Nicolas Framont est sociologue et enseignant à l’université Paris-Sorbonne. Il est l'auteur, avec Thomas Amadieu, de Les citoyens ont de bonnes raisons de ne pas voter (Le bord de l'eau, 2015), et co-dirige la revue Frustration.
Le présent entretien a été mené par Frédéric Farah.
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Au début de votre ouvrage « les citoyens ont de bonnes raisons de ne pas voter », vous rappelez six fausses solutions proposées par la classe politique pour inviter à voter ou à limiter les effets de l’abstention : simplifier le vote, rendre le vote sexy, réenchanter l’action , faire de la pédagogie, culpabiliser, punir), le recours aux primaires dans les différents partis de droite ou de gauche peut-il constituer un recours efficace à la défiance des citoyens à l’égard de leurs élus ou au contraire n’est ce pas un énième leurre ?
C’est totalement un leurre en effet. D’abord parce que les primaires successives se sont avérées inefficaces pour lutter contre l’indifférence politique de la majorité des Français. Lors des primaires de droite et des deux primaires du Parti Socialiste, ce sont les citoyens de classe supérieures qui ont constitué la majeure partie des votants, tandis que les classes populaires ont été quasi absentes. Cela signifie que les primaires accentuent le biais sociologique déjà à l’œuvre dans les élections conventionnelles : leurs électeurs ne sont pas représentatifs des citoyens français, pas plus que ceux qui passent des soirées entières à les commenter. Ils sont en quelque sorte des grands électeurs qui permettent d’abord aux deux forces du bipartisme français déclinant de se redonner une légitimité par monopolisation du débat public et omniprésence médiatique. En faisant en quelque sorte « pré-élire » leur candidat, les Républicains et les Socialistes veulent accentuer leur poids électoral et utiliser ce succès pour revendiquer leur monopole sur la politique française. Sans compter la rentabilité financière d’une telle opération. Et pour finir, on ne peut guère dire que les primaires enrichissent la politique française : elles conduisent à la création d’écuries marketing autour des candidats, qui devient un produit dont on doit vendre les atouts, sans la moindre audace programmatique. Le fait que le « revenu universel » (qui ne l’est en réalité plus désormais) de Benoît Hamon passe pour un énorme pavé dans la marre en dit long sur le manque d’envergure idéologique des débats de primaire.
Que révèle selon vous l’abstentionnisme ? La défiance des français à l’égard de leur classe politique vous semble-t-elle justifiée ?
Dans notre livre, nous nous élevions contre les explications psychologisantes ou méprisantes de l’abstention : les gens s’abstiendraient parce qu’ils auraient la flemme et seraient obsédés par leur petite personne. C’est faux : nous vivons dans un pays où l’intérêt pour la politique et le débat d’idée est fort, et où l’on croit encore en l’importance de l’action publique. Et c’est sans doute pour ça que beaucoup s’abstiennent : quand on estime la démocratie, comment trouver un enjeu à voter quand cet acte se réduit de plus en plus souvent à un arbitrage entre candidats et partis qui n’ont pas de différences substantielles sur le plan idéologique ? Il faut être extrêmement tatillon ou chroniqueur sur BFM TV pour trouver qu’il y a un gouffre entre Alain Juppé et François Fillon ou entre eux et Emmanuel Macron. Tous sont imprégnés d’une idéologie libérale et individualiste, qui passe par la destruction progressive des conquêtes sociales du 20ème siècle, et ils sont des contempteurs béats de la mondialisation heureuse et d’une Union Européenne technocratisée. Tous rêvent d’un monde où la décision politique serait une affaire de « bonne gouvernance » en vue d’un projet d’accumulation de richesse inégalitaire. La lutte contre le chômage ou pour le « pouvoir d’achat » ne devient alors qu’un bon prétexte pour satisfaire l’appétit des citoyens les plus fortunés. Quand on aime la démocratie, comme beaucoup de nos concitoyens, on peut vouloir éviter de voter pour des candidats qui en sont les fossoyeurs. Lorsque ceux qui ont enterré le « non » français au traité constitutionnel européen en 2005 et ceux qui usent sans scrupules du 49.3 et des lacrymogènes appellent à la mobilisation populaire et l’élan démocratique, cela peut donner envie de se retirer de ce jeu malsain !
