avoir publié.
Wahoou, quel démonstration !
RépondreSupprimerVotre analyse du sujet nucléaire et votre vision "philosophique" du "risque raisonnable" tient de la discussion de bistrot.
Vous êtes pile poil dans le cliché du fonctionnaire pro-nucléaire et ce n'est qu'un cliché avec ses vérités clamées haut et fort pour faire passer ses raccourcis foudroyants et masquer le non sens de votre propos.
Heureusement que nous sommes un peu plus évolués que cela. Allez monsieur, encore un petit effort de réflexion et tout ira mieux.
pascal
@ Jean-Frédéric :
RépondreSupprimer"circuler davantage" ? C'est chose fait !
Ce texte a été publié sur le site Causeur.fr :
http://www.causeur.fr/ps-eelv-un-accord-mineur,13337
@Pascal :
Le cliché du "fonctionnaire pro nuclaire", c'est connu ?
Aussi connu, je suppose, que "l'agent de change pro-littérature anglaise", le "postier anti - TVA à 2,10%" ou "l'huissier pro - diminution du ticket modérateur".
THE cliché, quoi. Le truc qu'on voit partout.
Ce texte me paraît effectivement bien construit . Mais, il y a toujours un mais, il me semble que, comme d'ailleurs presque tous ceux qui "apparaissent" dans les circuits accessible au public (Chevènement par exemple), il pèche, veuillez m'excuser Madame, gravement, sur un point : la raison de cette phobie, récente en France.
RépondreSupprimerDiscourir sur les prix comparés des diverses sources d'énergie, sur l'industrie et les emplois que le nucléaire représente, le fascisme vert et sa pensée anti-humaine, etc ...., tous aspects économiques et psychologiques est fondé et bon. Mais ceci nous cache ce qui est, selon moi, primordial et devrait figurer en tête de chaque intervention, car après tout si cela était vital je serais bien fondé à me moquer des aspects ci-dessus, et refuser cette forme d'énergie.
Mais en fait il manque toujours L'ESSENTIEL : le nucléaire n'est pas dangereux, les radiations sont une forme très inefficace d'attaque contre le vivant. Pour faire court, et sans entrer dans le détail, il est aujourd'hui presque établi que les rayonnements, aux doses et flux pertinent pour la population civile, et pour les travailleurs des installations bien gérées, et MEME EN CAS D'ACCIDENT comme ceux de TCHERNOBYL et FUKUSHIMA (!), sont BENEFIQUES pour la santé.
Ce refus de s'informer aux sources sûres et honnêtes, c'est à dire scientifiques, est typique du statut méprisé de la formation scientifique, et explique la décroissance de l'acceptation du nucléaire en France parallèlement à la désafection de la population pour les études difficiles.
Ce que je dis ici schématiquement est accessible en détails, et démontré! dans un ouvrage comme ''Que doit-on craindre d'un accident nucléaire'' éditions Le Pommier. Je tiens à la disposition des personnes intéressées les textes d'interventions détaillées faites par des chercheurs sur la biologie de la matière vivante sous rayonnement, qui expliquent le détail de ce comportement et son pourquoi.
Le fantasme des 900000 (!) mort de Tchernobyl est issu d'un mensonge et d'une manipulation. Ainsi on ne sait pas déceler aujourd'hui déceler dans les 560 000 "liquidateurs" des réacteurs accidentés l'accroissement du taux de cancers tant il est faible ! L'homo verdicus aujourd'hui ouvre son portable et téléphone, mais il refuse de transférer cet acte de foi à ce que les même travailleurs scientifiques établissent, au prix de leurs journées, et leurs nuits, de "creuse-méninges".