Mais ce n’est pas tout : en même temps que s’homogénéisait le projet économique et social de la plupart de nos partis politiques, leur composition sociale s’embourgeoisait considérablement. Les ouvriers et les employés sont ultra minoritaires au parlement et les ministres de ces dernières décennies ont pour point commun une appartenance à la classe supérieure. De ce fait, ils sont en conflit d’intérêt permanent vis-à-vis du monde la grande bourgeoisie dont ils font tous, de Le Pen aux socialistes, pleinement partis. C’est selon moi la deuxième grande explication de l’abstention : quand vous vous rendez compte que les candidats disent globalement la même chose (même si certains sont plus libéraux que d’autres, veulent supprimer plus de services publics alors que d’autres se content de les tayloriser etc.), vous êtes tentés de vous demander pourquoi : alors vous vous rendez compte que cette homogénéité idéologique est liée à une homogénéité sociale : ceux qui prétendent vouloir nous représenter sont pour la plupart des citoyens fortunés qui sont parties liés avec l’univers social de la grande bourgeoisie française. Les épisodes comme l’affaire Pénélope Fillon ne sont que les révélateurs périodique de cette homogénéité sociale.
Or, comment faire confiance à des gens dont la distance sociale vis-à-vis du reste de la population est devenu si grand qu’ils ne vivent plus sur la même planète ? Quand on sait que dans le même temps, une bonne partie des programmes sont remplacés par une personnalisation croissante des candidatures (le cas ultime est celui de Macron, qui mise tout sur sa personnalité et tarde à publier son programme), comment s’étonner que les Français soient de plus en plus circonspects face à la démocratie représentative ?
Comment expliquez-vous que la classe populaire ou les classes populaires font l’objet d’un tel abandon et d’un tel mépris de la part de la classe politique française ?
D’abord parce que la classe populaire sont victime du mépris de classe usuel de la bourgeoisie, dont les membres éminents de notre classe politique font partis. Je parlais plus haut de leur rapport à l’argent, cela ne suffit évidemment pas pour leur décrire : ce sont des gens qui évoluent dans des cercles de notabilité où l’ouvrier et l’employé sont une figure floue et inconnue. Accentué par le séparatisme géographique parisien, cette distance avec la classe populaire peut se traduire par le mépris mais aussi par la négation : entre Science Po et la Sorbonne, on peut croiser des gens pour qui la classe ouvrière ça n’existe pas, qui pensent que leur réalité sociale n’existe que dans les romans de Zola et qui estiment sincèrement que le monde est composé de bourgeois. La classe populaire disparaît dans leur discours et dans leur préoccupation, et comment s’en étonner ? Même les membres de la classe populaire n’ont souvent plus conscience de former le groupe majoritaire ! 70% des gens qu’on voit à la télévision sont cadres et professions intellectuelles supérieures, alors que 60% de nos concitoyens sont ouvriers et employés !
Ensuite, il y a cette équivalence hâtive qui est faite entre électorat populaire et Front National : les ouvriers et les employés seraient devenus de bons fachos, des beaufs infréquentables. On a beaucoup parlé de cette note du think tank socialiste Terra Nova, qui concluait que les classes populaires ouvrières avaient des valeurs conservatrices et qu’il fallait donc plutôt miser sur les jeunes et les classes moyennes diplômés. C’est de la caricature éhontée, qui se base beaucoup sur cette idée que l’électorat ouvrier PCF serait devenu un électorat ouvrier Front National, à partir d’un « glissement » qui aurait eu lieu dans les années 1990. Bien que la plupart des travaux là-dessus aient démontré la fausseté de ce constat, il reste très répandu. Je crois que dans le fond il arrange bien la plupart des membres de la classe politique, qui ont trouvé là une raison valable de lâcher la classe populaire pour laquelle ils n’ont pas l’intention d’agir : qui veut faire une politique favorable à la classe populaire doit lutter contre les inégalités en sa défaveur et restaurer les protections qui la protégeaient de la précarité. Cela passerait par une ponction sur les revenus des riches et ça, la plupart de nos politiques ne peuvent s’y résoudre.
Lorsque que l’on vous lit, chacun des partis politiques en incluant l’extrême droite et gauche, aucune des formations politique ne semble trouver grâce à vos yeux ? Pourquoi ?
Nous avons écrit le livre entre les élections départementales et régionales : ces élections locales sont trustées par des militants désireux de sauver leurs sièges et de chipoter sur des petits fiefs. Ce n’est pas là que la politique française montre son meilleur visage, d’un bord à l’autre. A l’approche de présidentielle, des choses plus fortes se créent, car c’est l’élection reine où ceux qui veulent contester le système politique et économique peuvent jouer leur rôle, étouffés par la dimension gestionnaire des scrutins locaux.
Mais à présent, je suis agréablement surpris par le mouvement « France Insoumise ». Son affranchissement complet vis-à-vis du Parti Socialiste et de ses satellites permet à son leader, Jean-Luc Mélenchon, de pouvoir jouer sa propre partition et de pouvoir redonner de l’enjeu à notre vie politique. Le projet d’assemblée constituante me séduit : voilà un grand coup de balai qui ne tuera personne mais qui renouvèlera la démocratie représentative. C’est un moyen plutôt rationnel de mettre fin à une situation bloquée sans en arriver au chaos. Ensuite, on a enfin une force politique d’ampleur qui pense en dehors du logiciel libéral caractérisé par le couple compétitivité-union européenne, tout en donnant des perspectives excitantes comme la reconversion écologique. C’est rare qu’un candidat nous donne à voir autre chose qu’un simple nouveau mode de gestion du capitalisme mondialisé.
Mais c’est surtout dans le rapport à la classe populaire que je trouve qu’un grand progrès a été accompli par la France Insoumise : d’abord, Mélenchon parle des ouvriers dans ces discours, et pas de façon abstraite. Dans son discours de Tourcoing, j’ai trouvé remarquable et émouvant (parce que je n’avais pas entendu ça depuis bien longtemps) que le candidat parle des conditions de vie, des petites souffrances quotidiennes de ceux qui sont malades de leur pauvreté. Ensuite, on a pour la première fois une candidature de gauche qui ose braver le tabou du protectionnisme et dire haut et fort que non, faire produire des choses à l’autre bout du monde et dans n’importe quelle condition, ce n’est pas promouvoir l’amitié entre les peuples. Je pense qu’une telle mesure peut parler aux ouvriers et aux employés qui sont ceux qui subissent la mondialisation, tandis que la classe supérieure ne fait qu’en bénéficier.
Dans votre analyse, vous revenez sur le libre échange et la construction européenne comme éléments qui participent de cette crise politique ? Pouvez vous nous en dire davantage ?
Je peux vous répondre en vous parlant du CETA : son cas met bien en valeur les énormes défauts de ces deux processus. Le CETA (pour « Comprehensive Economic and Trade Agreement ») est un accord commercial entre l’Union Européenne et le Canada. Il contient plusieurs dispositions pour harmoniser les normes de production et de commercialisation dans tous les pays concernés de façon à rendre possible des échanges équitables entre ces pays. Un tel traité a des conséquences sur la législation de pays souverain, et les force à une adaptation pour favoriser ce « libre-échange ». Mais dans un accord de libre-échange, on s’aligne toujours vers le bas : car c’est le pays qui a le plus de normes sociales et environnementales qui devient le moins bon marché, et qui va « décourager l’investissement » comme disent les économistes. Contrairement à ce que son nom indique, la zone de « libre-échange » contraint les Etats à s’adapter, et restreint leur marge de manœuvre : toute législation qui défavoriserait les entreprises installés en France pourrait être attaqués en Justice. Un traité de libre-échange est donc un acte éminemment politique : telle une sorte de constitution commerciale, il définit ce dont on ne pourra plus discuter à l’avenir. Il constitue donc une limitation des souverainetés populaires.
En soi, cela n’a rien de scandaleux : un pays peut se contraindre à ne plus avoir de discussion sur une série de principe, comme le prévoit sa constitution. Mais ce qui est intolérable dans le cas du CETA et des traités commerciaux négociés et signés par l’UE, c’est qu’ils ne sont soumis à aucun processus démocratique : les institutions européennes ont agi avec discrétion et la seule instance démocratique qui s’est opposé au processus de ratification du traité – la Wallonie - a fini par être contrainte au silence et n’a obtenu aucun amendement majeur. Parce que dans le logiciel de l’Union Européenne, le CETA n’est pas un acte politique : c’est quasiment un acte bureaucratique, le prolongement d’une logique que la Commission Européenne a inscrite dans ses gênes depuis ses origines : la réalisation de l’utopie néolibérale de la libre-concurrence, qui contraint les Etats et les peuples à renoncer à leurs instances de régulation du capitalisme. Une aubaine pour les grandes entreprises qui sont dûment représentés à Bruxelles, où elles entretiennent une armée de lobbyistes.
Mais ce ne sont pas eux qui contraignent l’UE à tenir ce projet : sa logique le porte tout entier, et contribue à le retirer du débat démocratique.
Mais on aurait tort de considérer l’UE comme une instance autonome, sorte de démiurge aux caprices duquel on devrait se soumettre. Elle est investie de ce pouvoir de concrétisation du projet néolibéral d’affaiblissement de la démocratie et d’affranchissement du capitalisme par des dirigeants bien réels qui ont beau jeu ensuite de jouer les victimes. Nos politiques savent qu’il est payant électoralement d’afficher son scepticisme devant l’Union Européenne, mais ce sont bien eux, droite et socialistes compris, qui l’ont forgé et continuent de lui laisser toute latitude.
Et pour répondre à votre question, libre-échange et Union Européenne contribuent donc à retirer du débat démocratique nombre de questions essentielles. En faisant de nos dirigeants de simples exécutant d’un projet général qu’il est interdit de contester, ces deux processus conjoints contribuent à supprimer tout enjeu à leur élection et plus généralement à déposséder les citoyens de la politique.
Vous montrez que le clivage gauche droite s’est vidé progressivement de tout sens. Faut-il donner raison à Macron qui affirme que le vrai clivage repose sur progressiste et conservateurs et ouverture et repli ? Macron n’est il pas au contraire l’un des symptômes de la crise politique et de son aggravation plus que de sa résolution ?
Ce clivage ne s’est pas vidé de tout sens, il a été vidé de tout sens. Quand un gouvernement continue de se dire de gauche alors qu’il détruit le code du travail, oui ça contribue à brouiller les pistes. Un jeune qui aurait commencé à s’intéresser à la politique sous Hollande doit avoir bien du mal à définir les différences entre ces deux appellations. Encore hier j’entendais à propos du programme de Benoît Hamon qu’il était « très très à gauche » parce qu’il comptait donner 700€ à plein de monde : aux dernières nouvelles, la gauche ce n’était pas la charité, c’était le partage des richesses !
C’est du moins ainsi que ce clivage s’est construit tout au long du 20ème siècle, à une époque où le clivage droite-gauche faisait écho à un clivage de classe : sont de gauche ceux qui sont pour le partage des richesses et la classe ouvrière, de droite ceux qui estiment que la richesse des riches et la liberté des entrepreneurs profitent à tous. Il s’agit de deux positions intéressantes et à partir desquels il est encore possible de mener une discussion : les données du problème n’ont guère changé depuis le 19ème siècle, surtout qu’on est arrivé à une époque qui renoue presque avec le même niveau d’inégalité. La question écologique s’est ajoutée, mais elle se situe sur le même clivage : ou bien vous pensez que par des petits gestes et des entreprises plus « vertes » on va se sortir de ce bourbier climatique, et vous êtes de droite (vous croyez en la Responsabilité Individuelle, très bien), ou bien vous estimez que la collectivité doit s’organiser pour faire face à ce défi et qu’elle doit contraindre un minimum notre économie à s’adapter à cette course contre la montre, et vous êtes de gauche. Bon, si vous pensez qu’il n’y a pas de problème écologique, vous n’êtes ni de droite, ni de gauche, vous êtes aveugle ou malhonnête.
Donc ce clivage a un sens : il est une grille de lecture de notre débat politique et une façon de se situer. Ce n’est pas une frontière absolue et fixe dans le temps, les choses évoluent, bien entendu, mais il a un sens.
Mais quand tout une partie des politiques « de gauche » se mettent à faire la même chose que les politiques de droite et à tenir globalement le même discours, alors oui on n’y comprend plus rien. Et avec Thomas Amadieu on a tendance à penser qu’au point de confusion où on en est, autant trouver d’autres appellations sous peine de céder au chant des sirènes des candidats « de gauche » qui dans trois ans massacreront ce qui reste du code du travail en continuant de célébrer Jaurès et de chanter l’Internationale.
Alors quel autre clivage pouvons-nous utiliser en remplacement ? Macron en a trouvé un, très prisé des néolibéraux et autres gens de droite : « conservateurs repliés sur eux-mêmes » versus « progressistes ouverts sur le monde ». C’est bien pratique : vous pouvez contribuer à tuer des métiers et fermer des usines et être « progressiste » parce que vous aurez « ouvert sur le monde » votre économie, tandis que ces ouvriers qui n’ont pas le bon goût de voyager autant que vous vont devenir de fieffés « conservateurs » repliés sur eux-mêmes alors qu’ils devraient profiter de la mondialisation heureuse. C’est un beau lifting, qui va pouvoir permettre tout un tas de chose au nom du « progrès » et de « l’ouverture ». Bientôt, légaliser l’exil fiscal pourra se faire au nom du « progressisme » vous verrez : on ne va quand même pas être repliés sur nous-mêmes et tourner le dos aux gentils habitants des Îles Caïman quand même ?
Du coup, oui, Macron pousse la logique à l’œuvre dans notre vie politique jusqu’au bout : en détruisant le clivage droite-gauche en en amenant son nouveau clivage, il rend impossible toute discussion économique et social : ceux qui s’enchantent de la mondialisation heureuse, comme son ami Alain Minc, seront « progressistes » (alors qu’avant ils étaient tout simplement « de droite ») tandis que ceux qui luttent contre ses méfaits seront « conservateurs ». Notez le changement d’étiquette : avant la CGT pouvait dire qu’elle luttait « pour le progrès social », et avec Macron elle deviendra un syndicat « conservateur ». Le MEDEF se frotte les mains des prouesses marketing de Macron, car précisons que celui-ci pousse également à son paroxysme la logique de porosité sociale entre la grande bourgeoisie et les politiques. Lui-même rompu à l’art du pantouflage, Macron est soutenu par la génération montante du patronat français, des PDG de la French Tech londonienne qui ont participé à ses dîners de levée de fond à Patrick Drahi, patron de SFR Presse, qui lui a envoyé son meilleur lieutenant, Bernard Mourad, pour épauler sa campagne.
Face au constat que vous livrez, que préconisez-vous pour sortir de cette crise ou en atténuer ses effets ?
Dans le livre, nous prônions des aménagements institutionnels pour limiter la force du bipartisme et permettre le renouvellement de la classe politique. Depuis, comme je le développe dans mon prochain livre, Les Candidats du Système, qui sortira le 14 mars, je suis convaincu qu’on ne résoudra pas la crise politique sans résoudre la crise sociale : tant qu’une minorité de la population sera aussi riche, et à mesure que son pouvoir croîtra, nulle démocratie ne sera possible. L’ascension fulgurante de quelqu’un d’aussi liée à la finance et au patronat qu’Emmanuel Macron montre qu’une bourgeoisie puissante parvient toujours à imposer ses vues sur le destin de notre pays, et qu’elle sait même tirer parti de cette crise politique en investissant dans un produit marketing conçu pour donner l’illusion du changement. Ce pays a besoin d’un choc d’égalité pour redonner le pouvoir aux citoyens, sinon nous sommes condamnés à revivre tous les cinq ans les mêmes désillusions.